Texte intégral
Vous aviez souhaité qu'Hubert Védrine puisse ouvrir ces Assises aux côtes de Jacques Pelletier. L'actualité ne lui en a pas laissé la possibilité. Il m'a demandé de vous dire ses regrets mais aussi l'intérêt qu'il accorde à cette manifestation.
Ceci me vaudra donc l'honneur et le plaisir de vous accompagner en quelque sorte de bout en bout, puisque je participerai demain à la clôture de vos travaux.
Laissez moi d'abord vous remercier d'avoir entrepris l'exigeante et rigoureuse démarche que constitue le processus des Assises de la coopération et de la solidarité internationale. Ses étapes régionales et aujourd'hui, nationales on rythmé ces derniers dix-huit mois. Dix-huit mois de réflexion, d'interrogations sur nos politiques et leurs logiques, toutes respectables, mais que vous avez voulu questionner pour mieux répondre à l'attente de nos partenaires du Sud
J'y vois une expression vivante et même revigorante de la solidarité internationale, que je juge extrêmement réjouissante.
Je suis donc très heureux d'ouvrir les Assises de la Coopération et de la Solidarité internationale auxquelles j'entends participer très activement.
Le premier mérite de votre entreprise a été d'impliquer tous les acteurs, qu'il s'agisse des associations de solidarité internationale.. des collectivités territoriales, des organisations professionnelles et agricoles, des représentants de l'économie sociale, c'est-à-dire l'ensemble des organisations de Solidarité internationale, mais également des pouvoirs publics. Elle a révélé chez chacun d'entre vous une motivation encourageante pour la Coopération au service du développement que vous servez chacun à votre manière que vous soyiez bénévoles, volontaires, CSN, objecteurs de conscience, élus des villes ou des régions ou professionnels du développement ou du monde associatif.
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J'ai été tenu informé des résultats des étapes précédentes. Elles sont riches d'enseignement et devront être prises en compte dans les réflexions en cours dans ce qu'il est convenu d'appeler la réforme de la Coopération française
Parler de la coopération au développement c'est d'abord évoquer les relations Nord-Sud qui doivent constituer une dimension essentielle de l'action extérieure de la France. Au moment où le contexte mondial se modifie profondément dans ses aspects économiques et commerciaux, mais aussi politiques et stratégiques les réalités d'aujourd'hui appellent une nouvelle évaluation et une meilleure mise en cohérence des politiques de Coopération. C'est ce qui fonde la volonté de rénover notre dispositif de coopération d'un triple point de vue : celui de l'unité, celui de l'efficacité, celui de la lisibilité donc de la clarté. C'est ainsi qu'il deviendra possible de nous engager, avec nos partenaires dans la voie d'une contractualisation de nos programmes.
Depuis 1980, l'ouverture sans précédent des économies en développement a accentué la diversité des situations nationales et créé un nouveau cadre multilatéral. Dans le même temps les nouvelles interdépendances qui se manifestent dans le domaine de l'environnement de l'évolution démographique avec ses mouvements de population et de la sécurité imposent une approche transversale Elles se superposent aux intérêts géostratégiques qui ont longtemps fondé les relations d'intérêt mutuel.
Les pays les plus pauvres, ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés dans leur marche vers le développement, qui sont les plus nombreux en Afrique et dans l'ensemble des ACP, justifient une attention spécifique. L'aide publique au développement y occuper globalement une place considérable, alors que cette aide a, dans son ensemble, tendance à décroître de façon préoccupante. Les réformes économiques s'y sont mises plus récemment en mouvement qu'ailleurs et leurs résultats sont encore incertains. Des signes positifs apparaissent, mais la croissance économique n'y est pas encore fermement assise sur des fondements durables. Le débat démocratique s'y développe dans un climat plus favorable aux Droits de l'Homme et à la transparence de la gestion publique, mais la détermination des stratégies de développement n'y mobilise pas toujours l'ensemble des citoyens. De graves conflits les traversent souvent, dont la violence met en péril tous les acquis, fait reculer l'espérance démocratique et fragilise la paix et la sécurité régionales.
Tout cela impose que la coopération internationale adapte ses objectifs et ses outils. J'ai souhaité évoquer ce contexte car, il me semble qu'ainsi les conclusions auxquelles nous arriverons au cours de ce colloque prendront toute leur signification.
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La démarche qui nous conduit ici aujourd'hui a été initiée bien avant mon arrivée au secrétariat d'Etat à la Coopération. Elle répondait à une situation jugée par la grande majorité des acteurs, essoufflée, en panne d'imagination. L'impact des actions non gouvernementales était affecté par l'évolution des responsabilités dans le domaine de la coopération, peu favorable à une distribution optimale des tâches, malgré la bonne volonté de tous.
Le nombre des paramètres et celui des acteurs ont considérablement augmenté, de telle sorte qu'il serait absurde de ne pas considérer la nécessité d'accroître le rôle des acteurs non gouvernementaux. L'Etat seul ne saurait tout faire. Qu'on le veuille ou non, l'évolution actuelle dans les instances multilatérales ou dans les autres agences de coopération bilatérale conduit inévitablement à un renforcement du rôle des organisations de Solidarité internationale. qualitatif et quantitatif. Le cas français ne pourra faire exception. Nous devons constater, dans le même temps, qu'un pour cent seulement de notre coopération est confié à des organisations de Solidarité internationale contre 10 % ou plus chez nos partenaires européens. Cela n'est pas sans effet sur l'image de notre coopération et surtout sur sa structure.
Nous sommes confrontés à une triple exigence : D'abord, une exigence de clarté dans les objectifs. Nous refusons le choix simpliste entre la priorité qu'il faut accorder à la lutte contre la pauvreté chez les plus démunis et une politique active de liens avec les économies émergentes sur tous les continents. Cela consisterait à s'accommoder de la marginalisation économique et politique de pays condamnés à l'assistance et aux interventions de l'aide humanitaire ou à ignorer les liens géographiques et historiques qui rattachent l'Afrique à la France par exemple. Nous choisissons une coopération au développement diverse et adaptée qui serve les aspirations de chacun et les intérêts mutuels qui nous unissent.
Une exigence de solidarité active fondée sur un dialogue entre partenaires responsables animés de valeurs communes qui savent que l'impératif démocratique
et le respect des Droits de l'Homme au-delà de l'éthique, sont les fondement du développement.
Une exigence de méthode, enfin, qui mette au service de la clarté et de la solidarité, la diversité de nos possibilités d'action et qui serve nos intérêts mutuels. Ce n'est pas qu'affaire de financement et de politiques économiques. C'est aussi le domaine de l'échange culturel du partage du savoir, de la mobilisation de la recherche de la valorisation de notre communauté francophone, partout dans le monde chaque fois qu'il y a lieu.
Je réaffirme donc ici qu'il n'est plus possible d'envisager une coopération française bilatérale limitée à l'Afrique francophone et à la coopération entre Etats. Il nous appartient au cours de ces deux jours, de trouver les modalités qui permettront de modifier nos pratiques et nous adapter à cette nouvelle donne. Je ne voudrais pas que cette approche par le secteur non gouvernementa d'un certain nombre de nouveaux domaines soit perçue ici ou là comme un gadget, une concession à l'air du temps. Comprenons qu'il s'agit désormais d'une tendance lourde qu'il convient d'intégrer à la définition de notre politique.
Elle s'articulera autour de trois grands axes :
Tout d'abord, une attention particulière portée aux pays les moins avancés ceux qui traversent les difficultés les plus grandes ceux qui sont engagés dans des politiques exigeantes, ou qui ont avec nous les liens de proximité les plus forts, géographiques, mais aussi historiques. Je parle de l'Afrique, qui est le Sud de la France et de l'Europe, mais aussi l'Asie du Sud-Est par exemple.
Second axe, une contribution forte, diverse et riche du dialogue international et à la solidarité :
- qu'elle s'exprime par notre participation financière à l'effort de tous - et il s'agit d'augmenter les ressources affectées à l'aide publique au développement, comme l'a déjà indiqué le Premier ministre ;
- qu'elle s'exprime dans une politique bilatérale clairement définie avec chacun de nos partenaires dans toutes les régions du Sud, en faisant appel à toutes les ressources de notre pays ; je pense à la technologie, à la recherche, à l'action culturelle autant qu'aux aspects économiques et financiers ;
- qu'elle s'exprime enfin, dans l'Union européenne, au moment où l'Union doit elle-même s'engager dans des approches renouvelées, à la veille de la négociation avec les pays ACP de l'instrument qui succédera à la Convention de Lomé.
Troisième axe, enfin, l'engagement d'associer à cette entreprise, toujours plus activement, les élus, les organisations de solidarité internationale, les collectivités territoriales et donc la population et les citoyens à l'effort de la France envers le monde en développement.
La coopération de solidarité quant à elle comprend l'ensemble des actions qui sont conduites par des collectivités territoriales, des organisations de solidarité internationale, des organisations professionnelles et syndicales et aussi des entreprises qui font le choix de s'engager dans la solidarité, à travers les partenariats qu'elles peuvent promouvoir et faciliter.
En un mot, il s'agit des relations entre les composantes les plus diverses des sociétés civiles qui, de réseau à réseau, veulent construire le développement durable.
En définitive, la coopération d'Etat reste essentielle mais elle a ses limites, qui tiennent au caractère centralisé de ses structures. La Coopération de solidarité hors l'Etat, quant à elle, échappe pour l'essentiel à ces contraintes, mais sa légitimité doit se construire au jour le jour dans un dialogue sans intermédiaire avec les bénéficiaires.
Dans le même temps, la coopération d'Etat a pour objet principal de créer les conditions institutionnelles du développement durable, mais celui-ci ne pourra provenir que des sociétés elles-mêmes. Ne nous trompons cependant pas : il serait vain de penser que la coopération entre sociétés civiles pourra se développer harmonieusement en l'absence d'Etats forts et sûrs de leur rôle.
Nos réflexions vont inévitablement déboucher sur une conception plus large du rôle qui est le vôtre et sur la perception que des moyens adéquats devront venir soutenir la concrétisation de ce rôle. Les pouvoirs publics vont aussi être interpellés. Ils doivent envisager la façon dont ils répondront à cette attente.
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Il faut garder à l'esprit que le tissu des acteurs non gouvernementaux est extrêmement divers en taille, en nature et en objet de la petite organisation non gouvernementale gérant 10 000 F aux organisations de solidarités internationales qui drainent plusieurs centaines de millions de Francs et négocient leurs projets et programmes au niveau national et international, toutes les situations se rencontrent.
Si certaines organisations de solidarité sont dépendantes du cofinancement de l'Etat, d'autres ont su trouver un équilibre entre les contributions de leurs donateurs et les financements multilatéraux demandant peu ou rien à l'Etat. Cette indépendance leur donne une importance et une vision des enjeux qu'il convient de reconnaître et de prendre en compte.
De la même façon, les collectivités locales mènent des actions par nature différentes, selon leur taille ou encore l'objet de leurs échanges. Il en va de même des départements et régions dont l'implication est très diverse, selon les motivations et les centres d'intérêt.
A cette mosaïque déjà riche et complexe, il faut ajouter l'action utile et originale des syndicats et celle des entreprises elles-mêmes qui ont naturellement vocation à contribuer à la structuration même du secteur privé à travers leurs opérations de partenariat et qui peuvent jouer un rôle déterminant dans l'émergence d'entrepreneurs africains.
Toutes ces parties prenantes ont leur rôle à jouer auprès de nos partenaires du Sud mais aussi en France, dans nos relations avec les communautés émigrées, dans nos villes pour nos enfants, dont les établissements peuvent également participer à des partenariats. Ces partenariats peuvent être Nord/Sud, Sud/Sud ou Nord/Nord pour le Sud, sans oublier les partenariats noués avec l'Europe centrale ou orientale.
Si je dresse un tableau aussi détaillé, c'est qu'il importe d'appréhender la dimension de ce vaste secteur qui motive et mobilise des millions de Français et dont l'influence est appelée à grandir dans les années à venir
Cette diversité interpelle l'Etat, qui doit être un partenaire attentif et impliqué, mais aussi capable de gérer les différences de nature, d'échelle, de motivation, d'objet.
Toutes les organisations de Solidarité internationale relèvent bien de la loi de 1901 sur les associations et toutes doivent répondre aux mêmes critères de financement, ce qui pose un certain nombre de problèmes.
Il existe une sorte de seuil critique entre petites et moyennes organisations de Solidarité internationale qui marque très clairement la différence entre l'association de volontaires, de bénévoles et celle pour laquelle ont peut déjà parler de professionnalisme. L'attente des acteurs de ces deux types d'organisations de Solidarité internationale n'est évidemment pas la même, ni leurs besoins, ni le rôle qu'elles peuvent avoir dans la coopération française au sens large. J'attends de vos débats qu'ils ouvrent la voie à une meilleure prise en compte de ces spécificités.
Je souhaiterais enfin évoquer comme il convient le rôle que peuvent jouer au Nord et au Sud les associations de migrants. Par l'ampleur de leur action, elles ont d'ores et déjà une place spécifique, qui doit être mieux reconnue. Je sais le rôle que jouent les migrants dans la naissance des actions de coopération de solidarité, je sais aussi comment, par ces actions mêmes, ils sont mieux reconnus et mieux intégrés par la communauté nationale. Je veux leur adresser un message d'amitié et leur dire que nous allons chercher les moyens de mieux travailler ensemble.
La préparation de ces Assises a été pour moi l'occasion d'observer les différences entre l'action des acteurs non gouvernementaux de la solidarité internationale et de notre propre action de coopération. Je vous ai dit comment il me paraîtrait possible de faire émerger et de conforter les complémentarités. Mais il ne faut pas exclure un certain degré de spécificité peu réductibles, qu'il faut garder à l'esprit. Je veux parler de sujets essentiels : les organisations non gouvernementales, les municipalités, les départments et les régions, les entreprises, les syndicats font porter l'essentiel de leur action sur l'humanitaire, le social, le développement durable et au sens le plus large sur le développement humain dans un contexte européen et multilatéral alors que la coopération fait bien sûr porter aussi ses efforts sur les infrastructures ou l'institutionnel dans des approches bilatérales ou régionales. Une plus grande articulation entre ces deux pôles doit être trouvée. Je souhaite, là aussi, que les Assises ouvrent des pistes nouvelles.
Il est important, enfin, que les Assises ne constituent pas un événement isolé, unique. Une évaluation annuelle du partenariat entre l'Etat et la coopération hors l'Etat est souhaitable. Il faut qu'un dialogue continu se développe. Je sais que des propositions ont été avancées. Nous porterons la plus grande attention à la manière dont vous allez en débattre
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Je voudrais conclure par une réflexion qui me tient beaucoup à coeur Elle concerne votre rôle dans les sociétés du Nord Vous qui avez l'expérience de la solidarité, vous savez que, quoi qu'on fasse, on reçoit toujours beaucoup plus de l'autre que ce qu'on lui donne. Grâce à vous, à votre action multiforme et dirais-je pour m'en réjouir, incontrôlable, nos sociétés sont plus généreuses.
L'éducation au développement, dont la charge vous incombe en propre, est aussi une lutte contre la perte de sens qui guette nos sociétés. Elle doit être au centre de nos préoccupations.
Mesdames, Messieurs, il ne reste plus à souhaiter que les travaux de ces deux journées soient porteurs de propositions et d'orientations qui nous permettent
de mettre nos actes en accord avec nos ambitions./.
suite
La Coopération décentralisée et la Solidarité internationale ont été, en quelque sorte, mes deux portes d'entrée au gouvernement de Lionel Jospin.
D'abord parce que président d'un Conseil général très impliqué dans les actions de Coopération décentralisée, mais aussi parce que parlementaire et ayant eu, sur recommandation des organisations de Solidarité internationale, la chance de pouvoir créer et présider le groupe d'étude des questions de Solidarité internationale à l'Assemblée nationale. C'est dire le sentiment de satisfaction que j'éprouve au moment où Jacques Pelletier me demande de clore ces Assises. C'est presque un sentiment de jubilation, tant il est vrai que, au départ, le succès constaté n'était pas avéré. Nous étions tous conscients des difficultés de l'exercice.
Je voudrais, en tout cas, dire le plaisir que j'ai à me retrouver aux côtés de Jacques Pelletier qui a laissé une trace importante au ministère de la Coopération, mais aussi de Bernard Stasi, dont je voudrais souligner le rôle qu'il a joué et l'implication personnelle, l'éthique dont il a fait preuve vis-à-vis de ces questions, y compris par rapport aux migrants. Ceci ne lui a pas toujours valu que des compliments. Je fais complètement confiance à Jean-Claude Peyronnet pour assumer les responsabilités qui sont les siennes au sein de l'Assemblée des présidents de conseils généraux, pour savoir ce qu'il fait, ce qu'il a déjà fait lui-même à la tête du département de la Haute-Vienne en matière de Coopération décentralisée.
S'agissant de Jean-Paul Vigier, s'agissant de Roland Biache, je sais le travail qu'ils font, et ce n'est pas si simple, pour coordonner cette constellation, si compliquée parfois, des organisations de Solidarité internationale.
M'autorisera-t-on à dire, en commençant, un mot des migrants, puisqu'aussi bien les témoignages entendus tout à l'heure ont laissé percer, certains l'ont dit, un sentiment de frustration. Je voudrais d'abord faire observer que ce n'est pas si simple de gagner la bataille de la représentativité ; pour les pouvoirs publics, c'est en quelque sorte un préalable. Mais je suis prêt à les accompagner dans les actions qu'il entreprennent pour se faire reconnaître. Je fais observer, par ailleurs, que leurs préoccupations apparaissent plus souvent tournées vers les questions d'intégration en France que de développement là-bas. Je ne leur en fais pas reproche, mais je suis surtout prêt à les entendre s'ils veulent aussi se mobiliser sur la cause du développement là-bas. Je rappelle, enfin, qu'il y a en effet une logique d'organigramme gouvernemental qui fait que ces associations ont plus souvent des relations, je le dis sans faire allusion à l'actualité récente, avec le ministère de l'Intérieur qu'avec le ministère des Affaires étrangères et donc le ministère de la Coopération. Je crois qu'il fallait rappeler cela au préalable.
Le Livre blanc, Jean-Paul Vigier me le montrait à l'instant, fait déjà référence au rôle des migrants en matière de Coopération et de Solidarité et, puisque le Livre blanc n'est pas refermé. Rien n'interdit d'y ajouter quelques pages ou peut-être même un chapitre pour intégrer davantage les volontés qui se sont exprimées tout à l'heure.
Je voudrais dire, au terme de ces deux journées de travail denses, chaleureuses, et délibérément tournées vers l'avenir, combien j'ai été impressionné par la qualité des débats, des échanges, de la créativité et du dynamisme qui s'est exprimé, je vous en remercie tous. Comme je remercie le président Pelletier de la synthèse qu'il vient de nous offrir. Nous disposons désormais d'un outil. Le Livre blanc sera donc la fondation de nos futurs travaux, de nos décisions.
Une seconde remarque s'impose à moi. Nous avons parlé développement, Solidarité internationale et, dans ce que j'ai entendu ou ce qui m'a été rapporté, l'aspect matériel ou technique a été constamment lié à la dimension sociale, politique ou humaine.
C'est révélateur d'une nouvelle vision, d'une nouvelle approche. Nous ne sommes pas les seuls à ressentir le besoin. D'une autre façon, le rapport Maertens adopté par le Parlement européen à une très grosse majorité qu'évoquait, hier, Michel Rocard en témoigne aussi. Je suis très sensible à cette exigence-là : contribuer à faire émerger une politique européenne de Coopération, où la dimension non-gouvernementale sera présente.
Troisième remarque enfin, vos débats ont été constamment traversés d'un engagement des uns et des autres à établir ou à fortifier des partenariats responsables. Relever les défis qui sont devant nous, et que ces journées ont contribué à identifier, suppose une rigueur encore accrue et une transparence sans cesse approfondie. Nos méthodes devront le traduire. De ce point de vue, le partenariat sera notre méthode.
Ces deux journées m'ont suggéré quelques pistes de réflexion, quelques orientations pour l'action sur lesquelles je souhaite revenir afin de lancer le travail dans les mois à venir.
Tout d'abord, il convient d'améliorer l'échange d'information et les pratiques de mise en uvre.
Les procédures, les échanges à Paris devront faire l'objet d'une évaluation visant à simplifier les schémas existants. Nous avons besoin, les uns et les autres, de plus de visibilité, de lisibilité, de cohérence affichée.
Par ailleurs, la coopération hors l'Etat s'est suffisamment renforcée pour qu'il soit aujourd'hui possible de lui proposer des orientations prenant en compte l'essentiel de nos programmes de Coopération.
La majeure partie des crédits affectés aux opérations hors l'Etat doit pouvoir être attribuée selon des priorités des stratégies à définir ensemble avec les acteurs les plus importants, fédérations d'élus et collectifs d'organisations de Solidarité internationale. Je dis l'essentiel, je ne dis pas la totalité, car n'oublions pas qu'il faut préserver une marge pour aider les petites associations auxquelles j'attache une grande importance, pour le rôle qu'elles jouent à l'égal des plus grandes dans la société française déjà, mais aussi pour le rôle d'éclaireur, de témoin, de révélateur, indispensable lorsqu'on veut maintenir une connaissance précise du terrain. Ces petites associations dont il appartiendra à la Commission "Coopération, Développement", instance paritaire, de déterminer les critères d'éligibilité, doivent être aidées, épaulées par un service des ONG capable de les accompagner et de les faire accéder, d'une façon ou d'une autre, à l'expertise dont elles ne disposent pas.
Cet appui technique doit, à mon avis, aller jusqu'à les encourager à échanger entre elles, à imaginer le recours à des structures communes d'expertise, voire à se regrouper sur un projet ambitieux ou à rejoindre, dans tel ou tel cas, une organisation de Solidarité internationale plus importante si c'est dans la logique de leur démarche, pour un projet donné. Je voudrais dire après Jacques Pelletier combien j'encourage une meilleure structuration, je crois aussi un gage d'efficacité. En un mot, je demande aux services de faire preuve de souplesse et de créativité dans un secteur d'activité qui, par essence, est le reflet de la société française. Peut-être faudra-t-il envisager d'introduire une certaine dose de décentralisation dans le traitement de ce type de partenariat, au plus prés des acteurs.
Pour les grandes organisations, les plus professionnelles, je souhaite que d'autres pistes d'évolution soient explorées. Il est désormais peu réaliste d'élaborer, dans nombre de secteurs, une politique de coopération sans y associer les organisations de solidarité internationale.
Le Service de la coordination géographique et des études de la rue Monsieur, les coordinateurs de la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay seront amenés à prévoir une concertation régulière avec les acteurs les plus importants et les collectifs d'organisations de Solidarité internationale, sur l'analyse et la définition des politiques bilatérales, régionales ou sectorielles. Ils n'y sont pas forcément complètement habitués et je sais que nous sortons d'une période où les interventions extérieures des collectivités locales, par exemple, avaient un parfum d'illégalité. Il aura fallu que la loi de 1992 leur reconnaisse ce champ d'intervention-là pour qu'elles soient complètement acceptées, reconnues. Je pense qu'il y a encore un peu de travail à faire dans les esprits pour intégrer cette réalité, j'ai l'intention d'y veiller personnellement. J'attache, en tout cas, une importance particulière à l'approche régionale, facteur d'équilibre face à la mondialisation des problèmes et à la structuration actuelle du monde. Je souhaite que les modalités puissent n'en être proposées avant la fin de l'année.
Les relations de nature opérationnelle que peuvent entretenir les différents services administratifs avec les organisations de solidarité internationale ne peuvent être identiques pour toutes. La différenciation doit être reconnue, assumée, organisée. Je pense, pour ma part - mais ce soit des pistes de réflexion que je lance plus que des décisions que j'annonce car les nouvelles orientations devront être élaborées au-delà de ces deux journées -, je pense qu'il sera utile de restructurer l'action des services autour de stratégies, de logiques susceptibles de relancer le dynamisme de chacun, de progresser aussi dans la simplification des aspects administratifs ou de la gestion.
A ce propos, un travail particulièrement important devra être engagé pour unifier les modes de fonctionnement de la Coopération et du ministère des Affaires étrangères, dans le traitement des demandes de partenariat émanant des ONG et des collectivités territoriales.
L'échange d'information doit, aussi avoir lieu au niveau local, chez nos partenaires du Sud. J'adresse une instruction aux chefs des missions de Coopération en leur demandant d'établir un dialogue suivi avec les organisations de Solidarité internationale et, notamment, de les réunir régulièrement. Je suis sûr que de ces échanges naîtront de nouvelles pistes d'actions de partenariat. Ces orientations devront être reflétées dans les orientations à moyen terme et les projets du Fonds d'aide et de Coopération soumis par les postes, comme dans la programmation des actions engagées par le Quai d'Orsay.
Je prends, de plus, l'engagement de veiller à ce qu'elle soit organisée, à l'attention des chefs de missions de coopération comme c'est déjà le cas pour nos ambassadeurs, une réunion avec les organisations de Solidarité internationale les plus actives dans leur pays de résidence, au moment de leur départ en poste.
Enfin, les conclusions des Assises et des travaux, qui les prolongeront, seront présentées à l'occasion du séminaire qui réunira les chefs de mission, en janvier 1998, avec la participation de la Caisse française de développement.
Une autre piste que j'aimerais voir creuser est la détermination de priorités géographiques de la coopération hors l'Etat. Elle est aujourd'hui capable de cibler des pays, des enjeux, des secteurs, des approches qui façonneront le cadre de notre action. Mais l'éparpillement qui existe encore nuit parfois à l'efficacité et à la visibilité de l'action des organisations de Solidarité internationale. Je regrette particulièrement leur peu de présence, dans les opérations menées par les institutions multilatérales chargées du développement, et ceci contrairement à leurs collègues étrangères.
Sur un autre plan, la multiplicité des formes juridiques appelle une diversification des outils, ce qui devrait nous permettre de répondre aux nouvelles exigences. La structuration de cette approche diversifiée doit faire l'objet d'un groupe de travail paritaire, dont je souhaite que les conclusions me soient remises dès le début de l'année 1998.
De même conviendra-t-il de définir de façon réfléchie, en cohérence avec le reste de nos actions, les programmes pluriannuels permettant de mener à bien des projets d'envergure. Quelques expériences ont été tentées, elles doivent être étendues. Il appartient à la Commission "Coopération et développement" de se saisir de ces sujets et d'organiser les échanges qui s'imposent dans ces secteurs.
Je ne verrai, pour ma part, que des avantages à ce que le processus soit institutionnalisé sous la forme d'un haut-conseil de la Solidarité internationale, dont les travaux pourraient nourrir et enrichir un débat qui ne peut que gagner à des pratiques favorisant la transparence. Sans préjuger déjà de sa composition, pourraient en faire partie les collectivités territoriales, les organisations de solidarité, les entreprises, les organisations syndicales, les pouvoirs publics et des parlementaires des deux chambres. Afin de préparer sa mise en place, je souhaite qu'un groupe de travail se réunisse début novembre, afin d'élaborer un premier schéma susceptible être intégré le moment venu à la réforme de la Coopération. Ce groupe de travail appréciera aussi la relation entre ce haut-conseil et la Commission nationale de Coopération décentralisée créée par la loi de 1992, qui, installée il y a seulement quelques mois, n'a évidemment pas pu déjà faire la preuve de son efficacité.
Chaque service opérationnel de l'administration de la Coopération au développement doit intégrer dans sa pratique les informations, les suggestions que peuvent proposer les organisations de solidarité internationale. L'approche solidaire touche tous les secteurs, qu'il s'agisse du secteur bancaire, des entreprises, des syndicats, des collectivités locales ou des bureaux d'études à but non lucratif. Tous ces savoirs, toutes ces expériences doivent être partagés pour faciliter l'émergence de nouveaux concepts.
Enfin, comme vous l'avez fait, Monsieur le Médiateur, du temps où vous me précédiez rue Monsieur, je souhaite que notre aide publique au développement puisse faire l'objet d'un débat parlementaire. Il nous appartient de définir ensemble, en parallèle, les modalités d'une analyse similaire de l'aide fournie par les organisations de Solidarité internationale.
Ces propos sont inévitablement un peu arides, trop techniques, surtout pour rendre compte d'une manière aussi, riche mais, après avoir pris connaissance du Livre blanc qui reflète une grande compétence, un professionnalisme qu'il convient de valoriser, il m'appartenait d'y répondre ou, tout au moins, de vous proposer ces perspectives, afin que nos conclusions soient aussi concrètes et pratiques que possible.
Les Assises de la Coopération et de la Solidarité internationale ne sont pas terminées. Imaginons, dès à présent, un rendez-vous, par exemple à la fin de 1998, pour saluer les progrès accomplis, les contraintes les plus tenaces, le dynamisme des chantiers ouverts et l'impact sur nos actions.
Je voudrais à nouveau dire combien il est encourageant d'observer, à l'occasion de ces Assises, l'extraordinaire mobilisation de générosité, de compétence, d'initiatives qui existent et qui constituent un gisement extraordinaire, qu'il serait criminel de ne pas mieux utiliser. Dire aussi combien j'ai apprécié que ces Assises permettent un dialogue entre les acteurs de terrain au plus près et les grands responsables de ces organisations multilatérales qui jouent déjà et qui sont appelés, n'en doutons pas, à jouer un rôle de plus en plus important dans les grands équilibres du monde.
Le dialogue, ce matin, avec M. Camdessus était, à cet égard, intéressant, car il sent bien lui-même que le fonctionnement des institutions de Bretton Woods, comme on les appelle, pose souvent problème sur des terrains où les contraintes imposées entretiennent parfois des tensions, des torsions sociales bien difficiles à gérer, notamment pour les pays qui s'exercent à la démocratie.
Mais je crois qu'il est important aussi que ce débat ait révélé l'importance du politique dans tout cela. Il ne faudrait pas que l'engagement dans les actions de Coopération décentralisée ou de Solidarité internationale soit une sorte de faite par rapport à un certain nombre de réalités politiques. Cela mériterait d'être au contraire l'occasion de débattre y compris des limites du libéralisme, y compris aussi de la possibilité qu'a l'Europe de faire entendre ou non une voix un peu plus coordonnée pour peser sur les orientations des institutions, qu'elles soient à Washington ou qu'elles soient à New York.
C'est aussi pour cela qu'il faut qu'il y ait, comme nous l'avons dit ce matin, transparence. Qu'il y ait débat, qu'il y ait chez nous aussi une démarche citoyenne pour faire en sorte que cet investissement. que votre investissement au service de la solidarité et du développement, vienne contrebattre des tendances, hélas, si fortes en France à l'exclusion ou au renfermement.
Je voudrais enfin, et ce sera mon dernier mot, rappeler que René Char disait que "la lucidité est la blessure la plus proche du soleil".
Le courage devra accompagner les travaux que nous allons entreprendre les uns et les autres. Mais laissez-moi vous dire ma tranquille certitude que, pour les mener à bien, il faudra qu'on les conduise ensemble.
Je vous remercie
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2001)
Ceci me vaudra donc l'honneur et le plaisir de vous accompagner en quelque sorte de bout en bout, puisque je participerai demain à la clôture de vos travaux.
Laissez moi d'abord vous remercier d'avoir entrepris l'exigeante et rigoureuse démarche que constitue le processus des Assises de la coopération et de la solidarité internationale. Ses étapes régionales et aujourd'hui, nationales on rythmé ces derniers dix-huit mois. Dix-huit mois de réflexion, d'interrogations sur nos politiques et leurs logiques, toutes respectables, mais que vous avez voulu questionner pour mieux répondre à l'attente de nos partenaires du Sud
J'y vois une expression vivante et même revigorante de la solidarité internationale, que je juge extrêmement réjouissante.
Je suis donc très heureux d'ouvrir les Assises de la Coopération et de la Solidarité internationale auxquelles j'entends participer très activement.
Le premier mérite de votre entreprise a été d'impliquer tous les acteurs, qu'il s'agisse des associations de solidarité internationale.. des collectivités territoriales, des organisations professionnelles et agricoles, des représentants de l'économie sociale, c'est-à-dire l'ensemble des organisations de Solidarité internationale, mais également des pouvoirs publics. Elle a révélé chez chacun d'entre vous une motivation encourageante pour la Coopération au service du développement que vous servez chacun à votre manière que vous soyiez bénévoles, volontaires, CSN, objecteurs de conscience, élus des villes ou des régions ou professionnels du développement ou du monde associatif.
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J'ai été tenu informé des résultats des étapes précédentes. Elles sont riches d'enseignement et devront être prises en compte dans les réflexions en cours dans ce qu'il est convenu d'appeler la réforme de la Coopération française
Parler de la coopération au développement c'est d'abord évoquer les relations Nord-Sud qui doivent constituer une dimension essentielle de l'action extérieure de la France. Au moment où le contexte mondial se modifie profondément dans ses aspects économiques et commerciaux, mais aussi politiques et stratégiques les réalités d'aujourd'hui appellent une nouvelle évaluation et une meilleure mise en cohérence des politiques de Coopération. C'est ce qui fonde la volonté de rénover notre dispositif de coopération d'un triple point de vue : celui de l'unité, celui de l'efficacité, celui de la lisibilité donc de la clarté. C'est ainsi qu'il deviendra possible de nous engager, avec nos partenaires dans la voie d'une contractualisation de nos programmes.
Depuis 1980, l'ouverture sans précédent des économies en développement a accentué la diversité des situations nationales et créé un nouveau cadre multilatéral. Dans le même temps les nouvelles interdépendances qui se manifestent dans le domaine de l'environnement de l'évolution démographique avec ses mouvements de population et de la sécurité imposent une approche transversale Elles se superposent aux intérêts géostratégiques qui ont longtemps fondé les relations d'intérêt mutuel.
Les pays les plus pauvres, ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés dans leur marche vers le développement, qui sont les plus nombreux en Afrique et dans l'ensemble des ACP, justifient une attention spécifique. L'aide publique au développement y occuper globalement une place considérable, alors que cette aide a, dans son ensemble, tendance à décroître de façon préoccupante. Les réformes économiques s'y sont mises plus récemment en mouvement qu'ailleurs et leurs résultats sont encore incertains. Des signes positifs apparaissent, mais la croissance économique n'y est pas encore fermement assise sur des fondements durables. Le débat démocratique s'y développe dans un climat plus favorable aux Droits de l'Homme et à la transparence de la gestion publique, mais la détermination des stratégies de développement n'y mobilise pas toujours l'ensemble des citoyens. De graves conflits les traversent souvent, dont la violence met en péril tous les acquis, fait reculer l'espérance démocratique et fragilise la paix et la sécurité régionales.
Tout cela impose que la coopération internationale adapte ses objectifs et ses outils. J'ai souhaité évoquer ce contexte car, il me semble qu'ainsi les conclusions auxquelles nous arriverons au cours de ce colloque prendront toute leur signification.
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La démarche qui nous conduit ici aujourd'hui a été initiée bien avant mon arrivée au secrétariat d'Etat à la Coopération. Elle répondait à une situation jugée par la grande majorité des acteurs, essoufflée, en panne d'imagination. L'impact des actions non gouvernementales était affecté par l'évolution des responsabilités dans le domaine de la coopération, peu favorable à une distribution optimale des tâches, malgré la bonne volonté de tous.
Le nombre des paramètres et celui des acteurs ont considérablement augmenté, de telle sorte qu'il serait absurde de ne pas considérer la nécessité d'accroître le rôle des acteurs non gouvernementaux. L'Etat seul ne saurait tout faire. Qu'on le veuille ou non, l'évolution actuelle dans les instances multilatérales ou dans les autres agences de coopération bilatérale conduit inévitablement à un renforcement du rôle des organisations de Solidarité internationale. qualitatif et quantitatif. Le cas français ne pourra faire exception. Nous devons constater, dans le même temps, qu'un pour cent seulement de notre coopération est confié à des organisations de Solidarité internationale contre 10 % ou plus chez nos partenaires européens. Cela n'est pas sans effet sur l'image de notre coopération et surtout sur sa structure.
Nous sommes confrontés à une triple exigence : D'abord, une exigence de clarté dans les objectifs. Nous refusons le choix simpliste entre la priorité qu'il faut accorder à la lutte contre la pauvreté chez les plus démunis et une politique active de liens avec les économies émergentes sur tous les continents. Cela consisterait à s'accommoder de la marginalisation économique et politique de pays condamnés à l'assistance et aux interventions de l'aide humanitaire ou à ignorer les liens géographiques et historiques qui rattachent l'Afrique à la France par exemple. Nous choisissons une coopération au développement diverse et adaptée qui serve les aspirations de chacun et les intérêts mutuels qui nous unissent.
Une exigence de solidarité active fondée sur un dialogue entre partenaires responsables animés de valeurs communes qui savent que l'impératif démocratique
et le respect des Droits de l'Homme au-delà de l'éthique, sont les fondement du développement.
Une exigence de méthode, enfin, qui mette au service de la clarté et de la solidarité, la diversité de nos possibilités d'action et qui serve nos intérêts mutuels. Ce n'est pas qu'affaire de financement et de politiques économiques. C'est aussi le domaine de l'échange culturel du partage du savoir, de la mobilisation de la recherche de la valorisation de notre communauté francophone, partout dans le monde chaque fois qu'il y a lieu.
Je réaffirme donc ici qu'il n'est plus possible d'envisager une coopération française bilatérale limitée à l'Afrique francophone et à la coopération entre Etats. Il nous appartient au cours de ces deux jours, de trouver les modalités qui permettront de modifier nos pratiques et nous adapter à cette nouvelle donne. Je ne voudrais pas que cette approche par le secteur non gouvernementa d'un certain nombre de nouveaux domaines soit perçue ici ou là comme un gadget, une concession à l'air du temps. Comprenons qu'il s'agit désormais d'une tendance lourde qu'il convient d'intégrer à la définition de notre politique.
Elle s'articulera autour de trois grands axes :
Tout d'abord, une attention particulière portée aux pays les moins avancés ceux qui traversent les difficultés les plus grandes ceux qui sont engagés dans des politiques exigeantes, ou qui ont avec nous les liens de proximité les plus forts, géographiques, mais aussi historiques. Je parle de l'Afrique, qui est le Sud de la France et de l'Europe, mais aussi l'Asie du Sud-Est par exemple.
Second axe, une contribution forte, diverse et riche du dialogue international et à la solidarité :
- qu'elle s'exprime par notre participation financière à l'effort de tous - et il s'agit d'augmenter les ressources affectées à l'aide publique au développement, comme l'a déjà indiqué le Premier ministre ;
- qu'elle s'exprime dans une politique bilatérale clairement définie avec chacun de nos partenaires dans toutes les régions du Sud, en faisant appel à toutes les ressources de notre pays ; je pense à la technologie, à la recherche, à l'action culturelle autant qu'aux aspects économiques et financiers ;
- qu'elle s'exprime enfin, dans l'Union européenne, au moment où l'Union doit elle-même s'engager dans des approches renouvelées, à la veille de la négociation avec les pays ACP de l'instrument qui succédera à la Convention de Lomé.
Troisième axe, enfin, l'engagement d'associer à cette entreprise, toujours plus activement, les élus, les organisations de solidarité internationale, les collectivités territoriales et donc la population et les citoyens à l'effort de la France envers le monde en développement.
La coopération de solidarité quant à elle comprend l'ensemble des actions qui sont conduites par des collectivités territoriales, des organisations de solidarité internationale, des organisations professionnelles et syndicales et aussi des entreprises qui font le choix de s'engager dans la solidarité, à travers les partenariats qu'elles peuvent promouvoir et faciliter.
En un mot, il s'agit des relations entre les composantes les plus diverses des sociétés civiles qui, de réseau à réseau, veulent construire le développement durable.
En définitive, la coopération d'Etat reste essentielle mais elle a ses limites, qui tiennent au caractère centralisé de ses structures. La Coopération de solidarité hors l'Etat, quant à elle, échappe pour l'essentiel à ces contraintes, mais sa légitimité doit se construire au jour le jour dans un dialogue sans intermédiaire avec les bénéficiaires.
Dans le même temps, la coopération d'Etat a pour objet principal de créer les conditions institutionnelles du développement durable, mais celui-ci ne pourra provenir que des sociétés elles-mêmes. Ne nous trompons cependant pas : il serait vain de penser que la coopération entre sociétés civiles pourra se développer harmonieusement en l'absence d'Etats forts et sûrs de leur rôle.
Nos réflexions vont inévitablement déboucher sur une conception plus large du rôle qui est le vôtre et sur la perception que des moyens adéquats devront venir soutenir la concrétisation de ce rôle. Les pouvoirs publics vont aussi être interpellés. Ils doivent envisager la façon dont ils répondront à cette attente.
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Il faut garder à l'esprit que le tissu des acteurs non gouvernementaux est extrêmement divers en taille, en nature et en objet de la petite organisation non gouvernementale gérant 10 000 F aux organisations de solidarités internationales qui drainent plusieurs centaines de millions de Francs et négocient leurs projets et programmes au niveau national et international, toutes les situations se rencontrent.
Si certaines organisations de solidarité sont dépendantes du cofinancement de l'Etat, d'autres ont su trouver un équilibre entre les contributions de leurs donateurs et les financements multilatéraux demandant peu ou rien à l'Etat. Cette indépendance leur donne une importance et une vision des enjeux qu'il convient de reconnaître et de prendre en compte.
De la même façon, les collectivités locales mènent des actions par nature différentes, selon leur taille ou encore l'objet de leurs échanges. Il en va de même des départements et régions dont l'implication est très diverse, selon les motivations et les centres d'intérêt.
A cette mosaïque déjà riche et complexe, il faut ajouter l'action utile et originale des syndicats et celle des entreprises elles-mêmes qui ont naturellement vocation à contribuer à la structuration même du secteur privé à travers leurs opérations de partenariat et qui peuvent jouer un rôle déterminant dans l'émergence d'entrepreneurs africains.
Toutes ces parties prenantes ont leur rôle à jouer auprès de nos partenaires du Sud mais aussi en France, dans nos relations avec les communautés émigrées, dans nos villes pour nos enfants, dont les établissements peuvent également participer à des partenariats. Ces partenariats peuvent être Nord/Sud, Sud/Sud ou Nord/Nord pour le Sud, sans oublier les partenariats noués avec l'Europe centrale ou orientale.
Si je dresse un tableau aussi détaillé, c'est qu'il importe d'appréhender la dimension de ce vaste secteur qui motive et mobilise des millions de Français et dont l'influence est appelée à grandir dans les années à venir
Cette diversité interpelle l'Etat, qui doit être un partenaire attentif et impliqué, mais aussi capable de gérer les différences de nature, d'échelle, de motivation, d'objet.
Toutes les organisations de Solidarité internationale relèvent bien de la loi de 1901 sur les associations et toutes doivent répondre aux mêmes critères de financement, ce qui pose un certain nombre de problèmes.
Il existe une sorte de seuil critique entre petites et moyennes organisations de Solidarité internationale qui marque très clairement la différence entre l'association de volontaires, de bénévoles et celle pour laquelle ont peut déjà parler de professionnalisme. L'attente des acteurs de ces deux types d'organisations de Solidarité internationale n'est évidemment pas la même, ni leurs besoins, ni le rôle qu'elles peuvent avoir dans la coopération française au sens large. J'attends de vos débats qu'ils ouvrent la voie à une meilleure prise en compte de ces spécificités.
Je souhaiterais enfin évoquer comme il convient le rôle que peuvent jouer au Nord et au Sud les associations de migrants. Par l'ampleur de leur action, elles ont d'ores et déjà une place spécifique, qui doit être mieux reconnue. Je sais le rôle que jouent les migrants dans la naissance des actions de coopération de solidarité, je sais aussi comment, par ces actions mêmes, ils sont mieux reconnus et mieux intégrés par la communauté nationale. Je veux leur adresser un message d'amitié et leur dire que nous allons chercher les moyens de mieux travailler ensemble.
La préparation de ces Assises a été pour moi l'occasion d'observer les différences entre l'action des acteurs non gouvernementaux de la solidarité internationale et de notre propre action de coopération. Je vous ai dit comment il me paraîtrait possible de faire émerger et de conforter les complémentarités. Mais il ne faut pas exclure un certain degré de spécificité peu réductibles, qu'il faut garder à l'esprit. Je veux parler de sujets essentiels : les organisations non gouvernementales, les municipalités, les départments et les régions, les entreprises, les syndicats font porter l'essentiel de leur action sur l'humanitaire, le social, le développement durable et au sens le plus large sur le développement humain dans un contexte européen et multilatéral alors que la coopération fait bien sûr porter aussi ses efforts sur les infrastructures ou l'institutionnel dans des approches bilatérales ou régionales. Une plus grande articulation entre ces deux pôles doit être trouvée. Je souhaite, là aussi, que les Assises ouvrent des pistes nouvelles.
Il est important, enfin, que les Assises ne constituent pas un événement isolé, unique. Une évaluation annuelle du partenariat entre l'Etat et la coopération hors l'Etat est souhaitable. Il faut qu'un dialogue continu se développe. Je sais que des propositions ont été avancées. Nous porterons la plus grande attention à la manière dont vous allez en débattre
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Je voudrais conclure par une réflexion qui me tient beaucoup à coeur Elle concerne votre rôle dans les sociétés du Nord Vous qui avez l'expérience de la solidarité, vous savez que, quoi qu'on fasse, on reçoit toujours beaucoup plus de l'autre que ce qu'on lui donne. Grâce à vous, à votre action multiforme et dirais-je pour m'en réjouir, incontrôlable, nos sociétés sont plus généreuses.
L'éducation au développement, dont la charge vous incombe en propre, est aussi une lutte contre la perte de sens qui guette nos sociétés. Elle doit être au centre de nos préoccupations.
Mesdames, Messieurs, il ne reste plus à souhaiter que les travaux de ces deux journées soient porteurs de propositions et d'orientations qui nous permettent
de mettre nos actes en accord avec nos ambitions./.
suite
La Coopération décentralisée et la Solidarité internationale ont été, en quelque sorte, mes deux portes d'entrée au gouvernement de Lionel Jospin.
D'abord parce que président d'un Conseil général très impliqué dans les actions de Coopération décentralisée, mais aussi parce que parlementaire et ayant eu, sur recommandation des organisations de Solidarité internationale, la chance de pouvoir créer et présider le groupe d'étude des questions de Solidarité internationale à l'Assemblée nationale. C'est dire le sentiment de satisfaction que j'éprouve au moment où Jacques Pelletier me demande de clore ces Assises. C'est presque un sentiment de jubilation, tant il est vrai que, au départ, le succès constaté n'était pas avéré. Nous étions tous conscients des difficultés de l'exercice.
Je voudrais, en tout cas, dire le plaisir que j'ai à me retrouver aux côtés de Jacques Pelletier qui a laissé une trace importante au ministère de la Coopération, mais aussi de Bernard Stasi, dont je voudrais souligner le rôle qu'il a joué et l'implication personnelle, l'éthique dont il a fait preuve vis-à-vis de ces questions, y compris par rapport aux migrants. Ceci ne lui a pas toujours valu que des compliments. Je fais complètement confiance à Jean-Claude Peyronnet pour assumer les responsabilités qui sont les siennes au sein de l'Assemblée des présidents de conseils généraux, pour savoir ce qu'il fait, ce qu'il a déjà fait lui-même à la tête du département de la Haute-Vienne en matière de Coopération décentralisée.
S'agissant de Jean-Paul Vigier, s'agissant de Roland Biache, je sais le travail qu'ils font, et ce n'est pas si simple, pour coordonner cette constellation, si compliquée parfois, des organisations de Solidarité internationale.
M'autorisera-t-on à dire, en commençant, un mot des migrants, puisqu'aussi bien les témoignages entendus tout à l'heure ont laissé percer, certains l'ont dit, un sentiment de frustration. Je voudrais d'abord faire observer que ce n'est pas si simple de gagner la bataille de la représentativité ; pour les pouvoirs publics, c'est en quelque sorte un préalable. Mais je suis prêt à les accompagner dans les actions qu'il entreprennent pour se faire reconnaître. Je fais observer, par ailleurs, que leurs préoccupations apparaissent plus souvent tournées vers les questions d'intégration en France que de développement là-bas. Je ne leur en fais pas reproche, mais je suis surtout prêt à les entendre s'ils veulent aussi se mobiliser sur la cause du développement là-bas. Je rappelle, enfin, qu'il y a en effet une logique d'organigramme gouvernemental qui fait que ces associations ont plus souvent des relations, je le dis sans faire allusion à l'actualité récente, avec le ministère de l'Intérieur qu'avec le ministère des Affaires étrangères et donc le ministère de la Coopération. Je crois qu'il fallait rappeler cela au préalable.
Le Livre blanc, Jean-Paul Vigier me le montrait à l'instant, fait déjà référence au rôle des migrants en matière de Coopération et de Solidarité et, puisque le Livre blanc n'est pas refermé. Rien n'interdit d'y ajouter quelques pages ou peut-être même un chapitre pour intégrer davantage les volontés qui se sont exprimées tout à l'heure.
Je voudrais dire, au terme de ces deux journées de travail denses, chaleureuses, et délibérément tournées vers l'avenir, combien j'ai été impressionné par la qualité des débats, des échanges, de la créativité et du dynamisme qui s'est exprimé, je vous en remercie tous. Comme je remercie le président Pelletier de la synthèse qu'il vient de nous offrir. Nous disposons désormais d'un outil. Le Livre blanc sera donc la fondation de nos futurs travaux, de nos décisions.
Une seconde remarque s'impose à moi. Nous avons parlé développement, Solidarité internationale et, dans ce que j'ai entendu ou ce qui m'a été rapporté, l'aspect matériel ou technique a été constamment lié à la dimension sociale, politique ou humaine.
C'est révélateur d'une nouvelle vision, d'une nouvelle approche. Nous ne sommes pas les seuls à ressentir le besoin. D'une autre façon, le rapport Maertens adopté par le Parlement européen à une très grosse majorité qu'évoquait, hier, Michel Rocard en témoigne aussi. Je suis très sensible à cette exigence-là : contribuer à faire émerger une politique européenne de Coopération, où la dimension non-gouvernementale sera présente.
Troisième remarque enfin, vos débats ont été constamment traversés d'un engagement des uns et des autres à établir ou à fortifier des partenariats responsables. Relever les défis qui sont devant nous, et que ces journées ont contribué à identifier, suppose une rigueur encore accrue et une transparence sans cesse approfondie. Nos méthodes devront le traduire. De ce point de vue, le partenariat sera notre méthode.
Ces deux journées m'ont suggéré quelques pistes de réflexion, quelques orientations pour l'action sur lesquelles je souhaite revenir afin de lancer le travail dans les mois à venir.
Tout d'abord, il convient d'améliorer l'échange d'information et les pratiques de mise en uvre.
Les procédures, les échanges à Paris devront faire l'objet d'une évaluation visant à simplifier les schémas existants. Nous avons besoin, les uns et les autres, de plus de visibilité, de lisibilité, de cohérence affichée.
Par ailleurs, la coopération hors l'Etat s'est suffisamment renforcée pour qu'il soit aujourd'hui possible de lui proposer des orientations prenant en compte l'essentiel de nos programmes de Coopération.
La majeure partie des crédits affectés aux opérations hors l'Etat doit pouvoir être attribuée selon des priorités des stratégies à définir ensemble avec les acteurs les plus importants, fédérations d'élus et collectifs d'organisations de Solidarité internationale. Je dis l'essentiel, je ne dis pas la totalité, car n'oublions pas qu'il faut préserver une marge pour aider les petites associations auxquelles j'attache une grande importance, pour le rôle qu'elles jouent à l'égal des plus grandes dans la société française déjà, mais aussi pour le rôle d'éclaireur, de témoin, de révélateur, indispensable lorsqu'on veut maintenir une connaissance précise du terrain. Ces petites associations dont il appartiendra à la Commission "Coopération, Développement", instance paritaire, de déterminer les critères d'éligibilité, doivent être aidées, épaulées par un service des ONG capable de les accompagner et de les faire accéder, d'une façon ou d'une autre, à l'expertise dont elles ne disposent pas.
Cet appui technique doit, à mon avis, aller jusqu'à les encourager à échanger entre elles, à imaginer le recours à des structures communes d'expertise, voire à se regrouper sur un projet ambitieux ou à rejoindre, dans tel ou tel cas, une organisation de Solidarité internationale plus importante si c'est dans la logique de leur démarche, pour un projet donné. Je voudrais dire après Jacques Pelletier combien j'encourage une meilleure structuration, je crois aussi un gage d'efficacité. En un mot, je demande aux services de faire preuve de souplesse et de créativité dans un secteur d'activité qui, par essence, est le reflet de la société française. Peut-être faudra-t-il envisager d'introduire une certaine dose de décentralisation dans le traitement de ce type de partenariat, au plus prés des acteurs.
Pour les grandes organisations, les plus professionnelles, je souhaite que d'autres pistes d'évolution soient explorées. Il est désormais peu réaliste d'élaborer, dans nombre de secteurs, une politique de coopération sans y associer les organisations de solidarité internationale.
Le Service de la coordination géographique et des études de la rue Monsieur, les coordinateurs de la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay seront amenés à prévoir une concertation régulière avec les acteurs les plus importants et les collectifs d'organisations de Solidarité internationale, sur l'analyse et la définition des politiques bilatérales, régionales ou sectorielles. Ils n'y sont pas forcément complètement habitués et je sais que nous sortons d'une période où les interventions extérieures des collectivités locales, par exemple, avaient un parfum d'illégalité. Il aura fallu que la loi de 1992 leur reconnaisse ce champ d'intervention-là pour qu'elles soient complètement acceptées, reconnues. Je pense qu'il y a encore un peu de travail à faire dans les esprits pour intégrer cette réalité, j'ai l'intention d'y veiller personnellement. J'attache, en tout cas, une importance particulière à l'approche régionale, facteur d'équilibre face à la mondialisation des problèmes et à la structuration actuelle du monde. Je souhaite que les modalités puissent n'en être proposées avant la fin de l'année.
Les relations de nature opérationnelle que peuvent entretenir les différents services administratifs avec les organisations de solidarité internationale ne peuvent être identiques pour toutes. La différenciation doit être reconnue, assumée, organisée. Je pense, pour ma part - mais ce soit des pistes de réflexion que je lance plus que des décisions que j'annonce car les nouvelles orientations devront être élaborées au-delà de ces deux journées -, je pense qu'il sera utile de restructurer l'action des services autour de stratégies, de logiques susceptibles de relancer le dynamisme de chacun, de progresser aussi dans la simplification des aspects administratifs ou de la gestion.
A ce propos, un travail particulièrement important devra être engagé pour unifier les modes de fonctionnement de la Coopération et du ministère des Affaires étrangères, dans le traitement des demandes de partenariat émanant des ONG et des collectivités territoriales.
L'échange d'information doit, aussi avoir lieu au niveau local, chez nos partenaires du Sud. J'adresse une instruction aux chefs des missions de Coopération en leur demandant d'établir un dialogue suivi avec les organisations de Solidarité internationale et, notamment, de les réunir régulièrement. Je suis sûr que de ces échanges naîtront de nouvelles pistes d'actions de partenariat. Ces orientations devront être reflétées dans les orientations à moyen terme et les projets du Fonds d'aide et de Coopération soumis par les postes, comme dans la programmation des actions engagées par le Quai d'Orsay.
Je prends, de plus, l'engagement de veiller à ce qu'elle soit organisée, à l'attention des chefs de missions de coopération comme c'est déjà le cas pour nos ambassadeurs, une réunion avec les organisations de Solidarité internationale les plus actives dans leur pays de résidence, au moment de leur départ en poste.
Enfin, les conclusions des Assises et des travaux, qui les prolongeront, seront présentées à l'occasion du séminaire qui réunira les chefs de mission, en janvier 1998, avec la participation de la Caisse française de développement.
Une autre piste que j'aimerais voir creuser est la détermination de priorités géographiques de la coopération hors l'Etat. Elle est aujourd'hui capable de cibler des pays, des enjeux, des secteurs, des approches qui façonneront le cadre de notre action. Mais l'éparpillement qui existe encore nuit parfois à l'efficacité et à la visibilité de l'action des organisations de Solidarité internationale. Je regrette particulièrement leur peu de présence, dans les opérations menées par les institutions multilatérales chargées du développement, et ceci contrairement à leurs collègues étrangères.
Sur un autre plan, la multiplicité des formes juridiques appelle une diversification des outils, ce qui devrait nous permettre de répondre aux nouvelles exigences. La structuration de cette approche diversifiée doit faire l'objet d'un groupe de travail paritaire, dont je souhaite que les conclusions me soient remises dès le début de l'année 1998.
De même conviendra-t-il de définir de façon réfléchie, en cohérence avec le reste de nos actions, les programmes pluriannuels permettant de mener à bien des projets d'envergure. Quelques expériences ont été tentées, elles doivent être étendues. Il appartient à la Commission "Coopération et développement" de se saisir de ces sujets et d'organiser les échanges qui s'imposent dans ces secteurs.
Je ne verrai, pour ma part, que des avantages à ce que le processus soit institutionnalisé sous la forme d'un haut-conseil de la Solidarité internationale, dont les travaux pourraient nourrir et enrichir un débat qui ne peut que gagner à des pratiques favorisant la transparence. Sans préjuger déjà de sa composition, pourraient en faire partie les collectivités territoriales, les organisations de solidarité, les entreprises, les organisations syndicales, les pouvoirs publics et des parlementaires des deux chambres. Afin de préparer sa mise en place, je souhaite qu'un groupe de travail se réunisse début novembre, afin d'élaborer un premier schéma susceptible être intégré le moment venu à la réforme de la Coopération. Ce groupe de travail appréciera aussi la relation entre ce haut-conseil et la Commission nationale de Coopération décentralisée créée par la loi de 1992, qui, installée il y a seulement quelques mois, n'a évidemment pas pu déjà faire la preuve de son efficacité.
Chaque service opérationnel de l'administration de la Coopération au développement doit intégrer dans sa pratique les informations, les suggestions que peuvent proposer les organisations de solidarité internationale. L'approche solidaire touche tous les secteurs, qu'il s'agisse du secteur bancaire, des entreprises, des syndicats, des collectivités locales ou des bureaux d'études à but non lucratif. Tous ces savoirs, toutes ces expériences doivent être partagés pour faciliter l'émergence de nouveaux concepts.
Enfin, comme vous l'avez fait, Monsieur le Médiateur, du temps où vous me précédiez rue Monsieur, je souhaite que notre aide publique au développement puisse faire l'objet d'un débat parlementaire. Il nous appartient de définir ensemble, en parallèle, les modalités d'une analyse similaire de l'aide fournie par les organisations de Solidarité internationale.
Ces propos sont inévitablement un peu arides, trop techniques, surtout pour rendre compte d'une manière aussi, riche mais, après avoir pris connaissance du Livre blanc qui reflète une grande compétence, un professionnalisme qu'il convient de valoriser, il m'appartenait d'y répondre ou, tout au moins, de vous proposer ces perspectives, afin que nos conclusions soient aussi concrètes et pratiques que possible.
Les Assises de la Coopération et de la Solidarité internationale ne sont pas terminées. Imaginons, dès à présent, un rendez-vous, par exemple à la fin de 1998, pour saluer les progrès accomplis, les contraintes les plus tenaces, le dynamisme des chantiers ouverts et l'impact sur nos actions.
Je voudrais à nouveau dire combien il est encourageant d'observer, à l'occasion de ces Assises, l'extraordinaire mobilisation de générosité, de compétence, d'initiatives qui existent et qui constituent un gisement extraordinaire, qu'il serait criminel de ne pas mieux utiliser. Dire aussi combien j'ai apprécié que ces Assises permettent un dialogue entre les acteurs de terrain au plus près et les grands responsables de ces organisations multilatérales qui jouent déjà et qui sont appelés, n'en doutons pas, à jouer un rôle de plus en plus important dans les grands équilibres du monde.
Le dialogue, ce matin, avec M. Camdessus était, à cet égard, intéressant, car il sent bien lui-même que le fonctionnement des institutions de Bretton Woods, comme on les appelle, pose souvent problème sur des terrains où les contraintes imposées entretiennent parfois des tensions, des torsions sociales bien difficiles à gérer, notamment pour les pays qui s'exercent à la démocratie.
Mais je crois qu'il est important aussi que ce débat ait révélé l'importance du politique dans tout cela. Il ne faudrait pas que l'engagement dans les actions de Coopération décentralisée ou de Solidarité internationale soit une sorte de faite par rapport à un certain nombre de réalités politiques. Cela mériterait d'être au contraire l'occasion de débattre y compris des limites du libéralisme, y compris aussi de la possibilité qu'a l'Europe de faire entendre ou non une voix un peu plus coordonnée pour peser sur les orientations des institutions, qu'elles soient à Washington ou qu'elles soient à New York.
C'est aussi pour cela qu'il faut qu'il y ait, comme nous l'avons dit ce matin, transparence. Qu'il y ait débat, qu'il y ait chez nous aussi une démarche citoyenne pour faire en sorte que cet investissement. que votre investissement au service de la solidarité et du développement, vienne contrebattre des tendances, hélas, si fortes en France à l'exclusion ou au renfermement.
Je voudrais enfin, et ce sera mon dernier mot, rappeler que René Char disait que "la lucidité est la blessure la plus proche du soleil".
Le courage devra accompagner les travaux que nous allons entreprendre les uns et les autres. Mais laissez-moi vous dire ma tranquille certitude que, pour les mener à bien, il faudra qu'on les conduise ensemble.
Je vous remercie
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2001)