Texte intégral
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour à tous, bonjour Elisabeth BORNE
ELISABETH BORNE
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Ministre chargée des Transports, vous êtes celle dont on parle depuis des mois, depuis que vous avez présenté cette réforme de la SNCF que le président et vous vouliez mettre en place. Aujourd'hui cette réforme va être votée au Sénat, ça y est la bataille du rail est gagnée ?
ELISABETH BORNE
On a effectivement une nouvelle étape importante pour la réforme avec le vote cet après-midi de la loi au Sénat, donc cette discussion au Sénat était l'occasion à la fois de confirmer les principes de la réforme : l'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation de la SNCF, l'arrêt du recrutement au statut et puis, en même temps, d'enrichir le texte à partir des concertations que moi j'ai menées avant la discussion à l'Assemblée et que j'ai continué au mois de mai avec les organisations syndicales qui le souhaitaient, donc on a un texte enrichi sur un certain nombre de points
AUDREY CRESPO-MARA
S'ils le souhaitaient, c'est-à-dire pour être clair pour les gens qui nous regardent la CFDT qui vous a plutôt accompagné dans cette réforme.
ELISABETH BORNE
La CFDT et l'UNSA qui ont... enfin sans adhérer forcément aux principes de la réforme, qui se sont mis dans une posture de dialogue effectivement dans l'intérêt
AUDREY CRESPO-MARA
Contrairement à la CGT et à SUD.
ELISABETH BORNE
Oui, oui.
AUDREY CRESPO-MARA
A priori cette réforme elle va être votée par les sénateurs, c'est l'avantage de faire une réforme plutôt de droite ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez c'est une réforme dont on a posé des principes au départ et qui a été enrichie dans la concertation qui a été complétée à l'Assemblée nationale, vous savez au départ on avait fait le choix de garder uniquement dans la loi de poser des grands principes - donc on était partis sur une loi d'habilitation qui aurait pu donner lieu à des ordonnances et, finalement, toute la concertation a permis de mettre des éléments on va dire dans le dur dans la loi à l'Assemblée et de les compléter au Sénat.
AUDREY CRESPO-MARA
Justement la réforme devait se régler en partie par ordonnance, en fait faire voter cette loi par l'Assemblée nationale et le Sénat ça a été possible ?
ELISABETH BORNE
Oui bien sûr.
AUDREY CRESPO-MARA
Il n'y avait pas de nécessité ?
ELISABETH BORNE
Oui, voilà, c'est ce qu'on avait indiqué au départ qu'on partait sur une possibilité de légiférer par ordonnance
AUDREY CRESPO-MARA
Parce qu'il y avait une chance absolue qui finalement... il n'y avait pas cette urgence absolue finalement, si, le gouvernement
ELISABETH BORNE
Ecoutez, dans le calendrier, on a pu grâce à la concertation remplacer au fur et mesure où on avait avancé sur un sujet les ordonnances par des dispositions dans la loi et donc le texte qui sera voté cet après-midi au Sénat qui devrait être discuté en commission mixte paritaire la semaine prochaine, finalement tout est dans la loi et il n'y a plus que des dispositions techniques qui sont renvoyées à des ordonnances comme on le fait d'habitude. Mais je pense que c'est aussi important de souligner que vous avez suspecté de vouloir passer en force, de renvoyer ça à des ordonnances, non le débat a eu lieu à l'Assemblée et au Sénat sur les dispositions de la loi.
AUDREY CRESPO-MARA
Nous entrons donc dans la phase finale de l'adoption de cette réforme, vous avez déclaré : « il faut maintenant que les organisations syndicales prennent leurs responsabilités », selon vous la grève doit sarrêter c'est ça ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'il faut effectivement que chacun ait conscience que maintenant la loi va être votée donc cet après-midi au Sénat, on aura une discussion la semaine prochaine en commission mixte paritaire, c'est-à-dire pour trouver un texte commun à l'Assemblée et au Sénat
AUDREY CRESPO-MARA
Ce qui est plutôt une formalité ?
ELISABETH BORNE
Je pense, moi je suis confiante sur cette commission mixte paritaire parce que finalement les principes qui ont été précisés au Sénat sont dans la continuité de ce qu'on avait adopté à l'Assemblée national et que tout le monde souhaite mettre en oeuvre maintenant cette réforme. Le gouvernement a aussi annoncé des avancées importantes sur la dimension financière, économique de cette réforme
AUDREY CRESPO-MARA
On va parler de la dette !
ELISABETH BORNE
Avec un engagement sans précédent, donc tout est sur la table.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais donc aujourd'hui la question, pardonnez-moi, la grève doit s'arrêter selon vous ?
ELISABETH BORNE
Quand la loi sera votée vous savez elle sappliquera, donc effectivement je pense quel serait le sens de continuer ce mouvement une fois qu'on a un texte voté.
AUDREY CRESPO-MARA
Les syndicats doivent se soumettre à la loi, c'est ce que vous dites ?
ELISABETH BORNE
La loi s'applique à tout le monde et elle sera prochainement votée.
AUDREY CRESPO-MARA
Cette réforme elle fait débat depuis des mois et depuis des mois vous l'ancienne dirigeante de la stratégie de la SNCF notamment vous dites et répétez qu'il faut réformer le statut des cheminots, préparer la mise en concurrence de lentreprise publique, une réforme qui finalement a été soutenue par l'opinion publique, c'est sans doute ce qui l'a sauvé ?
ELISABETH BORNE
Je pense que chacun souhaite avoir un service public ferroviaire qui fonctionne mieux et cette réforme c'est ça qu'elle porte, on fait cette réforme pour les Français qui attendent un meilleur service public, donc il y a un investissement sans précédent pour le transport ferroviaire pour avoir moins de trains en retard, sortir des ralentissements que nos concitoyens vivent quand ils prennent le train et où ils constatent qu'ils mettent plus de temps aujourd'hui à faire un trajet que ce qu'il y avait il y a quelques décennies, une réforme qui va aussi permettre l'ouverture à la concurrence et, ça, ça veut dire des nouveaux opérateurs, plus de trains, des trains moins chers et puis une organisation de la SNCF pour un meilleur service public. Donc, les Français ont compris que c'est le sens de la réforme et effectivement ils attendent qu'on puisse avoir un meilleur service public ferroviaire.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'était effectivement la clé de ce combat, convaincre l'opinion que la mise en concurrence leur offrirait un meilleur service, ce dont personne n'est sûr aujourd'hui ?
ELISABETH BORNE
Je pense que les expériences qu'on voit chez nos voisins montrent que
AUDREY CRESPO-MARA
Qui sont discutées, c'est fonction qu'on se trouve dans l'opposition politique ou dans la majorité
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, je pense qu'on voit
AUDREY CRESPO-MARA
On dit qu'ailleurs ça se passe mieux ou moins bien ?
ELISABETH BORNE
On peut avoir des lectures différentes, moi ce que je constate c'est qu'en Allemagne il n'y a jamais eu autant de transports ferroviaires, de trains que depuis que l'Allemagne a fait cette ouverture à la concurrence, on a vous savez beaucoup de Français qui sont attachés aux lignes d'aménagement du territoire, aux lignes qui ne sont pas forcément très fréquentées, en Allemagne on voit aussi que des nouveaux opérateurs ont pu redynamiser ces lignes - on a des exemples de lignes qui sont passées de quelques centaines à 10.000 voyageurs par jour - donc c'est ça qu'on souhaite faire au travers de la réforme.
AUDREY CRESPO-MARA
Selon les sondages, 58 % des Français considèrent que le mouvement de grève n'est pas justifié, 65 % des sondés souhaitent que le gouvernement aille au bout de cette réforme, Emmanuel MACRON a gagné la bataille de l'opinion avant de gagner la bataille du rail clairement ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis je pense que les Français... d'abord ils ont compris que le gouvernement
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'était indispensable pour vous que cette réforme aboutisse ?
ELISABETH BORNE
Que le gouvernement est déterminé à mener cette réforme et qu'elle se fait dans l'intérêt des Français, il y a beaucoup de Français quatre millions de Français qui prennent le train chaque jour pour aller au travail pour eux c''est évidemment important d'avoir plus de trains à l'heure, d'avoir plus de trains de façon générale, des prix plus attractifs et c'est ça que porte la réforme.
AUDREY CRESPO-MARA
Et c'est cette bataille de l'opinion que vous avez gagnée ?
ELISABETH BORNE
Oui.
AUDREY CRESPO-MARA
L'Etat donc va reprendre la dette de la SNCF, 35 milliards sur un total de 54,5 milliards, il se sent un peu responsable c'est ça ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'on l'a toujours dit cette dette c'est vraiment une responsabilité partagée entre l'Etat et la SNCF, ce n'est pas la SNCF qui a décidé de faire des lignes nouvelles, le début de cette dette ça été ça des lignes à grande vitesse auxquelles on a demandé à la SNCF de participer, voire de les financer intégralement, donc voilà c'est des décisions aussi de l'Etat qui ont conduit à cette dette et c'est pour ça que l'Etat aujourd'hui prend ses responsabilités.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais est-ce à l'Etat et donc aux contribuables de payer la dette après avoir subi la grève ?
ELISABETH BORNE
Enfin je pense qu'il faut être clair, il n'y a pas 36 solutions : soit on laisse la SNCF avec cette dette qui est considérable, qui menace d'asphyxier le système ferroviaire, soit l'Etat doit prendre ses responsabilités, c'est ce qu'on va faire en reprenant une partie substantielle vous l'avez dit de la dette, 25 milliards d'euros en 2020, 10 milliards d'euros supplémentaires en 2022, l'objectif c'est de redonner à la SNCF tous les moyens de se développer, d'investir et donc de développer le transport ferroviaire dont les Français ont besoin.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc vous disiez responsabilité partagée entre l'Etat et l'entreprise, ceci étant la stratégie mise en place par Guillaume PEPY depuis 10 ans elle n'a pas vraiment été contestée par le gouvernement, quand une entreprise se trompe de stratégie c'est la faute du patron, des salariés ou des clients ?
ELISABETH BORNE
On n'est pas en train de dire que l'entreprise se serait trompée de stratégie, on est en train de dire qu'au cours des dernières décennies on a été un peu dans la facilité à laisser la SNCF, à laisser la charge du financement des lignes à grande vitesse et, ça, c'est vraiment... enfin chacun y a trouvé son compte finalement dans ces choix qui étaient la possibilité de promettre des lignes à grande vitesse sans se demander qui allait les financer. Donc c'est de ça dont il faut sortir, vous savez de façon générale, moi j'aurai l'occasion de présenter une loi de programmation des infrastructures pour qu'on sorte des promesses où on annonce des grandes infrastructures partout dans le pays sans de demander qui va payer, la SNCF effectivement on lui a demandé de payer des lignes à grande vitesse qui ont été utiles, simplement on les a financées à crédit et aujourd'hui on a cette dette de la SNCF qui finit par menacer la SNCF.
AUDREY CRESPO-MARA
Avez-vous vous-même l'impression d'avoir échoué quand vous étiez directrice de la stratégie de la SNCF entre 2002 et 2007 ?
ELISABETH BORNE
Vous savez si c'était la réforme de la directrice de la stratégie de la SNCF ça se saurait, si le gouvernement est en train de se saisir de ces sujets qu'on a mis sous la table pendant des années c'est bien parce que c'est une réforme politique, une réforme du gouvernement qui doit être menée, et c'est ça qu'on est en train de faire.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais, donc, vous n'avez aucun regret sur la stratégie que vous avez menée pour cette entreprise pendant cinq ans à l'époque ?
ELISABETH BORNE
Enfin je vous le dis c'est vraiment des choix du gouvernement, une responsabilité du gouvernement, et c'est ce qu'on est en train de faire.
AUDREY CRESPO-MARA
Le mouvement de grève s'essouffle, il y a une semaine dans le JDD Laurent BERGER expliquait que la CFDT voulait sortir au plus vite du conflit, il a reconnu que de réelles discussions avaient lieu avec vous, la CFDT semble sortie de la contestation systématique, ça vous a bien aidé-là non ?
ELISABETH BORNE
Enfin moi la CFDT est dans l'intersyndicale, mais la CFDT comme l'UNSA ont fait le choix d'être dans la discussion pour apporter des garanties supplémentaires aux cheminots et, moi, je voudrais souligner que ces discussions ont été très utiles - le dialogue social c'est toujours très utile - par exemple, dans les échanges que moi j'ai pu avoir avec ces deux organisations syndicales : on a renforcé le principe de volontariat , d'abord on a privilégié le volontariat, ensuite on l'a conforté au Sénat ; on a aussi pu donner des garanties sur la rémunération des salariés s'ils devaient passer chez un autre opérateur si la SNCF perd un contrat ; on a aussi posé un principe d'unité sociale de la SNCF pour que les salariés puissent avoir une mobilité dans tout le groupe, c'est à ça que ça a servi ces discussions très utiles avec les organisations syndicales.
AUDREY CRESPO-MARA
Clairement vous faites la distinction ce matin entre les syndicats qu'on dit réformistes, constructifs et les syndicats qui sont dans l'opposition systématique, ceci étant la CGT et SUD-RAIL semblent toujours autant déterminés à poursuivre la grève, voici leurs déclarations les 29 mai et 2 juin dernier, autant dire ces jours-ci.
LAURENT BRUN, SECRETAIRE NATIONAL DE LA CGT CHEMINOTS
Les grévistes sont nombreux aujourd'hui à s'être déplacés pour interpeller les sénateurs, donc on continue la bataille et on la continuera y compris après le 5 vote au Sénat si le gouvernement ne nous entend pas.
FABIEN VILLEDIEU, DELEGUE SUD-RAIL
C'est maintenant que ça se joue, c'est au mois de juin, le gouvernement commence à reculer, ce n'est pas au moment où le gouvernement commence à reculer qu'on va reprendre le boulot... Voilà ! On n'a pas fait quasiment deux mois de grève uniquement pour l'histoire de la dette et des deux trois budgets qu'ils ont faits.
AUDREY CRESPO-MARA
Redoutez-vous que la CGT et SUD-RAIL, qui appellent aujourd'hui encore à la grève, redonnent un second souffle à ce mouvement social ?
ELISABETH BORNE
Je pense, je le redis, qu'il faut que chacun prenne ses responsabilités, quand on a une loi qui est votée par le Parlement, quand on a un gouvernement qui s'engage en faveur du transport ferroviaire en reprenant une partie très substantielle de la dette, qui annonce qu'on va investir plus qu'on ne l'a jamais fait pour le transport ferroviaire, qu'on veut relancer le fret ferroviaire, voilà moi je pose la question : quel est le sens effectivement d'appeler à un durcissement du mouvement ?
AUDREY CRESPO-MARA
Mais est-ce que vous redoutez qu'il y ait un nouveau durcissement en raison de la mobilisation de ces deux syndicats ?
ELISABETH BORNE
Je pense que chacun doit prendre ses responsabilités et mesurer le chemin
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous ne répondez pas, est-ce que vous le redoutez ?
ELISABETH BORNE
Le chemin qui a été parcouru, les engagements très forts que prend le gouvernement en faveur du transport ferroviaire et donc chacun doit prendre ses responsabilités.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc, vous êtes plutôt vous aussi déterminée mais plutôt rassurée à l'heure qu'il est ?
ELISABETH BORNE
Enfin le gouvernement est déterminé à mener cette réforme qui est attendue par les Français.
AUDREY CRESPO-MARA
La crainte numéro un des syndicats c'était la privatisation de la SNCF, vous avez toujours affirmé la SNCF restera 100 % publique, pourquoi la CGT et la gauche ont-ils temps de mal à vous croire ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je pense qu'on peut aussi choisir de ne pas parler de la réforme vous voyez et je pense ce que c'est un peu ce qu'on a vu depuis le début, certains, donc vous les avez cités, qui au lieu de parler de la réforme - est-ce qu'on veut l'ouverture à la concurrence ? Est-ce qu'on veut un nouveau cadre social, équitable pour tous les salariés de la branche ? - agitent des épouvantails, font peur en nous suspectant de vouloir avoir des projets cachés. Enfin, moi je le dis dès le départ, le gouvernement a dit clairement ce qu'il voulait : les grands principes de la réforme, l'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation de la SNCF, le nouveau cadre social avec l'arrêt du recrutement au statut, donc je trouve ça un peu curieux qu'on nous suspecte d'avoir des projets cachés.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc c'est une posture idéologique, un positionnement idéologique ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est une façon d'éviter les débats. Enfin franchement le gouvernement a été clair dès le départ, la SNCF est une entreprise publique, elle restera publique, et moi j'ai eu l'occasion de le dire aux parlementaires et aux sénateurs qui remettaient ce sujet de la privatisation sur la table il n'y a pas un groupe, ni à l'Assemblé nationale, ni au Sénat, qui ne souhaite la privatisation de la SNCF, sur tous les bancs de l'Assemblée et du Sénat tout le monde est d'accord pour que ce soit une entreprise publique demain comme aujourd'hui et c'est inscrit dans la loi, il est précisé que l'Etat détient intégralement les titres de la SNCF et on a précisé qu'ils étaient incessibles pour ceux qui n'auraient pas compris ou qui feraient semblant de ne pas comprendre.
AUDREY CRESPO-MARA
C'est l'heure des comptes pour la gauche, Jean-Luc MELENCHON n'a pas réussi à faire plier le gouvernement, 10 semaines, 10 semaines après le début du mouvement social et à quelques heures du vote au Sénat, vous redoutiez qu'il puisse renverser l'opinion publique ?
ELISABETH BORNE
C'est clair pour certains on n'est pas en train de parler de la SNCF, on est en train de faire un combat politique qui n'est pas dans l'intérêt des cheminots
AUDREY CRESPO-MARA
Et vous redoutiez qu'il le gagne ce combat politique ?
ELISABETH BORNE
Mais enfin c'était en tout cas sa volonté de non pas s'occuper de l'avenir de la SNCF, moi je m'occupe de l'avenir de la SNCF, certains sont dans des combats politiques, sont en train de rejouer le deuxième tour de l'élection présidentielle... Voilà ! Moi je pense que dans l'intérêt des cheminots restons sur le sujet, comment renforcer le transport ferroviaire, comment préparer la SNCF aux défis de demain, c'est ce dont je m'occupe.
AUDREY CRESPO-MARA
Quand je vous demande à chaque fois si vous redoutez, vous ne me répondez pas finalement, ce serait faire preuve de faiblesse que de dire que vous avez eu des craintes à un moment donné même si là on est dans la phase finale de cette réforme ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, moi je pense que la raison l'emporte et c'est ce qui est en train de se passer et effectivement les Français souhaitent cette réforme, le gouvernement est déterminé à la mener, le Parlement l'a voté, l'Assemblée nationale l'a voté vous savez à 80 % des députés, on aura le vote tout à l'heure, donc cette affaire elle doit se mettre en oeuvre.
AUDREY CRESPO-MARA
Emmanuel MACRON vous a-t-il d'ores et déjà félicité de porter jusqu'au bout cette réforme qui s'annonçait pour le coup explosive ?
ELISABETH BORNE
Enfin c'est une réforme de tout le gouvernement et je pense que c'est effectivement important qu'on puisse avancer sur une réforme qui est une transformation importante de la SNCF, mais moi je le redis dans l'intérêt
AUDREY CRESPO-MARA
Mais il ne vous a pas félicité, vous ne voulez pas répondre non plus ?
ELISABETH BORNE
Dans l'intérêt de la SNCF et des cheminots et donc voilà c'est une réforme importante qu'on est en train de mener.
AUDREY CRESPO-MARA
Bon, il doit être content quand même. Regardez ces deux titres hier : Le Parisien : « mouvements sociaux, MACRON a-t-il plié le match ? » et Libération : « mouvement social, et à la fin c'est lui qui gagne ?», vous enlèveriez les points d'interrogation à la fin de ces deux titres ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne pose pas les débats dans ces termes, il y a des réformes
AUDREY CRESPO-MARA
Non, mais moi je vous pose cette question.
ELISABETH BORNE
Oui, mais il y a des réformes importantes et des réformes qui sont attendues, vous savez l'ouverture à la concurrence qui est en train de voter, qui a été votée à l'Assemblée nationale, qui sera votée tout à l'heure au Sénat, tout le monde sait depuis des années que cette ouverture à la concurrence elle va venir dans le transport ferroviaire et que c'est l'intérêt des voyageurs.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous voyez les mouvements sociaux s'essouffler
ELISABETH BORNE
Oui.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc le président et le gouvernement finalement gagnent le match ?
ELISABETH BORNE
Enfin moi je vous dis je ne suis pas dans un match, je suis en train de mener une réforme importante et c'est important qu'elle soit discutée, débattue au fond comme elle l'a été à l'Assemblée et au Sénat et qu'elle se mène dans l'intérêt des Français, de la SNCF et des cheminots.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais il y a un bras de fer que vous êtes en train de gagner quand même ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne prends pas les sujets sous cette forme-là... Voilà !
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, oui, j'entends, mais de fait c'est ce qui se passe. Combien a coûté cette grève, on parle de 400 millions ?
ELISABETH BORNE
400 millions d'euros, c'est beaucoup d'argent pour la SNCF effectivement, c'est aussi beaucoup de gêne pour les usagers et on oublie souvent il y a aussi des entreprises qui sont en difficulté du fait de ce mouvement, moi je pense au secteur agricole qui n'arrive pas à avoir des trains pour évacuer notamment les céréales, on a aussi des difficultés dans la sidérurgie, donc ça coûte effectivement beaucoup d'argent à l'entreprise, des Français qui sont aussi lassés de cette grève et des entreprises qui sont en difficulté.
AUDREY CRESPO-MARA
Parlons d'AIR RANCE-KLM, ACCOR est prêt à racheter la part de l'Etat, 14 %, le géant hôtelier caresse depuis des années le projet d'entrer au capital d'AIR FRANCE-KLM avec la volonté de bâtir un leader européen du voyage de nationalité française, alors selon Le Figaro : « l'idée fait son chemin au plus haut de l'Exécutif », dites-nous ACCOR est-il en voie de racheter la part de l'Etat ?
ELISABETH BORNE
Vous savez la priorité du moment c'est d'avoir un nouveau dirigeant pour AIR FRANCE-KLM, l'entreprise est dans une situation qui est
AUDREY CRESPO-MARA
Et ça avance ?
ELISABETH BORNE
Ça doit avancer, évidemment l'objectif c'est qu'il puisse y avoir un nouveau dirigeant à la rentrée - et c'est vraiment ça la priorité - un nouveau PDG qui pourra définir la stratégie de l'entreprise et c'est à l'aune de cette stratégie qu'on pourra apprécier le projet industriel, par exemple celui
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'est en discussion ou pas au plus haut niveau de l'Exécutif, comme on dit ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis pour l'instant la priorité c'est un nouveau dirigeant
AUDREY CRESPO-MARA
J'entends !
ELISABETH BORNE
Un nouveau dirigeant et ensuite des liens capitalistes
AUDREY CRESPO-MARA
Ça n'empêche que des discussions soient menées en parallèle ?
ELISABETH BORNE
C'est dans un second temps au regard d'un projet industriel, c'est comme ça que le projet sera regardé.
AUDREY CRESPO-MARA
Ce sont des discussions qui sont longues, donc on peut penser qu'elles sont aussi menées en parallèle ?
ELISABETH BORNE
Enfin vraiment la priorité du moment c'est un nouveau dirigeant, enfin il faut que chacun soit conscient des... enfin voilà de la situation d'AIR FRANCE qui est moins compétitive que ses concurrents - je pense à LUFTHANSA, à BRITISH AIRWAYS et à sa partenaire KLM - et qui doit pouvoir mener un projet de développement, c'est ce que proposait Jean-Marc JANAILLAC et ce sera effectivement le défi du prochain dirigeant de porter AIR FRANCE dans un projet de développement.
AUDREY CRESPO-MARA
Le Parquet national financier ouvre une enquête visant le secrétaire général de l'Elysée Alexis KOHLER, l'enquête porte sur des soupçons de conflit d'intérêts entre ses postes dans la fonction publique et ses liens avec l'armateur MCS, l'armateur italo-suisse, client important des Chantiers navals de Saint-Nazaire ayant été fondés et dirigés par ses cousins de sa mère, est-ce que vous allez me dire qu'il n'y a pas d'affaire KOHLER comme Christophe CASTANER ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense qu'Alexis KOHLER est très serein, il l'a dit, il a toujours été très transparent sur les liens entre cette entreprise, enfin les liens qu'il pouvait avoir avec cette entreprise, il a toujours pris soin de se déporter de ces dossiers - donc de ne pas s'impliquer dans ces dossiers et je pense que l'enquête qui s'ouvre sera l'occasion de montrer la transparence dont il a fait preuve sur ce sujet.
AUDREY CRESPO-MARA
Tous les matins je pose une question récurrente, « La question off mais devant les caméras ». C'est off, entre nous, vous êtes polytechnicienne, à l'X il n'y avait que 20 filles sur 300 étudiants, à la RATP que vous avez dirigée 8 salariés sur 10 étaient des hommes, dans votre cabinet de ministre il n'y a qu'une femme pour 8 hommes, la parité c'est si difficile à imposer, c'est difficile ?
ELISABETH BORNE
Je pense que la parité c'est un long chemin, pour moi c'est quelque chose d'important et dans les transports comme vous le soulignez il y a très peu de femmes et, vraiment, ça fait partie des sujets moi qui me tiennent à coeur, on a des très beaux métiers, des métiers d'ingénieur vers lesquels les femmes ne s'orientent pas, des métiers du transport routier, moi j'ai eu l'occasion de participer à un salon sur le recrutement des femmes dans les transports, donc je pense que c'est important dans tous les secteurs d'avoir effectivement un équilibre entre les hommes et les femmes, ça contribue je pense à la sérénité et vraiment c'est un enjeu important.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup Elisabeth BORNE, la suite de la matinale avec Pascale.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2018
Bonjour à tous, bonjour Elisabeth BORNE
ELISABETH BORNE
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Ministre chargée des Transports, vous êtes celle dont on parle depuis des mois, depuis que vous avez présenté cette réforme de la SNCF que le président et vous vouliez mettre en place. Aujourd'hui cette réforme va être votée au Sénat, ça y est la bataille du rail est gagnée ?
ELISABETH BORNE
On a effectivement une nouvelle étape importante pour la réforme avec le vote cet après-midi de la loi au Sénat, donc cette discussion au Sénat était l'occasion à la fois de confirmer les principes de la réforme : l'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation de la SNCF, l'arrêt du recrutement au statut et puis, en même temps, d'enrichir le texte à partir des concertations que moi j'ai menées avant la discussion à l'Assemblée et que j'ai continué au mois de mai avec les organisations syndicales qui le souhaitaient, donc on a un texte enrichi sur un certain nombre de points
AUDREY CRESPO-MARA
S'ils le souhaitaient, c'est-à-dire pour être clair pour les gens qui nous regardent la CFDT qui vous a plutôt accompagné dans cette réforme.
ELISABETH BORNE
La CFDT et l'UNSA qui ont... enfin sans adhérer forcément aux principes de la réforme, qui se sont mis dans une posture de dialogue effectivement dans l'intérêt
AUDREY CRESPO-MARA
Contrairement à la CGT et à SUD.
ELISABETH BORNE
Oui, oui.
AUDREY CRESPO-MARA
A priori cette réforme elle va être votée par les sénateurs, c'est l'avantage de faire une réforme plutôt de droite ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez c'est une réforme dont on a posé des principes au départ et qui a été enrichie dans la concertation qui a été complétée à l'Assemblée nationale, vous savez au départ on avait fait le choix de garder uniquement dans la loi de poser des grands principes - donc on était partis sur une loi d'habilitation qui aurait pu donner lieu à des ordonnances et, finalement, toute la concertation a permis de mettre des éléments on va dire dans le dur dans la loi à l'Assemblée et de les compléter au Sénat.
AUDREY CRESPO-MARA
Justement la réforme devait se régler en partie par ordonnance, en fait faire voter cette loi par l'Assemblée nationale et le Sénat ça a été possible ?
ELISABETH BORNE
Oui bien sûr.
AUDREY CRESPO-MARA
Il n'y avait pas de nécessité ?
ELISABETH BORNE
Oui, voilà, c'est ce qu'on avait indiqué au départ qu'on partait sur une possibilité de légiférer par ordonnance
AUDREY CRESPO-MARA
Parce qu'il y avait une chance absolue qui finalement... il n'y avait pas cette urgence absolue finalement, si, le gouvernement
ELISABETH BORNE
Ecoutez, dans le calendrier, on a pu grâce à la concertation remplacer au fur et mesure où on avait avancé sur un sujet les ordonnances par des dispositions dans la loi et donc le texte qui sera voté cet après-midi au Sénat qui devrait être discuté en commission mixte paritaire la semaine prochaine, finalement tout est dans la loi et il n'y a plus que des dispositions techniques qui sont renvoyées à des ordonnances comme on le fait d'habitude. Mais je pense que c'est aussi important de souligner que vous avez suspecté de vouloir passer en force, de renvoyer ça à des ordonnances, non le débat a eu lieu à l'Assemblée et au Sénat sur les dispositions de la loi.
AUDREY CRESPO-MARA
Nous entrons donc dans la phase finale de l'adoption de cette réforme, vous avez déclaré : « il faut maintenant que les organisations syndicales prennent leurs responsabilités », selon vous la grève doit sarrêter c'est ça ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'il faut effectivement que chacun ait conscience que maintenant la loi va être votée donc cet après-midi au Sénat, on aura une discussion la semaine prochaine en commission mixte paritaire, c'est-à-dire pour trouver un texte commun à l'Assemblée et au Sénat
AUDREY CRESPO-MARA
Ce qui est plutôt une formalité ?
ELISABETH BORNE
Je pense, moi je suis confiante sur cette commission mixte paritaire parce que finalement les principes qui ont été précisés au Sénat sont dans la continuité de ce qu'on avait adopté à l'Assemblée national et que tout le monde souhaite mettre en oeuvre maintenant cette réforme. Le gouvernement a aussi annoncé des avancées importantes sur la dimension financière, économique de cette réforme
AUDREY CRESPO-MARA
On va parler de la dette !
ELISABETH BORNE
Avec un engagement sans précédent, donc tout est sur la table.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais donc aujourd'hui la question, pardonnez-moi, la grève doit s'arrêter selon vous ?
ELISABETH BORNE
Quand la loi sera votée vous savez elle sappliquera, donc effectivement je pense quel serait le sens de continuer ce mouvement une fois qu'on a un texte voté.
AUDREY CRESPO-MARA
Les syndicats doivent se soumettre à la loi, c'est ce que vous dites ?
ELISABETH BORNE
La loi s'applique à tout le monde et elle sera prochainement votée.
AUDREY CRESPO-MARA
Cette réforme elle fait débat depuis des mois et depuis des mois vous l'ancienne dirigeante de la stratégie de la SNCF notamment vous dites et répétez qu'il faut réformer le statut des cheminots, préparer la mise en concurrence de lentreprise publique, une réforme qui finalement a été soutenue par l'opinion publique, c'est sans doute ce qui l'a sauvé ?
ELISABETH BORNE
Je pense que chacun souhaite avoir un service public ferroviaire qui fonctionne mieux et cette réforme c'est ça qu'elle porte, on fait cette réforme pour les Français qui attendent un meilleur service public, donc il y a un investissement sans précédent pour le transport ferroviaire pour avoir moins de trains en retard, sortir des ralentissements que nos concitoyens vivent quand ils prennent le train et où ils constatent qu'ils mettent plus de temps aujourd'hui à faire un trajet que ce qu'il y avait il y a quelques décennies, une réforme qui va aussi permettre l'ouverture à la concurrence et, ça, ça veut dire des nouveaux opérateurs, plus de trains, des trains moins chers et puis une organisation de la SNCF pour un meilleur service public. Donc, les Français ont compris que c'est le sens de la réforme et effectivement ils attendent qu'on puisse avoir un meilleur service public ferroviaire.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'était effectivement la clé de ce combat, convaincre l'opinion que la mise en concurrence leur offrirait un meilleur service, ce dont personne n'est sûr aujourd'hui ?
ELISABETH BORNE
Je pense que les expériences qu'on voit chez nos voisins montrent que
AUDREY CRESPO-MARA
Qui sont discutées, c'est fonction qu'on se trouve dans l'opposition politique ou dans la majorité
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, je pense qu'on voit
AUDREY CRESPO-MARA
On dit qu'ailleurs ça se passe mieux ou moins bien ?
ELISABETH BORNE
On peut avoir des lectures différentes, moi ce que je constate c'est qu'en Allemagne il n'y a jamais eu autant de transports ferroviaires, de trains que depuis que l'Allemagne a fait cette ouverture à la concurrence, on a vous savez beaucoup de Français qui sont attachés aux lignes d'aménagement du territoire, aux lignes qui ne sont pas forcément très fréquentées, en Allemagne on voit aussi que des nouveaux opérateurs ont pu redynamiser ces lignes - on a des exemples de lignes qui sont passées de quelques centaines à 10.000 voyageurs par jour - donc c'est ça qu'on souhaite faire au travers de la réforme.
AUDREY CRESPO-MARA
Selon les sondages, 58 % des Français considèrent que le mouvement de grève n'est pas justifié, 65 % des sondés souhaitent que le gouvernement aille au bout de cette réforme, Emmanuel MACRON a gagné la bataille de l'opinion avant de gagner la bataille du rail clairement ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis je pense que les Français... d'abord ils ont compris que le gouvernement
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'était indispensable pour vous que cette réforme aboutisse ?
ELISABETH BORNE
Que le gouvernement est déterminé à mener cette réforme et qu'elle se fait dans l'intérêt des Français, il y a beaucoup de Français quatre millions de Français qui prennent le train chaque jour pour aller au travail pour eux c''est évidemment important d'avoir plus de trains à l'heure, d'avoir plus de trains de façon générale, des prix plus attractifs et c'est ça que porte la réforme.
AUDREY CRESPO-MARA
Et c'est cette bataille de l'opinion que vous avez gagnée ?
ELISABETH BORNE
Oui.
AUDREY CRESPO-MARA
L'Etat donc va reprendre la dette de la SNCF, 35 milliards sur un total de 54,5 milliards, il se sent un peu responsable c'est ça ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'on l'a toujours dit cette dette c'est vraiment une responsabilité partagée entre l'Etat et la SNCF, ce n'est pas la SNCF qui a décidé de faire des lignes nouvelles, le début de cette dette ça été ça des lignes à grande vitesse auxquelles on a demandé à la SNCF de participer, voire de les financer intégralement, donc voilà c'est des décisions aussi de l'Etat qui ont conduit à cette dette et c'est pour ça que l'Etat aujourd'hui prend ses responsabilités.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais est-ce à l'Etat et donc aux contribuables de payer la dette après avoir subi la grève ?
ELISABETH BORNE
Enfin je pense qu'il faut être clair, il n'y a pas 36 solutions : soit on laisse la SNCF avec cette dette qui est considérable, qui menace d'asphyxier le système ferroviaire, soit l'Etat doit prendre ses responsabilités, c'est ce qu'on va faire en reprenant une partie substantielle vous l'avez dit de la dette, 25 milliards d'euros en 2020, 10 milliards d'euros supplémentaires en 2022, l'objectif c'est de redonner à la SNCF tous les moyens de se développer, d'investir et donc de développer le transport ferroviaire dont les Français ont besoin.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc vous disiez responsabilité partagée entre l'Etat et l'entreprise, ceci étant la stratégie mise en place par Guillaume PEPY depuis 10 ans elle n'a pas vraiment été contestée par le gouvernement, quand une entreprise se trompe de stratégie c'est la faute du patron, des salariés ou des clients ?
ELISABETH BORNE
On n'est pas en train de dire que l'entreprise se serait trompée de stratégie, on est en train de dire qu'au cours des dernières décennies on a été un peu dans la facilité à laisser la SNCF, à laisser la charge du financement des lignes à grande vitesse et, ça, c'est vraiment... enfin chacun y a trouvé son compte finalement dans ces choix qui étaient la possibilité de promettre des lignes à grande vitesse sans se demander qui allait les financer. Donc c'est de ça dont il faut sortir, vous savez de façon générale, moi j'aurai l'occasion de présenter une loi de programmation des infrastructures pour qu'on sorte des promesses où on annonce des grandes infrastructures partout dans le pays sans de demander qui va payer, la SNCF effectivement on lui a demandé de payer des lignes à grande vitesse qui ont été utiles, simplement on les a financées à crédit et aujourd'hui on a cette dette de la SNCF qui finit par menacer la SNCF.
AUDREY CRESPO-MARA
Avez-vous vous-même l'impression d'avoir échoué quand vous étiez directrice de la stratégie de la SNCF entre 2002 et 2007 ?
ELISABETH BORNE
Vous savez si c'était la réforme de la directrice de la stratégie de la SNCF ça se saurait, si le gouvernement est en train de se saisir de ces sujets qu'on a mis sous la table pendant des années c'est bien parce que c'est une réforme politique, une réforme du gouvernement qui doit être menée, et c'est ça qu'on est en train de faire.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais, donc, vous n'avez aucun regret sur la stratégie que vous avez menée pour cette entreprise pendant cinq ans à l'époque ?
ELISABETH BORNE
Enfin je vous le dis c'est vraiment des choix du gouvernement, une responsabilité du gouvernement, et c'est ce qu'on est en train de faire.
AUDREY CRESPO-MARA
Le mouvement de grève s'essouffle, il y a une semaine dans le JDD Laurent BERGER expliquait que la CFDT voulait sortir au plus vite du conflit, il a reconnu que de réelles discussions avaient lieu avec vous, la CFDT semble sortie de la contestation systématique, ça vous a bien aidé-là non ?
ELISABETH BORNE
Enfin moi la CFDT est dans l'intersyndicale, mais la CFDT comme l'UNSA ont fait le choix d'être dans la discussion pour apporter des garanties supplémentaires aux cheminots et, moi, je voudrais souligner que ces discussions ont été très utiles - le dialogue social c'est toujours très utile - par exemple, dans les échanges que moi j'ai pu avoir avec ces deux organisations syndicales : on a renforcé le principe de volontariat , d'abord on a privilégié le volontariat, ensuite on l'a conforté au Sénat ; on a aussi pu donner des garanties sur la rémunération des salariés s'ils devaient passer chez un autre opérateur si la SNCF perd un contrat ; on a aussi posé un principe d'unité sociale de la SNCF pour que les salariés puissent avoir une mobilité dans tout le groupe, c'est à ça que ça a servi ces discussions très utiles avec les organisations syndicales.
AUDREY CRESPO-MARA
Clairement vous faites la distinction ce matin entre les syndicats qu'on dit réformistes, constructifs et les syndicats qui sont dans l'opposition systématique, ceci étant la CGT et SUD-RAIL semblent toujours autant déterminés à poursuivre la grève, voici leurs déclarations les 29 mai et 2 juin dernier, autant dire ces jours-ci.
LAURENT BRUN, SECRETAIRE NATIONAL DE LA CGT CHEMINOTS
Les grévistes sont nombreux aujourd'hui à s'être déplacés pour interpeller les sénateurs, donc on continue la bataille et on la continuera y compris après le 5 vote au Sénat si le gouvernement ne nous entend pas.
FABIEN VILLEDIEU, DELEGUE SUD-RAIL
C'est maintenant que ça se joue, c'est au mois de juin, le gouvernement commence à reculer, ce n'est pas au moment où le gouvernement commence à reculer qu'on va reprendre le boulot... Voilà ! On n'a pas fait quasiment deux mois de grève uniquement pour l'histoire de la dette et des deux trois budgets qu'ils ont faits.
AUDREY CRESPO-MARA
Redoutez-vous que la CGT et SUD-RAIL, qui appellent aujourd'hui encore à la grève, redonnent un second souffle à ce mouvement social ?
ELISABETH BORNE
Je pense, je le redis, qu'il faut que chacun prenne ses responsabilités, quand on a une loi qui est votée par le Parlement, quand on a un gouvernement qui s'engage en faveur du transport ferroviaire en reprenant une partie très substantielle de la dette, qui annonce qu'on va investir plus qu'on ne l'a jamais fait pour le transport ferroviaire, qu'on veut relancer le fret ferroviaire, voilà moi je pose la question : quel est le sens effectivement d'appeler à un durcissement du mouvement ?
AUDREY CRESPO-MARA
Mais est-ce que vous redoutez qu'il y ait un nouveau durcissement en raison de la mobilisation de ces deux syndicats ?
ELISABETH BORNE
Je pense que chacun doit prendre ses responsabilités et mesurer le chemin
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous ne répondez pas, est-ce que vous le redoutez ?
ELISABETH BORNE
Le chemin qui a été parcouru, les engagements très forts que prend le gouvernement en faveur du transport ferroviaire et donc chacun doit prendre ses responsabilités.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc, vous êtes plutôt vous aussi déterminée mais plutôt rassurée à l'heure qu'il est ?
ELISABETH BORNE
Enfin le gouvernement est déterminé à mener cette réforme qui est attendue par les Français.
AUDREY CRESPO-MARA
La crainte numéro un des syndicats c'était la privatisation de la SNCF, vous avez toujours affirmé la SNCF restera 100 % publique, pourquoi la CGT et la gauche ont-ils temps de mal à vous croire ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je pense qu'on peut aussi choisir de ne pas parler de la réforme vous voyez et je pense ce que c'est un peu ce qu'on a vu depuis le début, certains, donc vous les avez cités, qui au lieu de parler de la réforme - est-ce qu'on veut l'ouverture à la concurrence ? Est-ce qu'on veut un nouveau cadre social, équitable pour tous les salariés de la branche ? - agitent des épouvantails, font peur en nous suspectant de vouloir avoir des projets cachés. Enfin, moi je le dis dès le départ, le gouvernement a dit clairement ce qu'il voulait : les grands principes de la réforme, l'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation de la SNCF, le nouveau cadre social avec l'arrêt du recrutement au statut, donc je trouve ça un peu curieux qu'on nous suspecte d'avoir des projets cachés.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc c'est une posture idéologique, un positionnement idéologique ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est une façon d'éviter les débats. Enfin franchement le gouvernement a été clair dès le départ, la SNCF est une entreprise publique, elle restera publique, et moi j'ai eu l'occasion de le dire aux parlementaires et aux sénateurs qui remettaient ce sujet de la privatisation sur la table il n'y a pas un groupe, ni à l'Assemblé nationale, ni au Sénat, qui ne souhaite la privatisation de la SNCF, sur tous les bancs de l'Assemblée et du Sénat tout le monde est d'accord pour que ce soit une entreprise publique demain comme aujourd'hui et c'est inscrit dans la loi, il est précisé que l'Etat détient intégralement les titres de la SNCF et on a précisé qu'ils étaient incessibles pour ceux qui n'auraient pas compris ou qui feraient semblant de ne pas comprendre.
AUDREY CRESPO-MARA
C'est l'heure des comptes pour la gauche, Jean-Luc MELENCHON n'a pas réussi à faire plier le gouvernement, 10 semaines, 10 semaines après le début du mouvement social et à quelques heures du vote au Sénat, vous redoutiez qu'il puisse renverser l'opinion publique ?
ELISABETH BORNE
C'est clair pour certains on n'est pas en train de parler de la SNCF, on est en train de faire un combat politique qui n'est pas dans l'intérêt des cheminots
AUDREY CRESPO-MARA
Et vous redoutiez qu'il le gagne ce combat politique ?
ELISABETH BORNE
Mais enfin c'était en tout cas sa volonté de non pas s'occuper de l'avenir de la SNCF, moi je m'occupe de l'avenir de la SNCF, certains sont dans des combats politiques, sont en train de rejouer le deuxième tour de l'élection présidentielle... Voilà ! Moi je pense que dans l'intérêt des cheminots restons sur le sujet, comment renforcer le transport ferroviaire, comment préparer la SNCF aux défis de demain, c'est ce dont je m'occupe.
AUDREY CRESPO-MARA
Quand je vous demande à chaque fois si vous redoutez, vous ne me répondez pas finalement, ce serait faire preuve de faiblesse que de dire que vous avez eu des craintes à un moment donné même si là on est dans la phase finale de cette réforme ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, moi je pense que la raison l'emporte et c'est ce qui est en train de se passer et effectivement les Français souhaitent cette réforme, le gouvernement est déterminé à la mener, le Parlement l'a voté, l'Assemblée nationale l'a voté vous savez à 80 % des députés, on aura le vote tout à l'heure, donc cette affaire elle doit se mettre en oeuvre.
AUDREY CRESPO-MARA
Emmanuel MACRON vous a-t-il d'ores et déjà félicité de porter jusqu'au bout cette réforme qui s'annonçait pour le coup explosive ?
ELISABETH BORNE
Enfin c'est une réforme de tout le gouvernement et je pense que c'est effectivement important qu'on puisse avancer sur une réforme qui est une transformation importante de la SNCF, mais moi je le redis dans l'intérêt
AUDREY CRESPO-MARA
Mais il ne vous a pas félicité, vous ne voulez pas répondre non plus ?
ELISABETH BORNE
Dans l'intérêt de la SNCF et des cheminots et donc voilà c'est une réforme importante qu'on est en train de mener.
AUDREY CRESPO-MARA
Bon, il doit être content quand même. Regardez ces deux titres hier : Le Parisien : « mouvements sociaux, MACRON a-t-il plié le match ? » et Libération : « mouvement social, et à la fin c'est lui qui gagne ?», vous enlèveriez les points d'interrogation à la fin de ces deux titres ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne pose pas les débats dans ces termes, il y a des réformes
AUDREY CRESPO-MARA
Non, mais moi je vous pose cette question.
ELISABETH BORNE
Oui, mais il y a des réformes importantes et des réformes qui sont attendues, vous savez l'ouverture à la concurrence qui est en train de voter, qui a été votée à l'Assemblée nationale, qui sera votée tout à l'heure au Sénat, tout le monde sait depuis des années que cette ouverture à la concurrence elle va venir dans le transport ferroviaire et que c'est l'intérêt des voyageurs.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous voyez les mouvements sociaux s'essouffler
ELISABETH BORNE
Oui.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc le président et le gouvernement finalement gagnent le match ?
ELISABETH BORNE
Enfin moi je vous dis je ne suis pas dans un match, je suis en train de mener une réforme importante et c'est important qu'elle soit discutée, débattue au fond comme elle l'a été à l'Assemblée et au Sénat et qu'elle se mène dans l'intérêt des Français, de la SNCF et des cheminots.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais il y a un bras de fer que vous êtes en train de gagner quand même ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne prends pas les sujets sous cette forme-là... Voilà !
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, oui, j'entends, mais de fait c'est ce qui se passe. Combien a coûté cette grève, on parle de 400 millions ?
ELISABETH BORNE
400 millions d'euros, c'est beaucoup d'argent pour la SNCF effectivement, c'est aussi beaucoup de gêne pour les usagers et on oublie souvent il y a aussi des entreprises qui sont en difficulté du fait de ce mouvement, moi je pense au secteur agricole qui n'arrive pas à avoir des trains pour évacuer notamment les céréales, on a aussi des difficultés dans la sidérurgie, donc ça coûte effectivement beaucoup d'argent à l'entreprise, des Français qui sont aussi lassés de cette grève et des entreprises qui sont en difficulté.
AUDREY CRESPO-MARA
Parlons d'AIR RANCE-KLM, ACCOR est prêt à racheter la part de l'Etat, 14 %, le géant hôtelier caresse depuis des années le projet d'entrer au capital d'AIR FRANCE-KLM avec la volonté de bâtir un leader européen du voyage de nationalité française, alors selon Le Figaro : « l'idée fait son chemin au plus haut de l'Exécutif », dites-nous ACCOR est-il en voie de racheter la part de l'Etat ?
ELISABETH BORNE
Vous savez la priorité du moment c'est d'avoir un nouveau dirigeant pour AIR FRANCE-KLM, l'entreprise est dans une situation qui est
AUDREY CRESPO-MARA
Et ça avance ?
ELISABETH BORNE
Ça doit avancer, évidemment l'objectif c'est qu'il puisse y avoir un nouveau dirigeant à la rentrée - et c'est vraiment ça la priorité - un nouveau PDG qui pourra définir la stratégie de l'entreprise et c'est à l'aune de cette stratégie qu'on pourra apprécier le projet industriel, par exemple celui
AUDREY CRESPO-MARA
Mais c'est en discussion ou pas au plus haut niveau de l'Exécutif, comme on dit ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis pour l'instant la priorité c'est un nouveau dirigeant
AUDREY CRESPO-MARA
J'entends !
ELISABETH BORNE
Un nouveau dirigeant et ensuite des liens capitalistes
AUDREY CRESPO-MARA
Ça n'empêche que des discussions soient menées en parallèle ?
ELISABETH BORNE
C'est dans un second temps au regard d'un projet industriel, c'est comme ça que le projet sera regardé.
AUDREY CRESPO-MARA
Ce sont des discussions qui sont longues, donc on peut penser qu'elles sont aussi menées en parallèle ?
ELISABETH BORNE
Enfin vraiment la priorité du moment c'est un nouveau dirigeant, enfin il faut que chacun soit conscient des... enfin voilà de la situation d'AIR FRANCE qui est moins compétitive que ses concurrents - je pense à LUFTHANSA, à BRITISH AIRWAYS et à sa partenaire KLM - et qui doit pouvoir mener un projet de développement, c'est ce que proposait Jean-Marc JANAILLAC et ce sera effectivement le défi du prochain dirigeant de porter AIR FRANCE dans un projet de développement.
AUDREY CRESPO-MARA
Le Parquet national financier ouvre une enquête visant le secrétaire général de l'Elysée Alexis KOHLER, l'enquête porte sur des soupçons de conflit d'intérêts entre ses postes dans la fonction publique et ses liens avec l'armateur MCS, l'armateur italo-suisse, client important des Chantiers navals de Saint-Nazaire ayant été fondés et dirigés par ses cousins de sa mère, est-ce que vous allez me dire qu'il n'y a pas d'affaire KOHLER comme Christophe CASTANER ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense qu'Alexis KOHLER est très serein, il l'a dit, il a toujours été très transparent sur les liens entre cette entreprise, enfin les liens qu'il pouvait avoir avec cette entreprise, il a toujours pris soin de se déporter de ces dossiers - donc de ne pas s'impliquer dans ces dossiers et je pense que l'enquête qui s'ouvre sera l'occasion de montrer la transparence dont il a fait preuve sur ce sujet.
AUDREY CRESPO-MARA
Tous les matins je pose une question récurrente, « La question off mais devant les caméras ». C'est off, entre nous, vous êtes polytechnicienne, à l'X il n'y avait que 20 filles sur 300 étudiants, à la RATP que vous avez dirigée 8 salariés sur 10 étaient des hommes, dans votre cabinet de ministre il n'y a qu'une femme pour 8 hommes, la parité c'est si difficile à imposer, c'est difficile ?
ELISABETH BORNE
Je pense que la parité c'est un long chemin, pour moi c'est quelque chose d'important et dans les transports comme vous le soulignez il y a très peu de femmes et, vraiment, ça fait partie des sujets moi qui me tiennent à coeur, on a des très beaux métiers, des métiers d'ingénieur vers lesquels les femmes ne s'orientent pas, des métiers du transport routier, moi j'ai eu l'occasion de participer à un salon sur le recrutement des femmes dans les transports, donc je pense que c'est important dans tous les secteurs d'avoir effectivement un équilibre entre les hommes et les femmes, ça contribue je pense à la sérénité et vraiment c'est un enjeu important.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup Elisabeth BORNE, la suite de la matinale avec Pascale.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2018