Déclaration de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur une convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Comores, à l'Assemblée nationale le 7 mars 2018.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Circonstance : Examen de trois conventions internationales, à l'Assemblée nationale le 7 mars 2018

Texte intégral


Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission des affaires étrangères,
Madame la Rapporteure,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je vous invite à parcourir quelques milliers de kilomètres pour évoquer à présent la convention signée entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Union des Comores, le 13 février 2014.
La France et les Comores sont unies par une communauté de destin. Nos pays, nos peuples, partagent des liens anciens et forts, qui se traduisent d'ailleurs sur le plan économique puisque la France est le premier partenaire économique et commercial des Comores et qu'elle accueille sur son territoire une importante diaspora. Ces liens, qui reposent sur une histoire commune, conservent une empreinte géographique puisque nous avons une frontière maritime commune.
Les deux pays souhaitaient disposer d'un cadre juridique clair et ambitieux, pour mieux lutter contre le développement de la criminalité organisée, faite de trafics et de filières d'immigration clandestine, et contre le terrorisme. Depuis 2011, les deux pays ont ainsi engagé des négociations aux fins de conclure cet accord. Celui-ci s'inspire, bien sûr, des textes de même nature conclus par la France avec d'autres pays, mais il va plus loin encore en dépassant le cadre traditionnel de coopération judiciaire.
En effet, ce texte prévoit des modalités de coopération moderne, adaptées aux exigences de la lutte contre les réseaux de criminalité organisée. Il donne ainsi aux autorités judiciaires les moyens de procéder à des livraisons surveillées et à des opérations d'infiltrations ou d'intercepter des télécommunications. Ces mesures, qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre les réseaux criminels, pourront se déployer plus aisément dans les affaires transfrontalières avec les Comores. C'est le premier texte bilatéral conclu par la France qui contienne un éventail aussi large et ambitieux de mesures. Ce précédent nous inspirera utilement au cours de prochaines négociations dans ce domaine.
Par ailleurs, afin de fluidifier les échanges et d'accélérer l'aboutissement des procédures, la convention prévoit que les demandes d'entraide judiciaire pourront être transmises directement en langue française entre les ministères de la justice des deux pays, là où actuellement le droit prévoit le recours à des communications par voie diplomatique.
Enfin, pour faciliter l'admissibilité de preuves obtenues au moyen de l'entraide dans des procédures conduites sur le plan national, la convention permet à l'autorité requérante de demander que l'autorité requise respecte certaines formalités procédurales prévues par son droit.
Ce texte ambitieux met en place des procédures efficaces, sans transiger pour autant sur les objectifs de protection des garanties fondamentales de procédure. Il est ainsi prévu que les parties pourront refuser l'entraide judiciaire lorsqu'elle se rapporte à des infractions de nature politique ou susceptibles de porter atteinte à notre souveraineté, notre sécurité, notre ordre public ou d'autres intérêts majeurs.
De même, la France pourra continuer de refuser la coopération si l'entraide est demandée pour des faits passibles de la peine capitale et qu'il n'y a pas de garantie que cette peine ne sera pas exécutée.
J'ai brossé en quelques mots les traits essentiels de cette convention. Pour le reste, je vous renvoie à l'excellent rapport de la commission, qui mérite d'être lu.
(Interventions des parlementaires)
Cette discussion générale a été intense et intéressante. Je salue le groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour avoir demandé que ce texte ne soit pas examiné selon la procédure d'examen simplifiée - demande à laquelle la commission n'était pas défavorable.
Nous avons parlé longuement de la coopération judiciaire entre la France et l'Union des Comores. Je voudrais à présent apporter un certain nombre d'éléments de réponse à propos de Mayotte, dont la situation a été évoquée. Puisque, comme l'ont dit messieurs les députés, nos mots dépasseront cet hémicycle, le gouvernement tient à réaffirmer clairement que l'Etat n'abandonnera pas Mayotte.
Nous voyons bien que les attentes sont très fortes ; du reste elles ne datent pas d'aujourd'hui. M. le député rappelait à ce propos les événements qui se sont déroulés en 2011, en 2013 et en 2015. Nous voyons bien que nous sommes confrontés à une situation dont les racines, les causes, remontent à une période plus ancienne que l'actualité immédiate. Nous devons désormais y apporter des réponses structurelles, en utilisant l'ensemble des outils dont nous disposons.
Du point de vue sécuritaire, il faut apporter des réponses d'urgence - comme l'évoquait Annick Girardin - en vue de la prochaine rentrée scolaire. Il faut en outre lutter contre l'immigration irrégulière, en coopération avec l'Union des Comores. Chacun doit prendre ses responsabilités, cela a été dit : le renforcement de notre coopération judiciaire avec les Comores ne fera qu'améliorer l'efficacité de notre réponse.
L'Etat déploiera des moyens complémentaires pour la police aux frontières - cela a été dit -, ainsi que des gendarmes pour la police de sécurité quotidienne. De nouveaux navires seront employés. Tout cela permettra de conforter les résultats obtenus grâce à l'action des fonctionnaires sur le terrain : en 2017, près de 20 000 étrangers en situation irrégulière à Mayotte ont été éloignés - soit autant que pour l'Hexagone - et 412 barques ont été interceptées.
Au-delà de cette action, une réponse en termes de co-développement doit être apportée : M. le député l'évoquait dans son rapport budgétaire, de même que Mme la rapporteure. Nous nous sommes dotés des outils nécessaires à cela, grâce à la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement qui a eu lieu le 8 février dernier sous la présidence du Premier ministre. Désormais, nous tiendrons compte de nos outre-mer et de leur environnement immédiat pour bâtir de véritables stratégies de développement qui permettront d'apporter des réponses pérennes.
Je ne serai pas plus long. Je répète que le gouvernement est très attaché à Mayotte, et apportera des réponses concrètes et structurelles afin que les populations mahoraise et comorienne vivent dans de meilleures conditions : elles le méritent. Certes, les montants destinés à Mayotte peuvent apparaître importants, mais il faut replacer cela dans le cadre de notre aide au développement. Le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux dans ce domaine : avec votre aide, nous allons nous donner les moyens de les atteindre.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mars 2018