Texte intégral
Votre invité, Apolline DE MALHERBE, Stéphane TRAVERT ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation.
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Stéphane TRAVERT...
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous, vous passez vos journées en ce moment au Salon de l'agriculture, mais vous faites d'abord un petit passage par le studio de RMC et RMC DECOUVERTE. Demain ce sera la fin des négociations entre grande distribution et agriculteurs sur les prix, vous sortez des Etats généraux de l'alimentation, il y a eu beaucoup de promesses qui ont été faites, mais il n'y a toujours pas de loi, quand on voit l'urgence mise pour réformer la SNCF où on va passer avec des ordonnances on se dit que la rémunération des agriculteurs pour vous c'est quoi, ce n'est pas une urgence donc ?
STEPHANE TRAVERT
Si c'est une urgence, mais regardez ce que nous avons fait depuis six mois, jamais un gouvernement ou un président de la République n'avait décidé autant de choses en six mois. Nous avons fait les Etats généraux de l'alimentation, donc il fallait le temps de la concertation, de réunir tout le monde ; nous avons fait des plans de filières et nous avons fait le projet de loi, le projet de loi il est prêt, mais il...
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est toujours un projet, c'est ça ce que je veux dire, c'est que ce n'est toujours pas une loi ?
STEPHANE TRAVERT
Oui. Mais, vous le savez bien madame, il y a un calendrier parlementaire et le projet de loi il sera débattu à la fin du mois de mars, la loi sera votée avant l'été et mise en application dès la rentrée tout simplement.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour certains on voit bien qu'on estime qu'on peut passer par ordonnance, pour vous on se dit qu'on attend ?
STEPHANE TRAVERT
Mais nous aurons des ordonnances, il y aura des ordonnances. Il y aura des ordonnances sur un certain nombre de mesures, nous allons travailler sur la contractualisation, il y aura des ordonnances sur les promotions, il y aura des ordonnances sur un certain nombre de points sur la loi très précis qui nous permettront justement de faire en sorte que nous soyons prêts dès l'été pour que cette loi entre en application, et nous l'avons toujours dit aux agriculteurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur le fond des négociations, qui donc sont censées se terminer demain puisque c'est comme chaque année le dernier mercredi de février qu'il y a la fin des négociations sur les prix, est-ce que cette année vous pouvez dire aux agriculteurs qui sont inquiets - la présidente de la FNSEA disait qu'elle avait le sentiment d'être dans un poker menteur est-ce que vous pouvez leur dire : « oui on va s'assurer que tout le monde joue le jeu » ?
STEPHANE TRAVERT
Il va falloir s'assurer que tout le monde joue le jeu, parce que chacun vient avec ses chiffres, en disant que chacun est toujours plus vertueux que l'autre, et c'est pourquoi nous avons déclenché des contrôles supplémentaires - plus de 550 contrôles supplémentaires ont été diligentés pour vérifier si l'esprit de la charte que nous avions fait signer aux distributeurs, aux transformateurs et aux producteurs était bien respectée - c'est-à-dire des achats éthiques et responsables, et force est de constater que nous avons bien fait de faire ces contrôles parce que nous nous sommes aperçus que certains ne jouaient pas forcément le jeu, et donc nous avons appuyé, nous les avons reçus...
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites certains, c'est qui, puisque vous avez décidé de dénoncer et de faire le name and shame. ?
STEPHANE TRAVERT
Mais nous attendrons d'avoir... il faut attendre que les résultats des négociations commerciales soient terminés et, à ce moment-là, nous n'hésiterons pas sur le name and shame effectivement ou sur le name and fame pour...
APOLLINE DE MALHERBE
Name and shame, c'est-à-dire le fait effectivement de nommer ceux qui ne jouent pas le jeu ?
STEPHANE TRAVERT
De nommer ceux qui ne jouent pas le jeu ou alors dire : « ceux qui sont les plus vertueux et ceux qui auront permis à ce que cette étape de négociations de cette année se passe mieux que les années précédentes » parce qu'à partir de l'année prochaine il y aura la loi, il y aura un encadrement beaucoup plus stricte qui nous permettra d'aller de l'avant.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on est dans cette espèce d'année d'entre-deux justement...
STEPHANE TRAVERT
C'est ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Entre les engagements des Etats généraux de l'alimentation et la loi qui n'interviendra donc que l'année prochaine, la deadline pour le coup, le compte à rebours est lancé puisque c'est demain soir, est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez nous dire Stéphane TRAVERT que ces négociations sont conformes à l'esprit des Etats généraux de l'alimentation ?
STEPHANE TRAVERT
Aujourd'hui ces négociations ne sont pas totalement conformes avec l'esprit de la charte clairement, parce que nous avons encore trop de retours qui nous permettent de dire aujourd'hui qu'un certain nombre de grandes enseignes ou même de transformateurs n'ont pas forcément joué le jeu, chacun joue ce jeu de... Christiane LAMBERT parle de poker menteur, oui effectivement, mais nous avons besoin d'objectiver des chiffres et donc, parce que nous allons avoir l'ensemble des données, parce que nous aurons les résultats de l'ensemble des contrôles qui ont été menés, nous aurons la capacité de bien les objectiver et de pouvoir dire la réalité des choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Les inquiétudes des agriculteurs, ils l'ont exprimé face à Emmanuel MACRON samedi, ils expriment aussi face à vous dans les allées du salon...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
APOLLINE DE MALHERBE
Plusieurs points, au-delà évidemment de toutes les questions globales de pouvoir d'achat, un point sur le glyphosate, parce que là on a quand même le sentiment qu'il y a eu beaucoup de choses très floues, la sortie du glyphosate qui devrait se faire dans trois ans en France mais c'est cinq ans à l'échelle de l'Union européenne - et puis la question des exceptions, au départ on a eu le sentiment qu'il y aurait quelques exceptions, Nicolas HULOT parlait éventuellement de 5 % d'exceptions qui seraient donnés aux agriculteurs et puis là, tout d'un coup, Emmanuel MACRON a laissé filtrer le chiffre de 20 % d'exceptions quand il était face à des agriculteurs en tout cas l'un d'eux était à notre micro hier et il disait qu'il avait clairement entendu ce chiffre alors, c'est quoi la réalité ?
STEPHANE TRAVERT
Moi je n'ai pas entendu ce chiffre, mais nous avons nous avons toujours dit la même chose : pas d'interdiction s'il n'y a pas de substitution. Nous nous sommes donnés un délai de trois ans parce que la France elle veut aller de l'avant sur ce sujet et, donc, nous avons travaillé avec les agriculteurs - il y a un contrat de solutions qui est proposé d'ailleurs par le syndicat majoritaire la FNSEA - et nous allons accompagner les agriculteurs dans cette sortie progressive des produits phytosanitaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, attendez, si j'écoute bien ce que vous dites Stéphane TRAVERT, ça veut dire que si dans trois ans il n'y a pas de solution alternative alors vous n'interdirez pas le glyphosate ?
STEPHANE TRAVERT
Mais il ne s'agit pas... ça va au-delà du glyphosate, moi je vous parle des produits phytosanitaires. Si on parle précisément du glyphosate, le président de la République nous a donné trois ans, trois ans sur lesquels nous mobilisons la recherche, l'INRA, les instituts techniques pour trouver des solutions alternatives...
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on ne sait pas, quand on cherche on ne sait pas si on trouve.
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr, mais nous avons cette donnée de trois ans et dans trois ans si nous sommes en capacité d'avoir trouvé l'ensemble des solutions... vous savez le rapport de l'INRA, qui avait été donné sur ce sujet, disait qu'il n'y avait pas de solution clé en main, donc il faut trouver ces solutions à travers la rotation des cultures, à travers le changement des pratiques agronomiques - et nous allons travailler là-dessus en accompagnant les agriculteurs et donc verrons dans trois ans où nous en serons, mais le président là-dessus a toujours été clair...
APOLLINE DE MALHERBE
Nous verrons dans trois ans où nous en serons, donc ça veut dire que...
STEPHANE TRAVERT
Mais pas d'interdiction s'il n'y a pas de substitution et c'est toujours la ligne que nous avons tenue...
APOLLINE DE MALHERBE
S'il n'y a pas de substitution...
STEPHANE TRAVERT
Il y a une trajectoire à construire, nous travaillons avec les agriculteurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Sil faut plus de temps pour trouver une alternative, alors vous rallongerez la durée de réflexion ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien évidemment, parce que nous avons besoin de ce temps pour mobiliser la recherche, mais ce que j'espère surtout c'est que nous tiendrons ces délais - et je sais que là-dessus je peux compter sur l'engagement complet de l'ensemble des instituts techniques et de l'INRA...
APOLLINE DE MALHERBE
Vous visez trois ans...
STEPHANE TRAVERT
Bien évidemment.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si dans trois ans il n'y a pas d'alternative au glyphosate, vous maintiendrez le glyphosate ?
STEPHANE TRAVERT
Mais sur un certain nombre de structures, bien évidemment il y aura à faire des choix parce que cette durée de trois ans elle nous emmène, elle nous porte vers le haut.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un objectif que vous vous fixez...
STEPHANE TRAVERT
C'est un objectif !
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce n'est pas un couperet ?
STEPHANE TRAVERT
C'est un objectif, ce n'est pas un couperet, puisque s'il n'y a pas de substitution il n'y a pas d'interdiction.
APOLLINE DE MALHERBE
Mercosur ça vient aussi un mot, un nom qui presque devient le synonyme de l'angoisse aussi pour beaucoup d'agriculteurs, ce sont ces négociations d'accords commerciaux avec l'Amérique du Sud, est-ce que vous pouvez aujourd'hui nous dire que malgré l'avancée des négociations avec le Mercosur nos agriculteurs seront protégés d'une forme de concurrence sur des produits qui ne sont pas des produits de qualité ?
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr que nous agriculteurs seront protégés, mais parce que nous protégeons notre filière bovine, nous souhaitons la porter et la tirer vers le haut.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites bien sûr, mais enfin ça ne va pas de soi quand même ?
STEPHANE TRAVERT
Mais vous savez... d'abord les accords avec le Mercosur ils ne sont pas encore signés et, si d'aventure ils étaient signés, il y a une mise en application qui se fait au bout de cinq à six ans, donc pas avant 2024 s'ils sont signés ici dans l'année. Mais, nous, nous avons posé des conditionnalités, des lignes rouges - comme nous avons appelé ça à la fois sur le contingent...
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que Bruxelles pourrait nous l'imposer ?
STEPHANE TRAVERT
Mais Bruxelles aujourd'hui nous sommes dans le dialogue avec eux, nous avons avec Phil HOGAN un dialogue régulier et singulier sur lequel nous nous appuyons pour passer nos messages et le président de la République fait de même avec Jean-Claude JUNCKER.
APOLLINE DE MALHERBE
Stéphane TRAVERT, l'avenir c'est le bio ?
STEPHANE TRAVERT
Le bio fait partie de l'avenir pour l'agriculture, parce que...
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, attention, fait partie de l'avenir, est-ce que l'avenir c'est le bio, c'est la phrase de Nicolas HULOT qui était en une du Journal Du Dimanche ?
STEPHANE TRAVERT
Le bio est un mode de production aujourd'hui sur lequel nous souhaitons porter un effort particulier. Mais vous le savez en France il y a des modèles agricoles, nous avons une agriculture diverse, riche - et c'est ce qui fait sa spécificité et c'est ce qui fait...
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas le seul avenir, alors ?
STEPHANE TRAVERT
Mais il y a le bio et moi je suis le premier défenseur de la culture biologique pour porter l'exigence de nos concitoyens et des consommateurs - mais je défends aussi ces modèles qui produisent de la qualité, les signes de qualité, les labels, les labels rouges comme nous en avons beaucoup, la France est riche de ces modèles agricoles et de sa diversité.
APOLLINE DE MALHERBE
Le label bio il coûte 500 euros par an aux agriculteurs ou à ceux qui veulent avoir le label, c'est normal ?
STEPHANE TRAVERT
Nous allons porter un plan sur l'agriculture biologique dans les prochaines semaines, il faudra travailler. Mais vous savez cet accueil des charges très, très précis, c'est un travail difficile pour tenir le label bio, mais nous avons besoin de le conforter et nous avons surtout besoin que les agriculteurs s'engagent sur le bio.
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai une dernière question, Stéphane TRAVERT, Nicolas HULOT il donne des conseils aux agriculteurs en leur disant que l'avenir c'est le bio mais il ne va pas les voir, il ne sera pas au Salon de l'agriculture, vous trouvez ça normal ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez-moi j'accueille le Premier ministre dans quelques minutes, Jean-Michel BLANQUER, moi je... posez la question à Nicolas HULOT, mais, s'il décidait de venir, il serait effectivement très, très bien reçu et j'aurais grand plaisir à l'accompagner sur...
APOLLINE DE MALHERBE
On entend bien, vous vous dites qu'il aurait sa place au Salon de l'agriculture ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien évidemment, mais tous les ministres ont leur place, j'accueille Jean-Michel BLANQUER tout à l'heure, il y aura...
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ils y vont tous sauf lui ?
STEPHANE TRAVERT
Ils n'y vont pas tous, ils sont un certain nombre à... ils n'y vont pas tous, mais ils sont un certain nombre à y aller et je les accueille tous avec grand plaisir parce que le Salon de l'agriculture c'est d'abord le salon où le ministre de l'Agriculture doit être là...
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'en avez pas marre des simagrées de Nicolas HULOT, Stéphane TRAVERT ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez-moi je fais mon travail, je suis dans la mission confiée...
APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, vous, vous y êtes.
STEPHANE TRAVERT
Et moi j'y suis, parce que c'est important et parce que c'est la place du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez continué à laisser la porte ouverte, en disant : « s'il y va, je serai là pour l'accompagner » ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien évidemment.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup Stéphane TRAVERT d'avoir été avec nous ce matin.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er mars 2018