Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la position de la France sur le rôle de l'OMC, Doha (Qatar), le 10 novembre 2001.

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Circonstance : Conférence ministérielle de l'OMC, à Doha le 10 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Trois observations pour commencer.
- D'abord, pour remercier nos hôtes, à Qatar, qui font le maximum pour bien nous accueillir, ainsi que le Président Harbinson et le Directeur Général Mike Moore.
- Ensuite, pour souligner qu'avec l'adhésion de la Chine, l'Organisation Mondiale du Commerce devient enfin vraiment mondiale.
- Et pour noter que le commerce et la terreur ne font pas bon ménage. Notre présence à Doha montre que nous ne nous laissons pas intimider. Après l'échec de Seattle, nous souhaitons la réussite de Doha.
Réussir Doha c'est en bien comprendre le cadre : celui d'une organisation qui doit être efficace, fondée sur des règles et dotée d'un mécanisme de règlement des différends substituant le droit à la force, le multilatéralisme à l'unilatéralisme.
Réussir Doha, c'est fixer un cap : une ouverture des échanges accompagnée d'un renforcement des règles, destinée - je souligne ces aspects - à contribuer au plein emploi, au relèvement des niveaux de vie et au développement durable.
Dans ce contexte, la France soutient une OMC forte, légitime et démocratique au service de deux objectifs prioritaires.
1 - L'OMC doit, d'abord, contribuer à l'ouverture et à la régulation des échanges économiques mondiaux.
Le marché, national ou mondial, ne fonctionne à l'avantage de tous que s'il est gouverné par des règles. Ces règles du marché mondial, nous les avons créées dans le passé pour ce qui relève du champ traditionnel des biens, puis des services. Il nous faut désormais les enrichir pour poursuivre le cap d'une ouverture accrue, progressive et mutuelle, de nos économies. Il nous faut les améliorer, si nécessaire, pour apporter des réponses adaptées au processus d'intégration des marchés mondiaux.
De notre expérience au sein de l'Union européenne, je retiens au moins deux leçons :
- l'ouverture des frontières ne suffit pas à assurer un développement équitable et harmonieux des échanges. La mise en place progressive de règles communes en matière de concurrence et d'investissement s'impose, pour en sécuriser les acquis, au bénéfice du développement des flux d'investissements entre les Membres de l'OMC, en particulier vers les pays en développement. Il égaliserait les chances des différents acteurs économiques, PME et grands groupes.
- une autre leçon est que, derrière les préférences économiques des consommateurs, résident souvent des choix de nos citoyens. Ces choix peuvent différer d'un pays à l'autre, comme dans le domaine de la sécurité des aliments. L'OMC a la responsabilité d'éviter les conflits qui pourraient naître de ces différences, en précisant ou clarifiant les règles multilatérales existantes chaque fois que nécessaire.
La négociation doit permettre par ailleurs de progresser sur le chapitre du règlement des différends, au bénéfice de tous les membres.
2 - L'OMC doit aussi constituer un instrument au service du développement durable.
L'objectif de développement durable a été reconnu et intégré par l'OMC dès sa création. Le rôle de l'État et des politiques publiques est important pour offrir plus de sécurité et de solidarité.
Développement, promotion des normes sociales fondamentales et protection de l'environnement constituent des piliers sur lesquels les États, comme les opinions publiques, attendent des résultats tangibles.
- La question du développement sera au cur du nouveau cycle. Au-delà des progrès accomplis dans le débat sur la mise en uvre des accords de Marrakech, l'accès des pays défavorisés aux marchés du monde développé et à ceux des pays émergents est une priorité. L'Europe a déjà agi en ce sens au bénéfice des pays les moins avancés.
Nous faisons face à deux autres exigences : donner tout son sens au concept de " traitement spécial et différencié " sans créer une OMC à deux vitesses ; développer l'assistance technique dans les domaines où elle revêt une importance cruciale.
- L'OMC doit contribuer au développement social par un dialogue permanent avec d'autres organisations internationales, sous l'impulsion de l'OIT.
- L'OMC doit apporter une contribution décisive à la régulation des échanges internationaux, par la clarification des relations entre règles commerciales et environnementales.
Je veux insister sur une question majeure, qui est aussi une obligation morale : permettre aux populations frappées par les épidémies comme le SIDA d'avoir accès aux médicaments indispensables. La France a été à l'origine du Fonds Multilatéral pour la Santé, lancé par le Secrétaire Général des Nations-Unies. Ajoutons-y l'accès aux médicaments indispensables. Au nom du gouvernement français, je vous appelle à donner à chaque être humain les moyens d'exercer concrètement son droit fondamental à la vie.
3 - Pour remplir ces missions, l'OMC doit respecter l'équité et la transparence
L'équité passe par la participation de tous. Elle exige la transparence des procédures et des méthodes de négociation. L'OMC a réalisé des progrès depuis Seattle, elle doit les poursuivre.
L'équité réside aussi dans la globalité du programme de négociation : seule une approche large permet de prendre en compte les priorités de tous, et d'assurer un résultat de négociation équilibré.
L'équité impose enfin de refuser toute pré-négociation des résultats sur certains sujets. Je pense en particulier aux négociations de l'agenda incorporé sur l'agriculture et sur les services, qui doivent se poursuivre sur les bases décidées à Marrakech, dans le respect des préférences collectives de l'ensemble des Membres.
Monsieur le Président, monsieur le Directeur Général, chers collègues, en instituant l'OMC en 1994, nous avons élargi le champ de vision du GATT aux problèmes de son temps. Nous devons maintenant élargir le champ d'action de l'OMC au service d'une ouverture maîtrisée, du développement, et de la gouvernance mondiale.
Dans le cadre de la négociation, nous devons répondre aux attentes de tous les Membres de l'Organisation, celles des acteurs économiques et des opinions publiques. C'est dans cet esprit que la France entend contribuer à notre réunion de Doha.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14 novembre 2001)