Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Bruno Le MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, est l'invité de Franceinfo ce matin.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Bruno Le MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Angela MERKEL et Emmanuel MACRON se sont rencontrés hier à 30 kilomètres de Berlin, j'ai oublié le nom du lieu où ils se sont vus, vous y étiez ?
BRUNO LE MAIRE
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et un accord a été trouvé, nous a-t-on dit, sur un budget de la zone euro. On écoute le président de la République française.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
Nous nous sommes mis d'accord sur la création d'un budget de la zone euro avec une fonction de convergence et d'investissement entre les économies de la zone euro, ce sera un vrai budget avec des recettes et des dépenses annuelles, des décisions par les Etats de la zone euro et justement une exécution des dépenses par la Commission européenne.
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'a pas compris grand-chose ! Parce qu'un budget de combien ? Qui va financer quoi ? Qui va être financé comment ? On n'a pas les détails, il faut bien le dire, donc c'est sérieux cette
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous donner les détails.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est vrai ?
BRUNO LE MAIRE
Ah ! C'est plus que sérieux, je pense que ce qui s'est passé hier entre la Chancelière et le président de la République sur la zone euro c'est une avancée historique, c'est la deuxième étape de cette monnaie commune que nous avons créée il y a quelques années, on a eu une monnaie commune l'euro mais toujours pas de budget commun entre les 19 Etats membres, nous avons proposé hier France et Allemagne un budget commun, qui va avoir deux fonctions : la première, c'est que nous allons pouvoir investir en commun, financer des programmes d'innovation, par exemple sur l'intelligence artificielle, sur les batteries, nous pourrons mettre l'argent en commun des 19 pour avoir des programmes beaucoup plus puissants, beaucoup plus efficaces, qui préparent l'avenir de la zone euro.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il viendra d'où l'argent ?
BRUNO LE MAIRE
L'argent il peut venir par exemple, c'est mentionné dans le texte, de la taxe des transactions financières, nous avons une taxe en France des transactions financières - elle rapporte à peu près 1,5 milliard d'euros - nous pourrions consacrer cette taxe au budget de la zone euro ; il peut y avoir une part de l'impôt sur les sociétés qui serait consacrée à ce budget, on a devant nous trois ans pour le décider puisqu'il doit se mettre en place en 2021, donc il y a encore le temps
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc ça fait autant de ressources en moins pour nous, si on les donne
BRUNO LE MAIRE
Mais ça fait aussi plus de croissance pour nous à la sortie et c'est bien l'objectif ; et puis il y a une deuxième fonction qui est essentielle, c'est une fonction de stabilisation, on tire les conséquences de la crise de 2008 quand vous avez eu des pays comme l'Espagne, comme le Portugal qui ont été très lourdement touchés par la crise, on les a laissés seuls sans soutien massif, il a fallu construire des instruments très rapidement, là il y aura une fonction de stabilisation de ce budget, un Etat qui sera touché par une crise économique arrêtera de contribuer à ce budget mais les autres États prendront le financement de l'investissement, de l'innovation à leur charge par l'intermédiaire du mécanisme européen de stabilité et puis l'Etat, quand il sera sorti de la crise, remboursera les sommes qui leur ont été prêtées, mais pendant la crise il n'aura pas arrêté de financer l'innovation, la recherche, les universités, toutes ces dépenses qu'on coupe en général quand on en situation de crise et, après, on met encore plus de temps à sortir de la crise et à retrouver de la croissance. Donc, ça va favoriser
JEAN-MICHEL APHATIE
Un budget de combien ?
BRUNO LE MAIRE
La convergence entre les pays de la zone euro.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un budget de combien, quel est le montant prévisible de ce budget, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Nous ne sommes pas tombés d'accord, donc nous allons poursuivre les réflexions, je vous le dis très simplement
JEAN-MICHEL APHATIE
Les Allemands veulent que ce soit le plus réduit possible.
BRUNO LE MAIRE
Ce qui compte à mes yeux c'est que le cadre soit clair, un budget pour stabiliser en cas de crise, pour investir et pour innover et faire de la convergence entre les Etats membres, parce qu'on ne peut pas continuer comme à avoir une monnaie unique
JEAN-MICHEL APHATIE
Ca doit être combien le minimum ?
BRUNO LE MAIRE
Avec 19 Etats qui ont la même monnaie et 19 politiques économiques différentes, 19 politiques fiscales différentes ce n'est pas possible - et ce qui a été décidé hier permet de résoudre ce problème.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, ça ne permet pas de... enfin il y a des différences majeures qui vont exister, le niveau de prélèvement en Allemagne est inférieur au nôtre de 6 ou 7 points, ça ne va pas résoudre la question de la convergence et des économies.
BRUNO LE MAIRE
Mais, Jean-Michel APHATIE, je suis - permettez-moi d'être en désaccord complet avec vous, parce que nous avons
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah bon !
BRUNO LE MAIRE
Oui complet.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est parce que vous disiez qui va résoudre le problème de la convergence.
BRUNO LE MAIRE
Mais parce que nous avons un budget, mais parce qu'il y a une autre décision que vous n'avez pas mentionnée qui est absolument majeure sur laquelle nous travaillons depuis 10 ans, c'est qu'il y a un accord entre la France et l'Allemagne pour avoir la même base sur l'impôt sur les sociétés, la même base fiscale, ça fait 10 ans qu'on travaille là-dessus, c'est un sujet qui est très technique et très complexe. Mais pourquoi est-ce que nous n'arrivions pas à avoir le même impôt sur les sociétés entre la France et l'Allemagne ? Parce que derrière il y a des règles d'amortissement qui sont différentes, il y a des droits des faillites qui sont différentes, nous avons fait un travail technique intense avec mon homologue Olaf SCHOLZ et nous avons réussi à tomber d'accord pour avoir le même impôt sur les sociétés entre la France et l'Allemagne ; et j'espère que ça servira de base à des travaux européens à 19 pour que demain à 19, puis à 27, nous ayons le même impôt sur les sociétés, ça permettra à toutes les PME, toutes les entreprises qui veulent investir dans la zone euro de le faire beaucoup plus simplement.
BRUCE TOUSSAINT
Y aura-t-il un homme ou une femme à la tête de ce budget de la zone euro, une sorte de super ministre des Finances ?
BRUNO LE MAIRE
Et je souhaite qu'à terme il y ait effectivement un ministre des Finances, le président de la République l'a proposé dans son discours de La Sorbonne, le budget de la zone euro je le rappelle c'était vraiment la pierre d'angle de ce projet pour la zone euro, il a été accepté par l'Allemagne - et vous savez qu'au départ les Allemands étaient très réticents sur ce sujet - donc nous sommes arrivés à les convaincre. Il reste, je le reconnais bien volontiers, des étapes à franchir : il reste cette question du ministre des Finances, il reste un montant du budget
JEAN-MICHEL APHATIE
Dont Angela MERKEL ne veut pas, c'est ça ?
BRUNO LE MAIRE
Non, il y a des réserves, mais elle ne voulait pas au départ non plus d'un budget de la zone euro et finalement nous sommes arrivés après des heures et des heures de négociations à trouver cet accord.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il y a, j'avais une autre question, le montant du budget vous ne me l'avez pas dit.
BRUNO LE MAIRE
Nous, nous voulions partir sur un budget qui représente 0,2, 0,4, 0,5 % du PIB à peu près...
JEAN-MICHEL APHATIE
En milliard ça fait quoi ?
BRUNO LE MAIRE
Ce qui ferait à peu près 20 milliards d'euros, 20 à 25 milliards d'euros comme point de départ, donc c'est un bon point de départ. Pour l'instant il n'y a pas d'accord avec l'Allemagne sur ce point de départ, mais les chefs d'Etat nous ont demandé à Olaf SCHOLZ le ministre des Finances et à moi-même de poursuivre nos travaux, nous poursuivrons nos travaux dès la rentrée sur cette question du montant du budget, du fonctionnement très concret ; Et puis le travail important qu'il va falloir faire c'est le travail avec les 17 autres Etats membres de la zone euro qu'il va falloir convaincre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà ! Donc, ça, c'est un travail qui est devant nous
BRUNO LE MAIRE
C'est un travail devant nous et là, pour le coup, je reconnais bien volontiers qu'il va falloir se retrousser les manches.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord ! Donc, vous aurez quelques semaines ou quelques mois pour y parvenir. Avant de s'interrompre, un commentaire sur la prévision de l'INSEE concernant la croissance en France : « en 2018, dit l'INSEE, elle ne devrait pas être de 2 % comme vous l'espériez mais seulement de 1,7 % parce qu'il y a un ralentissement notamment de la consommation des ménages », quel commentaire Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Dans nos prévisions budgétaires on était à 1,8, là on est légèrement en dessous. Moi je ferais deux commentaires, le premier c'est que la croissance française reste solide et je suis confiant là-dessus, le deuxième c'est qu'on ne fait pas autant que ce que nous pourrions faire si on libérait le potentiel de croissance des entreprises - c'est évident - et donc le choix politique, stratégique, de long terme, c'est que nous continuions à avoir une croissance comprise entre 1,2, 1,3 et 2,1 % ou est-ce que nous essayons de libérer le potentiel de croissance de nos entreprises ; et le projet de loi que j'ai présenté lundi en conseil des ministres il a justement vocation à dire : « arrêtons d'avoir une croissance inférieure à ce que nous pourrions faire, libérons le potentiel de nos entreprises ».
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous maintenez votre prévision de croissance à 1,8 ou est-ce que vous vous calquez d'ores et déjà
BRUNO LE MAIRE
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Dorénavant sur celle de l'INSEE ?
BRUNO LE MAIRE
Non, non, je maintiens, nous maintenons notre prévision de croissance à 1,8, on ne va pas ajuster la croissance tous les trois mois en fonction des événements, nous ne sommes pas loin de la prévision de l'INSEE mais je pense que nous pouvons sur le long terme faire beaucoup mieux si nous levons un certain nombre d'obstacles à la croissance française.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas d'économies nécessaires en fonction de ce que dit l'INSEE, vous ne prévoyez pas de faire des économies pour ajuster ?
BRUNO LE MAIRE
Nous ajusterons. Non, non, je ne prévois pas et nous ne prévoyons pas avec Gérald DARMANIN d'économies supplémentaires, il y a une trajectoire budgétaire, il faut simplement la tenir.
BRUCE TOUSSAINT
Vous restez avec nous Bruno Le MAIRE, il est 8h40, l'essentiel de l'info Edwige COUPEZ.
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BRUCE TOUSSAINT
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des finances est l'invité de France Info ce matin.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'Europe est confrontée à une autre question importante, celle des migrants, il en a bien entendu été question hier entre Angela MERKEL et Emmanuel MACRON. L'Europe se divise sur cette question. Les Français aussi, je voudrais vous montrer un sondage OpinionWay qui a été fait au début de la semaine, 56 % des Français estiment que la France a fait le bon choix en n'accueillant pas l'Aquarius contre 42 %. Vous vous situez où, vous dans les 42 % ou dans les 56 ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, je me situe dans les 56, mais je le dis sans fierté particulière, parce qu'on sait bien que c'est des questions qui sont extraordinairement douloureuses, tout le monde voit les images des migrants, voit ces femmes, ces enfants, toutes ces personnes qui sont sur des navires de fortune, dans des situations qui sont inacceptables humainement. Mais le principe de responsabilité, c'est de ne pas accueillir tout le monde en laissant grandes ouvertes les portes de la France. Le principe de responsabilité
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais reste une question humanitaire qui était posée, c'est-à-dire, un bateau, les Italiens ne veulent pas de ce bateau, si personne n'en veut, qu'est-ce qu'il devient ? La France a une tradition de générosité, on ne parle pas d'accueil ? On a fondé Médecins sans frontières pour ça il y a cinquante ans
BRUNO LE MAIRE
La règle, c'était celle de l'accueil par le pays qui était le plus proche, c'est l'Italie
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il le refuse
BRUNO LE MAIRE
C'est ce qu'a rappelé le président de la République, à juste titre
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il le refuse
BRUNO LE MAIRE
Quant à la générosité française, elle est là, quand vous regardez le nombre de demandeurs d'asile que nous accueillons chaque année, c'est près de 100.000, alors les 100.000 n'ont pas forcément l'asile au bout du compte, mais nous accordons beaucoup l'asile, nous accueillons des gens qui sont en situation de détresse menacés dans leur pays. Maintenant, il est temps et c'est ça l'urgence absolue à mes yeux de définir une politique européenne qui soit beaucoup plus volontariste, beaucoup plus claire, beaucoup plus solidaire aussi avec, entre les pays membres de l'Union européenne, des règles qui soient plus claires et mieux respectées par chacun, parce qu'elles ne le sont pas aujourd'hui, avec, en deuxième lieu, un contrôle des frontières qui soit beaucoup plus effectif et solide qu'il ne l'est aujourd'hui et en mettant en commun des ressources qui aujourd'hui ne sont pas suffisamment mises en commun. Et puis, le troisième sujet, celui qui est de plus grande ampleur, qui est le plus compliqué, c'est comment est-ce qu'on participe collectivement au développement économique des pays sources ; la France le fait dans le cadre du G5 Sahel, mais tous les Etats européens doivent le faire, chacun doit comprendre que face à un défi, qui est un défi migratoire, stratégique, historique, il n'y a pas de réponse nationale individuelle, ça n'existe pas
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est curieux d'entendre
BRUNO LE MAIRE
Ceux qui font croire ça aux gens leur mentent. Enfin, penser que l'Italie, l'Espagne, la France pourra s'en sortir tout seul face aux centaines de milliers de personnes qui vont quitter le territoire africain, parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, parce qu'on ne leur a pas laissé d'autre choix ; c'est un mensonge.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est curieux d'entendre ça, que, il n'y aura pas de situation nationale parce que l'Italie a réclamé notre aide, l'Italie, confrontée à des vagues migratoires importantes depuis 2015, a réclamé notre aide, c'est-à-dire à l'Europe tout entière, mais notamment à la France aussi depuis 2015. A l'inverse, nous, nous avons renforcé nos contrôles aux frontières, notamment à Vintimille. Et du coup, la Ligue, parti d'extrême droite, est arrivée au pouvoir en Italie, sans doute en grande partie à cause de cette question
BRUNO LE MAIRE
Vous avez raison, Jean-Michel APHATIE, c'est une des raisons. Et si nous ne sommes pas capables
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais est-ce qu'il y a une autocritique que la France doit faire sur le résultat de ce qui se produit aujourd'hui en Italie ? Est-ce qu'on n'a pas, par égoïsme, encouragé l'accession d'un parti d'extrême droite en Italie ?
BRUNO LE MAIRE
S'il y a une critique que nous devons nous adresser collectivement, c'est une critique européenne, lorsque l'Europe
JEAN-MICHEL APHATIE
La France n'en a pas une part importante ?
BRUNO LE MAIRE
Lorsque l'Europe n'est pas à la hauteur des défis sur des questions stratégiques comme la question des migrations, eh bien, effectivement, la réponse, c'est des populismes. Et pour ce qui me concerne, c'est-à-dire
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais nous avons nourri le populisme italien !
BRUNO LE MAIRE
L'économie, si nous ne sommes pas capables demain d'avoir et je le dis à tous nos partenaires, membres de la zone euro si nous ne sommes pas capables d'avoir une zone euro plus solide, capable de résister à la prochaine crise financière, avec des instruments renouvelés, capables d'investir davantage pour donner des emplois aux gens, des perspectives à nos enfants, eh bien, demain, vous verrez la zone euro fragilisée, vous verrez les populistes monter, non, mais ça sert à quoi votre Europe si vous n'êtes pas capable de nous donner plus de croissance, plus d'emplois, plus de perspectives pour nos enfants, c'est ça notre responsabilité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que la France, par égoïsme, a nourri le populisme italien, et peut-être aussi le populisme allemand d'ailleurs en laissant Angela MERKEL seule face à ces migrations
BRUNO LE MAIRE
C'est l'Europe tout entière, dans son incapacité à apporter, depuis des années, des réponses claires à cette question migratoire, ce que le président de la République essaye de faire aujourd'hui, qui a donné le sentiment aux Italiens, à nos amis italiens
JEAN-MICHEL APHATIE
Un peu tard, on les a abandonnés quand même
BRUNO LE MAIRE
Que dans le fond, on les laissait tous seuls.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr
BRUNO LE MAIRE
On leur disait : mais, débrouillez-vous tous seuls !
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc on a une responsabilité ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous avons une responsabilité collective, vous savez, quand il y a une montée des populismes, la mauvaise réponse, c'est de dire : tout ça, c'est la faute des peuples, ils ne votent pas comme il faut. Ça, c'est une réponse qui est absurde et irresponsable, et puis, la bonne réponse, qui est de se dire : est-ce que nous, responsables politiques, collectivement, au niveau national comme au niveau européen, nous avons apporté les réponses à nos peuples sur la protection nécessaire des frontières, sur la protection de nos cultures nationales et sur la défense de nos intérêts économiques. Quand je me bats avec mes homologues allemands pour résister face à monsieur TRUMP, pour qu'il y ait une réponse aux attaques commerciales des Etats-Unis contre les alliés européens, qu'est-ce que je dis au peuple français ? Avec le président de la République nous défendons vos intérêts économiques, et nous ne nous laisserons pas marcher sur les pieds par les Etats-Unis d'Amérique aussi proches que nous puissions être de ce pays. Quand nous renforçons la zone euro, qu'est-ce que je dis au peuple français ? Même chose : nous allons améliorer le fonctionnement pour plus de stabilité et plus de croissance.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va rester sur l'immigration, on va écouter Matteo SALVINI, qui est le ministre de l'Intérieur italien, et qui expliquait hier à la télévision italienne que son projet maintenant, c'est de compter le nombre de Roms qui sont présents sur le territoire italien.
MATTEO SALVINI MINISTRE ITALIEN DE L'INTERIEUR TRADUCTION
J'ai demandé à un état des lieux précis des Roms en Italie, qui sont-ils, combien sont-ils, après, les Roms italiens, malheureusement, nous serons contraints de les garder.
JEAN-MICHEL APHATIE
« Malheureusement, nous sommes contraints de les garder, les Roms italien » ; un gouvernement comme ça l'Europe, c'est des valeurs peut continuer à faire partie de l'Europe ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous allons travailler avec le gouvernement italien, moi, je suis ministre de l'Economie et des finances
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez entendu cette déclaration !
BRUNO LE MAIRE
Mais bien entendu, mais Jean-Michel APHATIE
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qu'elle suscite chez vous ? Qu'est-ce qu'elle suscite chez vous cette déclaration ?
BRUNO LE MAIRE
La question n'est pas celle de Matteo SALVINI, du gouvernement italien
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien, c'est ma question
BRUNO LE MAIRE
La question, c'est la montée
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la question que tout le monde se pose
BRUNO LE MAIRE
Mais, la question que tout le monde se pose et que tout le monde voit
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pouvez siéger avec Matteo SALVINI au gouvernement italien ?
BRUNO LE MAIRE
C'est la montée des populistes partout en Europe, c'est la montée des extrêmes partout en Europe
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'on peut travailler avec le gouvernement italien quand il dit ça ? On va compter les Roms !
BRUNO LE MAIRE
Mais je vais vous répondre très simplement
JEAN-MICHEL APHATIE
On va les ficher
BRUNO LE MAIRE
J'aurai tout à l'heure, dans quelques instants, un entretien avec mon homologue italien, monsieur TRIA, qui est ministre de l'Economie, j'aurai un entretien avec monsieur Di MAIO, dans le courant du mois de juillet, et puis, je jugerai sur pièces, je veux dire, voilà
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quand on entend ça ?
BRUNO LE MAIRE
En matière économique, nous allons progresser sur la zone euro, est-ce que vous êtes avec nous ou est-ce que vous n'êtes pas avec nous ? Donc je jugerai sur les actes
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand vous entendez ça, vous vous dites que vous avez les mêmes valeurs que le gouvernement italien ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a beaucoup de responsables politiques en Europe dont je ne partage pas les valeurs, dont je vois qu'ils gagnent du terrain petit à petit
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est le signe d'un échec ?
BRUNO LE MAIRE
Et je me dis que la réponse n'est pas d'aller commenter telle déclaration ou telle autre, la réponse, c'est les décisions. Et si j'ai passé des jours et des nuits avec monsieur SCHOLZ pour avoir cet accord sur la zone euro, et que le président de la République puisse conclure cet accord historique avec madame MERKEL, c'est parce que, au fond de moi, je ne vous cache pas, Jean-Michel APHATIE, mon inquiétude sur ce que l'Europe est en train de devenir. Je ne vous cache pas que ce qui monte aujourd'hui en Europe, partout, politiquement, m'inquiète, et que la seule réponse face à ça, ça n'est pas les commentaires, ça n'est pas mon rôle, la seule réponse, c'est des décisions, une politique migratoire juste, efficace, ferme, qui protège nos frontières et qui, sur le long terme, évite de revivre chaque année ce que nous vivons. Et en matière de politique économique, plus d'emplois, plus de croissance, plus de protection de nos entreprises, plus de défense de nos intérêts stratégiques, plus de protection de nos investissements clefs, de nos technologies clefs, c'est ça à mes yeux qui compte.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il n'y a pas que l'économie, il y a les valeurs, et on voit qu'elles sont sérieusement mises en cause aujourd'hui par l'installation de certains gouvernements en Europe
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais là, c'est aussi la responsabilité de chaque parti, on pourrait poser la question à l'ancien parti, dont je faisais partie il y a quelques mois, Les Républicains, qu'est-ce qu'on l'on veut pour le Parti populaire européen ? Est-ce qu'il est cohérent que dans le Parti populaire européen, vous ayez monsieur ORBAN et madame MERKEL, est-ce que véritablement, ça a du sens d'avoir deux personnalités qui défendent des valeurs aussi différentes, qui font partie du même Parti populaire européen ? Je crois que le Parti populaire européen peut se poser aujourd'hui cette question. La recomposition politique, elle a lieu en France, et je peux vous garantir qu'elle va avoir lieu aussi au niveau européen, parce que les lignes aujourd'hui de partage ne sont plus tenables face aux réalités politiques dans les Etats.
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BRUCE TOUSSAINT
Bruno Le MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, est l'invité de Franceinfo ce matin.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a appris hier que les APL, c'était une mesure qui figurait dans le budget mais personne ne l'avait vu passer, donc on a appris hier en fait que les APL ne seraient pas revalorisées dans l'inflation cette année, Jacques MEZARD - votre collègue qui est en charge de ce dossier dit qu'il ne s'agit pas d'une baisse mais d'une non augmentation, chacun appréciera, en tout cas Olivier FAURE - le patron du Parti socialiste - n'a pas aimé.
OLIVIER FAURE, PREMIER SECRETAIRE DU PARTI SOCIALISTE
On le voit avec les aides sociales, on le voit avec les APL, on le voit avec la politique de la ville, c'est un président qui visiblement n'a d'yeux que pour les puissants, pour les premiers de cordée et, pour les autres, c'est marche ou crève.
JEAN-MICHEL APHATIE
On pensait que les APL, après l'épisode de l'année dernière, vous n'y toucheriez, mais en fait qu'il n'y aura pas de revalorisation des APL, ce qui évidemment est un souci pour ceux qui les touchent ?
BRUNO LE MAIRE
Mais Jacques MEZARD a raison, il n'y a pas de baisse des APL
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, il n'y a pas de baisse, il n'y a pas de revalorisation.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a pas de baisse des APL, Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y avait tout le temps des revalorisations.
BRUNO LE MAIRE
Et vous me permettrez de répondre à Olivier FAURE également, parce qu'il aurait pu citer la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, il aurait pu citer la revalorisation du minimum vieillesse, il aurait pu citer l'augmentation de la prime d'activité
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce ne sont pas les mêmes publics, on parle des APL.
BRUNO LE MAIRE
Non, mais ces discours caricaturaux je ne suis pas sûr qu'ils soient forcément les plus convaincants, les APL ne baisseront pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les APL ne seront pas revalorisés comme ils l'étaient chaque année ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais vous pourriez aussi mentionner le fait que dans le parc social les tarifs des logements et des loyers seront gelés eux aussi, donc vous voyez que tout ça s'équilibre, on veut toujours aller pointer du doigt
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes sûr ?
BRUNO LE MAIRE
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes sûr que ça va s'équilibrer ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ça fait partie de la politique du gouvernement et c'est fait effectivement pour s'équilibrer ; et on peut avoir sans cesse une augmentation des APL avec un effet inflationniste sur les loyers que nous connaissons tous ou nous pouvons essayer de régler les problèmes à la racine, ce que le gouvernement s'efforce de faire sur tous les sujets c'est de régler les problèmes à la racine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous aurez encore une polémique avec les APL et, donc, vous aurez encore ces propos, c'est toujours les mêmes qui trinquent.
BRUNO LE MAIRE
Mais on peut multiplier, mais vous savez on peut multiplier les polémiques qui me paraissent inutiles, moi ce que je veux expliquer c'est que nous allons traiter les problèmes à la racine en évitant de continuer des solutions qui depuis des années n'ont pas permis à notre pays d'avoir la croissance et l'emploi qu'ils méritent.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez présenté lundi, vous avez fait référence au travers d'un projet de loi en conseil des ministres pour simplifier si vous le pouvez la vie des entreprises et accroître leur capacité de progression, de croissance, vous avez dans ce projet de loi mentionné des privatisations qui seront désormais possibles et précisément l'une d'elles suscite question : ADP, AEROPORTS DE PAEIS, pourquoi est-ce que vous voulez privatiser ADP, on a du mal à le comprendre ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je n'aime pas tellement ce terme, parce que je pense qu'il ne reflète pas ce que nous allons faire. Aujourd'hui, quand vous regardez
JEAN-MICHEL APHATIE
... (propos inaudibles)... de la privatisation.
BRUNO LE MAIRE
Oui, parce que quand vous regardez la situation exacte d'ADP vous avez l'Etat qui a 50,4 % des parts et vous avez des acteurs privés dont VINCI, des actionnaires privés l'aéroport de Schiphol, qui ont le reste : 49,6 % des parts, nous aurions pu avoir une solution extraordinairement simple qui aurait consisté à dire : « voilà, on laisse les acteurs privés passer au-dessus de 50 % et puis ils auront un droit de tirage et de possession illimité sur les actifs stratégiques, sur les pistes, sur les aérogares
JEAN-MICHEL APHATIE
Et qu'est-ce que ça apporte de passer en dessous de 50 % pour l'Etat ?
BRUNO LE MAIRE
Nous n'avons pas retenu cette solution-là
JEAN-MICHEL APHATIE
Et de laisser la direction à VINCI
BRUNO LE MAIRE
Mais je tiens à insister là-dessus, nous n'avons pas retenu cette solution-là, parce qu'elle aurait donné à des acteurs privés la propriété ad vitam aeternam d'un actif stratégique. Là, nous, nous faisons une solution qui est beaucoup plus rigoureuse, beaucoup plus protectrice des intérêts de l'Etat, des intérêts des Français, nous allons donner en concession, pour une durée limitée de 70 ans, des aéroports dont nous estimons que, ils seront mieux gérés, de manière plus dynamique, par un acteur privé, et nous gardons du côté de l'Etat tout ce qui fait la régulation de cet aéroport. Les tarifs aéroportuaires, par exemple, c'est l'Etat qui les régulera, les investissements
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais en quoi ça sera mieux géré ?
BRUNO LE MAIRE
Mais regardez aujourd'hui les différents résultats
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qu'ils vont apporter qui n'existe pas aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Mais le développement des commerces
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne marche pas bien les aéroports ?
BRUNO LE MAIRE
Le développement à l'international, mais ça marche bien, je pense que ça pourrait marcher mieux. Et la deuxième raison
JEAN-MICHEL APHATIE
De quel point de vue ?
BRUNO LE MAIRE
Jean-Michel APHATIE, c'est que nous immobilisons sur cet aéroport 9 milliards d'euros pour des dividendes de 180 millions, alors chacun sa conception de l'Etat, on peut estimer que l'Etat immobilise sur AEROPORT DE PARIS une somme aussi importante que 9 milliards d'euros, alors que ça pourrait être géré par un acteur privé qui ferait aussi bien. On peut estimer et c'est notre choix avec le président la République et le Premier ministre qu'il vaut mieux placer ces 9 milliards d'euros pour investir dans l'avenir, financer de la recherche sur les programmes technologiques les plus pointus, et préparer l'avenir de nos enfants. Eh bien, nous, nous estimons que ce choix-là, il est plus responsable, et qu'avec toutes les régulations que nous mettrons en place, les intérêts des Français seront aussi protégés.
BRUCE TOUSSAINT
Bruno LE MAIRE, juste une précision, tout à l'heure, nous avons évoqué la croissance, le chiffre de l'INSEE qui a été donné hier donc de cette prévision, de 1, 7 % pour 2018. Vous nous avez dit : moi, je maintiens 1,8, mais la prévision de croissance du gouvernement, c'était de 2 %.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, la prévision, c'était 2
BRUNO LE MAIRE
Alors, ça dépend quels documents vous prenez
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais le budget était parti sur 1,8
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vos déclarations, je crois, la déclaration du gouvernement
BRUNO LE MAIRE
Le budget a été bâti sur une hypothèse de croissance de 1,8. Et dans le programme de stabilité, vous avez une évaluation à 2, il est courant d'avoir des différences d'évaluation entre le budget et le programme de stabilité, qui est transmis à l'Union européenne. Aujourd'hui, nous maintenons cette prévision de croissance, et puis, nous verrons ce que donneront les mois qui viennent
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous espériez bien 2 %
BRUNO LE MAIRE
Mais, moi, j'espère toujours le meilleur en termes de croissance
BRUCE TOUSSAINT
C'était le chiffre qui était annoncé, non, mais je précise ça aussi pour tous ceux qui nous écoutent et qui ont pu être surpris par vos propos ce matin
BRUNO LE MAIRE
Mais dans nos prévisions budgétaires, pour tenir les comptes de la nation, ceux que nous avons présentés avec Gérald DARMANIN, c'est une évaluation à 1,8. L'INSEE aujourd'hui dit 1,7. Et puis, nous ferons le mieux possible dans les années qui viennent pour dépasser ce chiffre.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE. Très bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juin 2018