Texte intégral
ALI BADDOU
L'invitée du Grand entretien de la matinale était hier au conseil des ministres pour présenter le projet de loi sur la réforme du ferroviaire ; aujourd'hui, les syndicats se réunissent pour préparer la suite. La ministre des Transports Elisabeth BORNE est avec nous jusqu'à neuf heures moins le quart. Bonjour madame la Ministre.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
ALI BADDOU
Et bienvenue. SUD-Rail a déjà prévenu : l'intersyndicale doit fixer, je cite, une date de départ en grève reconductible. Pour ceux qui nous écoutent et que les choses soient claires, jeudi prochain 22 mars sera-t-il une journée noire dans les transports ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je souhaite qu'on continue la concertation. Comme vous l'avez rappelé, j'ai présenté hier en conseil des ministres un projet de loi, un projet de loi d'habilitation. Ça veut dire que c'est un cadre, ce sont des têtes de chapitres.
ALI BADDOU
Les grandes lignes.
ELISABETH BORNE
Voilà, les têtes de chapitres et comme je l'ai dit, c'est la concertation qui doit permettre d'écrire le projet de loi.
ALI BADDOU
La concertation, c'est un mot que vous avez employé des milliers et peut-être des millions de fois ces dernières semaines. Impossible de compter cette occurrence mais la concertation, c'est quand on discute avec les parties concernées et qu'on écoute leur avis. Là aujourd'hui, le dialogue est rompu avec les syndicats.
ELISABETH BORNE
Je ne pense pas. Voyez, j'ai une réunion demain. J'ai prévu toute la journée de recevoir les organisations syndicales parce qu'il y a beaucoup de sujets qui doivent faire l'objet d'une concertation. On a annoncé qu'on allait ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence.
ALI BADDOU
Oui, on va y venir.
ELISABETH BORNE
Ça n'est pas une surprise, c'est un sujet qui a été décidé dans le précédent quinquennat. Mais à quelle date ? Avec quelles exceptions ? Quelles conséquences pour les cheminots ? Tous ces sujets, les cheminots attendent des réponses et ils doivent être discutés.
ALI BADDOU
Le 22 mars sera-t-il une journée noire dans les transports, Elisabeth BORNE ? Je vous repose la question.
ELISABETH BORNE
J'espère que non, j'espère que non. Que les syndicats entendent ma proposition de continuer les discussions, de continuer la concertation pour répondre aux questions que les cheminots se posent.
ALI BADDOU
Est-ce que vous assumez la responsabilité du conflit ?
ELISABETH BORNE
Moi, je ne suis pas du tout dans cette logique. Ce n'est pas moi qui emploie ces termes. Moi, je suis vraiment dans une démarche dans laquelle on doit construire une réforme qu'on a trop longtemps différée. On a mis beaucoup de choses sous le tapis. On fait semblant de ne pas voir les problèmes et on l'a fait pendant très longtemps, mais les problèmes ça n'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'ils n'existent pas, donc il faut en parler. Il faut parler de l'ouverture à la concurrence, il faut parler de l'organisation de la SNCF pour qu'elle soit plus efficace. Il faut parler de sa situation financière. Il y a une dette gigantesque à la SNCF et il faut en parler parce que c'est vraiment l'avenir de la SNCF qui est en question.
ALI BADDOU
Est-ce que la grève est légitime, Elisabeth BORNE ? Je vous vois sourire.
ELISABETH BORNE
Non.
ALI BADDOU
Vous êtes à deux doigts de répondre clairement à la question.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, quand on a une concertation qui est en cours, moi je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi on emploie de mots de rapport de force : je ne suis pas dans cette logique-là, ça n'est pas la posture du gouvernement. Nous, nous voulons discuter des termes de la réforme. Nous voulons écrire le projet de loi dans la concertation donc il n'y a aucune raison d'employer ces termes aujourd'hui, il n'y a aucune raison de brandir ces menaces. Il faut que la concertation avance pour répondre aux questions qui sont celles que se posent tous les Français qui prennent le train. On veut un meilleur service public et moi je veux aussi une SNCF bien préparée à l'ouverture à la concurrence et je veux des cheminots rassurés sur leur avenir. Donc c'est ces sujets-là dont on doit parler.
ALI BADDOU
On va y venir mais est-ce que la grève est légitime, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Le droit de grève est légitime dans le pays mais le bon chemin, c'est de discuter des façons de répondre aux difficultés des Français qui prennent le train tous les jours, de discuter des questions que les cheminots se posent, de discuter de la façon dont on va préparer la SNCF pour qu'elle ait tous les atouts dans la concurrence de demain.
ALI BADDOU
Votre méthode est étonnante malgré tout. Ou bien vous vous accordez pour faire ce que nous voulons : ça, c'est la concertation ; ou alors vous n'êtes pas d'accord avec ce que je veux et là, on passe par les ordonnances. On a le sentiment que c'est un peu l'alternative que vous présentez à ceux qui sont face à vous, vos interlocuteurs, et en l'occurrence les syndicats.
ELISABETH BORNE
Non, ce n'est absolument pas le cas. On a mis un certain nombre de sujets sur la table. Ces sujets ne sont pas neutres. Je vous dis, ils étaient sous le tapis. Moi je pense que laisser les choses sous le tapis, ne pas parler des difficultés que rencontre la SNCF, ça n'a pas la bonne méthode. Donc les thèmes sont sur la table. Ensuite, le contenu doit être défini dans la concertation et moi, je l'ai dit très clairement, à chaque fois qu'on aura avancé sur un sujet grâce à cette concertation, alors on l'introduira dans le projet de loi par amendement à la place des ordonnances.
ALI BADDOU
C'est le mot effectivement : « concertation ». Est-ce que vous diriez qu'il y a une culture de la grève à la SNCF, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne veux pas rentrer dans ces débats.
ALI BADDOU
Vous connaissez parfaitement l'entreprise publique. Vous connaissez la RATP, vous pouvez décrire sa culture.
ELISABETH BORNE
Je connais en effet l'entreprise. Je dis qu'il ne faut pas refuser le dialogue. Il ne faut pas refuser de parler des sujets. C'est ce qu'on fait depuis trop longtemps et c'est aussi pour ça que la SNCF rencontre aujourd'hui des difficultés parce que quand on propose d'engager des discussions, on brandit des épouvantails. Quand on parle d'organisation de la SNCF, on déplace le sujet en parlant de privatisation. Il n'est absolument pas question de privatisation. Donc si on ne veut pas parler des sujets, les sujets deviennent de plus en plus compliqués et à la fin ce sont les voyageurs qui en payent les conséquences, c'est la SNCF qui en paye les conséquences, c'est les cheminots qui en payent. Donc il faut parler des sujets, mettre les sujets sur la table pour trouver ensemble des bonnes solutions.
ALI BADDOU
Faisons-le. Est-ce qu'il y a une culture de la grève à la SNCF, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Je pense que la culture du dialogue doit avoir plus de place. Je pense que les sujets quand ils sont difficiles, il faut en parler et c'est comme ça qu'on avance, c'est comme ça qu'on trouve des solutions ensemble.
ALI BADDOU
Est-ce que vous pensez avoir déjà gagné la bataille de l'opinion ?
ELISABETH BORNE
On n'est pas dans une bataille. C'est une réforme très importante. Les Français qui prennent le train - il y a quatre millions de Français qui prennent le train chaque jour ils voient que la qualité de service n'est pas au rendez-vous, la situation financière de la SNCF est préoccupante, il y a une ouverture à la concurrence qui est demandée par les régions qui a été décidée dans le précédent quinquennat. Il faut s'y préparer. Donc c'est tous ces sujets, il faut en parler pour trouver des bonnes solutions ensemble dans l'intérêt des voyageurs, dans l'intérêt de la SNCF et dans l'intérêt des cheminots.
ALI BADDOU
Est-ce que les employés de la SNCF et leurs familles continueront à bénéficier de ce qu'on appelle rapidement les billets gratuits ?
ELISABETH BORNE
Les cheminots ont des facilités de circulation.
ALI BADDOU
C'est le terme technique.
ELISABETH BORNE
C'est des avantages qui existent dans cette entreprise. Toutes les grandes entreprises ont des avantages et ces billets ne sont pas remis en cause.
ALI BADDOU
C'est pourtant un manque à gagner qui serait de cent millions d'euros disait la Cour des comptes en 2014 - on doit être autour de ces chiffres-là quand on doit faire des économies partout. Malgré tout, vous maintenez ces facilités de circulation ?
ELISABETH BORNE
Ces chiffres, on peut en discuter à l'infini. Les cheminots aujourd'hui ont le droit d'accéder aux trains quand on n'est pas en heure de pointe, et donc ils circulent beaucoup dans des trains où il y a de la place. Donc je ne pense pas qu'on arrive au chiffre que vous avez mentionné.
ALI BADDOU
Si on arrive au sujet de fond et qu'on parle de la concurrence qui va arriver plus ou moins vite dans le secteur ferroviaire en France, la concurrence ça a du bon ?
ELISABETH BORNE
Moi je pense que c'est l'intérêt de tout le monde. C'est l'intérêt des voyageurs parce que ce sont des nouvelles entreprises qui arrivent avec des nouvelles idées, qui proposent des nouveaux services et je pense que c'est aussi intéressant pour la SNCF parce que, du coup, c'est stimulant. On voit d'autres entreprises qui font les choses différemment. Ça donne des idées et, moi, j'ai confiance dans la SNCF, j'ai confiance dans les cheminots et je suis certaine qu'ils sauront tirer parti des expériences des autres et qu'ils gagneront des appels d'offres.
ALI BADDOU
Quel est le bon modèle dans les pays qui nous entourent ? Est-ce que c'est le modèle allemand par exemple que vous avez en tête et que vous aimeriez suivre ?
ELISABETH BORNE
Alors le modèle allemand effectivement c'est celui qui a été mentionné par le Premier ministre quand on a lancé cette réforme, parce que c'est un modèle d'une entreprise intégrée. On a beaucoup de problèmes de cloisonnement aujourd'hui à la SNCF que les cheminots vivent sur le terrain. Je fais remonter une information, j'en parle à mon chef mais ce n'est pas lui qui s'occupe du sujet auquel je suis confronté et il ne se passe rien. Donc on veut une entreprise plus unifiée, plus réactive, où les décisions se prennent sur le terrain, où les managers ont des capacités de décision et effectivement le modèle allemand répond bien à cet objectif.
ALI BADDOU
Il y a une grève qui se précise donc dans le secteur ferroviaire, une autre dans l'aérien. Une grève est prévue le 23 mars chez AIR FRANCE avec des personnels qui demandent des hausses de salaire de 6 %. Pour le moment, la direction propose 1 % en deux temps. Quelle est l'attitude de l'Etat actionnaire dans ce dossier ? Est-ce que vous soutenez la direction d'AIR FRANCE, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'il faut voir que la SNCF qu'AIR FRANCE, pardon, a en effet des meilleurs résultats, a eu des bons résultats en 2017 mais il faut voir aussi que les concurrents d'AIR FRANCE qui opèrent dans un marché totalement ouvert au plan mondial ont une meilleure performance économique. La direction d'AIR FRANCE est engagée dans un projet de développement de l'entreprise avec des nouvelles alliances et des perspectives de développement de son activité. Et moi vraiment, j'en appelle à la responsabilité des syndicats d'AIR FRANCE. Ne cassons pas cette croissance, donnons à AIR FRANCE tous les atouts dans une concurrence mondiale.
ALI BADDOU
Donc baissez vos prétentions et oubliez cette hausse de salaire de 6 %. C'est ce que vous leur dites, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Il y a eu des augmentations salariales. Les salariés bénéficient aussi d'un intéressement donc ils sont associés aux bons résultats de l'entreprise et c'est normal mais AIR FRANCE doit avoir des marges de manoeuvre pour renouveler sa flotte d'avions. C'est comme ça qu'AIR FRANCE se développera et donc moi, j'appelle chacun à la responsabilité.
ALI BADDOU
Elisabeth BORNE, vous restez avec nous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2018
L'invitée du Grand entretien de la matinale était hier au conseil des ministres pour présenter le projet de loi sur la réforme du ferroviaire ; aujourd'hui, les syndicats se réunissent pour préparer la suite. La ministre des Transports Elisabeth BORNE est avec nous jusqu'à neuf heures moins le quart. Bonjour madame la Ministre.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
ALI BADDOU
Et bienvenue. SUD-Rail a déjà prévenu : l'intersyndicale doit fixer, je cite, une date de départ en grève reconductible. Pour ceux qui nous écoutent et que les choses soient claires, jeudi prochain 22 mars sera-t-il une journée noire dans les transports ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je souhaite qu'on continue la concertation. Comme vous l'avez rappelé, j'ai présenté hier en conseil des ministres un projet de loi, un projet de loi d'habilitation. Ça veut dire que c'est un cadre, ce sont des têtes de chapitres.
ALI BADDOU
Les grandes lignes.
ELISABETH BORNE
Voilà, les têtes de chapitres et comme je l'ai dit, c'est la concertation qui doit permettre d'écrire le projet de loi.
ALI BADDOU
La concertation, c'est un mot que vous avez employé des milliers et peut-être des millions de fois ces dernières semaines. Impossible de compter cette occurrence mais la concertation, c'est quand on discute avec les parties concernées et qu'on écoute leur avis. Là aujourd'hui, le dialogue est rompu avec les syndicats.
ELISABETH BORNE
Je ne pense pas. Voyez, j'ai une réunion demain. J'ai prévu toute la journée de recevoir les organisations syndicales parce qu'il y a beaucoup de sujets qui doivent faire l'objet d'une concertation. On a annoncé qu'on allait ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence.
ALI BADDOU
Oui, on va y venir.
ELISABETH BORNE
Ça n'est pas une surprise, c'est un sujet qui a été décidé dans le précédent quinquennat. Mais à quelle date ? Avec quelles exceptions ? Quelles conséquences pour les cheminots ? Tous ces sujets, les cheminots attendent des réponses et ils doivent être discutés.
ALI BADDOU
Le 22 mars sera-t-il une journée noire dans les transports, Elisabeth BORNE ? Je vous repose la question.
ELISABETH BORNE
J'espère que non, j'espère que non. Que les syndicats entendent ma proposition de continuer les discussions, de continuer la concertation pour répondre aux questions que les cheminots se posent.
ALI BADDOU
Est-ce que vous assumez la responsabilité du conflit ?
ELISABETH BORNE
Moi, je ne suis pas du tout dans cette logique. Ce n'est pas moi qui emploie ces termes. Moi, je suis vraiment dans une démarche dans laquelle on doit construire une réforme qu'on a trop longtemps différée. On a mis beaucoup de choses sous le tapis. On fait semblant de ne pas voir les problèmes et on l'a fait pendant très longtemps, mais les problèmes ça n'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'ils n'existent pas, donc il faut en parler. Il faut parler de l'ouverture à la concurrence, il faut parler de l'organisation de la SNCF pour qu'elle soit plus efficace. Il faut parler de sa situation financière. Il y a une dette gigantesque à la SNCF et il faut en parler parce que c'est vraiment l'avenir de la SNCF qui est en question.
ALI BADDOU
Est-ce que la grève est légitime, Elisabeth BORNE ? Je vous vois sourire.
ELISABETH BORNE
Non.
ALI BADDOU
Vous êtes à deux doigts de répondre clairement à la question.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, quand on a une concertation qui est en cours, moi je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi on emploie de mots de rapport de force : je ne suis pas dans cette logique-là, ça n'est pas la posture du gouvernement. Nous, nous voulons discuter des termes de la réforme. Nous voulons écrire le projet de loi dans la concertation donc il n'y a aucune raison d'employer ces termes aujourd'hui, il n'y a aucune raison de brandir ces menaces. Il faut que la concertation avance pour répondre aux questions qui sont celles que se posent tous les Français qui prennent le train. On veut un meilleur service public et moi je veux aussi une SNCF bien préparée à l'ouverture à la concurrence et je veux des cheminots rassurés sur leur avenir. Donc c'est ces sujets-là dont on doit parler.
ALI BADDOU
On va y venir mais est-ce que la grève est légitime, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Le droit de grève est légitime dans le pays mais le bon chemin, c'est de discuter des façons de répondre aux difficultés des Français qui prennent le train tous les jours, de discuter des questions que les cheminots se posent, de discuter de la façon dont on va préparer la SNCF pour qu'elle ait tous les atouts dans la concurrence de demain.
ALI BADDOU
Votre méthode est étonnante malgré tout. Ou bien vous vous accordez pour faire ce que nous voulons : ça, c'est la concertation ; ou alors vous n'êtes pas d'accord avec ce que je veux et là, on passe par les ordonnances. On a le sentiment que c'est un peu l'alternative que vous présentez à ceux qui sont face à vous, vos interlocuteurs, et en l'occurrence les syndicats.
ELISABETH BORNE
Non, ce n'est absolument pas le cas. On a mis un certain nombre de sujets sur la table. Ces sujets ne sont pas neutres. Je vous dis, ils étaient sous le tapis. Moi je pense que laisser les choses sous le tapis, ne pas parler des difficultés que rencontre la SNCF, ça n'a pas la bonne méthode. Donc les thèmes sont sur la table. Ensuite, le contenu doit être défini dans la concertation et moi, je l'ai dit très clairement, à chaque fois qu'on aura avancé sur un sujet grâce à cette concertation, alors on l'introduira dans le projet de loi par amendement à la place des ordonnances.
ALI BADDOU
C'est le mot effectivement : « concertation ». Est-ce que vous diriez qu'il y a une culture de la grève à la SNCF, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne veux pas rentrer dans ces débats.
ALI BADDOU
Vous connaissez parfaitement l'entreprise publique. Vous connaissez la RATP, vous pouvez décrire sa culture.
ELISABETH BORNE
Je connais en effet l'entreprise. Je dis qu'il ne faut pas refuser le dialogue. Il ne faut pas refuser de parler des sujets. C'est ce qu'on fait depuis trop longtemps et c'est aussi pour ça que la SNCF rencontre aujourd'hui des difficultés parce que quand on propose d'engager des discussions, on brandit des épouvantails. Quand on parle d'organisation de la SNCF, on déplace le sujet en parlant de privatisation. Il n'est absolument pas question de privatisation. Donc si on ne veut pas parler des sujets, les sujets deviennent de plus en plus compliqués et à la fin ce sont les voyageurs qui en payent les conséquences, c'est la SNCF qui en paye les conséquences, c'est les cheminots qui en payent. Donc il faut parler des sujets, mettre les sujets sur la table pour trouver ensemble des bonnes solutions.
ALI BADDOU
Faisons-le. Est-ce qu'il y a une culture de la grève à la SNCF, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Je pense que la culture du dialogue doit avoir plus de place. Je pense que les sujets quand ils sont difficiles, il faut en parler et c'est comme ça qu'on avance, c'est comme ça qu'on trouve des solutions ensemble.
ALI BADDOU
Est-ce que vous pensez avoir déjà gagné la bataille de l'opinion ?
ELISABETH BORNE
On n'est pas dans une bataille. C'est une réforme très importante. Les Français qui prennent le train - il y a quatre millions de Français qui prennent le train chaque jour ils voient que la qualité de service n'est pas au rendez-vous, la situation financière de la SNCF est préoccupante, il y a une ouverture à la concurrence qui est demandée par les régions qui a été décidée dans le précédent quinquennat. Il faut s'y préparer. Donc c'est tous ces sujets, il faut en parler pour trouver des bonnes solutions ensemble dans l'intérêt des voyageurs, dans l'intérêt de la SNCF et dans l'intérêt des cheminots.
ALI BADDOU
Est-ce que les employés de la SNCF et leurs familles continueront à bénéficier de ce qu'on appelle rapidement les billets gratuits ?
ELISABETH BORNE
Les cheminots ont des facilités de circulation.
ALI BADDOU
C'est le terme technique.
ELISABETH BORNE
C'est des avantages qui existent dans cette entreprise. Toutes les grandes entreprises ont des avantages et ces billets ne sont pas remis en cause.
ALI BADDOU
C'est pourtant un manque à gagner qui serait de cent millions d'euros disait la Cour des comptes en 2014 - on doit être autour de ces chiffres-là quand on doit faire des économies partout. Malgré tout, vous maintenez ces facilités de circulation ?
ELISABETH BORNE
Ces chiffres, on peut en discuter à l'infini. Les cheminots aujourd'hui ont le droit d'accéder aux trains quand on n'est pas en heure de pointe, et donc ils circulent beaucoup dans des trains où il y a de la place. Donc je ne pense pas qu'on arrive au chiffre que vous avez mentionné.
ALI BADDOU
Si on arrive au sujet de fond et qu'on parle de la concurrence qui va arriver plus ou moins vite dans le secteur ferroviaire en France, la concurrence ça a du bon ?
ELISABETH BORNE
Moi je pense que c'est l'intérêt de tout le monde. C'est l'intérêt des voyageurs parce que ce sont des nouvelles entreprises qui arrivent avec des nouvelles idées, qui proposent des nouveaux services et je pense que c'est aussi intéressant pour la SNCF parce que, du coup, c'est stimulant. On voit d'autres entreprises qui font les choses différemment. Ça donne des idées et, moi, j'ai confiance dans la SNCF, j'ai confiance dans les cheminots et je suis certaine qu'ils sauront tirer parti des expériences des autres et qu'ils gagneront des appels d'offres.
ALI BADDOU
Quel est le bon modèle dans les pays qui nous entourent ? Est-ce que c'est le modèle allemand par exemple que vous avez en tête et que vous aimeriez suivre ?
ELISABETH BORNE
Alors le modèle allemand effectivement c'est celui qui a été mentionné par le Premier ministre quand on a lancé cette réforme, parce que c'est un modèle d'une entreprise intégrée. On a beaucoup de problèmes de cloisonnement aujourd'hui à la SNCF que les cheminots vivent sur le terrain. Je fais remonter une information, j'en parle à mon chef mais ce n'est pas lui qui s'occupe du sujet auquel je suis confronté et il ne se passe rien. Donc on veut une entreprise plus unifiée, plus réactive, où les décisions se prennent sur le terrain, où les managers ont des capacités de décision et effectivement le modèle allemand répond bien à cet objectif.
ALI BADDOU
Il y a une grève qui se précise donc dans le secteur ferroviaire, une autre dans l'aérien. Une grève est prévue le 23 mars chez AIR FRANCE avec des personnels qui demandent des hausses de salaire de 6 %. Pour le moment, la direction propose 1 % en deux temps. Quelle est l'attitude de l'Etat actionnaire dans ce dossier ? Est-ce que vous soutenez la direction d'AIR FRANCE, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'il faut voir que la SNCF qu'AIR FRANCE, pardon, a en effet des meilleurs résultats, a eu des bons résultats en 2017 mais il faut voir aussi que les concurrents d'AIR FRANCE qui opèrent dans un marché totalement ouvert au plan mondial ont une meilleure performance économique. La direction d'AIR FRANCE est engagée dans un projet de développement de l'entreprise avec des nouvelles alliances et des perspectives de développement de son activité. Et moi vraiment, j'en appelle à la responsabilité des syndicats d'AIR FRANCE. Ne cassons pas cette croissance, donnons à AIR FRANCE tous les atouts dans une concurrence mondiale.
ALI BADDOU
Donc baissez vos prétentions et oubliez cette hausse de salaire de 6 %. C'est ce que vous leur dites, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Il y a eu des augmentations salariales. Les salariés bénéficient aussi d'un intéressement donc ils sont associés aux bons résultats de l'entreprise et c'est normal mais AIR FRANCE doit avoir des marges de manoeuvre pour renouveler sa flotte d'avions. C'est comme ça qu'AIR FRANCE se développera et donc moi, j'appelle chacun à la responsabilité.
ALI BADDOU
Elisabeth BORNE, vous restez avec nous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2018