Déclaration de M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, sur les crédits relatifs à la mission "Relations avec les collectivités territoriales" dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2018.

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M. le président. Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales (no 1302, annexe 36 ; no 1307, tome VII), et au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (no 1302, annexe 36).
La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales, pour dix minutes.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a souhaité, dès sa prise de fonction, offrir aux collectivités territoriales de France un cadre de stabilité, de lisibilité, de cohérence et de confiance.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019 traduit cet engagement d'une continuité forte avec les orientations fixées dès l'été 2017 par le Président de la République et le Premier ministre.
L'an passé, dans le cadre du pacte financier souhaité par le chef de l'État, et conformément aux engagements pris durant la campagne, le Gouvernement avait présenté un budget en rupture avec les pratiques antérieures, reposant sur trois piliers : un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité globale des ressources versées aux collectivités ; un soutien fort de l'État à l'investissement public local, maintenu à un niveau historiquement élevé ; un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées – nous aurons l'occasion d'y revenir longuement lors de la discussion des amendements.
Ce budget, celui de la stabilité donc, est également fondé sur un principe simple et clair mais nouveau : il n'y aura pas de grand bouleversement institutionnel, pas de nouvelle donne imposée quant aux compétences exercées par les collectivités, comme lors du quinquennat précédent.
Les élus de 2014 et 2015, dont je fais partie, appartiennent à une génération d'élus convalescents qui ont connu des coupes brutales dans les dotations et des modifications en profondeur des compétences. Ils demandent désormais d'y voir clair et de se concentrer sur les projets de leurs territoires.
M. Vincent Descoeur. Bonne idée !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous l'entendons parfaitement. Ils demandent, dans le même temps, à l'État de faire preuve de souplesse et de réalisme. C'est pourquoi nous voulons proposer un cadre davantage adapté à chaque territoire, selon ce que nous avons appelé le principe de différenciation – l'accord auquel nous sommes parvenus il y a quelques jours grâce à la concertation menée par Jacqueline Gourault avec les élus alsaciens et ceux de la région Grand Est en témoigne. C'est aussi l'esprit de la révision constitutionnelle qui sera soumise au Parlement en début d'année prochaine.
Nous souhaitons véritablement donner corps à cette République contractuelle que les élus locaux ont si longtemps réclamée. C'est le sens des « contrats de Cahors » dont le déploiement n'était pas acquis, mais qui sont, aujourd'hui, une réussite, tant en nombres de contrats signés – près de 70 % des collectivités concernées – qu'en termes de résultats – les premiers éléments disponibles sur l'exercice 2018 indiquent que l'objectif global d'une évolution de la dépense locale limitée à 1,2 % par an sera respecté. Il faut nous en réjouir car c'est la démonstration de l'efficacité de cette méthode nouvelle.
C'est aussi le sens de la création d'une Agence nationale pour la cohésion des territoires, examinée aujourd'hui même au Sénat en présence de Jacqueline Gourault.
Enfin, nous sommes convaincus qu'une relation saine repose sur un dialogue régulier, nourri et responsable, qui reconnaît et assume l'existence de désaccords même s'il cherche avant tout à construire un consensus. C'est l'intuition de la Conférence nationale des territoires, dont le format a vocation à évoluer mais dont l'esprit, monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales, restera le même.
Conformément à la méthode que nous avons choisie, nous avons souhaité ouvrir une concertation sur les irritants de la loi NOTRe – nouvelle organisation territoriale de la République –, sans reprendre le chantier institutionnel mais en examinant paisiblement les points qui, trois ans plus tard, continuent à poser problème dans son application quotidienne et concrète.
Venons-en aux aspects budgétaires. La première caractéristique de ce PLF est la stabilité par rapport à la loi de finances pour 2018. Le budget que nous vous présentons s'inscrit également dans la continuité des orientations définies depuis l'été 2017 en lien avec le Parlement.
Pour ce qui est de la stabilité donc, comme l'an passé, le Gouvernement confirme ne pas réduire de façon unilatérale les concours financiers de l'État aux collectivités là où, entre 2014 et 2017, ils avaient baissé de 11,5 milliards d'euros. Par conséquent, les concours financiers de l'État en 2019 seront stables, et même en légère hausse par rapport à 2018. Pour mémoire, ils avaient déjà augmenté de près de 300 millions d'euros l'an dernier par rapport à 2017.
Au sein de ces concours, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est globalement stable – 3,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement –, traduisant le maintien à un niveau historiquement élevé des dotations de soutien à l'investissement local. Nous y reviendrons.
Prenons le cas concret de la DGF – dotation globale de fonctionnement. Pour la seconde fois, après quatre années de baisse, la DGF des départements et du bloc communal est stable. Elle s'élève à 27 milliards d'euros. Bien sûr, elle connaîtra des variations, collectivité par collectivité, en fonction des critères de répartition – car, je profite de cette discussion pour le redire, puisque certains démagogues qui connaissent pourtant bien les règles ont parfois tendance à propager quelques contrevérités sur le sujet, la DGF est une dotation vivante. Chaque année, elle est calculée et répartie pour tenir compte de la réalité de la situation de chaque collectivité…
M. François Pupponi. De la façon la plus injuste !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …en s'appuyant sur une quarantaine de critères…
M. Hervé Saulignac. C'est trop !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …connus de tous et qui n'ont pas été définis par ce gouvernement : population, ressources et charges de la collectivité. Naturellement, ces indicateurs évoluent chaque année, à l'image de nos territoires. C'est la condition d'une répartition juste et équitable…
M. François Pupponi. Non !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …des ressources versées par l'État.
Sur ce principe, soyons clairs : si les dotations ne sont pas vivantes, elles ont pour effet de fixer les inégalités dans le temps et donc dans l'espace.
Mme Christine Pires Beaune. La DGF fixe les inégalités !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n'est pas la vision de la République que nous avons défendue jusqu'à présent. Les variations devraient toutefois être moins importantes qu'en 2018, année pour laquelle étaient pris en compte pour la première fois les nouveaux périmètres intercommunaux, entrés en vigueur au 1er janvier 2017 en vertu de la loi NOTRe. En 2019, ce facteur ne jouera plus. En revanche, l'écrêtement de la dotation forfaitaire pour financer le renforcement de la péréquation mais aussi les changements dans la situation de chaque collectivité continueront de justifier, légitimement je crois, l'évolution d'un certain nombre d'attributions individuelles.
La baisse des variables d'ajustement, contrepartie de l'inscription de dépenses nouvelles en faveur des collectivités, sera en 2019 historiquement faible : la diminution sera de 3,7 %, soit 144 millions d'euros. Elle sera répartie de manière équitable entre les catégories de collectivités en tenant compte des dépenses nouvelles inscrites au budget de l'État, dans le périmètre de cette mission mais aussi dans celui d'autres missions – s'agissant par exemple du plan pauvreté ou des mineurs non accompagnés.
Comme l'an passé, le Gouvernement a souhaité continuer à faire progresser la péréquation en faveur des collectivités les plus fragiles au regard de critères de ressources et de charges. Depuis la révision constitutionnelle de 2003, la péréquation est d'ailleurs un objectif de valeur constitutionnelle.
Les composantes péréquatrices de la DGF seront abondées de 190 millions d'euros en 2019, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques. Il ne s'agit pas là, contrairement à ce qui a été fait dans le passé, d'accompagner une baisse de la DGF pour la rendre plus soutenable pour les collectivités plus fragiles, mais au contraire d'un choix clair en faveur de la solidarité pour réduire toujours et encore les fractures territoriales.
L'augmentation de la péréquation sera donc répartie entre la dotation de solidarité urbaine – DSU – des communes, en hausse de 90 millions, la dotation de solidarité rurale – DSR – des communes, également en progression de 90 millions, et les dotations de péréquation des départements, à savoir la dotation de péréquation urbaine – DPU – et la dotation de fonctionnement minimale – DFM –, à hauteur de 10 millions d'euros.
Autre caractéristique de ce budget, après la stabilité : la prévisibilité. C'est tout l'objet de la réforme de la dotation d'intercommunalité prévue à l'article 79 du PLF. Après une importante concertation, engagée au printemps au sein du Comité des finances locales – CFL – présidé par M. Laignel, le PLF propose une réforme de cette dotation, dont le montant s'élève à 1,5 milliard d'euros et qui constitue, avec la dotation de compensation, ce que l'on appelle, dans le jargon des élus locaux, la « DGF des EPCI ».
Depuis plusieurs années, la répartition de cette dotation, divisée en sous-enveloppes correspondant aux catégories juridiques d'EPCI, connaissait des difficultés structurelles, liées au poids des garanties et au bouleversement de la carte intercommunale dû aux nouveaux schémas de coopération intercommunale. Il en résultait des évolutions parfois imprévisibles pour les collectivités, et des besoins de financement qui exigeaient d'abonder cette dotation. En 2017, la contrainte financière était de 70 millions d'euros pour financer la seule enveloppe des communautés d'agglomération, et ce, au détriment d'autres concours financiers.
Afin de résoudre ces problèmes, qui engendraient de l'illisibilité et de l'instabilité pour les collectivités, nous présentons une réforme concertée, inspirée des travaux du CFL…
Mme Christine Pires Beaune. Inspirée seulement !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …et visant la simplification et l'équité. Cette réforme redonnera de la vigueur aux critères existants, qui étaient devenus progressivement inopérants, en y ajoutant un nouveau tenant compte des charges des collectivités : celui du revenu des habitants. Elle simplifiera l'architecture de la dotation, qui comprendra une seule enveloppe. Elle améliorera la prévisibilité de cette ressource, de telle sorte que les garanties prévues s'appliquent effectivement.
Sa mise en application se fera progressivement, grâce un dispositif de transition, avec des baisses limitées à 5 % et des hausses plafonnées à 10 % par an. Un abondement annuel de 30 millions d'euros, financé à l'intérieur de l'enveloppe de la DGF, moins coûteux que par le passé, facilitera la mise en oeuvre de cette réforme. Celle-ci bénéficiera globalement à toutes les catégories juridiques d'intercommunalités – 90 % des EPCI seront gagnants ou auront une situation stable à un horizon de cinq ans.
Lors des débats en commission, alors que j'avais pris mes fonctions depuis quelques jours seulement, j'ai entendu les inquiétudes exprimées par certains sur cette réforme, même si personne n'a remis en cause son utilité. Sachez que la concertation, menée dès cet été avec l'ensemble des associations d'élus et les parlementaires, s'est poursuivie jusqu'à ces derniers jours. C'est pourquoi le Gouvernement, attentif aux équilibres d'une réforme nécessaire mais toujours perfectible, est ouvert à un certain nombre d'amendements que vous avez déposés et que nous allons examiner tout à l'heure. Je présenterai, par ailleurs, un amendement de nature à renforcer la stabilité des attributions et à améliorer encore le traitement des communautés d'agglomérations, qui suscitait la crainte de nombreux parlementaires et élus locaux. Avec cet amendement, je pense que nous parvenons à un équilibre utile.
Troisième objectif : la simplification. On le retrouve d'une part dans l'article 80 du PLF, qui traite de l'automatisation du FCTVA – Fonds de compensation de la TVA. C'est une belle mesure de simplification, décidée l'année dernière. Nous avons besoin de temps pour la mettre en application, d'où ce décalage d'une année, qui permettra toutefois de faciliter le quotidien des agents et d'améliorer la trésorerie. Nous serons prêts en 2020.
On la retrouve d'autre part dans la transformation de l'actuelle dotation globale d'équipement – DGE – des départements en dotation de soutien à l'investissement des départements – DSID.
M. le président. Je suis obligé de vous demander de conclure, monsieur le ministre. Vous avez dépassé votre temps de parole, qui était de dix minutes.
M. Sébastien Lecornu, ministre. J'ignorais que mon temps de parole était limité. J'irai donc à l'essentiel.
On observe aujourd'hui une très grande disparité, pour ne pas dire une certaine inégalité, dans l'accès aux crédits de cette DGE.
Nous aurons l'occasion de revenir lors de l'examen de nombreux amendements sur l'effort inédit en matière d'investissement local – 2 milliards d'euros sont prévus pour accompagner les projets des collectivités. Nous parlerons également de transition énergétique, monsieur Schellenberger,…
M. Raphaël Schellenberger. Avec plaisir, monsieur le ministre !
M. Sébastien Lecornu, ministre. …afin de définir un cadre fiscal soutenable pour les collectivités territoriales amenées à appliquer les dispositions que vous avez votées dans la première partie du PLF.
Je me réjouis de vous retrouver ce soir, mesdames, messieurs les députés, pour définir le cadre de la relation entre l'État et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(…)
- Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard -
Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Pour le groupe MODEM et apparentés, la parole est à Mme Sarah El Haïry.
Mme Sarah El Haïry, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Avec ce projet de loi de finances, le Gouvernement a décidé de poursuivre le soutien apporté à l'investissement local. L'amélioration de la santé financière de nos collectivités territoriales ne doit pas faire oublier les nouveaux défis qui les attendent, notamment ceux qui sont liés à l'écologie et à la mobilité durable.
En effet, la hausse récente de la taxation de l'essence et du diesel vise à inciter les particuliers à repenser leurs modes de transports, notamment en réduisant l'usage de la voiture. Cependant, tous ses usagers ne peuvent pas se tourner vers les transports en communs ou le vélo, en particulier en zone rurale.
Pour pallier cela, une réponse pourrait être, comme il est proposé, d'augmenter et d'étendre le chèque énergie, mais cela ne toucherait qu'une partie de la population sans résoudre de manière satisfaisante le défi de la transition énergétique.
Les collectivités territoriales ont la possibilité d'agir, par exemple en étendant les transports en communs ou en augmentant le nombre de bornes de recharge pour les voitures électriques ou hybrides.
Monsieur le ministre, notre question est très simple : par quel moyen le Gouvernement soutiendra-t-il les collectivités territoriales afin de favoriser le développement des mobilités durables sur tous nos territoires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la députée, vous avez raison : désormais, la transition écologique nécessite une action internationale mais aussi, on le sait, très locale. Les mouvements successifs de décentralisation pour les compétences eau, déchets ou mobilité, ainsi que l'important parc de bâtiments des collectivités territoriales, ont fait que ces dernières sont devenues, avec les entreprises, les grands acteurs de la transformation du quotidien au sein de nos territoires.
Plutôt que de grandes paroles, des chiffres : la part de la DSIL dans le plan d'investissement affectée chaque année à la transition écologique s'élève à 200 millions – grâce aux critères qui ont été mis en place, depuis 2014, toute une génération d'élus locaux s'empare de ces questions-là, depuis la rénovation thermique des bâtiments jusqu'au développement des énergies renouvelables. Nous y reviendrons sans doute tout à l'heure mais je songe également au développement des circuits courts dans les cantines des écoles, des collèges, des lycées, des EHPAD, où le volet d'investissements est important.
Toujours en matière d'investissement et suite à la promesse du Président de la République, j'ai eu l'occasion l'année dernière de vous présenter les crédits du fonds chaleur, géré par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME. Il s'inscrit dans la « trajectoire carbone » : plus elle augmente, plus des effets de levier intéressants voient le jour pour l'utilisation de ce fonds, désormais très populaire auprès des élus locaux. Je mentionne également le fonds air, qui fait son apparition, et le fonds déchets.
Des outils sont donc sur la table sans qu'il y ait forcément une logique d'affectation – pour faire allusion à un débat en cours sur la bonne corrélation entre la fiscalité écologique et les moyens d'investir. L'argent de l'État est donc sur la table et il complète celui des collectivités territoriales.
Les efforts de stabilisation de la DGF que nous réalisons constituent autant de moyens d'auto-financement pour les collectivités afin qu'elles s'engagent dans ce domaine. Toutes, parmi leurs responsabilités très diverses, en ont une en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour le groupe Socialistes et apparentés.
M. Hervé Saulignac. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le dispositif de contractualisation entre l'État et les collectivités. Il se trouve que le groupe Socialistes et apparentés a déposé plusieurs amendements à ce propos mais qu'ils ont été jugés irrecevables.
Il est à tout le moins un peu surprenant de ne pas pouvoir débattre dans le cadre de la discussion de cette mission d'un contrat qui crée une relation nouvelle, de dépendance, entre l'État et les collectivités. Évidemment, je le regrette.
Les collectivités prises dans la logique de la carotte et du bâton sont malheureusement contraintes de signer ces contrats. Elles n'ont en effet pas vraiment le choix, sachant que, je me permets de le faire remarquer, la notion de contrat relève ici presque d'un abus de langage.
Cette irrecevabilité est d'autant plus contestable qu'au moyen de cette fausse contractualisation, vous reportez une partie du déficit de l'État sur les collectivités. Vous n'avez de cesse de rappeler que c'est le Gouvernement auquel vous appartenez qui a stoppé la baisse des dotations. À cette fin, vous affichez des chiffres relativement stables, je vous l'accorde. Pourtant, si on intègre l'hypothèse d'une inflation de 1,7 %, le gel se transforme en recul. Dans ce contexte, toiser à 1,2 % les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités revient évidemment à leur demander de faire moins.
Qu'en est-il de votre volonté d'apporter des adaptations, qui seront inévitables à l'avenir ? J'ai cru comprendre que le président Macron ne leur était pas hostile, alors quelles seront-elles, s'agissant notamment du taux, fixé à 1,2 % dans un contexte d'inflation, s'agissant des dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité, qui peuvent exploser sans que les collectivités n'en soient tenues pour responsables – en particulier alors que les contrats aidés sont supprimés – et enfin s'agissant des actions cofinancées par l'État, que vous maintenez dans le périmètre des dépenses réelles de fonctionnement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le député, votre question est précise : y aura-t-il des adaptations ? La réponse est oui, mais en temps voulu. N'en étant pas encore à la première année, la véritable évaluation sera effectuée, en lien avec le Parlement, au printemps 2019, ce qui nous permettra de tirer les premières conclusions pour l'ensemble des collectivités ayant contractualisé – pratiquement 70 % d'entre elles – mais aussi pour les 30 % restantes, car ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de contractualisation qu'elles ne seront pas sous les 1,2 % dans le cadre de l'arrêté.
Nous assumons ce qui a été voté l'année dernière, avec tous ceux et toutes celles qui l'ont fait. Je comprends qu'il soit difficile d'y revenir mais peut-être le ferai-je de nombreuses fois ce soir : nous avons choisi entre une application autoritaire de la baisse de la DGF unilatérale pour toutes les collectivités territoriales de France – de la mairie de Paris à un petit village de quarante habitants – et une concentration, beaucoup plus juste, sur les 322 collectivités qui, globalement, concentrent 60 % des dépenses locales de fonctionnement.
Encadrer les dépenses, ce n'est pas diminuer la DGF ! Nous assumons cette logique de contractualisation, dont je note d'ailleurs qu'elle commence à porter des fruits car une évaluation temporaire montre que l'augmentation se situe plutôt à 0,6 % pour les collectivités qui ont contractualisé. J'ai quant à moi présidé un conseil départemental concerné par cette contractualisation et j'y ai trouvé largement mon compte.
Nous continuerons du reste à procéder à des adaptations. Dans un courrier, hier, j'ai proposé à Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France, que les dépenses liés aux mineurs non accompagnés n'entrent plus dans le champ du 1,2 %.
Nous sommes donc capables d'écouter, de faire évoluer ce contrat. Mais là aussi, monsieur le député, faites-nous confiance : ce que nous faisons est préférable à la diminution autoritaire des dotations de l'État, comme je l'ai malheureusement subie comme maire et président de conseil départemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Gaillard, pour le groupe La République en marche.
M. Olivier Gaillard. Monsieur le ministre, du point de vue de l'évolution des dotations et de l'approche de la réforme territoriale, on ne peut que se féliciter de la stabilisation des crédits pour les collectivités, et surtout qu'un coup d'arrêt ait été mis aux fusions et aux absorptions imposées à la hache durant de nombreuses années sur les territoires.
Désormais, l'État assume, en rupture avec les années précédentes, un effort plus important de limitation de la dépense publique. Il a clairement fait le choix du levier de l'incitation financière vis-à-vis des collectivités, pourvu que ces dernières consentent à réduire leurs charges et leurs dépenses de fonctionnement. Auparavant, le levier de l'incitation financière était davantage actionné en vue de provoquer des réorganisations territoriales de nature administrative. Trop de temps, trop d'énergie et donc trop d'argent sont passés dans une réforme strictement institutionnelle. Je ne prendrai que l'exemple des régions : on nous promettait treize régions et 15 milliards d'économie. Bonjour, les résultats ! Nous aspirons, comme une majorité d'élus des territoires, à de l'investissement dans l'action, à un véritable aménagement des territoires.
Il y a, cependant, un point sur lequel nous devons faire preuve de vigilance : la contractualisation sur le taux d'évolution du budget de fonctionnement à 1,2 %. Tout l'enjeu est que ce dispositif soit incitatif, plutôt que punitif. Il importe que l'État nous assure, car c'est la condition de la confiance des collectivités, que n'entreront pas dans ce taux les coûts supportés par les collectivités à l'occasion de la mise en oeuvre de compétences qui concourent aux politiques sociales de l'État. Je songe, en particulier, aux allocations individuelles de solidarité, dont la question de la recentralisation se pose continuellement. Il en est de même pour les coûts imputables à des compétences gérées de manière expérimentale, comme, par exemple, le plan pauvreté, qui entrera bientôt en vigueur.
Les collectivités territoriales n'ont pas à supporter toutes seules les dépenses de fonctionnement induites par des compétences qui ne font pas l'objet d'un transfert assorti d'une stricte compensation financière. La prise en charge des mineurs non accompagnés, que vous venez d'évoquer, et dont le coût augmente dans des proportions non maîtrisables, en est un bon exemple.
Ces paramètres, dans la prise en compte de la contractualisation, conditionnent la qualité des relations entre l'État et les collectivités. Le plus grand risque serait que ces critères soient abstraits et rigides, déconnectés des causes réelles et des rythmes d'évolution de certaines dépenses, qui pèsent lourd dans les budgets des collectivités. Aussi, monsieur le ministre, comptez-vous affiner les critères d'appréciation du taux d'évolution du budget de fonctionnement des collectivités qui sont engagées dans ce pacte ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le député, dans le prolongement de la réponse que je viens de faire à votre collègue, je vous répète que nous sommes prêts à nous adapter en permanence. Un contrat, par définition, est vivant, dans une logique de droit et de devoir. Ce que je viens de vous annoncer pour les mineurs non accompagnés, nous l'avons fait précédemment pour le plan d'investissement dans les compétences – PIC –, au niveau des régions, dans la part qui revient à l'État. Puisque nous demandons aux conseils régionaux d'accompagner un certain nombre de politiques publiques, il est bien normal que nous les sortions de la contractualisation – c'est le deuxième exemple d'adaptation que je peux vous donner.
Nous l'avions déjà fait aussi pour la dynamique des allocations individuelles de solidarité – AIS. On ne le dit pas assez, mais dans une dynamique de plus 2 %, on retraite, le cas échéant, lorsqu'on dépasse. Il faut continuer d'avancer sur cette question et je profite de votre intervention pour répondre à d'autres orateurs : je ne vois pas en quoi la contractualisation entraînerait une recentralisation des compétences, ou alors il faut me le démontrer, juridiquement et politiquement. Encadrer les dépenses de fonctionnement, ce n'est pas encadrer l'investissement et ce n'est pas contraindre les collectivités dans leurs compétences en fonctionnement. Et je le prouve, avec la question des mineurs non accompagnés, qui montre notre adaptabilité aux réalités que vivent les collectivités territoriales.
Ces contrats, je les assume d'autant plus qu'ils sont originaux, entre ce qu'a fait la majorité précédente et ce qu'ont pu proposer d'autres candidats à la présidentielle, qui demandaient aux collectivités des économies, dont le nombre de milliards n'arrêtait pas d'osciller.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Ange Magne, pour le groupe La République en marche.
Mme Marie-Ange Magne. L'article 79 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit plusieurs évolutions des modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement des EPCI et des départements. Il comprend une réforme de la dotation d'intercommunalité des EPCI à fiscalité propre qui souffre actuellement de problèmes structurels liés à son architecture, à ses critères de répartition et à ses modalités de financement.
Les attributions perçues par les EPCI peuvent varier fortement d'une année sur l'autre et compliquent la prévisibilité des recettes pour les collectivités. Cette réforme vise donc à donner une meilleure lisibilité aux EPCI dans la création de leur budget. Plusieurs éléments sont ainsi modifiés pour le calcul de la dotation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous revenir sur les principaux changements opérés par cette réforme et exposer les objectifs poursuivis ? Par ailleurs, vous l'avez évoqué, cette réforme touche certains EPCI qui ont décidé de changer de catégorie juridique au 1er janvier 2019, alors que ces derniers ont pu intégrer dans leur projet de territoire des projections en termes de dotation d'intercommunalité. Qu'envisagez-vous pour ces EPCI ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la députée, il me serait difficile de vous présenter l'ensemble du dispositif en deux minutes, mais je voudrais vous dire un mot, qui me permettra aussi de répondre à M. Pupponi. Pourquoi y a-t-il urgence à réformer d'ores et déjà cette dotation d'intercommunalité ? C'est tout simplement parce que, telle qu'elle fonctionne actuellement, avec ses quatre sous-enveloppes et des schémas départementaux de coopération intercommunale – SDCI – qui ont fait grossir certaines d'entre elles, on a des phénomènes de péréquation qui deviennent complètement imprévisibles, ce qui explique une partie des notifications incompréhensibles de cette année pour un certain nombre d'intercommunalités.
C'est pour cette raison, d'ailleurs, que le Comité des finances locales, le CFL, a demandé cette réforme. Je veux bien que l'on reproche sans cesse au Gouvernement d'être autoritaire, jacobin et de tout recentraliser, mais M. André Laignel, son président, demande à présent que nous ajournions la réforme d'une année. Ce n'est pas possible, nous devons la faire – on ne peut pas, d'un côté, dire qu'on veut de la stabilité et, de l'autre côté, ne pas réformer cette dotation. Il faut faire une enveloppe unique, ce qui permettra d'affiner les critères. Nous reprenons les critères qui nous sont chers, et sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, et nous y ajoutons celui du revenu par habitant, qui permet d'affiner les choses.
J'en profite également pour vous dire, mesdames et messieurs les députés, que, tout à l'heure, un amendement gouvernemental viendra, je pense, épouser l'esprit de vos propres amendements sur le sujet. Je me suis moi-même plongé sur cette question au sujet des communautés d'agglomération et des EPCI qui vont changer de statut au 1er janvier. Il faut apporter des solutions sur le terrain : ce sera le sens de certains des amendements qui vous seront proposés, soit par vos collègues, soit par le Gouvernement. Quoi que l'on pense de la dotation d'intercommunalité, le statu quo n'est pas possible, sauf si l'on assume quelque chose qu'on n'est pas capable de prévoir. Et cela, ni les députés, ni le Gouvernement ne peuvent le comprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 13 novembre 2018