Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Vous avez entendu, Madame, donc les sous-entendus habiles et argumentés de Guillaume TABARD, à savoir, fondamentalement, que le président de la République n'aurait pas une passion pour les corps intermédiaires, et que l'ensemble de ce paquet, qu'il a détaillé, serait aussi une manière pour lui de renforcer son pouvoir, ou en tout cas, le pouvoir de l'exécutif. Est-ce que, politiquement, ça vous paraît vrai, avant qu'on entre dans le détail ?
NICOLE BELLOUBET
Ça me paraît faux, cela me paraît faux, parce que, au fond, ce qui est voulu par cette révision constitutionnelle et par les deux textes adjacents dont a parlé Guillaume TABARD, c'est, me semble-t-il, plutôt d'adapter les grands principes de la Constitution de 58 à notre démocratie contemporaine, c'est-à-dire, au fond de prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu depuis 1958, et c'est la raison pour laquelle on a essayé de mettre en place des éléments qui permettent d'avoir une démocratie plus représentative, c'est la représentation proportionnelle, entre autres, une démocratie plus efficace, ce sont les évolutions sur le travail parlementaire, sur lesquelles, je reviendrai, qui ne sont pas aussi déséquilibrées que ce qu'a dit monsieur TABARD
GUILLAUME DURAND
Et vous avez entendu probablement et lu Gérard LARCHER ces derniers temps, reprenant justement ce point évidemment célèbre pour l'histoire politique française, il dit : on n'a jamais vu depuis je le cite on n'a jamais vu depuis 58, vous citiez 58, une telle manoeuvre pour affaiblir le pouvoir des Parlements en France.
NICOLE BELLOUBET
Mais non, je ne pense pas cela du tout, si le président du Sénat lit bien le projet
GUILLAUME DURAND
Mais il l'a lu !
NICOLE BELLOUBET
Oui, mais s'il veut bien le lire objectivement et posément, il verra, d'une part, que, effectivement, nous avons, dans cette révision constitutionnelle, des éléments pour que, il y ait plus d'efficacité dans le travail parlementaire, qui sont d'ailleurs assez proches de ce que le Sénat a lui-même déjà prévu dans son propre règlement intérieur, donc plus d'efficacité avec finalement la possibilité d'adopter des lois plus rapidement. Et je crois que cela est important, mais également, plus de poids pour le contrôle exercé par le Parlement sur le gouvernement et pour l'évaluation des politiques publiques, et je trouve qu'il y a, là, une forme d'équilibre que, on ne relève pas suffisamment
GUILLAUME DURAND
Mais, pardonnez-moi de vous poser la question directement, est-ce que vous allez l'impression, puisque donc, il faut qu'il y ait les trois cinquièmes, est-ce que vous avez l'impression ce matin que monsieur LARCHER est prêt, avec l'opposition, une partie de l'opposition, à une certaine forme de compromis avec vous, ou est-ce que, dans l'après-midi, à l'occasion de cette conférence de presse, on est maintenant dans une opposition brutale ?
NICOLE BELLOUBET
Mais je ne préempte pas la parole du président du Sénat, que je respecte, bien évidemment, je dis simplement que nous entrons dans ce débat-là avec des propositions qui si on les regarde objectivement sont beaucoup plus équilibrées que ce que j'ai pu lire dans bien des endroits, vraiment, avec de l'efficacité, mais du contrôle et de l'évaluation, et que, d'autre part, nous entrons dans un débat parlementaire, bien entendu
GUILLAUME DURAND
Jusqu'au 4 octobre, c'est ça ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, théoriquement, nous devrions entrer au Parlement fin juin, début juillet, ensuite, au Parlement et à l'Assemblée nationale, puis, il y aura le Sénat, donc le débat durera sûrement un peu plus longtemps que cela, mais je dis qu'il y a un temps pour le débat parlementaire, et nous verrons évidemment comment le texte pourra évoluer.
GUILLAUME DURAND
Question, elle est importante aussi, est-ce que si ça ne marche pas, l'hypothèse du référendum est re-tenable ce matin ?
NICOLE BELLOUBET
Ce matin, ce matin, non, puisque ce matin, nous commençons, on ne commence pas en disant : attention, on va mettre en place un référendum, ce matin, nous entrons dans un processus normal, mais je le rappelle, et monsieur TABARD l'a souligné, nous avons trois textes. Le texte constitutionnel suppose impérativement l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. En revanche, si référendum il y avait, et juridiquement, tout cela est possible, ce serait sur la loi ordinaire, les deux autres textes. Mais si vous voulez, on n'entre pas avec cette idée-là. Le président de la République va mettre en quelque sorte un paquet sur la table, les textes ne seront pas débattus en même temps, mais ils existeront, et ils seront connus, mais nous souhaitons utiliser les procédures normales.
GUILLAUME DURAND
Mais si je vous pose ces questions-là, c'est que, effectivement, dans le détail, alors, par exemple, y a la mention de la Corse
NICOLE BELLOUBET
Oui, mais ça, ça ne peut pas faire l'objet d'un référendum
GUILLAUME DURAND
Mais, sur l'ensemble des points qui ont été évoqués par TABARD et qui sont justement dans ces trois textes, on ne peut pas dire que ça soulève une passion fondamentale chez les Français, vous le savez, la réforme constitutionnelle et la réforme institutionnelle, ils attendent plus du social...
NICOLE BELLOUBET
La réforme institutionnelle bien sûr
GUILLAUME DURAND
Ils s'interrogent sur la politique économique d'Emmanuel MACRON, donc au fond, pourquoi prendre des risques sur des textes pareils, quelle est l'urgence ?
NICOLE BELLOUBET
Parce que le président s'y est engagé pendant sa campagne électorale et que ça nous a semblé également être une attente des Français, non pas évidemment sur l'évolution du CESE par exemple, du Conseil Economique Social et Environnemental, qui sera transformé en Chambre de la société civile, mais encore que, cela participe de l'attente des Français d'avoir finalement une démocratie plus participative, et je crois que c'est cette attente-là que le président a souhaité traduire dans la révision constitutionnelle que nous proposons et dans les lois, les deux loi qui y sont adjacentes. Et cette évolution constitutionnelle, je crois qu'elle entre dans finalement ce que veut faire le président, c'est-à-dire porter une politique globale de rénovation de la vie politique, mais aussi une attention soutenue aux préoccupations des Français en matière sociale et économique.
GUILLAUME DURAND
Si je vous posais des questions sur les sous-entendus politiques, j'écoutais et lisait mon confrère, Alain DUHAMEL, qui dit : au fond, pour Emmanuel MACRON, on est certain qu'il a une stature internationale, on est certain qu'il a une vision de l'Europe, on est certain qu'il a une vision de politique économique en dehors de ces trois thèmes, dans le domaine du social et dans le domaine justement des corps intermédiaires, on vient de l'évoquer, c'est beaucoup moins sûr. Par exemple, ce matin, on vient encore d'évacuer une université, c'est le blocage de la SNCF, donc est-ce qu'il y a une politique sociale du gouvernement Edouard PHILIPPE, et est-ce que, Emmanuel MACRON tient compte de la politique sociale et de cette grogne qui existe dans le pays, ou est-ce que, finalement, il y a rien à négocier, ni avec les étudiants, ni avec la SNCF ?
NICOLE BELLOUBET
Non, alors, je vous arrête sur ce point-là, il y a évidemment une politique sociale, je crois que, il y a en France de véritables préoccupations liées à la pauvreté, liées à des gens qui sont dans de vraies difficultés, le président, évidemment, et le Premier ministre le savent, et c'est une préoccupation qu'ils prennent en compte. On ne peut pas passer sous silence des éléments qui ont déjà été posés autour de la revalorisation du minimum vieillesse et la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, etc., de la baisse de la taxe d'habitation, de la suppression de la taxe d'habitation qui va venir, on ne peut pas le passer sous silence, ou alors
GUILLAUME DURAND
Non, mais c'est contesté
NICOLE BELLOUBET
Mais ça existe, je veux bien qu'on le conteste, je veux bien qu'on dise toutes sortes de choses, mais cela existe. Cela n'est pas suffisant, et évidemment, il y a des éléments qui doivent être développés autour de la lutte contre la pauvreté, autour d'autres éléments liés au social. Mais je crois que le président l'avait dit, il prend les choses dans l'ordre, d'abord, donner de l'emploi, et c'est ce qui a été construit, c'est cela qui a été fait, je crois en tout cas que c'est ce que nous avons voulu traduire, y compris par des mesures qui sont parfois contestées, mais par exemple, les mesures fiscales qui sont parfois contestées, il faut les lire à l'aune du redressement économique et de l'emploi que l'on souhaite redonner, et c'est dans ce cadre-là que des mesures sociales pourront être prises, et vous savez, quand on développe la formation professionnelle, l'apprentissage, mais cela va concerner chaque Français et je crois qu'il y a là aussi des points très positifs en matière sociale.
GUILLAUME DURAND
L'affaire des APL, est-ce que vous pensez que c'était une erreur ?
NICOLE BELLOUBET
De quoi, les 5 euros ?
GUILLAUME DURAND
Oui.
NICOLE BELLOUBET
Symboliquement évidemment, symboliquement évidemment, mais cela a été depuis...
GUILLAUME DURAND
Julien DENORMANDIE l'a dit
NICOLE BELLOUBET
Cela a été depuis largement corrigé par une politique du logement qui vient reconstruire, me semble-t-il, une véritable offre et des possibilités plus larges, donc je crois que c'est ça la démarche qu'il faut retenir.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il faut vraiment mentionner la Corse dans la Constitution, faire un cas particulier ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, la Corse a une situation singulière en Europe, c'est la seule île d'une aussi grande surface en Europe, et donc on peut admettre qu'elle ait une singularité, une spécificité autour desquelles on peut construire un régime juridique adapté. Et donc c'est la raison pour laquelle
GUILLAUME DURAND
La Bretagne n'est pas une île, le Pays basque n'est pas une île, mais les Bretons, les Basques ont une entité forte
NICOLE BELLOUBET
Non, non, non, mais je dis bien : il y a une spécificité insulaire géographique de la Corse, on peut en tenir compte dans la Constitution, historique d'ailleurs aussi, on peut en tenir compte dans la Constitution, c'est pour cela que nous présentons cet article rédigé à propos de la Corse.
GUILLAUME DURAND
Merci Nicole BELLOUBET d'être venue nous voir ce matin sur l'antenne de Radio Classique. Bonne journée à vous
NICOLE BELLOUBET
Merci.
GUILLAUME DURAND
Donc au Conseil des ministres de ce matin, et débats parlementaires donc tout au long de l'automne avec, pour l'instant, opposition
NICOLE BELLOUBET
Et de l'été
GUILLAUME DURAND
Et de l'été, et avec opposition de Gérard LARCHER, qui doit tenir, je crois, une conférence de presse vers 15h cet après-midi.
Source : service d'information de gouvernement.fr, le 15 mai 2018