Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, avec BFMTV le 31 juillet 2018, sur l'affaire du chargé de mission de l'Elysée accusé de violences contre des manifestants le 1er mai, la loi Pacte, la croissance économique, le chômage, la rupture de l'accord relatif au nucléaire iranien par les Etats-Unis et les entreprises françaises en Iran et sur la construction européenne.

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Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes ministre de l'Economie. Deux motions de censure cet après-midi à l'Assemblée nationale, une troisième enquête qui vient d'être ouverte à l'encontre d'Alexandre BENALLA, 8 Français sur 10 qui se disent choqués, selon plusieurs instituts, ça fait quand même beaucoup pour ce qui était censé être seulement une tempête dans un verre d'eau, non ?
BRUNO LE MAIRE
Moi ce que je trouve qui fait beaucoup c'est les deux motions de censure, je trouve ça totalement décalé. Qu'il y ait des enquêtes, des commissions d'enquête, c'est parfaitement légitime, c'est le rôle du Parlement, mais que les oppositions ne trouvent pas mieux à faire que de déposer deux motions de censure sur cette affaire, ça me paraît décalé, décalé par rapport à la réalité de cette affaire, et décalé surtout par rapport aux attentes des Français. Parce que la réalité c'est quoi ? c'est que les oppositions, dans le fond, comme elles n'arrivent pas à livrer de bataille sur le fond, sur les vrais sujets des Français, le chômage, la croissance, l'emploi, eh bien elles livrent des batailles pour elles-mêmes, des batailles pour se faire entendre.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, c'est uniquement pour la posture de la motion de censure, c'est ça que vous dites ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, on est dans la posture, moi je trouve ces motions de censure tout simplement inutiles, je ne vois pas à quoi elles servent. Qu'on fasse des motions de censure sur la politique du gouvernement, sur nos choix en matière fiscale, sur nos choix en matière économique, mais je pourrai parfaitement le comprendre, c'est le jeu de la démocratie, mais qu'on dépose deux motions de censure uniquement pour se faire entendre, parce que les oppositions n'ont pas été capables jusqu'à présent de se faire entendre sur un seul sujet qui concerne la vie des Français, et je pense en particulier les sujets économiques dont j'ai la responsabilité…
APOLLINE DE MALHERBE
On va en parler dans un instant Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Moi je trouve ça triste pour les oppositions, je trouve ça triste pour le débat démocratique français. Ces deux motions de censure, elles sont inutiles et elles sont décalées.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne voyez pas le problème, vous ne vous dites pas il y a quand même eu un problème, un dysfonctionnement, c'est d'ailleurs un mot qu'a utilisé Emmanuel MACRON lui-même ?
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr Apolline de MALHERBE qu'il y a eu un problème, mais comment est-ce que l'on règle ce problème ? On le règle avec une enquête de l'Inspection générale de la Police nationale, on le règle par la justice, on le règle par les commissions qui ont été créées à l'Assemblée nationale, ça c'est parfaitement légitime, c'est le rôle du Parlement, mais on ne règle pas une affaire comme celle-là par deux motions de censure. Ça me paraît exagéré, et surtout décalé par rapport aux attentes des Français. Moi je pense aux Français qui regardent le débat démocratique, et qui se disent « nous on voudrait un vrai débat sur ce qui nous concerne nous, les questions d'immigration, les questions de sécurité, les questions d'emploi, les questions de chômage, qu'il y ait un vrai débat démocratique là-dessus », moi j'attends les oppositions sur ces sujets-là, je les attends sur notre politique économique, et je ne vois rien venir.
APOLLINE DE MALHERBE
Précisément, est-ce qu'ils n'ont pas été un peu réveillés, justement, dans l'opposition, par cette affaire BENALLA, je pense notamment à un point qui est que la vie de l'Assemblée depuis deux semaines est extrêmement troublée, ça tourne parfois même à l'hystérie dans l'hémicycle, et le débat actuel devait normalement, s'il n'y avait pas eu cette affaire, porter sur la révision constitutionnelle, et puis vous, vous arriviez à la rentrée avec votre loi, la loi Pacte, forcément tout a été chamboulé, est-ce que vous n'avez pas le sentiment que, parce qu'il va falloir faire de la place, notamment à cette révision constitutionnelle à la rentrée, votre loi Pacte elle va tomber dans les choux ?
BRUNO LE MAIRE
Moi j'ai le sentiment surtout que la seule chose qu'aient réussi les oppositions, qui se donnent la main, droite et gauche confondues, c'est l'obstruction, c'est la seule chose qu'ils sachent faire, l'obstruction, et je pense qu'il y a une immense lassitude des Français devant ce spectacle que donnent les oppositions qui ne savent que bloquer, interdire, empêcher, parce qu'elles n'ont rien à proposer.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais précisément sur votre loi, Bruno LE MAIRE, est-ce que la loi Pacte va avoir sa place à la rentrée, est-ce que vous avez la garantie que votre loi sera bien la loi de la rentrée ?
BRUNO LE MAIRE
En politique, en général, on n'a aucune garantie, mais je le souhaite. Oui, je souhaite vivement que nous puissions examiner ce projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises le plus tôt possible. Pourquoi ? Parce que nous avons engagé depuis 1 an, avec Emmanuel MACRON, avec Edouard PHILIPPE, une transformation en profondeur de notre économie. La première étape ça a été la transformation fiscale, on allège la fiscalité du capital pour qu'il y ait plus d'investissements en France, et d'ailleurs ce qui se porte le mieux aujourd'hui en France c'est l'investissement. Il y a une deuxième étape, c'est ce projet de loi qui doit permettre aux PME de grandir, qui doit simplifier les seuils, qui doit permettre surtout de mieux récompenser le travail avec le développement de l'intressement et de la participation, donc le plus tôt…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'êtes pas complètement sûr que vous alliez pouvoir la défendre à la rentrée ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne suis pas complètement sûr parce que les oppositions nous oblige à modifier le calendrier, parce que les oppositions ont réussi leur coup en nous empêchant de travailler sur ce qui concerne les Français, donc oui il y aura des décalages dans le calendrier parlementaire, et je comprends parfaitement les contraintes qui sont celles du calendrier parlementaire, les contraintes qui sont celles du Premier ministre qui doit trancher.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous en serez, en quelque sorte, un peu les victimes collatérales quoi !
BRUNO LE MAIRE
Je ne le souhaite pas, je souhaite que nous puissions examiner ce projet de loi le plus tôt possible, parce que c'est bon pour les Français, c'est bon pour nos entreprises, et c'est nécessaire pour redonner plus de croissance aux Français.
APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir justement sur cette situation économique. Encore un mot sur les conséquences de l'affaire BENALLA, notamment sur la Haute fonction publique. Vous avez été vous-même haut fonctionnaire, vous avez décidé de démissionner de la Fonction publique lorsque vous êtes pleinement consacré à la vie politique, et visiblement l'une des conséquences, c'est ce que l'on apprend ces derniers jours de cette affaire BENALLA, c'est qu'Emmanuel MACRON voudrait en quelque sorte « mater » les hauts fonctionnaires, s'assurer que ceux qui sont encore à la tête des administrations roulent pour lui et non pas pour d'autres. Est-ce qu'il faut que la Haute fonction publique devienne politique, comme c'est le cas par exemple aux Etats-Unis, c'est-à-dire que les hauts fonctionnaires restent ou partent en fonction des gouvernements ?
BRUNO LE MAIRE
Il ne s'agit pas de « mater » qui que ce soit, ce n'est pas dans l'ADN de cette majorité ou du président de la République…
APOLLINE DE MALHERBE
Les propos qui sont rapportés dans la presse sont quand même assez durs !
BRUNO LE MAIRE
Il s'agit juste de respecter les règles. Les fonctionnaires sont sous l'autorité des responsables politiques qui sont élus, et c'est pour ça, vous l'avez rappelé, que j'ai démissionné de la Haute fonction publique, parce que je considère que lorsqu'on est un responsable politique on tient sa légitimité du peuple français. J'ai été élu député en 2017 sous l'étiquette de la majorité présidentielle, et si je peux demander à mon administration, qui est une administration, l'administration de l'Economie et des Finances, de tout premier ordre, de toute première qualité, de prendre telle décision, de suivre telle politique, c'est parce que j'ai cette légitimité. La Haute fonction publique est sous l'autorité des politiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça ne jette pas un soupçon sur l'ensemble de la Haute fonction publique, en sous-entendant que, finalement, ils ne seraient pas véritablement aux ordres du gouvernement ?
BRUNO LE MAIRE
Non, il n'est pas question d'entrer dans quelle que ère du soupçon que ce soit, mais il y a des règles, et ces règles doivent être respectées. La Fonction publique est sous l'autorité des responsables politiques, élus par le peuple français, et notamment sous l'autorité du premier d'entre eux, le président de la République française, qui tient sa légitimité de l'élection directe au suffrage universel.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous comprenez cet état d'esprit.
BRUNO LE MAIRE
Je comprends parfaitement cet état d'esprit parce que moi j'exige de mon administration, dont je redis la qualité et le professionnalisme, une obéissance totale.
APOLLINE DE MALHERBE
La situation économique décevante, clairement. La croissance au deuxième trimestre, 2,2 %, de croissance en 2017, et voilà qu'au deuxième trimestre elle tombe à 0,2 %. Vous aviez prévu 2 % en 2018, c'est mort ?
BRUNO LE MAIRE
Nous réviserons les perspectives de croissance pour 2018, parce que nous avons toujours fait preuve, avec Gérald DARMANIN, avec le reste du gouvernement, de sincérité, et que cette sincérité j'y tiens plus que tout, parce que c'est le gage de la confiance vis-à-vis du monde économique et vis-à-vis de tous les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qu'est-ce que vous attendez pour la réviser ? Là vous avez quand même un certain nombre d'éléments qui montrent que les 2 % ne seront pas atteints.
BRUNO LE MAIRE
Nous avons un élément qui est le chiffre de la croissance au deuxième trimestre, 0,2. Pourquoi est-ce qu'il est inférieur à ce que nous pensions ? D'abord il y a eu des grèves, grève à la SNCF, grève à AIR FRANCE, et j'avais indiqué déjà…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça n'explique pas tout, si ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a plusieurs mois, que ça se solderait sans doute par 0,1 point de croissance en moins, je crois que ce 0,1 point de croissance en moins nous l'avons effectivement, en ayant un chiffre qui est un chiffre décevant. Ensuite il y a eu d'autres éléments, il y a l'augmentation du prix du pétrole, qui pèse aussi sur notre compétitivité, sur nos résultats de croissance, il y a le climat international avec cette guerre commerciale qui nuit aussi à l'activité économique, donc il y a beaucoup de facteurs. Ces facteurs-là…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce n'est jamais de votre faute !
BRUNO LE MAIRE
Mais, ces facteurs-là ils vont nous amener à réviser notre perspective de croissance pour 2018, et ils m'amènent surtout à me battre pour qu'on poursuive la transformation économique du pays, à ce que surtout, on ne lâche pas le rythme des réformes économiques. Je pense qu'il est d'autant plus indispensable, quand on voit ce chiffre, de continuer à accélérer la transformation économique du pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, simplement pour revenir déjà à ce chiffre de croissance…
BRUNO LE MAIRE
Juste pour terminer là-dessus, la croissance et l'économie c'est le temps long, il faut tenir son cap, il faut être capable de poursuivre la transformation jusqu'au bout, c'est comme ça que nous aurons des résultats.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, juste pour qu'on comprenne bien, ça veut dire, vous dites on va réviser, vous ne vous avancez pas encore sur un chiffre, mais celui de 2 %, en tout cas, va devoir être révisé, ce n'est plus l'objectif, ce n'est plus la promesse ?
BRUNO LE MAIRE
Si nous révisons c'est bien que ce qui avait été annoncé ne pourra pas être tenu au point près.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on oublie les 2 %.
BRUNO LE MAIRE
Mais, rien ne doit nous détourner de nos efforts pour accélérer la croissance et donner aux Français la croissance qu'ils méritent.
APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, Bruno LE MAIRE, vous le comprenez bien, c'est que, effectivement, ces chiffres sont décevants, et qu'ils ne sont pas seuls, il y a aussi la courbe du chômage, on en a un peu moins parlé la semaine dernière, finalement, les chiffres du chômage ont été aussi un peu les dommages collatéraux de l'affaire BENALLA, mais si on les regarde, pardon, ils repartent à la hausse. La question c'est que cette fameuse courbe du chômage, dont on a tant parlé sous François HOLLANDE, on se rend compte que sous MACRON elle ne baisse pas.
BRUNO LE MAIRE
Vous me permettrez d'avoir un regard un peu différent sur cette réalité-là. D'abord nos comptes publics, ils ont été rétablis au cours de 2017, pour la première fois depuis 10 ans nous sommes sortis de la procédure pour déficit public excessif, c'est un premier résultat. La création d'emplois, 330.000 emplois nets créés en 2017, plus de 220.000, sans doute, en 2018, c'est un deuxième résultat. L'investissement des entreprises, il reste dynamique, et c'est probablement ce qu'il y a de plus important en termes de croissance. Je ne vous dis pas que c'est suffisant, je vous dis simplement que nous sommes dans la bonne direction, avec une politique économique qui est claire, qui est simple et qui est réaliste, qui suppose l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises, c'est tout ce qui a été fait avec la transformation fiscale, et demain avec le projet de loi dont nous avons parlé, c'est le rétablissement de nos comptes publics, et c'est enfin l'intégration européenne plus forte pour avoir aussi une croissance européenne plus forte.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, vous dites « permettez-moi d'avoir une perception un peu différente », mais je reviens quand même à ma question, la courbe du chômage elle baisse ou elle descend ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous n'avons jamais dit que…
APOLLINE DE MALHERBE
Elle baisse.
BRUNO LE MAIRE
La courbe du chômage elle baisse, elle va dans la bonne direction sur le temps long, mais…
APOLLINE DE MALHERBE
Elle a baissé jusqu'à présent, mais aujourd'hui elle remonte…
BRUNO LE MAIRE
Mais ne prenez pas un chiffre…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que je veux dire c'est que vous n'avez pas réussi à faire cette baisse nette, claire, que vous espériez.
BRUNO LE MAIRE
Mais, Apolline de MALHERBE, nous n'avons jamais, jamais, indiqué que, au bout de 12 mois, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce n'est pas ça notre promesse. Notre promesse…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous comprenez l'impatience des Français, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je comprends parfaitement l'impatience des Français, mais notre promesse c'est celle d'un rétablissement de nos comptes publics, d'un redressement de la compétitivité de l'économie française et une transformation en profondeur pour nous permettre de faire face aux transformations technologiques majeures que nous vivons, et c'est celle aussi d'une intégration économique européenne plus forte. Nous tenons ces promesses, mais je n'ai jamais caché que les résultats seraient longs à venir. Sur le pouvoir d'achat, on nous dit « mais ça doit aller plus vite », je comprends l'impatience des Français, simplement, nous nous tenons un cap qui est simple, on ne redistribue pas de l'argent public, en veux-tu en voilà, parce que redistribuer de l'argent public massivement aux Français ça voudrait dire, demain, augmenter les impôts des Français. Nous avons une autre politique, qui est plus longue, qui est plus difficile, qui consiste à mieux rémunérer le travail. Nous baissons les cotisations assurance maladie, assurance chômage, mais c'est vrai que nous ne le faisons complètement qu'à la fin de l'année 2018, c'est vrai que ce n'est qu'à la fin de l'année 2018 que les Français…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors j'ai envie de dire, c'est tout le problème Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Mais ça s'appelle la responsabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est qu'il y a peu de choses que vous faites complètement.
BRUNO LE MAIRE
Mais si.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous n'êtes pas victimes du « et en même temps », c'est-à-dire vous faites un peu, mais pas complètement ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas d'accord avec cette analyse-là. Nous le faisons de manière responsable. Si nous voulons à la fois sortir de la procédure pour déficit excessif, comme nous l'avons fait, ce qui permet à la France de retrouver sa crédibilité, et en même temps, comme vous le dites, améliorer la situation de tous ceux qui travaillent, eh bien il faut avoir le courage, comme nous l'avons fait, de dire on ne fait qu'à la fin de l'année 2018, la suppression des cotisations assurance-maladie, la suppression des cotisations assurance chômage, qui fera qu'à la fin de l'année 2018 tout le monde, tous les salariés verront sur leur fiche de paye que leur salaire net est plus élevé. Sur la taxe d'habitation…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est toujours du futur Bruno LE MAIRE, c'est toujours du futur, c'est toujours attendez, attendez…
BRUNO LE MAIRE
Mais, le futur, il est pour la fin de l'année 2018, très précisément octobre 2018, pour ces cotisations, octobre 2018 pour la taxe d'habitation, un tiers des Français, la taxe d'habitation va diminuer pour 80 % des Français à la fin de l'année 2018. Nous ferons, avec la loi Pacte, l'intéressement et la participation, en supprimant le forfait social, qui va inciter toutes les petites entreprises à verser de l'intéressement aux salariés. C'est vrai que c'est progressif, et là où je vous rejoins c'est que je comprends l'impatience des Français qui voudraient tout, tout de suite, qui ont besoin que ça aille mieux pour eux, qui ont besoin que le salaire paye davantage, qui ont besoin que le travail rémunère davantage. Mais, c'est prévu, ça va venir, la fin de l'année 2018, chaque Français qui travaille verra sa situation s'améliorer, et c'est dans ce temps long que nous améliorerons la situation des Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous souvenez de la phrase de François HOLLANDE qui disait « la croissance, elle est là, je la vois, elle arrive » ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas ce que je dis justement, je dis que nous nous battons pour redonner à la croissance française la solidité dont elle a besoin, je dis que nous faisons une politique sur le long terme, qui prend effectivement plusieurs années, pour que le travail paye, pour que tous ceux qui travaillent, tous les salariés, voient leur situation s'améliorer, mais que ça ne se fait pas avec un coup de baguette magique. La baguette magique, on a vu ce que ça donnait depuis 30 ans, la baguette magique c'est je prends dans la poche des Français l'argent que je n'ai pas pour le redistribuer à d'autres, et je ne crée pas les richesses dont nous avons besoin pour que ça aille mieux pour tous les Français. Nous notre politique est différente, elle est plus exigeante, elle prend plus de temps, mais elle est plus responsable, et c'est la seule qui permettra d'avoir des résultats durables.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors même qu'on se parle, et qu'on sait que la baisse de la consommation des ménages est déjà très nette, on vient d'avoir le chiffre de l'inflation, l'inflation qui accélère en juillet à 2,3 %, ça ne va pas vous aider ça !
BRUNO LE MAIRE
Mais rien ne va nous aider, Apolline de MALHERBE, on n'est pas là pour avoir des circonstances qui nous aident, nous sommes là pour avoir une économie…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est encore une mauvaise nouvelle de plus.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles, vous savez, si vous prenez le chiffre d'investissement dont j'ai parlé, le chiffre de créations d'emplois, la confiance des entrepreneurs, tout ça ce sont des bonnes nouvelles, je sais que c'est votre rôle de mettre en avant les mauvaises nouvelles, le mien c'est de rééquilibrer…
APOLLINE DE MALHERBE
On espérait, notamment sur le chômage, honnêtement, pour tous les Français, que ça allait quand même, à un moment ou à un autre, baisser, et le constat est quand même décevant.
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne suis pas d'accord avec ce constat, il ya eu des créations d'emplois en 2017, il y a eu des créations d'emplois en 2018 ; pour la première fois depuis dix ans, l'industrie a créé plus de 5.000 emplois en 2017, vous ne trouvez pas que c'est une belle nouvelle pour l'industrie française d'avoir enfin des créations d'emplois alors qu'il n'y en avait pas ? Nous nous battons aussi pour qu'il y ait des qualifications qui correspondent aux besoins des entreprises, mais forcément, c'est long, le travail remarquable que fait Muriel PENICAUD, pour que, en matière de formation, on forme nos jeunes, les générations qui viennent, aux métiers qui aujourd'hui sont en tension, qui n'arrivent pas à trouver des emplois dont elles ont besoin, on cherche des mécaniciens, on n'en trouve pas, on cherche des conducteurs routiers, on n'en trouve pas, on cherche des personnes pour travailler dans l'hôtellerie, dans la restauration, on n'en trouve pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est du long terme…
BRUNO LE MAIRE
On cherche des carrossiers, on n'en trouve pas. On cherche des soudeurs, on n'en trouve pas, on cherche des chaudronniers, on n'en trouve pas en France, ça, c'est le travail de long terme, Apolline de MALHERBE, et je ne vous laisserai pas dire qu'il y a au gouvernement pas cette volonté de transformer en profondeur les choses, et je revendique ce choix qui est celui du gouvernement, du Premier ministre et du président de la République d'aller au bout de la transformation pour solder trente années…
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous nous assurez que les résultats finiront par venir…
BRUNO LE MAIRE
Trente années de facilité, on a dit aux Français : ne vous inquiétez pas, en six mois, c'est réglé, mais ce n'est pas vrai, la transformation d'une économie, ça prend du temps, quand vous formez des jeunes à de nouvelles qualifications, ce n'est pas en trois semaines que ça va se faire, il faut deux ans, trois ans, quatre ans pour avoir les formations qui correspondent aux besoins des entreprises. Nous jouons le temps long, et je pense que c'est pour ça que nous avons été élus, pour que le quinquennat d'Emmanuel MACRON puisse acter une transformation en profondeur de l'économie française et une transition d'une économie qui n'est pas assez compétitive, pas assez ouverte, trop fragile avec des PME trop petites…
APOLLINE DE MALHERBE
Les mesures qu'on prend le permettront…
BRUNO LE MAIRE
Vers une économie dans laquelle vous aurez des PME plus solides, plus grandes, digitalisées, technologiques, qui investissent et avec des jeunes qui ont les qualifications qui correspondent aux besoins de notre économie, voilà ce que nous voulons…
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, vous êtes ministre de l'Economie en France, mais ça se joue aussi beaucoup à l'étranger, un mot sur ce qui se passe en Iran avec la rupture de l'accord entre Donald TRUMP, enfin, du traité avec l'Iran. TRUMP avait annoncé qu'il allait interdire et pénaliser littéralement les entreprises occidentales qui iraient faire du commerce en Iran. Est-ce que vous avez obtenu que certaines dérogations puissent exister pour les grosses entreprises françaises ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, nous négocions depuis des semaines, et je négocie depuis des semaines avec mon homologue, le secrétaire américain au Trésor Steve MNUCHIN, et j'ai bon espoir que nous obtenions, sur un certain nombre de sujets qui concernent directement nos PME et nos emplois dans les territoires, des ouvertures américaines, je pense en particulier à la livraison d'avions de transport régional, des ATR, il y en avait huit qui devaient être livrés avant le 6 août, ça représente une part importante du chiffre d'affaires d'ATR, qui est une entreprise située à Toulouse, j'ai bon espoir que les Etats-Unis nous donnent l'autorisation…
APOLLINE DE MALHERBE
Ne fassent pas tomber le couperet…
BRUNO LE MAIRE
De livrer ces ATR, c'est une nouvelle importante pour cette entreprise aéronautique de Toulouse.
APOLLINE DE MALHERBE
D'autres entreprises pourraient obtenir…
BRUNO LE MAIRE
On se bat également pour que, dans le secteur de la santé, dans le secteur agroalimentaire, qui sont aujourd'hui hors sanctions, il puisse y avoir les canaux de financement qui restent ouverts, et que les Américains ne ferment pas ces canaux de financement pour le secteur de la santé et le secteur agro-alimentaire. Donc ce combat-là, nous allons, avec le président de la République, le livrer jusqu'au bout pour obtenir le maximum de nos alliés américains. Mais la vraie leçon qu'il faut retirer de tout ça, c'est qu'il faut que l'Europe soit indépendante, c'est qu'il faut que nous ayons des canaux de financement totalement indépendants pour faire du commerce librement, où les Etats européens le souhaitent…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que quand on regarde l'Europe, Bruno LE MAIRE, on voit qu'elle est de plus en plus fissurée, vous partez ce soir en Italie, vous allez vous retrouver demain avec votre homologue italien, on voit bien que depuis le nouveau gouvernement, en Italie, ils se vivent plutôt comme en compétition avec nous que comme alliés, est-ce que ce n'est pas un autre problème, et je reviens même aux fondamentaux du Macronisme, qui avaient promis qu'il y aurait des résultats sur deux fronts notamment, l'économie, on vient d'en parler, et l'Europe, sauf que l'Europe, vous vous retrouvez avec des partenaires qui ne jouent plus le jeu…
BRUNO LE MAIRE
Mais je vous trouve bien pessimiste ce matin, Apolline de MALHERBE…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, je trouve ça quand même très décevant, sacrément décevant quand on regarde nos voisins européens…
BRUNO LE MAIRE
Non, je vous trouve bien pessimiste…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez que vous allez pouvoir faire affaire avec les Italiens, avec les Anglais qui sortent ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que l'économie française a tout pour réussir et se redresser et qu'elle va y arriver, et que les transformations que nous portons donneront des résultats. Je pense que la voix de la France a retrouvé avec Emmanuel MACRON une crédibilité en Europe qu'elle avait perdue. Je pense que nous avons réussi avec nos amis allemands à obtenir un accord, l'accord de Meseberg, sur un budget de la zone euro qui paraissait totalement hors de portée, il y a quelques mois ; je vois que nous avons, sur la taxation des géants du numérique, qui est un dossier que nous portons avec le président de la République, avec beaucoup de détermination, nous avons fait des progrès en un an plus importants que depuis plusieurs années sur ce sujet. Je vois qu'avec nos amis italiens, nous allons fusionner STX et FINCANTIERI, deux chantiers navals très importants pour faire un géant de la construction navale européen. Et je pourrais encore multiplier les exemples, l'émission ne dure pas hélas 30 minutes, et je pourrais multiplier les exemples de la direction dans laquelle nous sommes. Oui, la politique, c'est difficile, oui, il n'y a pas de résultats qui viennent facilement, mais tous les exemples que je vous donne montrent que l'idée que nous portons d'une France qui retrouve sa force dans une Europe qui garde son unité, ce n'est pas un leurre, ce n'est pas une illusion, c'est une réalité.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE. Je ne demande qu'à être, non pas seulement optimiste, mais satisfaite, on verra bien les résultats…
BRUNO LE MAIRE
Les Français également, je le sais…
APOLLINE DE MALHERBE
Merci en tout cas d'avoir été avec nous. Vous êtes un ministre de l'Economie.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er août 2018