Texte intégral
* Séance plénière du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
9 mai 1994
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de me trouver aujourdhui parmi vous, pour ouvrir vos travaux.
J'aurais souhaité vous réunir en 1993. Les circonstances ne l'ont pas permis. Mais je
tiens à rappeler tout le prix que j'attache à votre mission, telle qu'elle a été
définie par la loi du 30 juin 1975, qui a institué le Conseil national Consultatif des
Personnes handicapées : "assurer la participation des personnes handicapées à
l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de solidarité nationale les
concernant".
Les avis que le Conseil est appelé à formuler sont d'autant plus précieux qu'il
rassemble à la fois des associations regroupant les personnes handicapées, des
Organismes finançant leur protection sociale et développant des actions de recherche
dans le domaine du handicap et des organisations syndicales et patronales.
Le Conseil est ainsi un cadre naturel d'expression et de concertation et une
institution qui permet d'éclairer les pouvoirs publics sur tous les aspects de la
politique en faveur des personnes handicapées.
C'est pourquoi, je verrais un grand intérêt à ce qu'il se réunisse plus fréquemment.
Mon emploi du temps ne me permet malheureusement pas d'assister aujourd'hui à
l'ensemble de vos travaux.
Aussi, j'ai choisi de consacrer ce moment privilégié de rencontre, d'abord à apporter
des éléments de réponse à des problèmes évoqués avec vous au cours des derniers mois ;
ensuite et surtout à être à l'écoute de l'ensemble de vos préoccupations, dans le
cadre d'un échange franc et direct avec les interlocuteurs avisés et responsables que
vous êtes.
J'ai voulu ce large débat en ouverture, car les éléments de réponse et les pistes de
travail que je vais évoquer ne prétendent pas épuiser le champ de vos réflexions, ni
la liste des sujets que vous désirez aborder.
Cet échange liminaire est d'autant plus nécessaire, qu'en accord avec votre président,
j'ai souhaité que la suite de vos travaux se concentre sur un ordre du jour précis.
qui concerne les adultes handicapés.
De prochaines réunions du Conseil permettront de réfléchir sur des sujets comme le
multihandicap, l'autisme chez les enfants et les adultes ou la prévention du handicap,
qui me tiennent particulièrement à coeur.
Permettez-moi enfin, de rappeler quelles données il convient de garder à l'esprit dans
le déroulement de cette réunion. D'une part, nous devons prendre en considération les
contraintes économiques et budgétaires du moment, qui renforcent la nécessité de
cerner les priorités de notre action.
D'autre part, sur la base des conséquences que nous avons à tirer des programmes
récemment achevés, nous nous devons d'avoir une réflexion renouvelée qui enrichisse
nos points de vue et concoure à l'amélioration des politiques publiques en faveur des
personnes handicapées.
Je voudrais donc évoquer trois sujets sur lesquels vous avez appelé spécialement mon
attention.
1) L'évaluation de l'application du nouveau guide de mesure des déficiences et
incapacités.
Permettez-moi, avant toute chose de saluer la mémoire de Monsieur le Docteur TALON,
Inspecteur général des Affaires Sociales, qui est décédé en mars dernier et dont les
travaux ont permis l'élaboration de ce barème.
Ce nouvel outil d'évaluation, que vous avez adopté à l'unanimité lors de votre
dernière réunion, est entré en vigueur le 1er décembre 1993, accompagné d'un
dispositif de formation à son utilisation.
Le constat de l'incapacité de la personne et l'évaluation de ce taux d'incapacité
constituent toujours par les droits ouverts et l'orientation qui en découle, un moment
décisif dans la vie de la personne handicapée.
Ce barème doit, par conséquent, être regardé comme une réforme majeure dans le secteur
du handicap.
Dans ces conditions, je partage avec vous le souhait qu'une évaluation de
l'application de cet outil soit réalisée.
Le barème est désormais l'instrument de travail de référence des COTOREP.
Je voudrais élargir mon propos à ces organismes qui font l'objet de nombreuses
remarques en raison des dysfonctionnements constatés.
Mon collègue, Mr GIRAUD, Ministre du travail, de l'Emploi et de la Formation
Professionnelle a présenté, à l'occasion de la réunion du Conseil Supérieur pour le
Reclassement Professionnel et Social des travailleurs handicapés du 18 mars dernier,
un projet de circulaire préparé par la délégation à l'emploi et la direction de
l'action sociale relative à la modernisation des COTOREP.
Je vous invite, si vous l'estimez nécessaire, à enrichir de vos suggestions ce texte
qui reprend, pour l'essentiel, les conclusions du rapport Carcenac.
Parallèlement, je souhaite que vous vous exprimiez sur l'élargissement de la
représentation des Conseils Généraux au sein des COTOREP.
Je propose, en effet, cette évolution dans leur composition en égard au rôle que
jouent depuis les lois de décentralisation, les collectivités départementales vis-à-
vis des personnes handicapées et aux financements qu'elles y consacrent à travers
l'allocation compensatrice, les services et établissements d'hébergement des adultes.
2) Les difficultés d'une vie autonome à domicile pour les handicapés
Avant d'échanger sur ce thème, je souhaite vous faire part des décisions que le
gouvernement a prises et qui ont pour objet d'améliorer le cadre de vie des personnes
handicapées ; elles s'adressent d'ailleurs plus largement à toutes les personnes
souffrant d'une mobilité réduite du fait de l'âge ou d'une gène temporaire ou
permanente. Ainsi,
. à partir du 1er août 1994, toutes les demandes de permis de construire ou
d'autorisations de travaux concernant les établissements recevant du public seront
soumises à une vérification préalable du respect des normes d'accessibilité qui ont
été améliorées par rapport à celles fixées en 1978 ; une visite de conformité
précédera leur ouverture au public ;
. afin de mettre en oeuvre ces mesures, l'information et la formation des
professionnels seront adaptées : à la rentrée de 1994, un enseignement des règles
d'accessibilité sera organisé dans les écoles d'Architecture, de Travaux publics de
l'Etat et des Ponts et Chaussées et son inscription effective dans les programmes
vérifiée ;
. un fonds interministériel pour l'accessibilité des bâtiments ouverts au public et
propriété de l'Etat est créé et doté, dès 1994, de 21,7 millions de francs, soit un
doublement du volume des crédits consacrés aux travaux d'accessibilité par les
administrations de l'Etat; la circulaire concernant ce fonds paraîtra prochainement ;
. le thème de l'accessibilité sera intégré dans le programme de recherche et de
développement pour l'innovation et la technologie dans le transport terrestre
(PREDIT), qui débutera en 1995 ;
. les textes régissant les cahiers des charges des véhicules de transport collectif
terrestre devront prendre en compte l'impératif de l'accessibilité ;
. une convention pluriannuelle sera proposée à la région d'Ile de France pour la mise
en accessibilité des transports collectifs ferrés ; d'ores et déjà, les moyens
financiers mobilisables par le syndicat des transports parisiens pour ces aménagements
sont presque triplés en 1994 par rapport à 1993.
Plus largement, tout projet urbain ou de transport en commun devra observer le
principe de l'accessibilité. Enfin, il est souhaitable que les collectivités
territoriales et les établissements publics privilégient aussi cet objectif.
De ce point de vue, j'ai demandé à mes services de préparer une circulaire rappelant
ce principe aux établissement hospitaliers.
Par ailleurs, ces dispositions relatives à l'accessibilité devraient être confortées
par un recours accru aux aides techniques, permettant de développer l'autonomie et
l'intégration dans la vie sociale.
Un groupe de réflexion a été installé dans cette perspective, afin d'analyser les
besoins quantitatifs et qualitatifs et de développer l'information et le conseil des
personnes handicapées.
3) Les difficultés de fonctionnement des établissements
C'est un sujet sur lequel vous m'interpellez et les élus avec vous avec vivacité. Je
souhaite donc vous dire dès maintenant quelques mots qui faciliteront, je l'espère,
notre dialogue.
. en ce qui concerne les centres d'aide pour le travail d'abord.
Vous le savez, j'ai pris l'initiative avec le Ministre du Budget, de faire procéder à
une mission d'Inspection confiée conjointement à l'Inspection Générale des Finances et
à l'Inspection Générale des Affaires Sociales.
Vous en connaissez les résultats.
Les situations sont disparates d'un établissement à l'autre et d'un département à
l'autre.
Les enquêteurs proposent, par conséquent, de procéder à un examen des comptes et des
budgets selon une logique de budget "base zéro" et à la révision concomitante de
toutes les conventions qui les lient à l'État. C'est la tâche prioritaire sur laquelle
les services vont concentrer leur action avec l'aide d'une mission.
Cependant, dès maintenant, les situations les plus aiguës seront examinées, au cas par
cas, afin qu'aucun établissement ne ferme en raison de l'insuffisance des moyens
financiers nécessaires à son fonctionnement.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a annulé des articles du décret du 30 décembre 1985
sur lesquels reposaient la tarification actuelle des C.A.T. De ce fait, j'envisage,
comme vous le suggérez, de faire valider par le Parlement une base de tarification
pour ces établissements distinguant le budget social du budget de production.
Cette circonstance me paraît devoir être utilisée pour réfléchir aux missions de ces
structures et aux besoins qu'elles doivent satisfaire.
- en ce qui concerne les établissements pour adultes lourdement handicapés, ensuite,
il nous faut préciser, dans les plus brefs délais, le statut des foyers à double
tarification dont l'existence repose sur des bases très fragiles. Vos réflexions, vos
suggestions seront les bienvenues.
Enfin. je tiens à remercier les associations qui ont participé au groupe de travail
relatif aux conditions d'accueil des personnes multihandicapées.
Les propositions formulées dans le rapport Bordeloup, du nom du membre de l'inspection
Générale des Affaires Sociales qui a présidé ce groupe, font l'objet d'une étude
attentive de mes services. Les propositions comme les résultats de l'étude seront
soumis à l'avis du Conseil. Ainsi, le travail des membres du groupe ne demeurera pas
sans suite.
Avant de vous laisser la parole, je voudrais, Monsieur le Président, vous remercier
d'avoir accepté qu'un temps de cette réunion soit consacré à un échange de vues sur
l'ensemble des préoccupations des personnes handicapées elles-mêmes, de ceux qui les
entourent, les soutiennent et les accompagnent qu'il s'agisse des parents, des
gestionnaires, des personnels, des financeurs ou des chercheurs.
Je vous exprime mes voeux pour un excellent déroulement de vos travaux qui fécondent
notre réflexion et nos initiatives au bénéfice des personnes handicapées.
* Premières assises européennes : Handicap moteur et vie à domicile
organisées par lAssociation des Paralysés de France
Unesco Paris - 2 juin 1994
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
En dépit d'un emploi du temps chargé, j'ai tenu à vous rejoindre pour partager
quelques instants des premières Assises européennes que vous consacrez au thème du
handicap moteur et de la vie à domicile.
Je souhaitais, par ma présence ici, témoigner de l'attention soutenue que je porte
l'égard des personnes handicapées, de leurs préoccupations et de leurs projets.
Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de m'avoir convié à ces Assises tout
en vous demandant de m'excuser d'en avoir bouleversé le programme, étant contrainte de
me rendre à l'Assemblée Nationale pour la présentation du projet de loi sur la
famille.
Je veux aussi vous rendre hommage, et à travers vous, à tous ceux qui composent
l'Association des Paralysés de France, pour avoir organisé cette journée.
Elle est la conclusion temporaire d'un très important travail de terrain mené par les
délégations départementales.
Elle est aussi conçue à l'échelle européenne. Vous connaissez ma sensibilité à cette
dimension. Celle-ci permet de mieux se connaître, d'avoir des échanges intéressants,
d'engager des collaborations. Dans tous les cas, elle enrichit notre réflexion et, par
conséquent, la cause des handicapés.
Le programme retenu est substantiel. Il se fonde sur les résultats d'un sondage
national, qui montre bien l'adhésion des Français à l'idée que les handicapés doivent
pouvoir vivre à domicile. Ce qui rejoint la revendication formulée par les personnes
ayant un handicap moteur, puisqu'elles souhaitent avoir le droit de choisir leur mode
de vie et notamment de celui de vivre à domicile.
Un tel choix est significatif, car il concerne beaucoup de personnes ; si, en effet,
les progrès médicaux, nos conditions de vie, la mise en place de programmes de santé
ont contribué à réduire les handicaps, ces mêmes facteurs ont permis d'arracher à la
mort des blessés graves et d'accroître l'espérance de vie des personnes handicapées.
Il nous faut donc parallèlement poursuivre nos actions de prévention du handicap,
encourager la recherche médicale et contribuer à l'amélioration des conditions de vie
des personnes handicapées.
Les résultats de ce sondage m'incitent à évoquer les conditions matérielles
nécessaires pour que la personne handicapée vive à domicile et la part des
responsabilités que les pouvoirs publics doivent assumer, tout en rappelant que ces
conditions ne sont pas suffisantes. La vie à domicile repose, de mon point de vue, sur
d'autres éléments non moins importants, qu'il me paraît utile d'évoquer.
I - Une vie autonome à domicile dépend de la satisfaction de plusieurs besoins
matériels.
Le premier est celui des revenus : ils peuvent encore aujourd'hui être jugés
insuffisants, en particulier pour les personnes dont les prestations, provenant de la
collectivité, constituent leurs ressources exclusives.
Leur montant a cependant été notablement accru et conforté par une nouvelle
prestation, "le complément d'allocation aux adultes handicapés", désormais inscrite
dans la loi.
Son taux a été fixé par un décret, récemment paru, à 16 % du montant mensuel de
l'allocation principale. L'ensemble des prestations doit pouvoir être perçu le plus
rapidement possible. C'est pourquoi, avec mon collègue, Michel GIRAUD, Ministre du
travail, de lemploi et de la formation professionnelle, nous attachons du prix à ce
que, dès 1994, non seulement l'accueil des personnes handicapées par les personnels
des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel soit
amélioré, mais aussi à ce que les délais d'instruction des dossiers soumis à ces
organismes soient notablement réduits.
Le deuxième besoin est constitué par les aides personnelles humaines et techniques.
Votre association, Monsieur le Président, est légitimement attachée à la pérennité et
au développement des services d'auxiliaires de vie que vous avez contribué à créer.
Je sais vos difficultés et vos espoirs : pour ce qui le concerne, l'Etat maintiendra
son financement à ces services en 1995. Par ailleurs, nous explorons, avec les
représentants des collectivités départementales, le domaine fort complexe et délicat
de la clarification des compétences dans le champ du handicap. Laissons à cette
réflexion le temps d'aboutir.
Cependant, l'aide humaine est toujours limitée dans le temps et doit être associée aux
aides techniques. Vous connaissez bien les enjeux de ces aides.
Le groupe de réflexion que j'ai mis en place sur ce thème poursuit activement ses
travaux. Il s'efforce de définir les besoins réels des personnes, aujourd'hui
insuffisamment étudiés. Il cherche aussi à définir les conditions de promotion d'une
information fiable et d'un conseil neutre et de qualité, car les équipements proposés
sont multiples, parfois de conception trop sommaire ou à l'inverse trop sophistiquée
et d'un coût encore prohibitif.
Enfin, je suis très attentive au déroulement de l'expérimentation consistant à
installer dans un certain nombre de sites une cellule d'insertion sociale dotée d'un
simulateur d'appartement, afin de déterminer l'ensemble des adaptations et aides
techniques ou humaines nécessaires à la personne handicapée pour retourner à son
domicile.
Les témoignages entendus à l'émission de télévision diffusée la semaine dernière,
"Handicapés : vivre après l'accident", illustrent, avec quelle émotion retenue, les
difficultés relevées par la personne handicapée à son retour chez elle. Ceux-ci
soulignent aussi la nécessaire écoute que les personnels des établissements de
réadaptation doivent à ceux qui souffrent et qui doivent vivre désormais autrement.
Ainsi que l'ont aussi exprimé à plusieurs reprises les participants à cette émission,
la vie à domicile ne doit pas être synonyme d'isolement, de solitude et d'obstacle à
la vie sociale.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris des décisions destinées à
répondre à un troisième besoin, susceptible d'éviter que la vie à domicile empêche une
vie sociale : l'amélioration de l'accessibilité du cadre bâti et des transports.
Ces décisions intéressent en tout premier lieu les personnes handicapées, mais aussi
les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants, les accidentés comme les
malades, aux symptômes non apparents, à l'instar de ceux qui souffrent de
complications cardiaques ou respiratoires.
Ainsi, dans quelques semaines, toutes les demandes de permis de construire ou
d'autorisations de travaux concernant les établissements recevant du public seront
soumises à une vérification préalable du respect des normes d'accessibilité ; celles-
ci ont été, au surplus, améliorées par rapport à celles qui avaient été fixées en 1978
; une visite de conformité précédera leur ouverture au public.
Puis, à la rentrée 1994, un enseignement des règles d'accessibilité sera organisé dans
les écoles d'Architecture, de Travaux publics de l'Etat et des Ponts et Chaussées et
son inscription effective dans les programmes sera vérifiée.
Enfin, un fonds interministériel, se mettra en place pour l'accessibilité des
bâtiments ouverts au public et qui sont la propriété de l'Etat. Il est doté de 21,7
millions de francs, soit un doublement du volume des crédits consacrés aux travaux
d'accessibilité par les administrations de l'Etat par rapport à 1993.
En même temps, des mesures sont prises pour que les transporteurs collectifs
respectent désormais le principe de l'accessibilité.
II Cependant, si ces conditions matérielles sont nécessaires à la mise en oeuvre
effective d'une vie autonome à domicile, elles ne sont pas suffisantes pour la rendre
harmonieuse.
- La vie à domicile repose, en effet, largement sur la famille. C'est une institution
essentielle, qui me tient à coeur parce que, pour l'enfant et l'adolescent, elle est
le lieu de construction de l'identité personnelle et sociale.
Elle est aussi le lieu où l'on se sent bien et protégé. La personne qui devient
handicapée y trouve un soutien irremplaçable, qu'il soit matériel, moral ou affectif.
Je ne peux m'empêcher, à cet instant, d'évoquer la mémoire d'A. Trannoy, fondateur de
l'Association des Paralysés de France, dont le pilier, dans sa vie, a été sa famille.
Et c'est légitimement que, dans la charte des droits et des devoirs des personnes
atteintes d'une déficience motrice, dont le contenu est particulièrement intéressant,
vous avez affirmé le droit de créer sa propre famille, de développer et d'entretenir
des relations familiales, affectives et amicales.
- La vie à domicile et la participation active des personnes handicapées à la vie
collective reposent aussi sur l'évolution des mentalités.
A cet égard, l'école est le terrain privilégié de l'intégration des enfants
handicapés. Elle est le lieu ou s'élaborent et se mettent en jeu les valeurs que l'on
accorde à l'être différent. Nous avons le devoir d'être attentif à ce qui s'y joue et
d'accompagner cette maturation vers l'intégration.
Les mentalités à l'égard de la personne handicapée, ont fort heureusement évolués,
mais il nous faut, néanmoins, être attentif au regard posé sur l'autre, réfléchir
réellement à la place que nous sommes prêts à lui reconnaître, à surmonter
l'appréhension que l'on éprouve parfois vis à vis d'un être différent.
Mais j'incite, parallèlement, les personnes handicapées ou leurs représentants, à
recourir aux possibilités légales qui leur sont données de faire condamner les
pratiques discriminatoires et inacceptables qui sont constatées dans la vie
quotidienne en raison de leur état de santé ou de leur déficience.
Enfin, les personnes handicapées ne sont pas dépourvues - et c'est bien ainsi - de
moyens de représentation vis à vis des pouvoirs publics.
Les associations, l'Association des Paralysés de France, en particulier, sont
efficaces et dynamiques. L'Association des Paralysés de France sait, de surcroît,
faire place aux bénévoles, les mobiliser dans un domaine où ce mode d'intervention est
moins systématique que dans celui du caritatif et de l'humanitaire.
- La vie à domicile, c'est enfin l'apprentissage de l'autonomie, de la maîtrise de la
conduite de son existence avec ce qu'elle comporte d'acceptation que certains désirs
ne soient pas réalisables, de dépassement de sa souffrance physique et morale.
C'est aussi forcer sa solitude, retrouver des repères après l'accident, retourner dans
la vie sociale, y valoriser sa propre image à travers ce qu'il y a de plus humain dans
l'homme : sa pensée et sa parole libres.
Dans cet effort quotidien et sans cesse renouvelé pour bâtir votre vie, pour qu'elle
soit harmonieuse et fraternelle, je suis à vos côtés comme le sont aussi, je n'en
doute pas, vos familles, vos amis, les bénévoles, les professionnels et les
associations pour faire respecter vos droits, favoriser votre intégration, et votre
liberté de choix de mode de vie.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, permettez moi de vous offrir mes
meilleurs voeux de succès pour la suite de vos travaux.
Je vous remercie de votre attention.
* Congrès de lUnion Nationale des Association de Parents et Amis de Personnes
Handicapées Mentales Dijon le 4 juin 1994
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse dêtre, de nouveau, parmi vous.
Cest un rendez-vous, quà titre personnel, je ne souhaitais pas manquer, car, au sein
de votre association,jéprouve ce quil y a de plus précieux, dans une communauté
humaine : le sens de lentraide et celui de lengagement.
Cest aussi un devoir de ma charge car, par ma présence, je veux témoigner de
limportance que le Gouvernement attache à la politique en faveur des personnes
handicapées.
Le thème que vous avez choisi pour votre congrès est celui de la citoyenneté.
Je voudrais saluer son actualité et sa pertinence au moment même à notre porte, des
ombres inquiétantes planent sur la démocratie, lieu naturel dexpression le plus
achevé de la citoyenneté, qui sefforce de sélargir et de saffirmer aux dimensions
de lEurope.
Cest autour de ce thème que je souhaite vous présenter mes réflexions et apporter
quelques réponses aux questions qui nourrissent vos craintes. Celles-ci sont le reflet
de vos légitimes préoccupations de parents denfants et dadultes particulièrement
vulnérables, dans un monde complexe et incertain.
Car la citoyenneté de la personne handicapée est inscrite au coeur même de la loi du
30 juin 1975 et le Gouvernement entend poursuivre et façonner cette citoyenneté.
Dabord, en favorisant laccueil de la personne handicapée mentale dans la vie
sociale.
Ensuite, en lui permettant de se réaliser, grâce à la mobilisation de toutes les
solidarités.
Enfin, en lui proposant dêtre acteur du projet social.
I Favoriser laccueil de la personne handicapés mentale dans toutes les
manifestations de la vie collective, cest le premier axe de la politique
dintégration quil nous faut poursuivre sans relâche.
- Cette volonté dintégration dit se manifester à tous les âges de la vie et dabord à
lâge le plus précoce, au moment où se fixe la destinée de lindividu au sein de cette
institution irremplaçable quest la famille.
Vous le le savez, le Parlement débat actuellement du projet de loi sur la famille,
dont l'objectif central est de permettre le développement harmonieux des familles.
Votre Présidente, Madame WAHL m'a rappelé récemment vos préoccupations touchant à
l'accueil du jeune enfant handicapé.
Une enquête sera menée sur ces pratiques d'accueil et il nous faudra remédier à celles
qui contreviendraient à nos valeurs essentielles et aux principes posés par la loi.
Mais sans attendre, il nous faut sans doute mener une réflexion sur l'amélioration des
interventions professionnelles précoces, afin qu'elles soient plus adaptées. plus
humaines.
Cela signifie qu'elle doivent s'orienter vers plus d'écoute, plus de soutien et plus
d'accompagnement des parents, vers une meilleure coordination des disciplines et des
services, tout autant que vers une meilleure sensibilisation et formation des
professionnels médicaux et para-médicaux aux profondes et difficiles réalités du
handicap.
- Construire sa citoyenneté, c'est aussi faire l'apprentissage de son émancipation
d'avec sa famille.
L'école est à cet égard un lieu irremplaçable de socialisation, le lieu d'éducation à
la vie collective.
L'école constitue aussi, ainsi que vous avez eu l'occasion de l'exprimer Madame la
Présidente, la première épreuve de socialisation ; dès lors qu'elle est passée avec
succès, elle permet d'espérer qu'en d'autres lieux, se mettent en oeuvre d'autres
actions d'intégration.
En ce sens, elle est aussi facteur d'épanouissement pour l'enfant et ses parents.
Parce qu'enfin, l'intégration scolaire façonne l'évolution des mentalités vers une
plus grande tolérance, mon département ministériel a poursuivi la mobilisation de
moyens financiers d'accompagnement indispensables à la réussite de cette entreprise.
Ainsi, en dépit des tensions sur le budget de l'assurance maladie, des crédits
supplémentaires ont été affectés, cette année, à la mise en place de services de
soutien aux familles et d'intégration scolaire.
- Bâtir sa citoyenneté, c'est aussi ne pas ignorer l'évolution naturelle de l'enfant
vers l'état d'adulte, car je ne doute pas que, le moment venu, la personne handicapée
veuille et doive être regardée comme un adulte.
A cet égard, ma préoccupation constante et forte est de rechercher, avec vous, des
réponses appropriées au devenir de ces jeunes adultes maintenus en institut médico-
éducatif au titre de l'amendement Creton.
De même, entrent dans le champ de mes réflexions, non seulement la question du
vieillissement précoce, notamment pour les personnes travaillant en secteur protégé,
mais également les conséquences de la population handicapée âgée qui sera de plus en
plus importante au début du prochain siècle.
Nous devons réfléchir à ces évolutions. Votre inquiétude pour l'avenir de vos enfants
me touche à titre personnel : mais il est aussi de la responsabilité des pouvoirs
publics d'anticiper ces progressions.
II - Permettre à la personne handicapée de se réaliser grâce à la mobilisation de
toutes les solidarités.
. Cela veut dire, en premier lieu, être reconnu dans sa différence et dans ses besoins
spécifiques.
Votre journal "Vivre ensemble" a publié récemment un dossier sur le guide de mesure
des déficiences et des incapacités, entré en vigueur le 12 décembre 1993, et destiné
aux commissions départementales. notamment, chargées d'apprécier te taux d'incapacité
des personnes.
Il soulignait que l'ensemble des parents pouvait se réjouir de la mise en oeuvre de ce
nouvel outil, qui tendra à satisfaire le besoin d'égalité de tous les citoyens, tout
en conservant aux commissions le pouvoir d'apprécier les situations individuelles.
Je veux ajouter, qu'en 1994, les Commissions Techniques d'Orientation et de
Reclassement Professionnel, qui jouent un rôle essentiel dans la vie de la personne
handicapée adulte, seront modernisées et leur composition remodelée pour tenir compte
des conséquences des lois de décentralisation.
. Cela signifie, en deuxième lieu, être aidé et soutenu dans sa différence.
Contrairement à ce que je lis ou ce que j'entends ici ou là, la crise de l'Etat-
Providence, les menaces qui pèsent sur la redistribution collective n'ont pas infléchi
l'effort financier fourni par l'Etat, les collectivités et les organismes en faveur
des personnes handicapées.
Son importance souligne, en tout état de cause, la place prioritaire que la société
réserve à ses citoyens les plus vulnérables. Cet effort s'exerce sous le regard
vigilant de tous ceux qui se sont battus pour préserver un dispositif de protection
sociale spécifique. ambitieux et diversifié.
C'est aussi un dispositif, pourquoi ne pas le dire, généreux, puisque d'autres groupes
sociaux effectuent des démarches pour manifester leur revendication d'un statut et
d'une identité de personne handicapée.
. Votre inquiétude, que je comprends, d'une part, ces dérives, d'autre part,
m'incitent à vous inviter à conduire une réflexion renouvelée, qui enrichisse nos
points de vue et féconde une action responsable, concertée et imaginative.
. Ce faisant, je vous engage à conserver le sens du possible dans une société en crise
où les contraintes budgétaires sont vives. Celles-ci, je le sais, fragilisent la
situation des établissements et provoquent des rapports parfois contrastés entre les
associations gestionnaires et lEtat.
La planification est, de mon point de vue, un outil essentiel pour rendre cohérentes
nos actions, dans un souci de concertation et de profit mutuel. Je vous invite à cet
exercice comme j'y invite les services centraux et déconcentrés de mon département
ministériel. Mais cela est insuffisant. On ne vient pas à bout des difficultés sans
imagination et sans possibilité d'innovation.
Ces capacités doivent encore être affûtées pour que nous puissions ensemble anticiper
les évolutions des prises en charge des personnes handicapées, bousculer les
cloisonnements entre le sanitaire et le social, entre les établissements et les
services, entre le milieu ordinaire de vie et le travail protégé, renouveler nos modes
d'intervention dans les établissements, retrouver les réseaux de solidarité qui
empêchent la société de se démembrer et renforcer une cohésion sociale menacée.
III - Proposer à la personne handicapée d'être acteur du projet de société, c'est-à-
dire valoriser son rôle social et lui permettre de créer du lien social.
On est persuadé qu'il n'y a de citoyen que le travailleur. Pourtant, le parallélisme
entre accession au travail de la personne handicapée et valorisation de son rôle
social n'est pas systématique.
C'est une réflexion qu'il nous faut approfondir, non seulement pour empêcher
l'apparition de régression, d'apathie dans le comportement de la personne handicapée
qui n'a pas d'activité professionnelle mais aussi et surtout pour en faire un acteur
du lien social.
Cette réflexion me paraît indispensable pour les personnes sans travail, mais
également pour celles dont la diminution des capacités professionnelles est constatée
ou dont les rythmes d'activité ne sont pas constants.
Cependant, le travail demeure une valeur forte : en effet, travailler ce n'est pas
seulement créer, produire, c'est aussi pouvoir être immédiatement situé dans la
société. Le travail renforce alors la personne handicapée dans sa propre valeur et
correspond à l'attente compréhensible des parents.
Mais l'insertion professionnelle constitue aujourd'hui un véritable défi.
Définir les termes de cette insertion, c'est d'abord améliorer la formation dans les
instituts médico-professionnels, afin qu'elle soit en prise avec la réalité
économique.
C'est ensuite rechercher une meilleure adéquation des structures et des handicaps, qui
nécessite une évaluation des capacités professionnelles des personnes par les COTOREP,
afin que celle-ci ne fondent pas leur approche uniquement sur le handicap.
C est enfin permettre d'accéder à l'emploi en milieu ordinaire, en encourageant les
sorties des structures du milieu protégé des travailleurs handicapés et les nouvelles
formes d'intégration dans l'entreprise.
En dernier lieu, c'est conforter le secteur du travail protégé. Je me suis déjà
prononcée devant le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées sur une
indispensable consolidation juridique de la structure financière des centres d'aide
par le travail par voie législative : il nous faut aller très vite. La nécessaire
concertation sera rapide, certes, mais réelle.
Par ailleurs, je veux vous rappeler solennellement devant vous parents, gestionnaires,
professionnels qu'aucun établissement ne fermera en raison de l'insuffisance des
moyens nécessaires à son fonctionnement.
Cependant, vous le savez, la mission d'inspection organisée en 1993 a montré que les
situations des établissements étaient disparates. Il sera donc procédé par mes
services, avec l'aide d'une mission d'appui constituée récemment, à un examen au cas
par cas, des comptes et des budgets.
Enfin, le bilan du plan pluriannuel de créations de places en Centres d'Aide par le
Travail a montré que les objectifs étaient tenus. Au 31 décembre 1993, ces structures
permettaient d'accueillir plus de 80.000 personnes handicapées. Cet effort est
poursuivi en 1994 puisque le gouvernement a prévu le financement de 2.000 places de
Centres d'Aide par le Travail supplémentaires. J'ai le plaisir de vous annoncer que le
Gouvernement proposera au Parlement de renouveler cet effort en 1995.
Au terme de ces variations sur le thème de la citoyenneté, je voudrais que vous soyez
persuadés de mon écoute attentive à l'égard de vos préoccupations et de mon soutien
résolu en faveur des personnes handicapées et des problèmes spécifiques qu'elles
rencontrent.
C'est aussi un message de volonté et d'espoir que je souhaitais vous adresser. Restez
mobilisés, mais soyez sans crainte pour l'avenir de vos enfants, car je suis certaine
que notre société, pour imparfaite et dure qu'elle soit, leur maintiendra, et les
pouvoirs publics y veilleront, les garanties fondamentales qu'elle doit aux personnes
les plus vulnérables d'entre nous, parce qu'elles sont des citoyens à part entière,
qui vivent avec nous et parmi nous.
Je formule, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, pour la suite de vos
travaux, les meilleurs voeux de succès. Et je vous remercie de votre attention.
9 mai 1994
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de me trouver aujourdhui parmi vous, pour ouvrir vos travaux.
J'aurais souhaité vous réunir en 1993. Les circonstances ne l'ont pas permis. Mais je
tiens à rappeler tout le prix que j'attache à votre mission, telle qu'elle a été
définie par la loi du 30 juin 1975, qui a institué le Conseil national Consultatif des
Personnes handicapées : "assurer la participation des personnes handicapées à
l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de solidarité nationale les
concernant".
Les avis que le Conseil est appelé à formuler sont d'autant plus précieux qu'il
rassemble à la fois des associations regroupant les personnes handicapées, des
Organismes finançant leur protection sociale et développant des actions de recherche
dans le domaine du handicap et des organisations syndicales et patronales.
Le Conseil est ainsi un cadre naturel d'expression et de concertation et une
institution qui permet d'éclairer les pouvoirs publics sur tous les aspects de la
politique en faveur des personnes handicapées.
C'est pourquoi, je verrais un grand intérêt à ce qu'il se réunisse plus fréquemment.
Mon emploi du temps ne me permet malheureusement pas d'assister aujourd'hui à
l'ensemble de vos travaux.
Aussi, j'ai choisi de consacrer ce moment privilégié de rencontre, d'abord à apporter
des éléments de réponse à des problèmes évoqués avec vous au cours des derniers mois ;
ensuite et surtout à être à l'écoute de l'ensemble de vos préoccupations, dans le
cadre d'un échange franc et direct avec les interlocuteurs avisés et responsables que
vous êtes.
J'ai voulu ce large débat en ouverture, car les éléments de réponse et les pistes de
travail que je vais évoquer ne prétendent pas épuiser le champ de vos réflexions, ni
la liste des sujets que vous désirez aborder.
Cet échange liminaire est d'autant plus nécessaire, qu'en accord avec votre président,
j'ai souhaité que la suite de vos travaux se concentre sur un ordre du jour précis.
qui concerne les adultes handicapés.
De prochaines réunions du Conseil permettront de réfléchir sur des sujets comme le
multihandicap, l'autisme chez les enfants et les adultes ou la prévention du handicap,
qui me tiennent particulièrement à coeur.
Permettez-moi enfin, de rappeler quelles données il convient de garder à l'esprit dans
le déroulement de cette réunion. D'une part, nous devons prendre en considération les
contraintes économiques et budgétaires du moment, qui renforcent la nécessité de
cerner les priorités de notre action.
D'autre part, sur la base des conséquences que nous avons à tirer des programmes
récemment achevés, nous nous devons d'avoir une réflexion renouvelée qui enrichisse
nos points de vue et concoure à l'amélioration des politiques publiques en faveur des
personnes handicapées.
Je voudrais donc évoquer trois sujets sur lesquels vous avez appelé spécialement mon
attention.
1) L'évaluation de l'application du nouveau guide de mesure des déficiences et
incapacités.
Permettez-moi, avant toute chose de saluer la mémoire de Monsieur le Docteur TALON,
Inspecteur général des Affaires Sociales, qui est décédé en mars dernier et dont les
travaux ont permis l'élaboration de ce barème.
Ce nouvel outil d'évaluation, que vous avez adopté à l'unanimité lors de votre
dernière réunion, est entré en vigueur le 1er décembre 1993, accompagné d'un
dispositif de formation à son utilisation.
Le constat de l'incapacité de la personne et l'évaluation de ce taux d'incapacité
constituent toujours par les droits ouverts et l'orientation qui en découle, un moment
décisif dans la vie de la personne handicapée.
Ce barème doit, par conséquent, être regardé comme une réforme majeure dans le secteur
du handicap.
Dans ces conditions, je partage avec vous le souhait qu'une évaluation de
l'application de cet outil soit réalisée.
Le barème est désormais l'instrument de travail de référence des COTOREP.
Je voudrais élargir mon propos à ces organismes qui font l'objet de nombreuses
remarques en raison des dysfonctionnements constatés.
Mon collègue, Mr GIRAUD, Ministre du travail, de l'Emploi et de la Formation
Professionnelle a présenté, à l'occasion de la réunion du Conseil Supérieur pour le
Reclassement Professionnel et Social des travailleurs handicapés du 18 mars dernier,
un projet de circulaire préparé par la délégation à l'emploi et la direction de
l'action sociale relative à la modernisation des COTOREP.
Je vous invite, si vous l'estimez nécessaire, à enrichir de vos suggestions ce texte
qui reprend, pour l'essentiel, les conclusions du rapport Carcenac.
Parallèlement, je souhaite que vous vous exprimiez sur l'élargissement de la
représentation des Conseils Généraux au sein des COTOREP.
Je propose, en effet, cette évolution dans leur composition en égard au rôle que
jouent depuis les lois de décentralisation, les collectivités départementales vis-à-
vis des personnes handicapées et aux financements qu'elles y consacrent à travers
l'allocation compensatrice, les services et établissements d'hébergement des adultes.
2) Les difficultés d'une vie autonome à domicile pour les handicapés
Avant d'échanger sur ce thème, je souhaite vous faire part des décisions que le
gouvernement a prises et qui ont pour objet d'améliorer le cadre de vie des personnes
handicapées ; elles s'adressent d'ailleurs plus largement à toutes les personnes
souffrant d'une mobilité réduite du fait de l'âge ou d'une gène temporaire ou
permanente. Ainsi,
. à partir du 1er août 1994, toutes les demandes de permis de construire ou
d'autorisations de travaux concernant les établissements recevant du public seront
soumises à une vérification préalable du respect des normes d'accessibilité qui ont
été améliorées par rapport à celles fixées en 1978 ; une visite de conformité
précédera leur ouverture au public ;
. afin de mettre en oeuvre ces mesures, l'information et la formation des
professionnels seront adaptées : à la rentrée de 1994, un enseignement des règles
d'accessibilité sera organisé dans les écoles d'Architecture, de Travaux publics de
l'Etat et des Ponts et Chaussées et son inscription effective dans les programmes
vérifiée ;
. un fonds interministériel pour l'accessibilité des bâtiments ouverts au public et
propriété de l'Etat est créé et doté, dès 1994, de 21,7 millions de francs, soit un
doublement du volume des crédits consacrés aux travaux d'accessibilité par les
administrations de l'Etat; la circulaire concernant ce fonds paraîtra prochainement ;
. le thème de l'accessibilité sera intégré dans le programme de recherche et de
développement pour l'innovation et la technologie dans le transport terrestre
(PREDIT), qui débutera en 1995 ;
. les textes régissant les cahiers des charges des véhicules de transport collectif
terrestre devront prendre en compte l'impératif de l'accessibilité ;
. une convention pluriannuelle sera proposée à la région d'Ile de France pour la mise
en accessibilité des transports collectifs ferrés ; d'ores et déjà, les moyens
financiers mobilisables par le syndicat des transports parisiens pour ces aménagements
sont presque triplés en 1994 par rapport à 1993.
Plus largement, tout projet urbain ou de transport en commun devra observer le
principe de l'accessibilité. Enfin, il est souhaitable que les collectivités
territoriales et les établissements publics privilégient aussi cet objectif.
De ce point de vue, j'ai demandé à mes services de préparer une circulaire rappelant
ce principe aux établissement hospitaliers.
Par ailleurs, ces dispositions relatives à l'accessibilité devraient être confortées
par un recours accru aux aides techniques, permettant de développer l'autonomie et
l'intégration dans la vie sociale.
Un groupe de réflexion a été installé dans cette perspective, afin d'analyser les
besoins quantitatifs et qualitatifs et de développer l'information et le conseil des
personnes handicapées.
3) Les difficultés de fonctionnement des établissements
C'est un sujet sur lequel vous m'interpellez et les élus avec vous avec vivacité. Je
souhaite donc vous dire dès maintenant quelques mots qui faciliteront, je l'espère,
notre dialogue.
. en ce qui concerne les centres d'aide pour le travail d'abord.
Vous le savez, j'ai pris l'initiative avec le Ministre du Budget, de faire procéder à
une mission d'Inspection confiée conjointement à l'Inspection Générale des Finances et
à l'Inspection Générale des Affaires Sociales.
Vous en connaissez les résultats.
Les situations sont disparates d'un établissement à l'autre et d'un département à
l'autre.
Les enquêteurs proposent, par conséquent, de procéder à un examen des comptes et des
budgets selon une logique de budget "base zéro" et à la révision concomitante de
toutes les conventions qui les lient à l'État. C'est la tâche prioritaire sur laquelle
les services vont concentrer leur action avec l'aide d'une mission.
Cependant, dès maintenant, les situations les plus aiguës seront examinées, au cas par
cas, afin qu'aucun établissement ne ferme en raison de l'insuffisance des moyens
financiers nécessaires à son fonctionnement.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a annulé des articles du décret du 30 décembre 1985
sur lesquels reposaient la tarification actuelle des C.A.T. De ce fait, j'envisage,
comme vous le suggérez, de faire valider par le Parlement une base de tarification
pour ces établissements distinguant le budget social du budget de production.
Cette circonstance me paraît devoir être utilisée pour réfléchir aux missions de ces
structures et aux besoins qu'elles doivent satisfaire.
- en ce qui concerne les établissements pour adultes lourdement handicapés, ensuite,
il nous faut préciser, dans les plus brefs délais, le statut des foyers à double
tarification dont l'existence repose sur des bases très fragiles. Vos réflexions, vos
suggestions seront les bienvenues.
Enfin. je tiens à remercier les associations qui ont participé au groupe de travail
relatif aux conditions d'accueil des personnes multihandicapées.
Les propositions formulées dans le rapport Bordeloup, du nom du membre de l'inspection
Générale des Affaires Sociales qui a présidé ce groupe, font l'objet d'une étude
attentive de mes services. Les propositions comme les résultats de l'étude seront
soumis à l'avis du Conseil. Ainsi, le travail des membres du groupe ne demeurera pas
sans suite.
Avant de vous laisser la parole, je voudrais, Monsieur le Président, vous remercier
d'avoir accepté qu'un temps de cette réunion soit consacré à un échange de vues sur
l'ensemble des préoccupations des personnes handicapées elles-mêmes, de ceux qui les
entourent, les soutiennent et les accompagnent qu'il s'agisse des parents, des
gestionnaires, des personnels, des financeurs ou des chercheurs.
Je vous exprime mes voeux pour un excellent déroulement de vos travaux qui fécondent
notre réflexion et nos initiatives au bénéfice des personnes handicapées.
* Premières assises européennes : Handicap moteur et vie à domicile
organisées par lAssociation des Paralysés de France
Unesco Paris - 2 juin 1994
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
En dépit d'un emploi du temps chargé, j'ai tenu à vous rejoindre pour partager
quelques instants des premières Assises européennes que vous consacrez au thème du
handicap moteur et de la vie à domicile.
Je souhaitais, par ma présence ici, témoigner de l'attention soutenue que je porte
l'égard des personnes handicapées, de leurs préoccupations et de leurs projets.
Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de m'avoir convié à ces Assises tout
en vous demandant de m'excuser d'en avoir bouleversé le programme, étant contrainte de
me rendre à l'Assemblée Nationale pour la présentation du projet de loi sur la
famille.
Je veux aussi vous rendre hommage, et à travers vous, à tous ceux qui composent
l'Association des Paralysés de France, pour avoir organisé cette journée.
Elle est la conclusion temporaire d'un très important travail de terrain mené par les
délégations départementales.
Elle est aussi conçue à l'échelle européenne. Vous connaissez ma sensibilité à cette
dimension. Celle-ci permet de mieux se connaître, d'avoir des échanges intéressants,
d'engager des collaborations. Dans tous les cas, elle enrichit notre réflexion et, par
conséquent, la cause des handicapés.
Le programme retenu est substantiel. Il se fonde sur les résultats d'un sondage
national, qui montre bien l'adhésion des Français à l'idée que les handicapés doivent
pouvoir vivre à domicile. Ce qui rejoint la revendication formulée par les personnes
ayant un handicap moteur, puisqu'elles souhaitent avoir le droit de choisir leur mode
de vie et notamment de celui de vivre à domicile.
Un tel choix est significatif, car il concerne beaucoup de personnes ; si, en effet,
les progrès médicaux, nos conditions de vie, la mise en place de programmes de santé
ont contribué à réduire les handicaps, ces mêmes facteurs ont permis d'arracher à la
mort des blessés graves et d'accroître l'espérance de vie des personnes handicapées.
Il nous faut donc parallèlement poursuivre nos actions de prévention du handicap,
encourager la recherche médicale et contribuer à l'amélioration des conditions de vie
des personnes handicapées.
Les résultats de ce sondage m'incitent à évoquer les conditions matérielles
nécessaires pour que la personne handicapée vive à domicile et la part des
responsabilités que les pouvoirs publics doivent assumer, tout en rappelant que ces
conditions ne sont pas suffisantes. La vie à domicile repose, de mon point de vue, sur
d'autres éléments non moins importants, qu'il me paraît utile d'évoquer.
I - Une vie autonome à domicile dépend de la satisfaction de plusieurs besoins
matériels.
Le premier est celui des revenus : ils peuvent encore aujourd'hui être jugés
insuffisants, en particulier pour les personnes dont les prestations, provenant de la
collectivité, constituent leurs ressources exclusives.
Leur montant a cependant été notablement accru et conforté par une nouvelle
prestation, "le complément d'allocation aux adultes handicapés", désormais inscrite
dans la loi.
Son taux a été fixé par un décret, récemment paru, à 16 % du montant mensuel de
l'allocation principale. L'ensemble des prestations doit pouvoir être perçu le plus
rapidement possible. C'est pourquoi, avec mon collègue, Michel GIRAUD, Ministre du
travail, de lemploi et de la formation professionnelle, nous attachons du prix à ce
que, dès 1994, non seulement l'accueil des personnes handicapées par les personnels
des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel soit
amélioré, mais aussi à ce que les délais d'instruction des dossiers soumis à ces
organismes soient notablement réduits.
Le deuxième besoin est constitué par les aides personnelles humaines et techniques.
Votre association, Monsieur le Président, est légitimement attachée à la pérennité et
au développement des services d'auxiliaires de vie que vous avez contribué à créer.
Je sais vos difficultés et vos espoirs : pour ce qui le concerne, l'Etat maintiendra
son financement à ces services en 1995. Par ailleurs, nous explorons, avec les
représentants des collectivités départementales, le domaine fort complexe et délicat
de la clarification des compétences dans le champ du handicap. Laissons à cette
réflexion le temps d'aboutir.
Cependant, l'aide humaine est toujours limitée dans le temps et doit être associée aux
aides techniques. Vous connaissez bien les enjeux de ces aides.
Le groupe de réflexion que j'ai mis en place sur ce thème poursuit activement ses
travaux. Il s'efforce de définir les besoins réels des personnes, aujourd'hui
insuffisamment étudiés. Il cherche aussi à définir les conditions de promotion d'une
information fiable et d'un conseil neutre et de qualité, car les équipements proposés
sont multiples, parfois de conception trop sommaire ou à l'inverse trop sophistiquée
et d'un coût encore prohibitif.
Enfin, je suis très attentive au déroulement de l'expérimentation consistant à
installer dans un certain nombre de sites une cellule d'insertion sociale dotée d'un
simulateur d'appartement, afin de déterminer l'ensemble des adaptations et aides
techniques ou humaines nécessaires à la personne handicapée pour retourner à son
domicile.
Les témoignages entendus à l'émission de télévision diffusée la semaine dernière,
"Handicapés : vivre après l'accident", illustrent, avec quelle émotion retenue, les
difficultés relevées par la personne handicapée à son retour chez elle. Ceux-ci
soulignent aussi la nécessaire écoute que les personnels des établissements de
réadaptation doivent à ceux qui souffrent et qui doivent vivre désormais autrement.
Ainsi que l'ont aussi exprimé à plusieurs reprises les participants à cette émission,
la vie à domicile ne doit pas être synonyme d'isolement, de solitude et d'obstacle à
la vie sociale.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris des décisions destinées à
répondre à un troisième besoin, susceptible d'éviter que la vie à domicile empêche une
vie sociale : l'amélioration de l'accessibilité du cadre bâti et des transports.
Ces décisions intéressent en tout premier lieu les personnes handicapées, mais aussi
les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants, les accidentés comme les
malades, aux symptômes non apparents, à l'instar de ceux qui souffrent de
complications cardiaques ou respiratoires.
Ainsi, dans quelques semaines, toutes les demandes de permis de construire ou
d'autorisations de travaux concernant les établissements recevant du public seront
soumises à une vérification préalable du respect des normes d'accessibilité ; celles-
ci ont été, au surplus, améliorées par rapport à celles qui avaient été fixées en 1978
; une visite de conformité précédera leur ouverture au public.
Puis, à la rentrée 1994, un enseignement des règles d'accessibilité sera organisé dans
les écoles d'Architecture, de Travaux publics de l'Etat et des Ponts et Chaussées et
son inscription effective dans les programmes sera vérifiée.
Enfin, un fonds interministériel, se mettra en place pour l'accessibilité des
bâtiments ouverts au public et qui sont la propriété de l'Etat. Il est doté de 21,7
millions de francs, soit un doublement du volume des crédits consacrés aux travaux
d'accessibilité par les administrations de l'Etat par rapport à 1993.
En même temps, des mesures sont prises pour que les transporteurs collectifs
respectent désormais le principe de l'accessibilité.
II Cependant, si ces conditions matérielles sont nécessaires à la mise en oeuvre
effective d'une vie autonome à domicile, elles ne sont pas suffisantes pour la rendre
harmonieuse.
- La vie à domicile repose, en effet, largement sur la famille. C'est une institution
essentielle, qui me tient à coeur parce que, pour l'enfant et l'adolescent, elle est
le lieu de construction de l'identité personnelle et sociale.
Elle est aussi le lieu où l'on se sent bien et protégé. La personne qui devient
handicapée y trouve un soutien irremplaçable, qu'il soit matériel, moral ou affectif.
Je ne peux m'empêcher, à cet instant, d'évoquer la mémoire d'A. Trannoy, fondateur de
l'Association des Paralysés de France, dont le pilier, dans sa vie, a été sa famille.
Et c'est légitimement que, dans la charte des droits et des devoirs des personnes
atteintes d'une déficience motrice, dont le contenu est particulièrement intéressant,
vous avez affirmé le droit de créer sa propre famille, de développer et d'entretenir
des relations familiales, affectives et amicales.
- La vie à domicile et la participation active des personnes handicapées à la vie
collective reposent aussi sur l'évolution des mentalités.
A cet égard, l'école est le terrain privilégié de l'intégration des enfants
handicapés. Elle est le lieu ou s'élaborent et se mettent en jeu les valeurs que l'on
accorde à l'être différent. Nous avons le devoir d'être attentif à ce qui s'y joue et
d'accompagner cette maturation vers l'intégration.
Les mentalités à l'égard de la personne handicapée, ont fort heureusement évolués,
mais il nous faut, néanmoins, être attentif au regard posé sur l'autre, réfléchir
réellement à la place que nous sommes prêts à lui reconnaître, à surmonter
l'appréhension que l'on éprouve parfois vis à vis d'un être différent.
Mais j'incite, parallèlement, les personnes handicapées ou leurs représentants, à
recourir aux possibilités légales qui leur sont données de faire condamner les
pratiques discriminatoires et inacceptables qui sont constatées dans la vie
quotidienne en raison de leur état de santé ou de leur déficience.
Enfin, les personnes handicapées ne sont pas dépourvues - et c'est bien ainsi - de
moyens de représentation vis à vis des pouvoirs publics.
Les associations, l'Association des Paralysés de France, en particulier, sont
efficaces et dynamiques. L'Association des Paralysés de France sait, de surcroît,
faire place aux bénévoles, les mobiliser dans un domaine où ce mode d'intervention est
moins systématique que dans celui du caritatif et de l'humanitaire.
- La vie à domicile, c'est enfin l'apprentissage de l'autonomie, de la maîtrise de la
conduite de son existence avec ce qu'elle comporte d'acceptation que certains désirs
ne soient pas réalisables, de dépassement de sa souffrance physique et morale.
C'est aussi forcer sa solitude, retrouver des repères après l'accident, retourner dans
la vie sociale, y valoriser sa propre image à travers ce qu'il y a de plus humain dans
l'homme : sa pensée et sa parole libres.
Dans cet effort quotidien et sans cesse renouvelé pour bâtir votre vie, pour qu'elle
soit harmonieuse et fraternelle, je suis à vos côtés comme le sont aussi, je n'en
doute pas, vos familles, vos amis, les bénévoles, les professionnels et les
associations pour faire respecter vos droits, favoriser votre intégration, et votre
liberté de choix de mode de vie.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, permettez moi de vous offrir mes
meilleurs voeux de succès pour la suite de vos travaux.
Je vous remercie de votre attention.
* Congrès de lUnion Nationale des Association de Parents et Amis de Personnes
Handicapées Mentales Dijon le 4 juin 1994
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse dêtre, de nouveau, parmi vous.
Cest un rendez-vous, quà titre personnel, je ne souhaitais pas manquer, car, au sein
de votre association,jéprouve ce quil y a de plus précieux, dans une communauté
humaine : le sens de lentraide et celui de lengagement.
Cest aussi un devoir de ma charge car, par ma présence, je veux témoigner de
limportance que le Gouvernement attache à la politique en faveur des personnes
handicapées.
Le thème que vous avez choisi pour votre congrès est celui de la citoyenneté.
Je voudrais saluer son actualité et sa pertinence au moment même à notre porte, des
ombres inquiétantes planent sur la démocratie, lieu naturel dexpression le plus
achevé de la citoyenneté, qui sefforce de sélargir et de saffirmer aux dimensions
de lEurope.
Cest autour de ce thème que je souhaite vous présenter mes réflexions et apporter
quelques réponses aux questions qui nourrissent vos craintes. Celles-ci sont le reflet
de vos légitimes préoccupations de parents denfants et dadultes particulièrement
vulnérables, dans un monde complexe et incertain.
Car la citoyenneté de la personne handicapée est inscrite au coeur même de la loi du
30 juin 1975 et le Gouvernement entend poursuivre et façonner cette citoyenneté.
Dabord, en favorisant laccueil de la personne handicapée mentale dans la vie
sociale.
Ensuite, en lui permettant de se réaliser, grâce à la mobilisation de toutes les
solidarités.
Enfin, en lui proposant dêtre acteur du projet social.
I Favoriser laccueil de la personne handicapés mentale dans toutes les
manifestations de la vie collective, cest le premier axe de la politique
dintégration quil nous faut poursuivre sans relâche.
- Cette volonté dintégration dit se manifester à tous les âges de la vie et dabord à
lâge le plus précoce, au moment où se fixe la destinée de lindividu au sein de cette
institution irremplaçable quest la famille.
Vous le le savez, le Parlement débat actuellement du projet de loi sur la famille,
dont l'objectif central est de permettre le développement harmonieux des familles.
Votre Présidente, Madame WAHL m'a rappelé récemment vos préoccupations touchant à
l'accueil du jeune enfant handicapé.
Une enquête sera menée sur ces pratiques d'accueil et il nous faudra remédier à celles
qui contreviendraient à nos valeurs essentielles et aux principes posés par la loi.
Mais sans attendre, il nous faut sans doute mener une réflexion sur l'amélioration des
interventions professionnelles précoces, afin qu'elles soient plus adaptées. plus
humaines.
Cela signifie qu'elle doivent s'orienter vers plus d'écoute, plus de soutien et plus
d'accompagnement des parents, vers une meilleure coordination des disciplines et des
services, tout autant que vers une meilleure sensibilisation et formation des
professionnels médicaux et para-médicaux aux profondes et difficiles réalités du
handicap.
- Construire sa citoyenneté, c'est aussi faire l'apprentissage de son émancipation
d'avec sa famille.
L'école est à cet égard un lieu irremplaçable de socialisation, le lieu d'éducation à
la vie collective.
L'école constitue aussi, ainsi que vous avez eu l'occasion de l'exprimer Madame la
Présidente, la première épreuve de socialisation ; dès lors qu'elle est passée avec
succès, elle permet d'espérer qu'en d'autres lieux, se mettent en oeuvre d'autres
actions d'intégration.
En ce sens, elle est aussi facteur d'épanouissement pour l'enfant et ses parents.
Parce qu'enfin, l'intégration scolaire façonne l'évolution des mentalités vers une
plus grande tolérance, mon département ministériel a poursuivi la mobilisation de
moyens financiers d'accompagnement indispensables à la réussite de cette entreprise.
Ainsi, en dépit des tensions sur le budget de l'assurance maladie, des crédits
supplémentaires ont été affectés, cette année, à la mise en place de services de
soutien aux familles et d'intégration scolaire.
- Bâtir sa citoyenneté, c'est aussi ne pas ignorer l'évolution naturelle de l'enfant
vers l'état d'adulte, car je ne doute pas que, le moment venu, la personne handicapée
veuille et doive être regardée comme un adulte.
A cet égard, ma préoccupation constante et forte est de rechercher, avec vous, des
réponses appropriées au devenir de ces jeunes adultes maintenus en institut médico-
éducatif au titre de l'amendement Creton.
De même, entrent dans le champ de mes réflexions, non seulement la question du
vieillissement précoce, notamment pour les personnes travaillant en secteur protégé,
mais également les conséquences de la population handicapée âgée qui sera de plus en
plus importante au début du prochain siècle.
Nous devons réfléchir à ces évolutions. Votre inquiétude pour l'avenir de vos enfants
me touche à titre personnel : mais il est aussi de la responsabilité des pouvoirs
publics d'anticiper ces progressions.
II - Permettre à la personne handicapée de se réaliser grâce à la mobilisation de
toutes les solidarités.
. Cela veut dire, en premier lieu, être reconnu dans sa différence et dans ses besoins
spécifiques.
Votre journal "Vivre ensemble" a publié récemment un dossier sur le guide de mesure
des déficiences et des incapacités, entré en vigueur le 12 décembre 1993, et destiné
aux commissions départementales. notamment, chargées d'apprécier te taux d'incapacité
des personnes.
Il soulignait que l'ensemble des parents pouvait se réjouir de la mise en oeuvre de ce
nouvel outil, qui tendra à satisfaire le besoin d'égalité de tous les citoyens, tout
en conservant aux commissions le pouvoir d'apprécier les situations individuelles.
Je veux ajouter, qu'en 1994, les Commissions Techniques d'Orientation et de
Reclassement Professionnel, qui jouent un rôle essentiel dans la vie de la personne
handicapée adulte, seront modernisées et leur composition remodelée pour tenir compte
des conséquences des lois de décentralisation.
. Cela signifie, en deuxième lieu, être aidé et soutenu dans sa différence.
Contrairement à ce que je lis ou ce que j'entends ici ou là, la crise de l'Etat-
Providence, les menaces qui pèsent sur la redistribution collective n'ont pas infléchi
l'effort financier fourni par l'Etat, les collectivités et les organismes en faveur
des personnes handicapées.
Son importance souligne, en tout état de cause, la place prioritaire que la société
réserve à ses citoyens les plus vulnérables. Cet effort s'exerce sous le regard
vigilant de tous ceux qui se sont battus pour préserver un dispositif de protection
sociale spécifique. ambitieux et diversifié.
C'est aussi un dispositif, pourquoi ne pas le dire, généreux, puisque d'autres groupes
sociaux effectuent des démarches pour manifester leur revendication d'un statut et
d'une identité de personne handicapée.
. Votre inquiétude, que je comprends, d'une part, ces dérives, d'autre part,
m'incitent à vous inviter à conduire une réflexion renouvelée, qui enrichisse nos
points de vue et féconde une action responsable, concertée et imaginative.
. Ce faisant, je vous engage à conserver le sens du possible dans une société en crise
où les contraintes budgétaires sont vives. Celles-ci, je le sais, fragilisent la
situation des établissements et provoquent des rapports parfois contrastés entre les
associations gestionnaires et lEtat.
La planification est, de mon point de vue, un outil essentiel pour rendre cohérentes
nos actions, dans un souci de concertation et de profit mutuel. Je vous invite à cet
exercice comme j'y invite les services centraux et déconcentrés de mon département
ministériel. Mais cela est insuffisant. On ne vient pas à bout des difficultés sans
imagination et sans possibilité d'innovation.
Ces capacités doivent encore être affûtées pour que nous puissions ensemble anticiper
les évolutions des prises en charge des personnes handicapées, bousculer les
cloisonnements entre le sanitaire et le social, entre les établissements et les
services, entre le milieu ordinaire de vie et le travail protégé, renouveler nos modes
d'intervention dans les établissements, retrouver les réseaux de solidarité qui
empêchent la société de se démembrer et renforcer une cohésion sociale menacée.
III - Proposer à la personne handicapée d'être acteur du projet de société, c'est-à-
dire valoriser son rôle social et lui permettre de créer du lien social.
On est persuadé qu'il n'y a de citoyen que le travailleur. Pourtant, le parallélisme
entre accession au travail de la personne handicapée et valorisation de son rôle
social n'est pas systématique.
C'est une réflexion qu'il nous faut approfondir, non seulement pour empêcher
l'apparition de régression, d'apathie dans le comportement de la personne handicapée
qui n'a pas d'activité professionnelle mais aussi et surtout pour en faire un acteur
du lien social.
Cette réflexion me paraît indispensable pour les personnes sans travail, mais
également pour celles dont la diminution des capacités professionnelles est constatée
ou dont les rythmes d'activité ne sont pas constants.
Cependant, le travail demeure une valeur forte : en effet, travailler ce n'est pas
seulement créer, produire, c'est aussi pouvoir être immédiatement situé dans la
société. Le travail renforce alors la personne handicapée dans sa propre valeur et
correspond à l'attente compréhensible des parents.
Mais l'insertion professionnelle constitue aujourd'hui un véritable défi.
Définir les termes de cette insertion, c'est d'abord améliorer la formation dans les
instituts médico-professionnels, afin qu'elle soit en prise avec la réalité
économique.
C'est ensuite rechercher une meilleure adéquation des structures et des handicaps, qui
nécessite une évaluation des capacités professionnelles des personnes par les COTOREP,
afin que celle-ci ne fondent pas leur approche uniquement sur le handicap.
C est enfin permettre d'accéder à l'emploi en milieu ordinaire, en encourageant les
sorties des structures du milieu protégé des travailleurs handicapés et les nouvelles
formes d'intégration dans l'entreprise.
En dernier lieu, c'est conforter le secteur du travail protégé. Je me suis déjà
prononcée devant le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées sur une
indispensable consolidation juridique de la structure financière des centres d'aide
par le travail par voie législative : il nous faut aller très vite. La nécessaire
concertation sera rapide, certes, mais réelle.
Par ailleurs, je veux vous rappeler solennellement devant vous parents, gestionnaires,
professionnels qu'aucun établissement ne fermera en raison de l'insuffisance des
moyens nécessaires à son fonctionnement.
Cependant, vous le savez, la mission d'inspection organisée en 1993 a montré que les
situations des établissements étaient disparates. Il sera donc procédé par mes
services, avec l'aide d'une mission d'appui constituée récemment, à un examen au cas
par cas, des comptes et des budgets.
Enfin, le bilan du plan pluriannuel de créations de places en Centres d'Aide par le
Travail a montré que les objectifs étaient tenus. Au 31 décembre 1993, ces structures
permettaient d'accueillir plus de 80.000 personnes handicapées. Cet effort est
poursuivi en 1994 puisque le gouvernement a prévu le financement de 2.000 places de
Centres d'Aide par le Travail supplémentaires. J'ai le plaisir de vous annoncer que le
Gouvernement proposera au Parlement de renouveler cet effort en 1995.
Au terme de ces variations sur le thème de la citoyenneté, je voudrais que vous soyez
persuadés de mon écoute attentive à l'égard de vos préoccupations et de mon soutien
résolu en faveur des personnes handicapées et des problèmes spécifiques qu'elles
rencontrent.
C'est aussi un message de volonté et d'espoir que je souhaitais vous adresser. Restez
mobilisés, mais soyez sans crainte pour l'avenir de vos enfants, car je suis certaine
que notre société, pour imparfaite et dure qu'elle soit, leur maintiendra, et les
pouvoirs publics y veilleront, les garanties fondamentales qu'elle doit aux personnes
les plus vulnérables d'entre nous, parce qu'elles sont des citoyens à part entière,
qui vivent avec nous et parmi nous.
Je formule, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, pour la suite de vos
travaux, les meilleurs voeux de succès. Et je vous remercie de votre attention.