Entretien de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, dans "La Nouvelle République" du 27 septembre 2018, sur les consultations citoyennes concernant l'Europe, l'Union européenne face à la question migratoire et sur le Brexit.

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Média : La Nouvelle République du Centre Ouest

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Q - Quel est l'enjeu de votre déplacement à Tours, dans le cadre des consultations citoyennes sur l'Europe ?
R - Ces consultations citoyennes sur l'Europe sont des lieux d'échange et de débat, ouverts à tous. Je viens aujourd'hui à Tours avant tout pour écouter les étudiants de l'université. Ecouter ce qu'ils apprécient, ce qu'ils critiquent, quelle orientation ils souhaitent pour l'Union européenne. Ces exercices démocratiques se tiennent dans tous les pays européens.
En France, ce que je constate, c'est le fort intérêt pour l'Europe. Il y a une forme d'inquiétude sur des acquis de plusieurs décennies, comme la paix ou la prospérité qui ne paraissent aujourd'hui plus être une évidence. Et les gens s'interrogent aussi face au changement climatique, aux tensions transatlantiques ou autour de la Méditerranée.
Mais ce qui me frappe, c'est que sur beaucoup de sujets, les citoyens sont nombreux à vouloir que l'Europe se prenne en main. La synthèse de cette réflexion collective sera présentée aux chefs d'Etat des 27 lors du Conseil européen de décembre 2018, afin de servir de base pour refonder l'Europe.
Q - On a assisté à de nouvelles tensions autour de l'Aquarius et de ses réfugiés. Pourquoi l'Europe n'arrive-t-elle pas à régler la question ?
R - Pour l'Aquarius, une solution européenne a été trouvée. Les 58 personnes à bord seront prises en charge à Malte et un ensemble de pays progressistes - le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne et la France - se sont engagés à accueillir les réfugiés.
Nous ne sommes plus en période d'afflux migratoire, puisque, au total depuis le début de l'été, seulement 1.000 personnes environ sont arrivées par des bateaux d'ONG ou de garde-côtes. Mais la difficulté vient du fait que l'Italie a fermé ses ports. Il y a des pays en Europe qui cherchent des solutions et d'autres qui préfèrent regarder ailleurs.
Au mois de juin, nous avons acté trois principes à l'unanimité des pays européens. Le premier est de mieux aider les pays d'origine, le deuxième est de renforcer le contrôle extérieur des frontières européennes en renforçant et en donnant de nouvelles missions à Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Et le troisième pilier vise à mieux organiser la solidarité entre pays européens. Nous avons établi le principe de centres d'accueil européens dans les pays où débarquent les migrants et les réfugiés, pour que l'Europe soit présente dès la sortie du bateau.
Le but est de mieux répartir les demandeurs d'asile et de mieux les accueillir. Quant aux migrants illégaux économiques, qui ont été manipulés par des trafiquants d'êtres humains, il faut pouvoir les raccompagner, dans de bonnes conditions et avec des moyens européens, dans leurs pays d'origine.
Cela a été décidé en juin, il faut que ce soit mis en oeuvre.
Q - Avez-vous encore espoir d'arriver à un accord profitable à tous pour le Brexit ?
R - Nous considérons qu'un bon accord reste possible. Michel Barnier, le négociateur en chef de l'UE a beaucoup avancé et il est tombé d'accord sur plus de 80% des questions avec le négociateur britannique.
La Première ministre Theresa May est arrivée avec des propositions acceptables et d'autres qui ne l'étaient pas, car contraires aux intérêts de nos citoyens et de nos entreprises. Lors du sommet de Salzbourg la semaine dernière, les chefs d'Etat des 27 ont dit à Theresa May que nous avions besoin d'autres propositions de la part de Londres.
Les risques d'un échec existent et on ne doit pas se réveiller le 30 mars sans accord. Nous nous préparons à tous les scenarios, tout en continuant à chercher un accord, qui ne doit en aucun cas fragiliser le projet européen.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2018