Texte intégral
R. Elkrief Vous vous exprimez pour la première fois, en tant que numéro un du parti communiste, en tandem avec le président R. Hue - vous êtes secrétaire national. On parle de la sécurité, puisque c'est l'enjeu de ces élections. F. Hollande, hier, au Grand Jury, a laissé entendre que le Gouvernement allait accorder une nouvelle rallonge budgétaire aux policiers. C'est la bonne solution ou c'est un peu de la démagogie, parce qu'on est en campagne électorale et qu'il ne faut plus qu'il y ait de bruits dans les rues ?
- "Non, la police, comme la justice, ont besoin de moyens supplémentaires. Le mal-vivre que l'on entend de la part des policiers ou de certains magistrats est justifié. Je pense qu'il faut un plan important pour donner les moyens de faire appliquer le droit à la tranquillité, le droit à la sécurité. Ce n'est pas l'unique solution. Il faut également des moyens de prévention - d'où le rôle des éducateurs -, il faut des moyens de dissuasion. Mais c'est une des solutions. R. Hue récemment, lors d'un passage à Marseille, lors d'un débat avec les élus, avait demandé le doublement des moyens, notamment pour la justice et la police."
Justement, le doublement du budget sécurité en cinq ans, n'est-ce pas un peu de la surenchère ? L. Fabius a dit la semaine dernière que "gouverner, ce n'est pas additionner les dépenses".
- "D'accord, mais il y a un enjeu de civilisation. Ce n'est pas possible que de plus en plus d'hommes, de femmes et de jeunes - et j'insiste quand je parle de jeunes, car je pense aux jeunes filles qui sont victimes de ces viols collectifs que l'on appelle des "tournantes" - en soient victimes. Il faut absolument une mobilisation gouvernementale, une mobilisation de tous les citoyens et citoyennes, pour faire reculer l'insécurité. Il y a des quartiers où les gens sont minés par cela, car rentrer le soir leur procure une grande inquiétude, d'être dans un hall d'immeuble et que tout soit dégradé. Je connais cela dans ma circonscription. Les gens ont envie de pouvoir vivre bien, ensemble et de retrouver des liens de solidarité entre eux. Je crois que c'est important."
Mais est-ce qu'il n'y a pas un double discours : d'une part, renforcer la sécurité et d'autre part, un peu d'angélisme à gauche et peut-être aussi au parti communiste, sur le thème "il ne faut pas vraiment réprimer". Je pense encore au match France-Algérie, au Stade à Saint-Denis : est-ce qu'il n'y avait pas là un peu d'angélisme ? Alors qu'on dit en même temps qu'il faut surveiller ?
- "Je pense que les sanctions qui ont été prises contre les jeunes qui ont envahit le stade sont sérieuses..."
Vous les approuvez ou vous trouvez qu'elles sont trop sévères ?
- "Je n'ai pas d'appréciation à donner."
Il y a plusieurs mois de prison...
- "Avec sursis, des amendes et des interdictions de stade. Il ne faut pas d'angélisme. Il ne faut pas aller à un discours sécuritaire, où la seule solution serait la répression. Il faut tenir les deux. Mais il faut des sanctions qui soient adaptées à chaque incivilité et à chaque délinquance. La notion de réparation pour un enfant ou un jeune est extrêmement importante. Si on abîme une cage d'escalier, il faut contribuer à sa réparation. Pour cela, il faut des moyens en éducateurs, en suivi pour ces jeunes. Ce ne sont pas que des moyens pour la police. Il y a aussi des moyens pour tout ceux qui y contribue : un ministère de la Ville, un ministère de la Jeunesse et des Sports, l'Education nationale, tout cela contribue à faire de la prévention. Prévention, dissuasion et sanction : il faut les trois."
La campagne de R. Hue démarre. Aujourd'hui, il est crédité de 5 à 6 %. Il faisait 8,7 % en 1995. Il dit qu'il est le candidat anti-Medef. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- "Quand on voit la place que prend le patronat dans le débat politique aujourd'hui, et surtout comment le patronat dit tout haut ce que la droite pense faire - par exemple, la privatisation de la Sécurité sociale, et on n'a pas encore tout puisqu'ils organisent des colloques, Seillière ayant dit qu'il fallait que le patronat prenne la parole et la garde -, je pense qu'il est bien qu'il y ait un candidat, R. Hue, qui soit vraiment le candidat qui s'oppose à ce que prépare la droite et ce que dit le Medef. Qu'il soit le candidat qui garantisse les acquis sociaux et économiques de ce pays."
5 à 6 % par rapport aux autres années : vous voyez bien que ce n'est pas très écouté ?
- "Peut-être que je me trompe, mais je crois qu'on était à peu près à ce niveau lorsqu'on est parti à la précédente élection présidentielle. Maintenant, les communistes sont en campagne et les choses vont monter."
J.-P. Chevènement, lui, continue sa percée. Il est vraiment le troisième homme, dans les sondages aujourd'hui en tout cas, et il a dit devant les étudiants de Sciences-Po, il y a quelques jours : "Je suis plus socialiste que les socialistes, plus gaulliste que les gaullistes, et plus communistes que les communistes".
- "On finit par ne plus savoir où il est. C'est un peu "monsieur plus tout". Mais "monsieur plus tout" ne fait pas une démarche politique et il ne fait pas un programme politique. Quand je lis ce matin que, lorsqu'il parle de jeunes et des couches populaires, dont la lumière a plus de mal à atteindre, il y a une forme de mépris qui me gêne."
Il méprise qui à votre avis ?
- "Il parle comme cela des jeunes et des couches populaires. Aujourd'hui, qu'est-ce qui fait que J.-P. Chevènement peut percer ? C'est peut-être que la gauche n'est pas assez à gauche. Le candidat qui peut faire que la gauche soit suffisamment à gauche, c'est R. Hue. Ce n'est pas Chevènement qui dit "je suis gaulliste, communiste et socialiste". Les gens ont besoin de points de repères, d'idées claires."
Comment allez-vous concilier votre double rôle : ministre d'un Gouvernement et, en même temps, à la tête d'un parti qui va faire campagne, peut-être contre le Gouvernement dans certains cas ? Vous avez voté, il n'y a pas longtemps contre la loi sur la Sécurité sociale, à l'Assemblée. Vous allez y arriver ?
- "Oui, d'abord parce que je suis la même femme, avec les mêmes valeurs dans ces deux responsabilités et je pense que la gauche plurielle s'est construite comme cela depuis quatre ans et demi. On a su, dans le Gouvernement et dans la majorité plurielle, marquer nos convergences, marquer nos différences et avoir une démarche constructive. Par exemple, sur la Sécurité sociale, nos députés s'étaient abstenus. Ils avaient demandés des engagements au Gouvernement, notamment sur la clarté et sur l'utilisation des 3,9 milliards pour les hospitaliers, sur la possibilité de poursuivre les discussions avec des syndicats qui n'avaient pas voté des 35 heures."
Que va-t-il se passer quand R. Hue va être très dur avec le Gouvernement et que vous allez après au Conseil des ministres devant L. Jospin ? Vous allez jouer le casque bleu entre les deux ?
- "La campagne de R. Hue n'est pas une campagne contre le Gouvernement. C'est une campagne contre la droite. C'est une campagne pour que la gauche soit vraiment à gauche et c'est une campagne pour faire en sorte que ce Gouvernement prenne les mesures nécessaires qui répondent aux attentes des Français et des Françaises. Je crois qu'on ne sera pas en difficultés. Depuis quatre ans et demi, je suis toujours une militante communiste et je ne me suis jamais trouvée en difficulté."
Justement, vous êtes encore ministre de la Jeunesse et des Sports. On a entendu, depuis hier soir, que TF1 avait obtenu la retransmission en intégralité et en exclusivité de la Coupe du monde de football et aussi des matchs de 2006. C. Tasca a dit que c'était un problème pour l'ensemble du paysage audiovisuel. Vous êtes d'accord ?
- "Il y a deux problèmes. D'abord le montant : plus d'un milliard. Jusqu'où va-t-on aller ? Je me dis parfois que ces événements, qui sont des événements planétaires ne vont plus l'être, parce qu'il y a e tas de pays qui ne pourront plus se les payer. C'est trop cher. Tout cela parce qu'il y a des courses à l'argent dans le sport qui sont inadmissibles. Je pense qu'on aurait dû, au niveau des chaînes françaises - cela avait été envisagé à un moment, il y avait eu des discussions -, mettre en commun les différents moyens des chaînes françaises et avoir un partage. Je pense qu'une totale exclusivité, ce n'est peut-être pas très bon pour le paysage audiovisuel chez nous."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 novembre 2001)
- "Non, la police, comme la justice, ont besoin de moyens supplémentaires. Le mal-vivre que l'on entend de la part des policiers ou de certains magistrats est justifié. Je pense qu'il faut un plan important pour donner les moyens de faire appliquer le droit à la tranquillité, le droit à la sécurité. Ce n'est pas l'unique solution. Il faut également des moyens de prévention - d'où le rôle des éducateurs -, il faut des moyens de dissuasion. Mais c'est une des solutions. R. Hue récemment, lors d'un passage à Marseille, lors d'un débat avec les élus, avait demandé le doublement des moyens, notamment pour la justice et la police."
Justement, le doublement du budget sécurité en cinq ans, n'est-ce pas un peu de la surenchère ? L. Fabius a dit la semaine dernière que "gouverner, ce n'est pas additionner les dépenses".
- "D'accord, mais il y a un enjeu de civilisation. Ce n'est pas possible que de plus en plus d'hommes, de femmes et de jeunes - et j'insiste quand je parle de jeunes, car je pense aux jeunes filles qui sont victimes de ces viols collectifs que l'on appelle des "tournantes" - en soient victimes. Il faut absolument une mobilisation gouvernementale, une mobilisation de tous les citoyens et citoyennes, pour faire reculer l'insécurité. Il y a des quartiers où les gens sont minés par cela, car rentrer le soir leur procure une grande inquiétude, d'être dans un hall d'immeuble et que tout soit dégradé. Je connais cela dans ma circonscription. Les gens ont envie de pouvoir vivre bien, ensemble et de retrouver des liens de solidarité entre eux. Je crois que c'est important."
Mais est-ce qu'il n'y a pas un double discours : d'une part, renforcer la sécurité et d'autre part, un peu d'angélisme à gauche et peut-être aussi au parti communiste, sur le thème "il ne faut pas vraiment réprimer". Je pense encore au match France-Algérie, au Stade à Saint-Denis : est-ce qu'il n'y avait pas là un peu d'angélisme ? Alors qu'on dit en même temps qu'il faut surveiller ?
- "Je pense que les sanctions qui ont été prises contre les jeunes qui ont envahit le stade sont sérieuses..."
Vous les approuvez ou vous trouvez qu'elles sont trop sévères ?
- "Je n'ai pas d'appréciation à donner."
Il y a plusieurs mois de prison...
- "Avec sursis, des amendes et des interdictions de stade. Il ne faut pas d'angélisme. Il ne faut pas aller à un discours sécuritaire, où la seule solution serait la répression. Il faut tenir les deux. Mais il faut des sanctions qui soient adaptées à chaque incivilité et à chaque délinquance. La notion de réparation pour un enfant ou un jeune est extrêmement importante. Si on abîme une cage d'escalier, il faut contribuer à sa réparation. Pour cela, il faut des moyens en éducateurs, en suivi pour ces jeunes. Ce ne sont pas que des moyens pour la police. Il y a aussi des moyens pour tout ceux qui y contribue : un ministère de la Ville, un ministère de la Jeunesse et des Sports, l'Education nationale, tout cela contribue à faire de la prévention. Prévention, dissuasion et sanction : il faut les trois."
La campagne de R. Hue démarre. Aujourd'hui, il est crédité de 5 à 6 %. Il faisait 8,7 % en 1995. Il dit qu'il est le candidat anti-Medef. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- "Quand on voit la place que prend le patronat dans le débat politique aujourd'hui, et surtout comment le patronat dit tout haut ce que la droite pense faire - par exemple, la privatisation de la Sécurité sociale, et on n'a pas encore tout puisqu'ils organisent des colloques, Seillière ayant dit qu'il fallait que le patronat prenne la parole et la garde -, je pense qu'il est bien qu'il y ait un candidat, R. Hue, qui soit vraiment le candidat qui s'oppose à ce que prépare la droite et ce que dit le Medef. Qu'il soit le candidat qui garantisse les acquis sociaux et économiques de ce pays."
5 à 6 % par rapport aux autres années : vous voyez bien que ce n'est pas très écouté ?
- "Peut-être que je me trompe, mais je crois qu'on était à peu près à ce niveau lorsqu'on est parti à la précédente élection présidentielle. Maintenant, les communistes sont en campagne et les choses vont monter."
J.-P. Chevènement, lui, continue sa percée. Il est vraiment le troisième homme, dans les sondages aujourd'hui en tout cas, et il a dit devant les étudiants de Sciences-Po, il y a quelques jours : "Je suis plus socialiste que les socialistes, plus gaulliste que les gaullistes, et plus communistes que les communistes".
- "On finit par ne plus savoir où il est. C'est un peu "monsieur plus tout". Mais "monsieur plus tout" ne fait pas une démarche politique et il ne fait pas un programme politique. Quand je lis ce matin que, lorsqu'il parle de jeunes et des couches populaires, dont la lumière a plus de mal à atteindre, il y a une forme de mépris qui me gêne."
Il méprise qui à votre avis ?
- "Il parle comme cela des jeunes et des couches populaires. Aujourd'hui, qu'est-ce qui fait que J.-P. Chevènement peut percer ? C'est peut-être que la gauche n'est pas assez à gauche. Le candidat qui peut faire que la gauche soit suffisamment à gauche, c'est R. Hue. Ce n'est pas Chevènement qui dit "je suis gaulliste, communiste et socialiste". Les gens ont besoin de points de repères, d'idées claires."
Comment allez-vous concilier votre double rôle : ministre d'un Gouvernement et, en même temps, à la tête d'un parti qui va faire campagne, peut-être contre le Gouvernement dans certains cas ? Vous avez voté, il n'y a pas longtemps contre la loi sur la Sécurité sociale, à l'Assemblée. Vous allez y arriver ?
- "Oui, d'abord parce que je suis la même femme, avec les mêmes valeurs dans ces deux responsabilités et je pense que la gauche plurielle s'est construite comme cela depuis quatre ans et demi. On a su, dans le Gouvernement et dans la majorité plurielle, marquer nos convergences, marquer nos différences et avoir une démarche constructive. Par exemple, sur la Sécurité sociale, nos députés s'étaient abstenus. Ils avaient demandés des engagements au Gouvernement, notamment sur la clarté et sur l'utilisation des 3,9 milliards pour les hospitaliers, sur la possibilité de poursuivre les discussions avec des syndicats qui n'avaient pas voté des 35 heures."
Que va-t-il se passer quand R. Hue va être très dur avec le Gouvernement et que vous allez après au Conseil des ministres devant L. Jospin ? Vous allez jouer le casque bleu entre les deux ?
- "La campagne de R. Hue n'est pas une campagne contre le Gouvernement. C'est une campagne contre la droite. C'est une campagne pour que la gauche soit vraiment à gauche et c'est une campagne pour faire en sorte que ce Gouvernement prenne les mesures nécessaires qui répondent aux attentes des Français et des Françaises. Je crois qu'on ne sera pas en difficultés. Depuis quatre ans et demi, je suis toujours une militante communiste et je ne me suis jamais trouvée en difficulté."
Justement, vous êtes encore ministre de la Jeunesse et des Sports. On a entendu, depuis hier soir, que TF1 avait obtenu la retransmission en intégralité et en exclusivité de la Coupe du monde de football et aussi des matchs de 2006. C. Tasca a dit que c'était un problème pour l'ensemble du paysage audiovisuel. Vous êtes d'accord ?
- "Il y a deux problèmes. D'abord le montant : plus d'un milliard. Jusqu'où va-t-on aller ? Je me dis parfois que ces événements, qui sont des événements planétaires ne vont plus l'être, parce qu'il y a e tas de pays qui ne pourront plus se les payer. C'est trop cher. Tout cela parce qu'il y a des courses à l'argent dans le sport qui sont inadmissibles. Je pense qu'on aurait dû, au niveau des chaînes françaises - cela avait été envisagé à un moment, il y avait eu des discussions -, mettre en commun les différents moyens des chaînes françaises et avoir un partage. Je pense qu'une totale exclusivité, ce n'est peut-être pas très bon pour le paysage audiovisuel chez nous."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 novembre 2001)