Déclaration de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur le programme électoral de Jean-Pierre Chevènement, candidat du MDC à l'élection présidentielle 2002, dans les départements d'Outre-mer, Point-à-Pitre le 3 janvier 2002.

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Circonstance : Réunion publique en Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre le 3 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Permettez-moi, avant de commencer, de remercier l'ensemble de l'équipe du comité de soutien départemental de la Guadeloupe pour l'accueil qu'il m'a réservé. Je pense en particulier à Monsieur Frantz Quillin qui préside ce comité, à Monsieur Félix Poto, président du Comité de Pointe-à-Pitre, à Monsieur Edward Hatchi, Président du Mouvement des Citoyens et à Monsieur Alex Buimba, conseiller municipal des Abymes. Je tiens aussi à saluer le travail préparatoire du Comité de soutien des originaires d'outre-mer, installé en métropole et que préside Henri Hazael-Massieux et qu'anime mon ami Isidore Canope, avec Madame Rosalie Lamin.
C'est un très grand plaisir pour moi que de tenir ma première réunion publique de l'année dans les Antilles. Ainsi, c'est sous le signe du soleil que j'ouvre cette année qui constituera incontestablement un tournant pour notre République. Déjà, depuis 3 jours l'euro est en service. Dans un peu plus de 100 jours, nous serons amenés à choisir notre prochain Président de la République et au mois de Juin, nous désignerons nos nouveaux représentants à l'Assemblée nationale. Ces rendez-vous électoraux sont de la plus grande importance car ils vont baliser notre destin collectif, préalablement aux graves échéances prévues en 2004.
C'est donc le regard résolument tourné vers l'avenir et préparé à toutes ces batailles que je vous souhaite, à toutes et à tous, tous mes voeux de bonheur et de santé.
Notre réunion de ce soir s'inscrit dans la perspective de la venue, au début du mois prochain, de Jean-Pierre Chevènement aux Antilles, à l'occasion de son second déplacement dans les DOM.
Comme vous le savez, le 4 septembre dernier, Jean-Pierre Chevènement s'est déclaré candidat à la Présidence de la République. A l'occasion de la rencontre de Vincennes, le 9 septembre dernier, Jean-Pierre Chevènement a présenté au Peuple Français dix orientations fondamentales pour relever la République. Depuis lors, s'est constitué autour de sa candidature un véritable courant d'opinions. En incarnant l'Homme de la Nation, il a réussi à faire naître une force politique nouvelle, qui réconcilie à la fois le Peuple français avec lui-même et les citoyens avec la chose publique. Il a permis la constitution d'un Pôle républicain. Le Pôle républicain regroupe tout le monde.
La dynamique qu'il a engendrée confirme, si besoin en était, que les idées républicaines sont modernes et profondément enracinées dans le Peuple. Elle met aussi en lumière que les Français sont attachés à une France républicaine où le Peuple est souverain et l'Etat, le garant de l'intérêt général. Les Français aiment la France des services publics, de la sécurité sociale, des idéaux universels et ils rejettent la France dessinée par la bien-pensance libérale où la loi cède la place au contrat, où les intérêts minoritaires prennent le pas sur l'intérêt général, où la rentabilité financière à court terme prime sur les emplois et où la technocratie remplace la démocratie.
Ici, plus qu'ailleurs, la question de la République nous renvoie à l'Etat, à travers sa capacité à faire face aux problèmes de la France d'outre-mer. En effet, ici l'Etat joue un rôle particulier, il est la pierre angulaire sur laquelle repose la continuité territoriale entre les DOM et la France hexagonale. Ainsi, il revient à l'Etat de rechercher les moyens les plus adaptés pour instaurer dans les DOM, la République dans sa totalité. La République jusqu'au bout.
En l'occurrence, à ce jour l'action de l'Etat est encore insuffisante pour la sécurité, l'école et les questions économiques.
L'insécurité en Guadeloupe, et dans les Antilles, s'explique de deux manières. D'une part, parce que certains jeunes ont le sentiment, avec un chômage qui varie entre 30 et 35%, que leur avenir est aléatoire et d'autre part, parce que les DOM antillais servent de plaque-tournante au trafic de drogue. Cumulées, ces réalités font le terreau de la délinquance des mineurs et de l'usage de la drogue avec leurs terribles conséquences. Pour mettre fin à cette situation de violence et d'insécurité, il appartient à l'Etat de rétablir l'autorité de la loi. Les services de l'Etat doivent avoir les moyens d'agir. Seule la loi, quand elle est appliquée, organise le vivre ensemble. Sans la loi, le développement économique et social des DOM n'est pas possible. Les sociétés où l'on observe un développement sont celles où s'exerce la loi, une loi juste appliquée avec fermeté et intelligence. D'une certaine manière, si l'Etat n'est pas en mesure de pouvoir faire respecter l'état de droit en Guadeloupe, alors la misère prospérera.
Parce que l'Ecole est à la fois le vecteur du savoir et de la culture, parce qu'elle fait le pari sur l'intelligence et qu'elle prépare les jeunes à devenir des citoyens, il importe que l'Etat accomplisse convenablement sa mission. Autant qu'en France métropolitaine, l'école républicaine en Outre-mer doit avoir pour missions prioritaires d'enseigner les savoirs fondamentaux pour lutter contre l'illettrisme et de transmettre les valeurs républicaines basées sur le civisme. C'est dans cet esprit qu'il revient à l'Etat d'aider les collectivités des DOM à investir dans des classes maternelles et primaires, en réponse à une forte natalité. Dans le primaire, il importe qu'il n'y ait pas plus de 25 élèves par classe. Il lui appartient aussi de développer dans les DOM des pôles universitaires d'excellence qui permettraient d'assurer localement des débouchés professionnels aux étudiants, de favoriser les échanges avec des universités étrangères et ainsi de permettre aux Français d'outre-mer d'avoir les mêmes chances de réussite que ceux de Métropole. Par ailleurs, l'éducation nationale pourrait favoriser les échanges éducatifs entre la France hexagonale et les DOM, qui pourraient porter par exemple sur les sciences naturelles locales. Il s'agit d'offrir à des jeunes élèves de ZEP la possibilité de modifier leur rapport à la vie. S'agissant des idiomes, ils bénéficient d'un enseignement par option au sein de notre système éducatif qui, il faut le rappeler, a vocation à transmettre les savoirs dans la langue de la République : le français.
Pour l'anecdote concernant le créole, j'ai été à l'origine, au début des années 90, en tant que Secrétaire d'Etat aux transports, de la première campagne de sensibilisation à la sécurité routière ans cette langue.
Pour ce qui relève des questions économiques, la faiblesse des DOM réside dans le fait que leur développement soit fortement lié à l'extérieur. Ils sont très dépendants des importations et d'une filière exportatrice vers la métropole, dont le mode de subvention pourrait être remis en cause par l'OMC. Dans ces conditions, le développement économique et social des DOM doit reposer sur un renforcement de l'industrie touristique, dans le sens d'une meilleure valorisation du patrimoine naturel, des productions et des savoir-faire locaux (artisanat, musique, etc ...). Il s'agit de promouvoir un modèle économique autour du tourisme qui permette aux DOM de conserver davantage de la richesse crée par cette activité. A cette condition, elle sera une source d'emplois mieux rémunérés et d'enrichissement pour les populations. De toute évidence, sans parler de remettre en cause la politique sociale de l'Etat, ici comme en France hexagonale, il importe de tout mettre en uvre pour encourager le travail en le rémunérant mieux par rapport aux revenus sociaux. Bien entendu, dans le même temps, l'Etat doit garantir la bonne desserte aérienne entre les DOM et la France hexagonale, en conformité avec le principe républicain de " continuité territoriale ".
Aussi, en matière d'action sociale, il apparaît que l'Etat doive concentrer son action sur le logement social et sur la modernisation des équipements de santé.
Vous le comprenez, l'avenir des DOM, et en particulier de la Guadeloupe, est fortement lié à la capacité de l'Etat à établir les bases d'un développement économique et social. Le développement est le solide ciment de la cohésion sociale. Pour cela, nous l'avons vu, l'Etat doit relever le défi de l'éducation et de la formation de la jeunesse et celui de l'emploi. Bref, il s'agit d'aider la France d'Outre-mer à entrer dans la modernité, en faisant vivre le principe de citoyenneté et en faisant émerger au sein de la population locale une génération entreprenante et volontaire.
Aujourd'hui dans ce contexte, la question du statut, dont il faut débattre, peut-être une forme de fuite en avant. Qu'il soit à la carte ou non, comme le suggère le Président de la République, probablement suivi à la virgule près par son Premier ministre, le statut ne fait pas un projet de développement. Aussi, traiter la question du statut c'est d'abord ne pas oublier qu'en décidant, en 1946, de promouvoir la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique et la Guyane français comme Départements français, le gouvernement d'alors voulait affirmer sa volonté de donner à nos concitoyens d'Outre-mer les mêmes droits que ceux de la métropole. De mon point de vue, la tentation actuelle, sous-jacente à la question du statut, pourrait occasionner une véritable régression si elle remet en cause cette égalité des droits. Pour mettre fin à ces tentations, il me semble opportun qu'un débat serein ait lieu entre les élus locaux et l'Etat. Ceci suppose que les interlocuteurs tiennent compte du point de vue des populations et des lois de la République. Je suggère par exemple, que soit débattue la création d'une assemblée unique qui délibérerait tantôt en tant que Département tantôt en tant que Région. C'est ce qui existe pour Paris. Le Conseil de Paris est l'assemblée municipale mais aussi l'assemblée départementale. A mes yeux, dans ce dossier, seul compte le fait que les élus et l'Etat soient en mesure de mettre en oeuvre une politique qui offre à nos concitoyens d'Outre-mer de vraies perspectives d'avenir et qui soient synonymes de développement. Je ne vois aucun inconvénient à ce que des mesures décentralisatrices nouvelles soient prises, si elles sont respectueuses des principes fondamentaux de notre République. Ce qui importe, c'est que l'Etat soit en mesure de donner les moyens aux populations locales d'affronter l'avenir avec confiance et de leur garantir les mêmes droits qu'aux métropolitains et que les métropolitains et les domiens remplissent tous les mêmes devoirs.
Vous le comprenez, en relevant la République on permettra à l'Etat de poser, dans les DOM, les bases nécessaires à une valorisation des atouts économiques, stratégiques et culturels de la France d'outre-mer, autant pour l'Outre-mer que pour la France.
(Source http://www.georges-sarre.net, le 23 janvier 2002)