Message de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, adressé au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, sur les efforts du gouvernement en faveur du secteur des pêches maritimes et des élevages marins, le 28 juin 2018.

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Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
Comme vous le savez le Sénat examine en ce moment le projet de loi issu des Etats généraux de l'alimentation, ce qui ne me permet pas d'être présent aujourd'hui avec vous comme je l'avais initialement prévu.
Je souhaite néanmoins pouvoir m'adresser à vous et évoquer quelques sujets dont je sais qu'ils revêtent une grande importance pour vous.
1. En premier lieu, le BREXIT et ses conséquences, qui est et restera un sujet de préoccupation majeur pour les prochains mois, pour vous comme pour le Gouvernement
Vous le savez, nous avons d'ores et déjà pu obtenir des résultats satisfaisants sur la définition de la position de l'Union, tant pour ce qui concerne la période de transition (avec le maintien total de l'acquis) que pour les négociations futures (avec la prise en compte des enjeux de l'accès aux eaux et à la ressource dans un accord plus large).
C'est le fruit de la mobilisation conjointe des professionnels et des Gouvernements des différents Etats membres concernés.
Toutefois, ainsi que je l'ai indiqué à Sète lors des Assises de la pêche et des produits de la mer, cette période de transition n'est pas encore acquise puisqu'elle dépend de l'accord de retrait.
L'absence d'accord de retrait qui se traduirait par un « Brexit dur » aurait des conséquences très importantes, pour la pêche bien sûr, mais également dans de nombreux domaines. Si le pire n'est jamais certain, il convient toutefois de s'y préparer, vous comme nous.
Il est évident que dans un tel cas, nous serions contraints d'envisager, au niveau communautaire des mesures d'adaptation en urgence. Le Gouvernement en est pleinement conscient.
La priorité de la négociation actuelle, pour l'Union, est donc de pouvoir conclure l'accord de retrait.
2. Nous aurons en revanche, à nouveau, en décembre, à fixer les TAC et quotas pour 2019.
J'ai partagé, en janvier dernier, avec vous, le constat qu'il était crucial d'améliorer, en partenariat étroit avec la Commission européenne, le processus de préparation et de prise de décisions dans le cadre de ce Conseil.
L'objectif est à la fois de mieux prendre en compte l'activité et les démarches engagées par les professionnels et d'aboutir à une préparation plus sereine et plus lisible des futures négociations.
Après en avoir discuté avec nos partenaires européens concernés, j'ai écrit dans ce sens, le 4 juin dernier au Commissaire européen, Karmenu VELLA,
Ma proposition, clairement soutenue par mes homologues allemand, suédois, danois, irlandais, espagnol et portugais, s'articule autour de quatre axes :
1. Plus de transparence : la proposition de TAC et quotas de la Commission devrait être entièrement publique et les fortes variations de TAC justifiées en des termes simples ;
2. Plus de temps : les calendriers de travail – celui du CIEM, qui rend les avis scientifiques et celui de la Commission européenne, qui est force de proposition en matière réglementaire – doivent être ajustés et mieux coordonnés afin de laisser suffisamment de temps aux Etats membres pour les échanges et consultations.
3. Plus d'explications : quand il n'y a pas de lien évident entre l'avis du CIEM et la proposition de TAC de la Commission pour un stock donné, une annexe technique présentant le raisonnement et la justification de la proposition devrait être fournie ;
4. Plus de préparation en amont : le Conseil de décembre doit être davantage focalisé sur les enjeux majeurs grâce à des accords trouvés au préalable, au niveau du groupe pêche du Conseil ou du COREPER ; et les points les plus techniques devraient être débattus par les experts de chaque Etat membre, bien en amont.
Au cours du Conseil du 18 juin dernier, à Luxembourg, le Commissaire a confirmé que ces messages ont été bien reçus au niveau de son institution et que les Etats membres, mais aussi, c'est essentiel, les conseils consultatifs auxquels vous participez, seront invités à formuler des recommandations dès l'été, au fur et à mesure de la disponibilité des avis scientifiques. C'est une bonne chose.
Si ce dossier avance, il en est un autre sur lequel nous devons progresser :
3. La généralisation de l'obligation de débarquement à compter du 1er janvier 2019 doit être perçue comme une incitation à encore mieux pêcher.
C'est un dossier compliqué et irritant pour tous les pêcheurs, je le sais.
J'ai déjà eu l'occasion de rappeler autour de la table du Conseil il y a quelques mois que l'obligation de débarquement ne doit pas être considérée comme une fin en soi mais comme un moyen pour faciliter l'atteinte du rendement maximal durable.
L'objectif est bien d'inciter à une meilleure sélectivité et non de ramener des tonnes de poissons peu valorisables à terre. D'ores et déjà, toutes les souplesses possibles ont été recherchées dans le cadre des plans de rejets.
Toutefois, si nous voulons pouvoir défendre utilement et efficacement une adaptation du système, nous avons deux impératifs :
- d'une part, déclarer effectivement et systématiquement les rejets, notamment pour justifier du maintien d'exemptions de minimis, et des futurs niveaux de TAC et quotas,
- d'autre part, ne pas se placer dans une posture d'opposition systématique mais pouvoir montrer, par une pratique ciblée sur certaines pêcheries et par une application intelligente, les limites de ce dispositif.
Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons espérer sortir par le haut de ce dossier et convaincre les institutions européennes (Commission mais également Parlement européen), ainsi que nos partenaires, que cette réglementation va trop loin et qu'elle doit être ajustée pour être efficace sur le long terme et apporter une réelle plus-value pour la gestion des stocks halieutiques.
« Trier sur le fond et pas sur le pont » doit ainsi cesser d'être une formule incantatoire pour devenir une réalité quotidienne.
4. J'ai également entendu les critiques sur le FEAMP.
Le FEAMP est un outil complexe et lourd. C'est une évidence, partagée par tout le monde.
La DPMA et l'ASP ont beaucoup oeuvré pour rendre le dispositif plus fluide et opérationnel, mais dans les « limites du possible ».
Le volume des demandes formulées sur certaines mesures montre que le FEAMP, cela marche. Je vous encourage donc à vous en saisir.
Il importe donc désormais de faire fonctionner le dispositif mis en place, afin de réaliser rapidement les paiements. C'est cet objectif – et principalement celui-là – qui doit mobiliser toute notre énergie sur les prochains mois !
Si la mise en oeuvre opérationnelle du FEAMP avance, malgré les difficultés, il nous faut en tenir compte pour l'après 2020 afin de ne pas les reproduire. Les échanges viennent de s'engager au niveau communautaire pour la prochaine programmation.
La France et la plupart de ses partenaires plaide pour une nécessaire simplification, mais également pour une continuité, pour éviter de devoir à nouveau perdre un temps précieux à construire un nouveau dispositif.
Tel est le message que j'ai clairement fait passer lors du Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche à Luxembourg le 18 juin. Et je peux vous dire que je n'étais pas seul à m'exprimer de la sorte !
5. Je souhaite évoquer également aujourd'hui le devenir des caisses de garantie contre les intempéries et les avaries (CGIA)
Celui-ci, vous le savez, passe par une évolution nécessaire du dispositif.
La prise en compte des risques, notamment climatiques, est l'un des principaux enjeux du secteur de la pêche maritime.
La vocation de ces caisses de garantie était notamment de limiter les risques en termes de sécurité encourus par les marins en les incitant à rester à quai lors d'intempéries.
Le rapport de la mission des inspections générales, rendu en avril 2017, a montré,
- d'une part, que, dans les faits, le dispositif des CGIA ne répond plus à sa vocation initiale : les indemnités sont versées, que le navire soit resté à quai ou qu'il ait pris la mer ;
- et, d'autre part que le mécanisme actuel présente des fragilités juridiques internes importantes.
Ce dispositif doit donc être réformé et ne pourra perdurer au-delà de la fin de cette année. Je salue le gros travail effectué au sein du groupe de travail conjoint du CNPMEM et de la DPMA.
Il importe que les pistes identifiées et sur lesquelles je sais que vous avez encore échangé ces jours-ci puissent désormais être traduites en mécanismes qui soient opérationnels dès le premier janvier.
6. Je conclurai en parlant de l'avenir et de l'enjeu du renouvellement des générations et du renouvellement de la flotte
J'ai récemment lu dans la presse la formule « Sur les bateaux français : poissons recherche pêcheurs désespérément ! ».
Pour ne pas en arriver là, nous devons d'abord saisir toutes les opportunités pour permettre et favoriser le renouvellement de la flotte.
C'est en particulier le cas pour les outre-mer. Le rapport de la mission chargée d'identifier les conditions de soutien au renouvellement de la flotte vient de m'être remis. Je souhaite que nous puissions rapidement avancer sur ce sujet.
Il importe également, pour préparer l'avenir, que les projets d'investissement que nous voyons émerger, et dont on doit se féliciter, intègrent fortement l'objectif de diminution de la dépendance aux énergies fossiles. Le contexte de remontée des cours du gazole renforce cette nécessité.
Mais sur les bateaux, il faut aussi des hommes. Nous devons à tous les niveaux, nous mobiliser pour faire connaître et donner envie d'exercer ce beau métier qui est le vôtre. Je souhaite ainsi organiser, après l'été une journée d'échanges et de débats, au sein même du ministère, avec vous sur l'attractivité des métiers de la pêche, de l'aquaculture et des filières des produits de la mer en général.
Je souhaitais ainsi, par ce message, vous témoigner de mon intérêt et mon attachement à votre comité, à votre Conseil et à celles et ceux que vous représentez.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.comite-peches.fr, le 11 juillet 2018