Interview de M. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires, avec Europe 1 le 23 août 2018, sur la lutte contre les marchands de sommeil, l'aide personnalisée au logement et sur les logements pour les étudiants.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral


FRANÇOIS GEFFRIER
Bonjour Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
FRANÇOIS GEFFRIER
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, merci d'être en direct avec nous sur Europe 1. Après l'incendie dimanche d'un immeuble insalubre d'Aubervilliers, qui n'était absolument pas censé servir de logement, vous avez dit : « je déclare la guerre aux marchands de sommeil », depuis le temps qu'on en parle, ça veut dire que personne n'avait rien fait jusque-là ?
JULIEN DENORMANDIE
Ça veut dire que ces marchands de sommeil ce sont des escrocs, ce sont un des bandits, ce sont des personnes qui exploitent la misère des gens, moi je n'ai visités beaucoup de logements gérés par les marchands de sommeil, avec des images affreuses, des femmes, des enfants, dans des endroits totalement insalubres, et aujourd'hui on avait des dispositions, des lois, qui n'allaient pas suffisamment loin, qui ne tapaient pas suffisamment fort ces marchands de sommeil. Donc moi je mène, depuis plusieurs mois, une guerre sans merci, sans relâche, une guerre totale contre ces individus, qui encore une fois sont des escrocs, et concrètement ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut les taper là où ça fait vraiment mal pour eux, et ces personnes ils ne comprennent qu'une seule chose, c'est l'argent, ils font ça uniquement pour gagner de l'argent. Et donc on va les taper au portefeuille.
FRANÇOIS GEFFRIER
Comment ?
JULIEN DENORMANDIE
Par la loi, on modifier la loi, ce sera voté, c'est en cours de discussion au Parlement, elle sera votée dans les toutes prochaines semaines…
FRANÇOIS GEFFRIER
Dans la loi Elan ?
JULIEN DENORMANDIE
Dans la loi Elan, qui est la loi Logement, on va les considérer comme des trafiquants de drogue, on va prendre les mêmes sanctions qui existent pour lutter contre ces trafiquants de drogue, pour leur prendre leur argent, on va les appliquer aussi, à partir des toutes prochaines semaines, aux marchands de sommeil, ça c'est la première chose. Et puis on va aller encore plus loin, parce qu'aujourd'hui il y avait un truc de dingue qui se passait, vous étiez un marchand de sommeil, vous étiez condamné, mais de temps en temps vous pouviez garder le bien qui servait à votre business, et donc à partir de maintenant le bien sera automatiquement confisqué. Et puis vous n'aurez même plus la possibilité, pendant 10 ans, d'acheter d'autres biens immobiliers. Et donc on va les taper véritablement là où ça fait mal, dans leur portefeuille, et on va aussi les traquer, parce que ces individus ce sont des personnes qui se cachent, donc on va les traquer. On va, par exemple, là aussi par la loi, demander et obliger tous les syndics de copropriété, toutes les agences immobilières, bref, ceux qui connaissent l'existence de ces marchands de sommeil, parce que tout est connu sur le terrain, eh bien on va les obliger à déclarer ces marchands de sommeil auprès du Procureur de la République.
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais ça veut dire quoi un marchand de sommeil, parce qu'il faut définir tout ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Des marchands de sommeil, en fait il y a des critères qui sont très clairement définis, ce sont des gens qui louent, le plus souvent au black, des logements qui sont dits insalubres, c'est-à-dire des logements qui sont considérés comme inaptes pour recevoir des personnes et les accueillir, ça c'est la première chose.
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais vous pensez qu'un syndic de copropriété va dénoncer un logement insalubre ?
JULIEN DENORMANDIE
Jusqu'à présent, en fait le drame de ces marchands de sommeil c'est lorsque vous êtes un habitant, lorsque vous êtes aux mains de ces marchands de sommeil, vous n'osez pas aller dénoncer, donc il faut aider les personnes qui sont sous l'emprise de ces marchands de sommeil, eh bien par la loi, les syndics de copropriété, les agences immobilières, demain, auront l'obligation d'aller dénoncer ces marchands de sommeil. Mais encore une fois, moi je le dis, c'est une guerre sans merci, sans relâche, il faut en finir avec ce fléau, parce que ce sont des dizaines de milliers de nos concitoyens qui sont dans les mains de ces escrocs, de ces bandits, et donc la loi, qui sera votée dans les toutes prochaines semaines, va prendre des dispositions sans précédent.
FRANÇOIS GEFFRIER
Vous dites on va traquer, mais est-ce qu'il ne faut pas aussi des contrôles, une sorte de police des marchands de sommeil ?
JULIEN DENORMANDIE
Les polices, il en existe plusieurs, c'est ça qui est aberrant dans notre fonctionnement, c'est-à-dire qu'il existe plusieurs polices visant, soit par la mairie, soit par les préfectures, visant à aller traquer ces marchands de sommeil, donc elles existent, le problème c'est de leur donner plus de moyens. L'enjeu c'est de leur donner plus de leviers pour aller les taper là où ça fait mal, encore une fois, et puis pour aller les traquer.
FRANÇOIS GEFFRIER
Vous allez leur donner plus de moyens ?
JULIEN DENORMANDIE
On va leur donner plus de moyens, un exemple très précis…
FRANÇOIS GEFFRIER
Alors que les budgets sont en baisse partout, y compris dans votre ministère.
JULIEN DENORMANDIE
En fait, ce qui se passe, c'est que lorsque vous identifiez un marchand de sommeil, vous avez la possibilité, tout de suite, de lui mettre des amendes, jusqu'à présent ces amendes elles étaient reversées au budget de l'Etat, à partir de demain ces amendes vont être reversées directement à ceux qui sont en charge de traquer ces marchands de sommeil, aux mairies, aux intercommunalités, et donc on va renforcer les moyens de ceux qui vont les traquer.
FRANÇOIS GEFFRIER
Julien DENORMANDIE, il y a 600.000 logements indignes jugés par la Fondation Abbé Pierre, si on fait la guerre aux marchands de sommeil, ça veut dire qu'on met 600.000 foyers, 600.000 familles dehors, parce qu'il n'y a pas 600.000 logements disponibles ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, sur ces 600.000 logements, tous ne sont pas gérés par des marchands de sommeil, et ensuite, une fois que vous avez identifié, une fois que vous avez tapé, une fois que vous avez d'éradiqué ce marchand de sommeil dans un logement donné, eh bien il y a d'autres dispositions, d'autres dispositifs, que nous mettons en oeuvre, pour lesquels nous renforçons les budgets notamment, je pense en particulier à la rénovation urbaine, vous savez ce qui permet de rénover les habitations…
FRANÇOIS GEFFRIER
Les vieux ensembles des années 70 notamment.
JULIEN DENORMANDIE
Les vieux ensembles, par exemple. Je pense aussi à l'Agence de l'habitat, qui est une agence qui vise à permettre de rénover les habitations des particuliers, et ça, tous ces budgets…
FRANÇOIS GEFFRIER
Donc vous dites on construit de l'autre côté quoi !
JULIEN DENORMANDIE
Tous ces budgets, ils ont en augmentation. La rénovation urbaine, pour ne prendre que cet exemple, on double le financement, on passe de 5 milliards d'euros, décidés par le précédent quinquennat, à 10 milliards d'euros, avec nos partenaires, notamment les offices HLM.
FRANÇOIS GEFFRIER
Julien DENORMANDIE, la polémique sur la baisse de 5 euros des APL, les aides au logement, c'était il y a 1 an, à l'époque vous aviez accusé et critiqué le Gouvernement précédent, mais finalement c'était juste ou injuste cette baisse, c'était utile ou inutile ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, pour moi, toutes les décisions budgétaires qui sont des décisions de rabot sont des mauvaises décisions. Le budget, ce n'est pas ça qui guide la politique, c'est la politique qui doit guider le budget, et une fois qu'on dit ça…
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais finalement vous êtes allé plus loin.
JULIEN DENORMANDIE
Une fois qu'on dit ça, ça veut dire qu'il faut prendre des mesures de structure, c'est-à-dire qu'il faut rénover en profondeur. On sait que les APL c'est un système qui est important, essentiel, on les préserve, et que, en même temps, elles ont, parfois, des effets qui sont de mauvais effets. Les APL des étudiants, par exemple, on sait que ça peut concourir à une inflation du montant des loyers pour les étudiants. Et donc, on rénove ce système des APL, pour les préserver, et pour donner à chacun, à chacun, ce dont il a exactement besoin. Et ça ce ne sont pas des politiques de rabot budgétaire, ce sont des vrais changements de structure au bénéfice de tous nos concitoyens.
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais le calcul des APL va évoluer, il dépendra des revenus du moment et non plus de ceux d'il y a 2 ans, et vous allez faire des économies là-dessus.
JULIEN DENORMANDIE
Mais, vous vous rendez compte, c'est quand même un truc qui est aberrant. Aujourd'hui, lorsqu'on vous verse une aide au logement, on ne regarde pas ce dont vous avez besoin maintenant, on regarde ce dont vous aviez besoin il y a 2 ans, mais qui peut comprendre ce système ? Ce n'est pas juste, ce n'est pas équitable. Prenons une femme qui a 2 enfants, il y a 1 an elle travaillait à temps plein, aujourd'hui elle travaille à mi-temps, eh bien aujourd'hui elle a moins d'APL que ceux auxquels elle aurait droit, eh bien donc on va changer. Ça c'est une réforme de structure, ça c'est une bonne réforme parce que politiquement c'est juste, et donc on va…
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais au total il y aura un peu moins d'APL, on est d'accord ?
JULIEN DENORMANDIE
Et donc on va le mettre en oeuvre. Il s'avère que cette mesure-là, en plus, ça fait faire des économies. C'est mesure de justice…
FRANÇOIS GEFFRIER
Donc il y a des gens qui vont perdre les APL, on est d'accord ?
JULIEN DENORMANDIE
Tout le monde aura ce dont il a besoin, c'est ça la bonne mesure, et on ne va pas rougir que, en même temps, ça permet de faire des économies, parce qu'on est dans un pays qui a besoin de faire des économies, donc on fait une mesure de justice et d'équité.
FRANÇOIS GEFFRIER
Mais vous dites attention, à certains de nos auditeurs, « vous allez perdre des APL », forcément.
JULIEN DENORMANDIE
Non, je dis à tous les auditeurs qui nous écoutent, demain vous aurez, en termes d'APL, ce dont vous avez besoin, c'est-à-dire qu'on va calculer…
FRANÇOIS GEFFRIER
Et parfois un peu moins.
JULIEN DENORMANDIE
On va calculer vos APL en fonction de vos revenus de l'année en cours, mais c'est une mesure de bon sens et de justice.
FRANÇOIS GEFFRIER
En termes de logement toujours, il y a cette question de Parcoursup, ce logiciel qui attribue des places dans l'enseignement supérieur, aux bacheliers, ce n'est toujours pas fini, il y a encore 15.000, 14.000 jeunes qui n'ont pas de place dans l'enseignement supérieur. Comment on fait quand on doit se loger, quand on doit chercher un logement, alors qu'on ne sait pas encore dans quelle fac on sera ?
JULIEN DENORMANDIE
Déjà je voudrais saluer tout le travail fait par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, madame Frédérique VIDAL, parce que Parcoursup certains essayent de le critiquer. Enfin, au moment où on se parle, il y a 60.000 étudiants de plus que l'année dernière qui ont trouvé une solution. Sur votre question de savoir comment on loge les étudiants, moi c'est un sujet que j'ai pris à bras-le-corps là aussi. Le marché du logement il est discriminant pour les étudiants – je serai tout à l'heure à Rouen pour aller voir les associations et les structures qui accompagnent les étudiants – et là aussi on a pris des dispositions très claires. On a notamment mis en place une garantie qui s'appelle la garantie Visale, qui est une garantie gratuite pour tous les moins de 30 ans, je te dis bien tous les moins de 30 ans, et qui permet d'aller voir son propriétaire, du logement, en lui disant « vous êtes totalement sécurisé vis-à-vis d'un potentiel impayé. » Cette garantie elle fonctionne, on l'a créée avec un partenaire qui s'appelle Action Logement, on a mis beaucoup de financement, et donc je dis à tous les étudiants qui nous écoutent allez sur le site visale.fr, et je dis aussi à tous les propriétaires qui nous écoutent, arrêtez de craindre de louer vos logements aux étudiants, c'est faux de considérer que le principal hobby des étudiants est de dégrader le logement, c'est faux. Rétablissons cette confiance entre les étudiants et les propriétaires, c'est l'objet notamment de mon déplacement tout à l'heure à Rouen.
FRANÇOIS GEFFRIER
Rétablissons cette confiance, c'est le mot qu'on retiendra. Merci Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
FRANÇOIS GEFFRIER
Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, merci et bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 août 2018