Conférence de presse de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, sur les consultations citoyennes pour l'Europe, le budget européen, les relations commerciales entre l'Union européenne et les Etats-Unis, les relations franco-tchèques et sur les sanctions contre la Russie, à Prague le 11 mai 2018.

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Circonstance : Déplacement à Prague (République tchèque)pour le lancement des consultations citoyennes pour l'Europe, les 10 et 11 mai 2018

Texte intégral


Je suis venue ici à Prague, à l'invitation du gouvernement tchèque, pour le lancement hier des consultations citoyennes pour l'Europe en République tchèque. Nous avons, avec le Premier ministre Andrej Babis, dialogué avec des citoyens à La Fabrika pendant deux heures environ sur ce que les Tchèques pensent de l'Europe, ce qu'ils en apprécient, ce qu'ils critiquent et ce qu'ils en attendent.
C'est important pour nous que ce mouvement de dialogue avec les citoyens démarre partout à travers l'Union européenne et se poursuive jusqu'à la fin du mois d'octobre. C'est important aussi d'avoir un dialogue approfondi entre Etats membres, comme j'ai pu l'avoir hier soir, après la consultation citoyenne, avec le Premier ministre et le secrétaire d'Etat aux affaires européennes sur les grands enjeux européens du moment. C'est un moment clef dans l'histoire de la construction européenne ; l'Europe est mise au défi d'être à la hauteur sur les enjeux du numérique, sur les enjeux climatiques, sur les enjeux migratoires et sur les enjeux de sécurité. Par ailleurs, l'Europe est aussi mise au défi dans sa relation avec le reste du monde, avec les Etats-Unis, qu'il s'agisse des mesures commerciales pour lesquelles l'Union européenne a obtenu une exemption temporaire que nous souhaitons permanente, qu'il s'agisse de notre vision de l'accord nucléaire avec l'Iran dont les Etats-Unis se sont retirés, mais dans lequel l'Union européenne et les Etats membres demeurent, qu'il s'agisse de notre relation avec la Russie et la Turquie.
Il était donc important de faire le point avec les autorités tchèques au moment où nous commençons à négocier le prochain budget de l'Union européenne. Négocier un budget, c'est d'abord décider de nos priorités et donc en discuter ensemble. C'était l'objet principal de ma venue ici, dans une année 2018 qui est une année aux consonances symboliques fortes entre la France et ce qui était il y a cent ans la Tchécoslovaquie. Le 30 juin prochain, le Premier ministre tchèque et le Premier ministre slovaque sont invités en France, dans les Vosges, pour célébrer la création de l'armée tchécoslovaque. Il y aura aussi en 2018 d'autres occasions de mettre en valeur cette relation entre la France et la République tchèque.
Q - Si je peux vous demander quelque chose qui n'est pas vraiment lié à la consultation, mais c'est un sujet très important ici. Avant votre venue hier pour les consultations citoyennes, c'était M. l'ambassadeur qui vous remplaçait. Vous avez dit que la France était d'avis d'éviter la solution qui divise en matière de réformes pour un système d'asile en Europe.
R - Absolument.
Q - Cela veut-il dire que la France insiste pour trouver l'unanimité et qu'il est à exclure que les Etats membres acceptent un vote comme en 2015 ?
R - Ce que nous voulons, c'est trouver une solution viable. Il y a une nécessité de réformer le régime européen commun de l'asile, parce que l'on voit bien aujourd'hui les difficultés auxquelles sont confrontés les pays de l'Union européenne, d'abord les pays de première entrée qui ont eu à faire face à un afflux migratoire très fort depuis 2015. Ensuite, il y a les autres pays de l'Union européenne qui ont accueilli des demandeurs d'asile et des migrants. Réformer le règlement de Dublin, cela nécessite que chacun fasse un pas vers l'autre. De ce point de vue-là, la présidence actuelle, la présidence bulgare a fait des propositions que nous soutenons parce qu'elles sont intéressantes. Elles consistent à se mettre d'accord sur ce que nous faisons en période normale et ce que nous faisons au début d'une crise migratoire, et également ce que nous faisons si une crise migratoire est aggravée. Cela veut dire une responsabilité confirmée pour les Etats de première entrée et une solidarité effective des autres Etats.
Vous me posez une question qui est une question de procédure, moi je vous dis que nous discutons sur le fond, sur ce que cela signifie d'être ensemble dans l'Union européenne, dans un espace de libre circulation confronté à une arrivée significative de migrants et de demandeurs d'asile. Je déplore que les décisions qui ont été prises en 2015 n'aient pas été appliquées par certains Etats membres de l'Union européenne et que le concept de solidarité, qui est au coeur du projet européen, n'ait pas trouvé de traduction.
Q - Merci pour vos propos sur le fond, mais si les pays du V4 refusent même le compromis de la présidence bulgare parce qu'en temps de crise, il y aurait la relocalisation obligatoire des demandeurs d'asile, pensez-vous qu'il soit possible de trouver un compromis sans la relocalisation obligatoire, ou est-ce difficilement imaginable ?
R - Nous sommes attachés à une part de relocalisation qui soit un engagement obligatoire en cas de crise particulièrement aiguë. On ne peut pas considérer que l'on puisse se contenter de laisser quelques Etats aux prises avec l'accueil, que nous souhaitons digne et humain des demandeurs d'asile, pendant que d'autres Etats regardent ailleurs. Nous sommes un espace de libre circulation, cela doit avoir un sens.
Q - Sur la base de la discussion d'hier, de cette consultation, quelle impression vous a fait l'état du débat tchèque sur l'avenir de l'Union européenne ?
R - Je dirais que l'on a coutume de décrire la République tchèque comme un pays où l'euroscepticisme est fort parce qu'on regarde les statistiques et l'on voit que moins de 40% des Tchèques sont favorables à l'Union européenne.
Ce qui est intéressant c'est que, si on prend sujet par sujet, il y a des appréciations positives, il y a des critiques, il y a des attentes. Et je crois que c'est plus général au sein de l'Union européenne. Dire êtes-vous pour ou contre la construction européenne, c'est une question extrêmement réductrice.
Ces consultations sont là pour faire du qualitatif, pour prendre le temps de voir quels sont les sujets que soulèvent les citoyens, soit pour contester ce que fait l'Union européenne, soit pour demander que ce soit fait différemment, soit pour en demander davantage.
On voit par exemple des préoccupations de sécurité, de souveraineté de l'Union européenne par rapport à d'autres grandes puissances qui peuvent interférer avec nos décisions, avec notre espace de discussion publique. Ce sont des sujets où il y a des attentes fortes.
J'ai trouvé très intéressante la partie de la consultation à laquelle j'ai pu assister, -effectivement un retard d'avion m'a empêchée d'être présente au début. Il s'agissait du lancement, ce n'était donc qu'une première consultation un peu formelle, visant à faire connaître le processus pour qu'il y en ait d'autres, d'autres à Prague, d'autres en-dehors de Prague et qu'on entende ce que les Tchèques pensent de la politique de cohésion, de la politique agricole, ce qu'ils attendent en matière d'éducation, en matière de recherche, en matière de sécurité, sur les enjeux du numérique, sur les enjeux de l'environnement. Que partout en Europe on obtienne une "photographie" des attentes des populations. On ne peut pas avoir un profond besoin de réforme de l'Union européenne et ne pas donner la parole aux citoyens.
Il y a aussi des précisions à apporter sur ce que c'est qu'une décision européenne, qui la prend ? C'est assez coutumier de dire, on l'entend ici comme on peut l'entendre ailleurs : "Bruxelles impose", "la Commission décide"... Ce n'est pas comme cela que cela se passe dans l'Union européenne. Et ces Consultations citoyennes sont aussi une occasion de donner cette explication, de rappeler que nous tous, gouvernements des Etats membres, nous siégeons autour de la table du Conseil et que nous prenons des décisions qui ont un impact sur l'ensemble des peuples européens.
Q - À votre avis, combien de gens vont vouloir participer ? Et est-ce que cette participation peut devenir une voix assez forte pour changer quelque chose ? Pour donner des idées ?
R - Je souhaite que cette voix soit entendue et les chefs d'Etat et de gouvernement se sont engagés à appuyer leur travail sur le résultat de ces consultations. Après, nous verrons combien de citoyens européens vont avoir envie de participer ou d'organiser des consultations, parce que ce n'est pas une logique purement gouvernementale, une association, un syndicat, une mairie peut décider d'organiser une consultation demain.
En France, nous avons démarré le 17 avril. Nous avons déjà environ 200 propositions de consultations à travers les territoires. Et cela n'est pas assez. C'est un bon démarrage mais nous en espérons encore davantage d'ici fin octobre.
Il y a une consultation en ligne qui a été ouverte le 9 mai, le jour de la fête de l'Europe. Elle est disponible sur le site de la Commission européenne et elle sera diffusée partout en Europe, en 24 langues. Je souhaite aussi que les citoyens, partout, puissent remplir le questionnaire proposé et dire quelle direction ils veulent pour le projet européen.
Le projet européen, il est là. Nous avons une histoire commune, nous avons un destin commun. Il n'y a aucune raison de considérer qu'il est imposé de l'extérieur ou imposé d'en haut. Les citoyens ont leur voix à faire entendre.
Q - M. Babis s'est prononcé une nouvelle fois contre l'adoption de l'euro par la République tchèque. Est-ce que vous avez essayé de le persuader pour qu'il change d'avis ?
R - Nous serons heureux le jour où il aura changé d'avis. Mais l'euro, on y entre lorsqu'on en a la volonté et qu'on est prêt. Il ne faut pas forcer les volontés et il ne faut pas aller trop vite si on n'est pas prêt.
Parfois, on dit dans cette partie de l'Europe : non à l'Europe à plusieurs vitesses. Mais je constate que, par exemple, sur l'euro, la République tchèque ne souhaite pas pour le moment y participer. C'est respectable. L'Europe différenciée, cela consiste à respecter la volonté des gouvernements, à ne forcer personne à rentrer dans un projet, mais à ne pas être empêché d'aller de l'avant par ceux qui n'ont pas la volonté ou qui ne sont pas prêts. Cela a été le cas de l'euro, cela a été le cas de Schengen. C'est le cas sur l'Europe de la défense ; quand nous avons initié la coopération structurée permanente en matière de défense, nous avons dit : "viennent ceux qui peuvent et qui veulent y participer". Le résultat c'est que 25 Etats membres sur 27 ont décidé d'y prendre part et la République tchèque a joué un rôle tout à fait déterminant puisqu'elle est dans le projet depuis le début avec beaucoup d'engagement.
L'Europe différenciée, c'est cela, c'est une Europe inclusive qui n'exclut personne a priori mais qui ne force personne non plus.
Q - (inaudible)
R - C'est un choix de la République tchèque. Je ne peux pas le commenter à la place du gouvernement tchèque. Evidemment, nous, nous avons fait un choix différent. Nous considérons qu'avoir la même monnaie se traduit par davantage de convergence économique, que nous devons d'ailleurs y travailler, transformer l'Union économique et monétaire en véritable Union économique au bénéfice de toute l'Union européenne. Ce n'est évidemment pas contre les Etats membres qui ne sont pas dans la zone euro. Une zone euro qui se porte bien, une zone euro qui se renforce, c'est une zone euro en croissance, qui tire la croissance du reste de l'Union européenne aussi. Donc, c'est dans l'intérêt de tout le monde.
Q - Vous avez mentionné le budget européen aussi avec M. Babis. Après les premières propositions, il y avait quelques Etats membres mécontents. Comment voyez-vous la position de la Tchéquie après ce dialogue ?
R - D'abord, je vais vous résumer la position de la France. Pour nous, il y a des choses positives dans le budget européen, il y a des choses insuffisantes et il y a un vrai point de préoccupation.
Les choses positives, c'est que c'est un budget qui prend en compte la nécessité de traiter au niveau européen des questions de sécurité, des questions de migrations, des questions de jeunesse, de mobilité et des questions de recherche. Sur tous ces points-là il y a une augmentation significative des budgets et c'est une bonne chose, nous l'avions souhaité et nous la trouvons reflétée.
Il y a des insuffisances. D'abord, le budget n'est pas très ambitieux. Nous savons que, avec ces nouvelles priorités et avec le départ du Royaume-Uni, nous devons avoir un budget qui représente plus de 1% du revenu national brut dans l'Union européenne. Aujourd'hui, la proposition de la Commission est à 1,11%, c'est une ambition faible par rapport aux besoins.
Ce qui nous paraît encore insuffisant, ce sont les propositions qui sont faites sur les ressources propres de l'Union européenne. Nous soutenons le recours à la ressource ETS, le produit des enchères sur le marché du carbone européen. Mais nous voulons y rajouter le produit de la taxe sur les grands acteurs du numérique. Il y a une proposition de la Commission qui a été faite, proposition de grande qualité, nous souhaitons que cette proposition soit adoptée et que le produit de la taxe de ce que l'on appelle les GAFA puisse être affecté au budget européen.
Nous trouvons aussi que, au moment où les Britanniques s'en vont et où le "chèque britannique", le rabais britannique disparaît, c'est le moment de faire disparaître tout de suite tous les rabais. Parce que les rabais c'est le contraire de la solidarité européenne, cela n'a pas sa place. Nous, nous sommes deuxième contributeur au budget de l'Union européenne et nous n'avons jamais demandé de rabais. Et nous mettons nos partenaires devant leurs responsabilités. Si aujourd'hui nous avons des priorités, il faut pouvoir les financer et donc supprimer ces rabais.
Nous pensons que, sur la zone euro, il y a un début de proposition de l'Union européenne, le début de capacité budgétaire. C'est la preuve que ce que nous disons depuis des mois a du sens, c'est la preuve que ce n'est pas juste une idée française. La Commission le prend en compte mais à un niveau qui est objectivement encore très embryonnaire.
Et puis nous avons une difficulté réelle avec le sort qui est fait à la politique agricole commune, avec une baisse affichée de 5% des crédits mais qui, en euros constants, est bien supérieur à ces 5%. Nous sommes très attachés au maintien des aides directes aux agriculteurs en volume. Nous sommes pour une rénovation de la PAC, elle est nécessaire, mais rénovation cela ne veut pas dire que l'on sacrifie la PAC. De ce point de vue-là, nous sommes en parfait accord avec la République tchèque, nous en avons parlé hier.
Nous avons aussi parlé de la question des ressources propres. Nous avons parlé des priorités que nous soutenons ensemble sur la sécurité, sur l'émigration, sur la jeunesse. Nous avons beaucoup de points de convergence avec la République tchèque sur le futur budget européen. Maintenant, je laisserai les autorités tchèques décrire leur position.
Q - Cette capacité budgétaire, si je ne me trompe pas, c'est 35 milliards d'euros, quelque chose comme ça. Au niveau européen c'est 0,000...
R - C'est très faible...
Q - La France voudrait un pourcentage plus haut mais combien exactement ?
R - La question n'est pas de fixer un pourcentage a priori. La question est de discuter avec nos partenaires sur ce que l'on fait de ce mécanisme, à quoi il sert, convaincre nos partenaires de la nécessité d'en faire à la fois un instrument d'investissement et de stabilisation dans la zone euro. Une fois que l'on sera d'accord sur les objectifs poursuivis, on pourra fixer un volume.
Mais ce que je n'appuie pas, c'est de partir d'un volume donné du budget européen et, ensuite, d'essayer de faire entrer dedans des priorités. Mettons-nous d'accord sur les priorités et, ensuite, faisons le calcul de ce que sont nos besoins et comment on les finance.
Q - Vous avez aussi parlé des Etats-Unis, de M. Trump. Pouvez-vous nous dire si vous espérez l'exemption permanente en matière de douane, de tarif douanier de l'acier et de l'aluminium ? Ou plutôt vous souhaitez qu'il n'y ait pas ce genre d'entente ?
R - Pour nous, l'Europe doit être unie et déterminée à obtenir une exemption permanente parce que le motif invoqué par l'administration américaine, ce sont les surcapacités de production de l'acier et les aides d'Etat sur les productions d'acier. C'est un vrai sujet mais ce n'est pas un sujet européen. Et la manière de traiter ce sujet, ce n'est pas de taxer les importations européennes, en particulier en prenant comme motif la sécurité nationale américaine alors que les Européens sont des alliés des Etats-Unis.
Donc, pour nous, l'exemption permanente est la demande légitime que doit formuler l'Union européenne en ne parlant que d'une seule voix. Et il ne peut pas y avoir de négociations commerciales avec les Etats-Unis sous la menace. Nous l'avons dit, nous le répétons, cela a d'ailleurs été dit par nos partenaires européens, et là-dessus il y a une ligne commune.
Après, quelle va être la décision prise par le président Trump ? Nous verrons mais, en tout cas, notre position, elle, est très claire.
Q - En ce qui concerne l'Iran, tout le monde s'attendait à ce que Washington fasse ce qu'ils ont fait. Mais en ce qui concerne les tarifs douaniers, quelle est l'attente à Paris ?
R - Ecoutez, je ne lis pas dans les boules de cristal. Je vous dis la position que nous défendons, de manière unie et de manière ferme vis-à-vis de Washington et puis nous verrons le résultat à la fin de ce mois.
Q - J'ai encore une question pratique. Est-ce que vous avez parlé avec M. Babis de la visite de M. Macron prévue à Prague ?
R - Bien sûr. Il n'y a pas encore de date pour cette visite mais le principe en est arrêté évidemment et le président de la République souhaite venir en République tchèque. Nous avons d'abord parlé de la venue de M. Babis fin juin à Darney dans les Vosges.
Et puis nous avons parlé de la manière dont nous célébrerons ensemble le Centenaire. Nous avons commencé au mois de janvier à Paris au centre culturel tchèque par cette co-célébration très symbolique franco-tchéco-slovaque. Nous avons parlé des évènements culturels : l'exposition qui est présentée en ce moment à Bratislava et qui arrive ensuite à Prague sur le centenaire de l'armée tchécoslovaque et tout ce qui est prévu d'ici la fin de cette année.
En France, il y aura aussi un moment très fort qui sera le 11 novembre 2018 où un très grand nombre de chefs d'Etat et de gouvernement sont invités. Donc il y aura beaucoup de moments pour se voir et se parler entre dirigeants français et dirigeants tchèques et le président de la République à bien l'intention d'honorer l'invitation qui lui a été faite de venir à Prague.
Q - Est-ce que c'est nécessaire pour la visite que le gouvernement tchèque obtienne la confiance du Parlement ? Est-ce imaginable...
R - Le vrai obstacle aujourd'hui c'est un obstacle de calendrier du président de la République. Je lui parle régulièrement de la traduction dans les faits des engagements qu'il a pris mais la dernière fois que j'ai voulu lui en parler il était en Australie, il sera bientôt en Russie, il a beaucoup de déplacements internationaux, il a une présence forte sur la scène nationale française. La question est purement une question de disponibilité de son côté.
Q - Je reviens à M. Babis. M. Babis disait hier que lui imaginait aussi une réforme de l'Union européenne, mais avec une commission européenne dépolitisée et avec l'aboutissement du marché commun. Donc il a une vision qui est visiblement plutôt économique de l'Union européenne. Au même moment M. Macron à Aix-la-Chapelle essaye de relancer son projet de réforme de l'Union européenne. Est-ce que ce n'est pas un problème d'avoir des visions assez différentes de l'Union européenne avec certains, peut-être comme la République tchèque, qui voient là plutôt un espace purement économique et d'autres qui veulent aller vers plus d'intégration politique?
R - Je ne crois pas qu'on puisse résumer la République tchèque à une vision purement économique de l'Union européenne. Je citais l'engagement de Prague dans la coopération structurée permanente : c'est bien le signe que la République tchèque est très attachée à la dimension de l'Europe de la sécurité et de la défense.
J'ai aussi en tête ce que nous avons fait ensemble et le rôle qu'a pu jouer la République tchèque dans la réforme du régime du travail détaché, c'est-à-dire la prise en compte d'une dimension sociale de l'Union européenne et la République tchèque a joué un rôle très constructif dans l'accord qui a pu être trouvé au mois d'octobre au Conseil. Donc je ne crois pas qu'il faille résumer l'intérêt marqué par la République tchèque à un intérêt purement économique. Nous parlons aussi de questions fiscales ; nous parlons de beaucoup de sujets et pas seulement du bon fonctionnement du marché unique.
Q - Alors dans ce cas comment la République tchèque réagit selon vous aux propositions formulées par M. Macron pour réformer l'Union européenne ?
R - Dans les propositions que nous avons mis sur la table depuis le mois de septembre dernier - dans le discours de la Sorbonne - , il y a des propositions sur beaucoup de sujets, sur les universités européennes, et là-dessus il y a un intérêt évident de pays comme la République tchèque ; il y a des propositions sur l'encouragement à l'innovation et des propositions sur le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne et la République tchèque est parfaitement en phase avec ces propositions-là. Donc sur la plupart des sujets, on a un dialogue très positif ici à Prague.
Q - Encore sur le sujet des réformes européennes et de la coopération franco-allemande. Comment ça marche maintenant ? Le président Macron a des idées assez grandes. La chancelière Merkel, il y a un an, était d'accord avec ça. Maintenant ça a un peu changé. Et on parle déjà de [incompréhensible] diplomatie de la partie allemande. On parle beaucoup mais quand on doit agir on ne fait pas trop. Si vous pouvez répondre honnêtement et off record, est-ce qu'il y a déjà un peu de frustration chez les Français ?
R - Il n'y a pas de frustration ; il y a beaucoup de patience, parce que le processus politique allemand a été, après les élections de l'an dernier, assez inhabituel, dans la longueur de la mise en place d'un gouvernement. Inhabituel en Allemagne, j'allais dire malheureusement le constat c'est qu'il n'est pas inhabituel en Europe et que c'est parfois compliqué d'avancer quand on a des gouvernements qui ne sont pas tout à fait confirmés. Aujourd'hui la question se pose en Italie.
Mais on a avancé sur beaucoup de sujets pendant cette période un peu particulière en Allemagne : on a avancé sur la gestion externe des migrations ; on a avancé sur l'harmonisation fiscale entre la France et l'Allemagne, avec pour objectif d'en faire un élément d'entraînement pour le reste de l'Union européenne. On a avancé sur la défense, je le mentionnais à la fois la coopération structurée permanente et le fonds européen de défense ; honnêtement cela n'est un mystère pour personne qu'au départ c'était un projet sur lequel on s'est mis d'accord en franco-allemand et qu'on a partagé ensuite avec nos partenaires.
C'est sur la réforme et le renforcement de la zone euro que nous sommes dans un dialogue étroit, très régulier, pour essayer d'aller aussi loin que nous le souhaitons avec le soutien de l'Allemagne. Nous nous sommes engagés à ce que la France et l'Allemagne au Conseil européen du mois de juin arrive avec une feuille de route commune. C'est un engagement qui a été rappelé par Angela Merkel. Nous sommes en train d'y travailler et nous souhaitons y voir le plus de courage politique possible, tout simplement parce qu'aujourd'hui nous sommes dans une période de calme dans la zone euro, de croissance, de baisse du chômage, de taux d'intérêts faibles. C'est le moment de tirer les leçons de la crise précédente et c'est surtout le moment de faire en sorte d'être prêt en cas de prochaine crise.
Q - Est-ce que vous croyez que la proposition qui viendra au mois de juin sera assez forte pour changer quelque chose de l'alignement européen ? Ou est-ce que ce serait une proposition qui sera là, bien sûr, mais avec des changements qui seront plutôt cosmétiques ?
R - Ce ne sera certainement pas cosmétique, parce que cela n'aurait aucun intérêt. Ce que je peux dire, c'est que nous avancerons par étape, nous essaierons d'en franchir le plus possible, mais le renforcement de la zone euro, c'est un processus sur le moyen terme. Il y a des choses que l'on doit faire tout de suite et que l'on peut faire tout de suite, et il y a des choses que l'on fera petit à petit.
Q - Mais comment pourra-t-on continuer après le mois de juin avec les élections à venir ?
R - Précisément, nous devons à nos concitoyens, partout en Europe, d'avoir des résultats et c'est une très bonne raison pour avancer.
Q - Comment voyez-vous le futur des sanctions contre la Russie, après les derniers développements en Italie où le gouvernement sera composé de deux parties qui sont vraiment très fortement contre les sanctions ?
R - D'abord, il n'y a pas encore de gouvernement en Italie, et quand ce gouvernement sera formé, nous informerons le gouvernement italien des efforts que nous menons, notamment avec l'Allemagne dans le processus de Normandie pour la mise en oeuvre des accords de Minsk. Nous n'avons pas mis en place les sanctions, et nous ne maintenons pas les sanctions, à l'égard de la Russie pour le plaisir. Si nous constations des progrès dans la mise en oeuvre des accords de Minsk, nous serions évidemment disposés à proposer soit une levée, soit un allègement des sanctions. Ce que nous avons constaté jusqu'à présent, et ce constat est partagé au sein du conseil européen, c'est qu'il n'y a pas de progrès qui permettent, ni une levée, ni un allègement des sanctions. Nous continuons à travailler pour que ces progrès arrivent et prochainement, le président de la République se rendra en Russie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2018