Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la prise en charge des enfants sourds, notamment leur intégration dans le milieu scolaire ordinaire et le partenariat entre les établissements scolaires et les établissements spécialisés, Paris le 21 novembre 2001.

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Circonstance : Inauguration de l'Institut national des jeunes sourds de Paris le 21 novembre 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur,
Permettez-moi de vous remercier de m'avoir proposé d'inaugurer cette réhabilitation des locaux de l'institut des jeunes sourds de Paris, et ceci pour deux raisons :
D'abord parce qu'il est rare qu'un établissement de cette nature ait une aussi longue histoire. Son histoire remonte au 18ème et 19ème siècle. Sa création date de 1791 et l'Institut s'installa dans ses locaux actuels en 1794. Ce long passé a donné à cet institut, une forte identité, une place symbolique importante dans la communauté sourde, comme dans le public non spécialisé.
L'autre raison, qui me satisfait d'être parmi vous aujourd'hui, tient aux objectifs et aux projets que vous mettez en uvre au service d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes sourds ou malentendants.
Les évolutions de la société, celles aussi du cadre juridique, les nouvelles techniques de compensation de la surdité et la politique de reconnaissance des langues minoritaires ont permis à ce secteur de se transformer.
Dès 1956, des établissements privés voient le jour aux côtés des établissements nationaux.
Dans un deuxième temps, la loi de 1975 a posé le droit à l'éducation des jeunes sourds ou des malentendants, dans des établissements ordinaires chaque fois que possible, donnant un essor considérable au développement de l'intégration des enfants sourds en milieu scolaire ordinaire, favorisant ainsi, une véritable complémentarité entre les établissements spécialisés et les établissements scolaires.
Ce partenariat entre établissements jette les bases des rapprochements à opérer en matière de formation et de certification dans le domaine des métiers de l'éducation des jeunes sourds.
Ceux-ci concernent non seulement les enseignants, comme vous l'avez souligné Monsieur le Président, mais également les médiateurs de communication que sont les codeurs et les interprètes.
La réforme de l'autre loi de 1975, la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, pour laquelle nous avons lancé les travaux préparatoires, devra avoir pour objectif, en particulier, de mieux organiser la planification des ressources en dotant les services déconcentrés et les promoteurs de projets, d'instruments nouveaux.
Déjà, les commissions départementales d'éducation spéciale, les CDES, constituent un élément essentiel du dispositif d'évaluation et d'orientation des enfants handicapés.
Dans le cadre du plan triennal en faveur des personnes handicapées, annoncé le 25 janvier 2000, par le Premier ministre, il a été décidé un renforcement de leurs moyens, (15 MF, pour la durée du plan, pour améliorer leur expertise médicale), et également la modernisation indispensable de leur outil informatique.
Par ailleurs, les rénovations réglementaires ont apporté en 1988, une différenciation attendue entre la prise en charge des enfants déficients visuels et celle des enfants déficients auditifs.
Définissant les nouvelles orientations et les nouvelles techniques dans le secteur de l'éducation des jeunes sourds, la place des professionnels sourds était enfin reconnue.
Ce nouveau texte place l'enfant et sa famille au cur du système. Il permet de prendre en compte la diversité des situations. Ainsi est instituée l'obligation de mettre en place un projet individuel, tout en renforçant la place des parents dans le dispositif de prise en charge de leur enfant grâce à la création des conseils d'établissements et bientôt des conseils de la vie sociale.
Enfin, la création des services de soutien et d'éducation familiale à l'intégration scolaire (SSEFIS) pour les jeunes sourds apporte à l'enfant intégré les soutiens nécessaires à son intégration.
En effet, l'intégration d'un enfant sourd ne s'improvise pas.
De ce constat est né un partenariat, chaque jour renforcé, avec les établissements relevant du ministère de l'éducation nationale pour permettre à chaque enfant, s'il en a besoin, de bénéficier du soutien d'un SSEFIS. L'enfant peut ainsi voir ses chances consolidées, pour réussir scolairement et s'intégrer professionnellement et socialement.
Ce projet individualisé, personnalisé et adaptable à l'évolution des besoins des enfants et plus particulièrement de ceux qui rencontrent des difficultés familiales, sociales et scolaires, je l'ai retrouvé dans le projet d'établissement que votre conseil d'administration a adopté le 23 juin 1999 pour les cinq prochaines années à venir.
Il représente, dites-vous, la charte qualité de l'institut.
La visite que je viens d'effectuer, les contacts que je viens d'avoir avec les élèves, me le prouvent.
Tout en garantissant à l'intérieur de l'institut un enseignement diversifié et toujours de qualité, vous proposez, par ce projet individuel, des formations dans des établissements scolaires " intégrants ", offrant la possibilité aux enfants de pouvoir passer d'un dispositif à un autre, d'un établissement médico-social à un établissement scolaire ordinaire, ou vice versa, afin qu'il n'y ait pas de rupture, dans la prise en charge des élèves.
Je voudrais rapidement évoquer une autre étape essentielle en faveur des enfants et des adultes sourds : Il s'agit du droit au libre choix de communication qui a conduit à réformer l'enseignement en prenant en compte la Langue des signes.
Les établissements nationaux ont su faire face à la formation des personnels dans ce domaine et ont mené une réflexion sur les modalités de mise en uvre d'un projet linguistique d'établissement. En ce qui concerne l'INJS de Paris, cette réflexion s'est concrétisée par la création d'une section d'enseignement bilingue.
Le rapport de Dominique Gillot a posé une nouvelle pierre à cet édifice en 1998. Vous en voyez concrètement les apports ici même.
Je pense, bien sûr, au Centre d'information sur la surdité que vous abritez au sein de l'INJS depuis l'année dernière. C'est un dispositif essentiel pour les personnes sourdes et pour leurs familles qui disposeront, en 2002, dans chaque région, d'un lieu identifié pour obtenir des informations sur la surdité dans son ensemble.
Huit centres ont été d'ores et déjà ouverts à ce jour et l'ensemble du territoire national sera couvert dès l'année prochaine.
À la suite de ce rapport, le gouvernement a décidé :
- de prolonger jusqu'à l'âge de 20 ans la possibilité d'un remboursement des prothèses pour les jeunes sourds (possibilité limitée à 16 ans auparavant) ;
- d'améliorer la prise en charge des embouts ;
- d'assurer la quasi gratuité de l'appareillage pour les personnes sourdes-aveugles.
De plus, il était préconisé un accueil personnalisé en langue des signes française (L.S.F.) pour les personnes sourdes dans certains services administratifs. Je veille, avec les services de la direction générale de l'action sociale, à la mise en place, de ce dispositif, dans chaque département, dès cet automne.
Dans ce domaine également, l'INJS de Paris a été précurseur en créant un service d'interprètes à la disposition du public et des administrations.
L'INJS a encore été précurseur, aussi, en créant différents services à disposition du public, comme par exemple, le service de sous-titrage de films ou celui d'aide à la formation continue.
Vous l'avez rappelé, et je le souligne aussi :
80 % des élèves inscrits à l'institut obtiennent leurs diplômes ou les examens auxquels ils se présentent.
Félicitations aux élèves d'abord mais aussi à toute l'équipe pédagogique.
240 jeunes élèves sont accueillis dans votre institut qui s'appuie sur les compétences de 150 personnes dont 4 médecins, 63 professeurs et 29 éducateurs.
Je voudrais saluer votre travail et vous dire que notre préoccupation actuelle, comme la vôtre, porte sur la formation et la titularisation des jeunes professeurs compte tenu des départs à la retraite.
Un concours d'intégration dans la fonction publique offrant 15 postes budgétaires de professeurs d'enseignement général a été ouvert et des possibilités de financement de formation de 8 nouveaux professeurs stagiaires ont été offertes cette année en plus de ceux qui étaient déjà partis en formation.
S'agissant des professeurs techniques, un plan entrant dans le cadre de la résorption de la précarité et de l'intégration dans la fonction publique est aujourd'hui en cours d'élaboration.
Mesdames, Messieurs,
Au-delà de la grande qualité esthétique de ce lieu, symbole de sa rénovation et de son rayonnement, votre institut repose, avant tout, sur la compétence, le dévouement et le chaleureux accueil de sa communauté éducative, au service exclusif des jeunes et de leur famille.
Soyez-en félicités.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 28 novembre 2001)