Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous comprenez que les gens puissent être choqués lorsqu'ils entendent le chef de l'Etat évoquer le pognon de dingue, ce sont ses mots, que coûtent les aides sociales, sincèrement ?
AGNES BUZYN
Eh bien, fin de sa phrase était intéressante, il a dit
CAROLINE ROUX
Ça veut dire que le début ne l'était pas
AGNES BUZYN
Et ça ne fonctionne pas, et donc le président fait un constat, que nous pourrons tous partager, qui est que, aujourd'hui, alors que nous avons progressivement mis plus d'argent sur les aides sociales pour contrecarrer le chômage, et c'est normal, nous n'avons pas réduit la pauvreté.
CAROLINE ROUX
La forme, c'est important, Agnès BUZYN, parfois, la forme, ça heurte, ça choque
AGNES BUZYN
Je comprends que la forme puisse heurter
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous comprenez que les gens
AGNES BUZYN
Mais c'était une conversation privée autour d'un discours, il était en train de tancer
CAROLINE ROUX
Rendue publique par l'Elysée
AGNES BUZYN
Voilà, mais, écoutons le discours qu'il a tenu hier à la Mutualité, qui était un constat de vérité, sur le fait que nous avons un ascenseur social totalement grippé, et que surtout, les inégalités sociales se sont aggravées dans notre pays, malgré ces aides. Et donc, là, le constat du président, il vise à trouver les bons remèdes, et les bons remèdes, aujourd'hui, c'est : comment faire en sorte que les gens qui sont tombés dans la pauvreté, pour un accident de vie, puissent revenir dans la société, via la formation, via le travail
CAROLINE ROUX
On est d'accord que vous ne l'auriez pas dit comme ça ? Vous pouvez répondre. Vous n'avez pas le droit de répondre ?
AGNES BUZYN
Chacun son style.
CAROLINE ROUX
Voilà, c'est dit. Dépenser un pognon dingue, ça laisse entendre qu'on dépense trop. Est-ce que vous pensez qu'on peut faire aussi bien en dépensant moins sur les aides sociales ? Le montant des prestations sociales, je le rappelle, c'est : 714 milliards en 2016. Est-ce que l'objectif, au fond, c'est presque le sous-titre de tout ce qui a été évoqué hier par le président de la République, c'est qu'il faudra faire mieux en dépensant moins.
AGNES BUZYN
Je crois qu'aujourd'hui, la seule ligne du gouvernement, c'est de faire mieux.
CAROLINE ROUX
Pas de dépenser moins ?
AGNES BUZYN
Pas de dépenser moins ou de dépenser plus, il faut qu'on arrête de parler d'argent quand on parle de social, il faut qu'on fasse bien. Or, aujourd'hui, ce que nous faisons n'est pas au rendez-vous des attentes des Français, et surtout, nous avons une vision de la pauvreté qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. Aujourd'hui, la pauvreté a différents visages, énormément de jeunes sans emploi, énormément de familles monoparentales qui sont en fait très bloqués dans leur vie à cause de ce qu'on appelle des freins périphériques, c'est-à-dire des gens qui ne vont pas pouvoir trouver du travail parce qu'ils ne sont pas formés ou parce que les femmes n'ont pas de garde d'enfants ou non pas les moyens de faire garder leurs enfants. Et donc on doit travailler sur l'ensemble des dispositifs et des leviers qui permettent aux personnes de revenir dans la société et de retrouver toute leur place et leur dignité, c'est ça l'objectif du gouvernement, ce n'est pas de stigmatiser, il n'y a pas de culpabilisation, ça n'est pas l'objet
CAROLINE ROUX
Mais oui, mais c'est curieux, vous dites ça, et puis, dans le même temps, il utilise des mots, alors, encore peut-être, c'est un sous-titre qui nous manque, qu'est-ce que ça veut dire responsabiliser, responsabiliser, alors
AGNES BUZYN
Les acteurs, il a dit : responsabiliser les acteurs
CAROLINE ROUX
Il ne parlait pas des allocataires de minima sociaux ?
AGNES BUZYN
Aussi, aussi, mais
CAROLINE ROUX
Aussi, alors, qu'est-ce que
AGNES BUZYN
Et il a dit certains. Il a dit certains, parce que
CAROLINE ROUX
Alors là, on a besoin de vous pour nous expliquer, est-ce que ça peut être de responsabiliser des gens qui ont droit aux minima sociaux et qui sont, comme il le dit lui-même parfois, tombés dans la pauvreté, ce sont les mots qu'il utilise
AGNES BUZYN
Eh bien, je pense qu'il est conscient qu'il y a différents profils dans les personnes, par exemple, qui touchent le RSA, il y a des personnes qui sont en situation de grande exclusion, des accidentés de la vie, ceux-là, il ne faut pas rêver, nous aurons des difficultés à les remettre dans l'emploi, on peut tenter des mécanismes d'insertion, mais ils vivront avec les minima sociaux, et c'est normal, il y a une partie de la population qui est, malheureusement, pour des raisons médicales, des accidents de vie
CAROLINE ROUX
Qu'il faut continuer à accompagner
AGNES BUZYN
Et ceux-là, on va les accompagner, et il l'a dit, avec attention. Il y a aussi des gens qui sont tombés dans la pauvreté pour un accident de la vie et à qui on n'offre pas aujourd'hui des mécanismes d'insertion, de l'accompagnement social et de la formation pour retourner dans l'emploi, et le président propose que, on les accompagne correctement, mais que dans ce cas-là, ils doivent s'engager de leur côté à suivre
CAROLINE ROUX
C'est donnant/donnant ?
AGNES BUZYN
C'est, je dirais, de la responsabilité partagée, parce que, pourquoi, je dis la responsabilité des acteurs, c'est responsabiliser les personnes qui effectivement touchent ces minima, mais c'est aussi responsabiliser les départements, les associations et l'Etat, qui, aujourd'hui, ne sont pas au rendez-vous de cet accompagnement. E donc la volonté que nous avons, aujourd'hui, c'est que chacun prenne ses responsabilités et les collectivités, l'Etat, les associations doivent faire leur travail.
CAROLINE ROUX
Alors, vous avez dit dans une précédente interview : « nous sommes en droit d'interroger l'efficacité de ces mécanismes-là », il y a un mécanisme qui est souvent évoqué, c'est la prime d'activité, le coût est passé de 4 à 6 milliards. Qu'est-ce que ça veut dire interroger l'efficacité de la prime d'activité ?
AGNES BUZYN
Alors, toutes, toutes les aides vont être interrogées pour leur efficacité, y compris les aides aux entreprises
CAROLINE ROUX
Certaines marchent bien
AGNES BUZYN
La prime d'activité, c'est un peu contre-intuitif, si vous voulez, les dépenses augmentent considérablement, alors que l'emploi reprend, c'est en fait normal, puisque cette prime vise à inciter les personnes à retourner dans l'emploi. Et donc c'est normal que les dépenses augmentent au moment où la reprise de l'économie fait que plus de personnes retrouvent un emploi. La question, c'est peut-être combien de temps doit durer cette aide au retour à l'emploi ; est-ce que ça doit être indéfini ou est-ce qu'on peut la limiter dans le temps ? Voilà une question qu'on peut se poser. Aujourd'hui, nous n'avons absolument pas tranché, nous interrogeons toutes les aides sur leur efficacité, nous manquons de données sur la prime d'activité, c'est une prime relativement récente, elle n'a que deux ans, c'est une fusion
CAROLINE ROUX
Et elle coûte cher
AGNES BUZYN
Elle coûte cher, mais si ça permet aux personnes d'être incitées à retrouver un emploi, c'est la philosophie du gouvernement et nous n'y toucherons pas.
CAROLINE ROUX
Le président a confirmé donc la mise en oeuvre de l'une de ses promesses de campagne, le remboursement à 100 % des lunettes et prothèses auditives et dentaires. Quels seront les équipements concernés, ce n'est pas pour tout le monde, ce n'est pas pour tous les types de lunettes et pas tous les types de prothèses ?
AGNES BUZYN
D'abord, ce sont des équipements de qualité, nous avons fait attention à ce que ce qui va être remboursé par ce qu'on appelle le 100 % Santé, ce sera ce à quoi les gens peuvent s'attendre quand ils vont chercher des lunettes, des verres amincis, antireflets, anti-anti-rayures, donc des verres de qualité. Les prothèses audio, ça sera aussi, pour les prothèses auditives, des équipements de qualité, mais on laisse le libre choix, c'est-à-dire que les personnes qui voudront accéder avec ces offres sans reste à charge, sans débourser de l'argent de sa poche pourront l'avoir, et nous pensons que ça représentera entre 20 et 30 % du marché, peut-être 50 % du marché pour les prothèses dentaires, mais il y aura le libre choix d'avoir quelque chose de superflu ou de plus esthétique
CAROLINE ROUX
De marque, etc.
AGNES BUZYN
Voilà, de marque par exemple pour les lunettes. Et donc ça sera un reste à charge, on va passer d'un reste à charge subi à un reste à charge choisi par les Français ; je pense que c'est une avancée historique de la protection sociale en France, les gens ne s'en rendent pas compte, nous avons tenu une promesse qui paraissait irréalisable il y a encore un an.
CAROLINE ROUX
Les sans dents, c'est fini ?
AGNES BUZYN
Oui
CAROLINE ROUX
C'était une expression utilisée par François HOLLANDE
AGNES BUZYN
Par certains, que je ne reprendrai pas non plus à mon compte, mais
CAROLINE ROUX
Mais cest fini
AGNES BUZYN
C'est fini, et c'était ça l'objet, et c'est une mesure sociale, et le gouvernement travaille sur l'aspect social dans toutes les composantes de sa politique, le logement, le transport, le retour à l'emploi, les aides et la protection sociale.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous allez surveiller les tarifs des mutuelles ?
AGNES BUZYN
Bien sûr. Il y a un comité de suivi de la réforme, nous allons vérifier, d'abord, que les prix qui sont sur la partie libre ne vont pas augmenter pour compenser ce qui sera dans le reste à charge zéro, donc le 100 % Santé. Nous allons vérifier le prix des mutuelles, c'est un engagement des mutuelles aujourd'hui que de ne pas augmenter les prix.
CAROLINE ROUX
Vous pouvez les empêcher d'augmenter les prix ?
AGNES BUZYN
En tous les cas, nous avons prévu éventuellement de faire évoluer la réforme si nous voyons que des choses ne vont pas dans le bon sens, c'est du donnant/donnant. Aujourd'hui, le coût de la réforme revient en majorité à l'Assurance-maladie obligatoire, 75 % du coût de la réforme, c'est l'Assurance-maladie obligatoire qui le prend.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juin 2018