Texte intégral
Mes cher(e)s camarades, mes cher(e)s ami(e)s,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour la présentation de notre liste et de notre programme pour les élections européennes. Je remercie Lionel JOSPIN d'être parmi nous ; ce qui, dans ces circonstances, nous touche particulièrement. Je salue la présence de Jean-Pierre CHEVENEMENT au titre du Mouvement des Citoyens et de Roger-Gérard SCHWARTZENBERG qui représente les Radicaux de Gauche. Ils sont traditionnellement les bienvenus dans nos réunions et aujourd'hui encore plus particulièrement.
* *
Cette campagne qui s'engage est marquée, bien évidemment, par les drames qui se déroulent au Kosovo. Déplacements massifs de populations, violences ethniques, bombardements. Bien que loin de nous, ces événements ont lieu sur notre continent, ils nous ramènent brutalement à la question européenne et nous obligent à répondre aux questions essentielles qui fondent l'existence même du projet européen.
L'Europe est née d'une volonté : préserver, sur un continent ravagé par deux guerres mondiales, la paix.
L'Europe y est parvenue au point de rendre banale et naturelle cette réussite pourtant exceptionnelle à l'échelle de l'histoire ; alors même que l'édification du Mur de Berlin avait placé la guerre froide au cur du continent.
La paix est ainsi devenue au cours des dernières décennies en Europe un acquis. Il nous est devenu naturel de vivre en paix, ce qui nous a fait oublier que la paix reste un des premiers objectifs de la construction européenne.
Mais les convulsions survenues depuis plusieurs années dans l'ex-Yougoslavie ont fait resurgir les spectres d'une barbarie que l'on croyait définitivement éteinte. Le conflit qui éclate aujourd'hui pose à l'Union européenne des questions que l'on peut résumer ainsi :
- Notre Europe, fondée sur les droits et la démocratie, peut-elle tolérer l'épuration ethnique à ses portes ?
Peut-elle accepter les actes d'un régime qui met à mal les équilibres fragiles de la région des Balkans au risque d'une déflagration générale ?
Peut-elle fermer les yeux, cette Europe, sur la déportation d'une population d'un territoire où elle a toujours vécu ?
C'est parce que nous répondons trois fois non à ces questions que nous, socialistes, avons approuvé la décision de l'Europe de rechercher une solution diplomatique à la crise à travers le processus de Rambouillet, et de recourir ensuite à la force de l'OTAN nécessaire pour y revenir.
C'est parce que nous avons une conception de l'Europe fondée sur un modèle de civilisation que nous voulons contraindre les autorités de Belgrade à accepter un règlement politique de la crise.
L'Europe retrouve là le sens et la portée de son projet originel : lutter pour la démocratie contre la barbarie, le racisme et la logique ethnique ; affirmer des valeurs universelles, mais aussi des principes de stabilité tel que le respect de l'intérêt territorial garantissant la sécurité de tous ; et installer durablement la paix au-delà même des frontières de l'Union européenne actuelle.
Aujourd'hui, nous devons relever trois défis par rapport à ces événements.
- Le premier est celui de l'urgence.
Face à l'afflux de réfugiés venant du Kosovo, il est du devoir et de la responsabilité de l'Europe de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences humaines d'une stratégie qui a été pensée, voulue et planifiée de longue date. Cela suppose d'être clair en ce qui concerne les objectifs. Le but est de permettre aux réfugiés, que l'on appelle à tort " réfugiés " - ces 600 000 personnes ont été chassées de chez elles, et pour beaucoup, avant les interventions de ces derniers jours - de retourner dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions de sécurité dans leur pays.
Voilà pourquoi l'aide et l'accueil sur place doivent être privilégiés car la dispersion à travers le monde, souvent contre la volonté des Kosovars eux-mêmes, conduirait à entériner le nettoyage ethnique et à forcer ces personnes à un exil dont nous ne connaissons pas encore aujourd'hui le terme.
Cette position qui a été celle du gouvernement français est aujourd'hui celle de toute l'Europe. Elle est fondée à la fois sur une logique de raison par rapport au conflit qui nous oppose aux autorités de Belgrade, mais aussi sur des considérations humanitaires sans qu'il soit possible de détacher la première des secondes.
Cette position exige néanmoins un effort de solidarité considérable afin que l'accueil des réfugiés se fasse dans des conditions décentes et dignes, et que la charge de cette organisation ne retombe pas sur les pays voisins du Kosovo.
La France a montré une nouvelle fois l'exemple à travers le triplement du montant de l'aide accordée aux pays et aux organisations assurant l'accueil. Elle appuie toutes les initiatives du HCR, de l'ONU et de toutes les organisations non gouvernementales présentes sur le terrain dont il faut saluer l'action.
L'Europe doit aussi prendre sa part de l'aide au Kosovars ; elle doit en particulier mettre en place les financements communautaires nécessaires pour que l'aide sur place s'effectue dans les meilleures conditions et que le partage du fardeau soit effectif.
Je souhaite, dans ce domaine, une initiative du Parti Socialiste Européen. Nous tiendrons une réunion, mercredi prochain, de l'ensemble des partis socialistes d'Europe. Il leur appartient de mieux coordonner les actions entreprises, de solliciter davantage de financements européens pour l'accueil des réfugiés et aussi de mobiliser les opinions publiques socialistes. Les socialistes français eux-mêmes doivent prendre leur part du formidable élan de solidarité qui semble une nouvelle fois animer notre peuple. Les élus socialistes, je le sais, Jean-Marc AYRAULT notamment, font déjà beaucoup et je leur demande en votre nom à tous d'en faire encore davantage.
Parallèlement, il faudra accueillir sur notre sol, en vertu du droit d'asile, les familles qui en feront la demande. Cela concerne d'abord les plus fragiles, les blessés, les malades, les handicapés. C'est la tradition d'hospitalité et de solidarité de la France, et c'est l'honneur des Français.
- Le deuxième défi que nous devons affronter, c'est celui de la sortie de la crise.
Chacun connaît les données du problème. Le conflit peut s'arrêter du jour au lendemain si quatre conditions sont réunies :
- le retrait des forces de répression du Kosovo ;
- le retour des réfugiés dans les conditions de sécurité les plus strictes ;
- l'acceptation par les Serbes d'un règlement politique de la crise ;
- la présence d'une force de sécurité internationale pour en garantir l'effectivité.
Nous souhaitons que l'ONU prenne sa part dans le règlement de ce conflit. Nous souhaitons donc, si les autorités serbes le décidaient - elles doivent le décider ! - que ce soit l'ONU qui reprenne l'initiative. La déclaration, hier, du Secrétaire général va dans ce sens.
Mais on doit également penser au règlement politique du conflit, or c'est l'ONU qui doit en assurer l'effectivité et la garantie.
Il y a d'autres initiatives politiques à prendre. Le Parti socialiste a demandé que les leaders des partis membres du Parti Socialiste Européen se réunissent avant le sommet européen de Berlin du 15 avril, afin de confronter leurs analyses et d'élaborer des propositions communes permettant d'offrir une issue politique à la crise du Kosovo.
Les socialistes sont la force principale en Europe, nous sommes aujourd'hui au gouvernement dans la majorité des pays, il nous appartient donc de chercher les solutions politiques.
A nous, socialistes, de proposer, comme je l'ai déjà fait, une grande conférence sur la paix, la stabilité et la sécurité dans les Balkans. Cette initiative rejoint celle de Romano PRODI. Il est temps que la communauté internationale et l'Union européenne renouvellent leur approche des difficultés identitaires et des conflits dans cette région de notre continent.
Les Balkans, ce n'est en effet rien d'autre qu'une des trois péninsules qui prolongent l'Europe vers la Méditerranée. L'expérience des dix dernières années montre qu'il est vain de vouloir oublier cette réalité, de vouloir isoler cette région dont chaque déchirement nous touche et nous affecte. On connaît, hélas, la fortune linguistique du mot " balkanisation ". Nous sommes allés maintenant au bout de cette fragmentation, de cet émiettement, de cette logique " peuple contre peuple ", " ethnie contre ethnie ".
Il faudra donc retrouver les conditions durables d'un dialogue comme nous avons pu le faire en Europe occidentale.
Il faudra donc créer, dans l'espace qui fut celui de l'ancienne Yougoslavie, les conditions d'une coexistence organisée de peuples qui doivent cesser d'être rivaux pour devenir partenaires.
Au-delà, il faudra ouvrir aux Balkans la perspective européenne.
Nous sommes prêts à élargir l'Europe jusqu'aux frontières de l'Ukraine, jusqu'aux Pays Baltes, pourquoi pas ? Mais alors, il faut aussi que l'Europe, du moins ne serait-ce qu'au niveau de ses principes, aille jusqu'à cette zone de notre continent qu'on appelle les Balkans. Rien ne serait pire que d'oublier que Bucarest, Sofia, Zagreb, Sarajevo, mais aussi Belgrade et Tirana, sont aussi des capitales européennes. Et lorsque nous aurons rétabli à la fois la paix et les droits de l'homme, mis fin aux visées nationalistes et aux folies ethniques, nous devrons dire à tous ces peuples que l'Europe leur tend la main à travers des structures appropriées.
- Le troisième défi, c'est celui de l'Europe de la défense.
Le drame du Kosovo met en évidence la nécessité d'une Europe plus forte qui doit jouer tout son rôle dans la sécurité collective du continent. Les Européens doivent être capables de prendre leurs responsabilités emdash; ils les ont prises d'ailleurs au plan politique ! emdash; par la mise en uvre éventuelle de la force, sans laisser à nos alliés américains la quasi-exclusivité de la conception, de la conduite et de la réalisation des opérations. Il en va de la crédibilité même de l'Europe et de l'équilibre du monde.
La force, parfois insupportable mais souvent utile, des Américains, est d'abord le produit de notre propre faiblesse. Ceux qui se plaignent aujourd'hui encore de l'absence de l'Europe sur ce terrain ont été les premiers à lui en refuser les moyens.
Nous devons, sur ce sujet, éviter les formules incantatoires qui réclament l'Europe de la défense quand elle n'est pas là, et renoncent à l'engager quand il est urgent de la faire.
Nous devons partir des acquis des Traités de Maastricht et d'Amsterdam qui prévoient des avancées utiles en matière d'Europe de la défense.
Il faudra, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, nommer un responsable pour la Politique Européenne de Sécurité Commune, un " Monsieur " ou une " Madame " P.E.S.C. Je souhaite, au nom du Parti socialiste, que ce soit une personnalité politique et non un haut fonctionnaire qui occupe cette fonction importante.
Mais il faudra aller plus loin, en renforçant les capacités autonomes de l'Europe dans l'analyse stratégique des situations, pour ne pas être tributaire des informations des autres, en rassemblant les moyens opérationnels pour leur mise en uvre éventuelle, ce qui suppose des structures de commandement et de contrôle autonomes, et une mise en commun des forces afin d'appliquer la politique décidée.
Il faudra aussi aller dans le sens de l'intégration au sein de l'Union européenne des fonctions de l'Union de l'Europe Occidentale.
Il faudra enfin harmoniser les efforts de construction d'une industrie européenne de défense pour nous dégager d'une tutelle américaine qui n'est pas simplement militaire mais qui est aussi économique.
Il y a aujourd'hui un moment à saisir. Ne le laissons pas échapper, ou alors nous n'aurons plus le droit de nous plaindre de la dépendance excessive à l'égard de l'OTAN et des Etats-Unis.
* *
La campagne pour les élections européennes, je le dis ici, n'a pas vocation à disparaître pour un temps parce qu'il y aurait la crise au Kosovo. Elle n'a pas non plus vocation à s'éclipser, à s'effacer ou à perdre son relief. Il faut la mener dans ces circonstances et sur tous les sujets. Sur l'Europe politique et sur l'Europe de la défense, c'est nécessaire, mais aussi pour ce qui concerne la préparation de notre avenir commun en Europe.
Je crois, contrairement à bien des idées reçues, que ce qui se passe au Kosovo et en ex-Yougoslavie, démontre l'utilité d'une Europe forte. Mais c'est à nous d'en faire apparaître la signification politique.
Dans cette campagne, nous aurons l'occasion de mettre en évidence une double cohérence :
- cohérence avec les choix faits par l'ensemble des mouvements de gauche socialistes et sociaux-démocrates, dont on trouve la synthèse dans le Manifeste adopté à Milan au début du mois de mars ;
- cohérence aussi avec les décisions et la politique du gouvernement de Lionel JOSPIN.
Cette campagne sera en effet pour nous l'occasion de démontrer que notre action en France et notre action collective en Europe sont indissociables, car on doit retrouver au niveau européen la même volonté de favoriser la croissance, de lutter contre le chômage et de donner sa vraie dimension au politique.
Pour que les majorités socialistes et sociales-démocrates, de gauche plurielle ou non, choisies par les peuples des différents États en Europe, trouvent un relais efficace et voient leur action prolongée au niveau européen, il faut une majorité politique de gauche au Parlement européen. C'est le sens même de la campagne que nous menons.
Les élections européennes auront aussi, je ne peux le cacher, une signification de politique intérieure, survenant deux ans après notre victoire de juin 1997.
Nous savons que le mode de scrutin d'une part et le sujet même des élections d'autre part, constituent un double risque de dispersion et d'abstention qui frappe d'abord les grandes formations politiques, mais qui peut ne pas épargner les petites. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu d'abord rassembler les forces de gauche qui y étaient disposées.
Les communistes et les Verts, pourtant sollicités, ont considéré que ce n'était pas encore mûr. Alors, nous nous sommes tournés vers ceux qui étaient davantage disponibles :
- d'abord ceux qui nous ont fait concurrence, durement, en 1994, sans qu'il y ait eu pourtant de différence majeure sur les questions européennes entre radicaux et socialistes, mais c'est là généralement que les compétitions sont les plus vives ;
- Nous avons ensuite, si je puis dire, tourné la tête de l'autre côté... je ne préciserai pas lequel..., vers ceux qui avaient fait d'autres choix que nous au moment du référendum de Maastricht sur la question de la monnaie unique. Ce Mouvement a bien voulu comprendre, a bien voulu accepter, a même voulu montrer qu'il y avait un double principe à faire valoir : un principe de responsabilité, en marquant bien que le résultat, le 13 juin, de notre liste, aurait un impact politique dans notre pays et au-delà, et que cela témoignerait aussi du soutien au Gouvernement qu'il sera peut-être utile de démontrer, et puis aussi un principe d'efficacité qui consiste à regarder vers l'avenir, à assumer les choix des uns et des autres, en donnant d'abord la priorité à ce qui compte, la croissance, l'emploi, l'Europe politique, le contrôle des citoyens. Et moi, je voudrais remercier tous ceux qui sont venus, dans ce Mouvement, sur cette liste pour faire un moment, un moment seulement, un bout de chemin avec les socialistes.
Je sais que certains, et c'est normal, chercheront les divergences et les nuances. Ils en trouveront. Mais il est clair que nous avons su nous mettre à jour avec nous-mêmes, ensemble, sur un même texte, sur une même plate-forme, sur un ensemble de propositions, et que ce texte nous engage tous. Nous n'avons pas essayé de faire un arrangement sans base politique, sans fondement intellectuel, nous avons voulu construire un rassemblement sur des propositions qui sont celles qui, aujourd'hui, sont présentées dans la campagne européenne à travers la liste que je conduis.
C'est ce texte commun qui nous rassemble et je peux ici vous faire cette confidence : il a été plus facile de se mettre d'accord sur ce texte que sur les places à accorder aux uns et aux autres sur la liste.
Et puis, nous avons voulu, justement à travers ce programme, cette plate-forme, montrer quelle était aujourd'hui notre priorité essentielle. Nous avons voulu acter que ces engagements-là n'étaient pas simplement des arguments de campagne, des incantations, mais qu'ils étaient vraiment ce qui allait nous animer au sein du groupe socialiste européen dans les cinq années qui viennent et que le clivage gauche-droite n'avait aucune raison d'être absent des élections européennes et du Parlement européen.
* *
Nous avons trois priorités dans cette campagne :
- D'abord construire une Europe de la croissance et de l'emploi.
L'Europe, ces dernières années, a réalisé un grand marché et s'est dotée d'une monnaie. Mais elle ne les a pas résolument mis au service de la croissance. Imprégnées par les idées libérales, les autorités européennes, c'est-à-dire non pas la Commission seulement (ce serait trop simple) mais tous les gouvernements nationaux conservateurs ces dernières années au pouvoir, ont eu l'illusion de penser qu'il suffisait d'assurer la libre circulation des marchandises et des capitaux, pour que, mécaniquement, la croissance soit au rendez-vous. Le taux de chômage d'aujourd'hui doit encore beaucoup à cette erreur d'appréciation, la prospérité n'était pas au bout des critères de convergence.
Voilà pourquoi, dans un contexte politique nouveau, marqué par l'arrivée au pouvoir de gouvernements socialistes depuis deux ans, nous devons proposer un nouveau cours à l'Europe, et à l'Europe monétaire et économique, en mettant en uvre une politique économique européenne.
Sur la politique monétaire d'abord. L'euro donne de la stabilité mais pas nécessairement de la croissance. Réussir l'euro emdash; et nous sommes en train de le faire grâce, en France, à Dominique STRAUSS-KAHN emdash; ce n'est pas simplement parvenir techniquement à substituer aux monnaies nationales un nouvel instrument monétaire, c'est utiliser la force monétaire nouvelle pour baisser les taux d'intérêt. La récente décision de la Banque Centrale Européenne, qui a été assez peu commentée emdash; elle est pourtant essentielle emdash; suppose que les autorités politiques se soient exprimé fortement pour en arriver là ; cela suppose aussi que la Banque Centrale Européenne ait fini par considérer que la principale menace sur ce continent n'est ni l'inflation emdash; elle a disparu emdash; ni la stabilité monétaire emdash; l'euro est stable emdash;, mais qu'il s'agit d'abord et avant tout du chômage.
Voilà pourquoi il faut, à travers des taux d'intérêt résolument bas, coordonner les politiques économiques pour arriver au meilleur niveau de croissance possible. C'est tout le sens de l'action qu'il faut mener aujourd'hui pour prévenir le ralentissement conjoncturel.
Cela exige un " Conseil de l'euro ", futur gouvernement économique européen, qui réglerait la demande et qui harmoniserait les fiscalités. Cela suppose aussi que les missions de la Banque Centrale Européenne soient résolument tournées vers la lutte contre le chômage.
Notre plate-forme et nos propositions comprennent aussi l'affirmation d'une politique de l'emploi. Nous devons, et c'est le sens des prochains travaux du Conseil européen, mettre en uvre un " Pacte européen pour l'emploi ", qui permettra de développer la formation, l'éducation, la lutte contre le chômage de longue durée, ainsi que la volonté de créer des emplois jeunes sur tout le continent européen.
Nous avons souhaité, et le Premier Ministre l'a accepté, qu'il y ait dans les propositions de la France, l'idée d'une " Conférence économique et sociale " avec les partenaires sociaux avant même le Conseil européen.
Il faut aussi, dans les prochains mois, dans les prochaines années, mettre le " Traité social " au premier rang de nos objectifs dans les négociations européennes en recherchant un salaire minimum à l'échelle de l'Europe, en souhaitant la convergence des standards sociaux en matière de salaires, de protection sociale et en permettant la négociation collective à l'échelle de l'Europe dans des domaines élargis, car la logique même du grand marché et de la monnaie unique, c'est qu'il n'y ait pas plus de distorsions. Méfions-nous que l'égalisation ne se fasse pas par le bas, qu'il y ait là un risque de démantèlement de nos systèmes de protection sociale. Nous devons, au contraire, souhaiter que la recherche d'une " bonne concurrence " porte l'ensemble des systèmes vers le haut et la préservation de l'ensemble des acquis sociaux en Europe.
- La deuxième priorité des socialistes, et de ceux qui nous accompagnent dans cette campagne, c'est l'Europe des citoyens.
Nous voulons une Europe de la culture et de l'éducation, la reconnaissance des diplômes, un programme ambitieux pour développer les échanges. Nous voulons même que le 1 % que nous avions, et que nous avons toujours, fixé comme objectif pour les dépenses de culture, à l'échelle de la nation, puisse également valoir à l'échelle de l'Europe.
Nous voulons aussi qu'en matière de formation, d'éducation et de services publics, il y ait une affirmation plus forte de l'Europe qu'aujourd'hui, et que, comme certains l'ont demandé, les principes de la laïcité soient clairement affirmés.
Nous voulons aussi qu'il existe une Europe des citoyens à travers la création d'un espace judiciaire commun. Elisabeth GUIGOU y travaille : la lutte contre l'argent sale, contre le trafic de drogue, ne peut se faire qu'à l'échelle de l'Europe. De la même manière, nous souhaitons une meilleure coordination des services de police, de justice, de façon à mieux concentrer nos efforts.
Enfin, nous voulons régler les problèmes quotidiens qui se posent à trop d'Européens : situations inextricables en matière de droit de la famille, en matière de droit d'asile, où ce sont les plus fragiles qui se font refouler de pays à pays, faute de clarification des règles.
Alors oui, nous voulons que l'Europe des citoyens ne soit pas simplement celle des citoyens européens, mais aussi de ceux qui vivent à l'extérieur de l'Union européenne. Sami Nair en parlait, c'est le sens de l'action en faveur du co-développement.
- Notre troisième priorité, et j'en aurai terminé, c'est l'Europe politique.
Au-delà des mots, car l'Europe ne se résume pas, comme l'a dit Catherine Lalumière, à une formule, nous souhaitons une construction originale qui emprunte à plusieurs schémas.
C'est vrai qu'il y a un caractère emdash; je ne blesserai personne ici en le disant emdash; fédéral de l'Europe, car lorsqu'on fait une monnaie unique, lorsque nous appelons de nos vux un gouvernement économique, lorsque nous souhaitons élargir les compétences européennes dans le domaine du droit à la justice, à la sécurité, à la défense, nous nous situons dans une évolution de caractère fédéral. De même, lorsque nous nous présentons à des élections pour le Parlement européen, dépassons-nous les logiques étatiques.
Mais, dans le même temps, nous le savons aussi, l'Union européenne doit être respectueuse des nations.
En effet, l'Union n'efface pas les identités, pas plus qu'elle ne construit les diversités. C'est pourquoi l'enjeu politique essentiel, dans les prochaines années, sera d'articuler les différents niveaux de citoyenneté. Le peuple français restera le détenteur exclusif de la souveraineté, conformément aux fondements essentiels de la république, mais en même temps, les citoyens français se verront offrir des droits nouveaux, au sein de l'Europe qui se construit. C'est pourquoi nous proposons une " Charte européenne des droits civiques et sociaux ", de façon à procéder à la fois à l'élargissement des droits des citoyens et à la reconnaissance de ce que signifie vivre en Europe au début du siècle prochain.
Cela supposera plus de démocratie. Démocratie au Parlement européen, aujourd'hui co-législateur, mais seule entité procédant directement du suffrage universel européen emdash; même si les Gouvernements procèdent aussi du suffrage universel nationalement.
Il est logique qu'il y ait deux niveaux de participation au travail législatif : contrôle démocratique sur toutes les activités de l'Union, meilleur définition des compétences et des pouvoirs de la Commission européenne, contrôle des Parlements sur l'activité européenne, mais aussi comportement particulier de l'exécutif, Premier ministre et Président de la République, dans les négociations européennes.
Et puis il y a la démocratie participative, celle qui n'appartient pas en propre aux formations politiques, mais aux syndicats, aux associations, aux collectivités territoriales et que nous devons faire émerger. Ce sont ces réseaux associatifs et sociaux qui manquent aujourd'hui à l'Europe.
* *
Nous devons aux Français, dans le contexte actuel, une vraie campagne électorale, sérieuse et ambitieuse, portant sur les enjeux essentiels : l'emploi, la paix, l'avenir du continent européen Le conflit du Kosovo s'y ajoute pour souligner encore le besoin d'Europe, il accroît notre responsabilité.
Le pire, dans cette période, ce serait de faire l'impasse, de faire le gros dos, de faire un temps mort et de vider le sens même de ce que nous voulons faire dans cette campagne, bref, de ne pas utiliser ces élections pour faire avancer l'Europe dans la direction que nous souhaitons.
Nous devons le faire dans le respect du corps électoral. C'est pourquoi nous avons présenté un programme qui nous engage tous, c'est pourquoi aujourd'hui nous présentons cette liste. Nous sommes les seuls à avoir annoncé l'ensemble des candidats de notre liste pour les élections. A l'instant où je vous parle, vous savez que le RPR, l'UDF, Démocratie Libérale ne savent pas quand ils pourront publier leurs listes. Ils attendent que les évacués, si je puis dire, de l'une, puissent renflouer l'autre.
A droite, Charles PASQUA, qui voulait faire du " gauche-droite ", n'est même pas à droite mais à la droite de la droite. Pour les autres, Philippe SEGUIN, Alain MADELIN et François BAYROU, ils préparent les élections, c'est vrai, mais pas les élections européennes. Le premier, Philippe SEGUIN, veut prendre sa revanche des élections législatives. Ce n'est pourtant pas le moment. Le deuxième, Alain MADELIN, prépare, nous dit-on, les élections municipales à Paris. Quant au troisième, il prépare toutes les autres.
Essayons, quant à nous, et Pervenche BERES nous rappelait à cette responsabilité, de préparer les élections européennes et rien que les élections européennes, car ce qui est en cause, c'est de savoir si l'Europe sera un grand marché ou un espace gouverné, si elle aura une monnaie unique au service la finance ou un euro au service de l'économie réelle, si elle sera un ensemble politique mou ou une force capable de donner aux nations européennes emdash; et d'abord à la nôtre emdash; la taille et la puissance qui lui manquent encore aujourd'hui.
Bref, le débat sera de savoir si nous voulons une Europe de droite ou une Europe de gauche, un marché ou une politique.
L'Europe, nous ne voulons pas en parler, nous voulons la faire. Mais nous voulons la bâtir selon notre vision, c'est-à-dire selon nos valeurs, nos principes, pour que cette Europe soit vraiment la nôtre.
Cette Europe, cher(e)s camarades et cher(e)s ami(e)s, il faut la construire ensemble !
(source http:// //www.parti-socialiste.fr, le 9 février 2001)
Nous sommes réunis aujourd'hui pour la présentation de notre liste et de notre programme pour les élections européennes. Je remercie Lionel JOSPIN d'être parmi nous ; ce qui, dans ces circonstances, nous touche particulièrement. Je salue la présence de Jean-Pierre CHEVENEMENT au titre du Mouvement des Citoyens et de Roger-Gérard SCHWARTZENBERG qui représente les Radicaux de Gauche. Ils sont traditionnellement les bienvenus dans nos réunions et aujourd'hui encore plus particulièrement.
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Cette campagne qui s'engage est marquée, bien évidemment, par les drames qui se déroulent au Kosovo. Déplacements massifs de populations, violences ethniques, bombardements. Bien que loin de nous, ces événements ont lieu sur notre continent, ils nous ramènent brutalement à la question européenne et nous obligent à répondre aux questions essentielles qui fondent l'existence même du projet européen.
L'Europe est née d'une volonté : préserver, sur un continent ravagé par deux guerres mondiales, la paix.
L'Europe y est parvenue au point de rendre banale et naturelle cette réussite pourtant exceptionnelle à l'échelle de l'histoire ; alors même que l'édification du Mur de Berlin avait placé la guerre froide au cur du continent.
La paix est ainsi devenue au cours des dernières décennies en Europe un acquis. Il nous est devenu naturel de vivre en paix, ce qui nous a fait oublier que la paix reste un des premiers objectifs de la construction européenne.
Mais les convulsions survenues depuis plusieurs années dans l'ex-Yougoslavie ont fait resurgir les spectres d'une barbarie que l'on croyait définitivement éteinte. Le conflit qui éclate aujourd'hui pose à l'Union européenne des questions que l'on peut résumer ainsi :
- Notre Europe, fondée sur les droits et la démocratie, peut-elle tolérer l'épuration ethnique à ses portes ?
Peut-elle accepter les actes d'un régime qui met à mal les équilibres fragiles de la région des Balkans au risque d'une déflagration générale ?
Peut-elle fermer les yeux, cette Europe, sur la déportation d'une population d'un territoire où elle a toujours vécu ?
C'est parce que nous répondons trois fois non à ces questions que nous, socialistes, avons approuvé la décision de l'Europe de rechercher une solution diplomatique à la crise à travers le processus de Rambouillet, et de recourir ensuite à la force de l'OTAN nécessaire pour y revenir.
C'est parce que nous avons une conception de l'Europe fondée sur un modèle de civilisation que nous voulons contraindre les autorités de Belgrade à accepter un règlement politique de la crise.
L'Europe retrouve là le sens et la portée de son projet originel : lutter pour la démocratie contre la barbarie, le racisme et la logique ethnique ; affirmer des valeurs universelles, mais aussi des principes de stabilité tel que le respect de l'intérêt territorial garantissant la sécurité de tous ; et installer durablement la paix au-delà même des frontières de l'Union européenne actuelle.
Aujourd'hui, nous devons relever trois défis par rapport à ces événements.
- Le premier est celui de l'urgence.
Face à l'afflux de réfugiés venant du Kosovo, il est du devoir et de la responsabilité de l'Europe de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences humaines d'une stratégie qui a été pensée, voulue et planifiée de longue date. Cela suppose d'être clair en ce qui concerne les objectifs. Le but est de permettre aux réfugiés, que l'on appelle à tort " réfugiés " - ces 600 000 personnes ont été chassées de chez elles, et pour beaucoup, avant les interventions de ces derniers jours - de retourner dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions de sécurité dans leur pays.
Voilà pourquoi l'aide et l'accueil sur place doivent être privilégiés car la dispersion à travers le monde, souvent contre la volonté des Kosovars eux-mêmes, conduirait à entériner le nettoyage ethnique et à forcer ces personnes à un exil dont nous ne connaissons pas encore aujourd'hui le terme.
Cette position qui a été celle du gouvernement français est aujourd'hui celle de toute l'Europe. Elle est fondée à la fois sur une logique de raison par rapport au conflit qui nous oppose aux autorités de Belgrade, mais aussi sur des considérations humanitaires sans qu'il soit possible de détacher la première des secondes.
Cette position exige néanmoins un effort de solidarité considérable afin que l'accueil des réfugiés se fasse dans des conditions décentes et dignes, et que la charge de cette organisation ne retombe pas sur les pays voisins du Kosovo.
La France a montré une nouvelle fois l'exemple à travers le triplement du montant de l'aide accordée aux pays et aux organisations assurant l'accueil. Elle appuie toutes les initiatives du HCR, de l'ONU et de toutes les organisations non gouvernementales présentes sur le terrain dont il faut saluer l'action.
L'Europe doit aussi prendre sa part de l'aide au Kosovars ; elle doit en particulier mettre en place les financements communautaires nécessaires pour que l'aide sur place s'effectue dans les meilleures conditions et que le partage du fardeau soit effectif.
Je souhaite, dans ce domaine, une initiative du Parti Socialiste Européen. Nous tiendrons une réunion, mercredi prochain, de l'ensemble des partis socialistes d'Europe. Il leur appartient de mieux coordonner les actions entreprises, de solliciter davantage de financements européens pour l'accueil des réfugiés et aussi de mobiliser les opinions publiques socialistes. Les socialistes français eux-mêmes doivent prendre leur part du formidable élan de solidarité qui semble une nouvelle fois animer notre peuple. Les élus socialistes, je le sais, Jean-Marc AYRAULT notamment, font déjà beaucoup et je leur demande en votre nom à tous d'en faire encore davantage.
Parallèlement, il faudra accueillir sur notre sol, en vertu du droit d'asile, les familles qui en feront la demande. Cela concerne d'abord les plus fragiles, les blessés, les malades, les handicapés. C'est la tradition d'hospitalité et de solidarité de la France, et c'est l'honneur des Français.
- Le deuxième défi que nous devons affronter, c'est celui de la sortie de la crise.
Chacun connaît les données du problème. Le conflit peut s'arrêter du jour au lendemain si quatre conditions sont réunies :
- le retrait des forces de répression du Kosovo ;
- le retour des réfugiés dans les conditions de sécurité les plus strictes ;
- l'acceptation par les Serbes d'un règlement politique de la crise ;
- la présence d'une force de sécurité internationale pour en garantir l'effectivité.
Nous souhaitons que l'ONU prenne sa part dans le règlement de ce conflit. Nous souhaitons donc, si les autorités serbes le décidaient - elles doivent le décider ! - que ce soit l'ONU qui reprenne l'initiative. La déclaration, hier, du Secrétaire général va dans ce sens.
Mais on doit également penser au règlement politique du conflit, or c'est l'ONU qui doit en assurer l'effectivité et la garantie.
Il y a d'autres initiatives politiques à prendre. Le Parti socialiste a demandé que les leaders des partis membres du Parti Socialiste Européen se réunissent avant le sommet européen de Berlin du 15 avril, afin de confronter leurs analyses et d'élaborer des propositions communes permettant d'offrir une issue politique à la crise du Kosovo.
Les socialistes sont la force principale en Europe, nous sommes aujourd'hui au gouvernement dans la majorité des pays, il nous appartient donc de chercher les solutions politiques.
A nous, socialistes, de proposer, comme je l'ai déjà fait, une grande conférence sur la paix, la stabilité et la sécurité dans les Balkans. Cette initiative rejoint celle de Romano PRODI. Il est temps que la communauté internationale et l'Union européenne renouvellent leur approche des difficultés identitaires et des conflits dans cette région de notre continent.
Les Balkans, ce n'est en effet rien d'autre qu'une des trois péninsules qui prolongent l'Europe vers la Méditerranée. L'expérience des dix dernières années montre qu'il est vain de vouloir oublier cette réalité, de vouloir isoler cette région dont chaque déchirement nous touche et nous affecte. On connaît, hélas, la fortune linguistique du mot " balkanisation ". Nous sommes allés maintenant au bout de cette fragmentation, de cet émiettement, de cette logique " peuple contre peuple ", " ethnie contre ethnie ".
Il faudra donc retrouver les conditions durables d'un dialogue comme nous avons pu le faire en Europe occidentale.
Il faudra donc créer, dans l'espace qui fut celui de l'ancienne Yougoslavie, les conditions d'une coexistence organisée de peuples qui doivent cesser d'être rivaux pour devenir partenaires.
Au-delà, il faudra ouvrir aux Balkans la perspective européenne.
Nous sommes prêts à élargir l'Europe jusqu'aux frontières de l'Ukraine, jusqu'aux Pays Baltes, pourquoi pas ? Mais alors, il faut aussi que l'Europe, du moins ne serait-ce qu'au niveau de ses principes, aille jusqu'à cette zone de notre continent qu'on appelle les Balkans. Rien ne serait pire que d'oublier que Bucarest, Sofia, Zagreb, Sarajevo, mais aussi Belgrade et Tirana, sont aussi des capitales européennes. Et lorsque nous aurons rétabli à la fois la paix et les droits de l'homme, mis fin aux visées nationalistes et aux folies ethniques, nous devrons dire à tous ces peuples que l'Europe leur tend la main à travers des structures appropriées.
- Le troisième défi, c'est celui de l'Europe de la défense.
Le drame du Kosovo met en évidence la nécessité d'une Europe plus forte qui doit jouer tout son rôle dans la sécurité collective du continent. Les Européens doivent être capables de prendre leurs responsabilités emdash; ils les ont prises d'ailleurs au plan politique ! emdash; par la mise en uvre éventuelle de la force, sans laisser à nos alliés américains la quasi-exclusivité de la conception, de la conduite et de la réalisation des opérations. Il en va de la crédibilité même de l'Europe et de l'équilibre du monde.
La force, parfois insupportable mais souvent utile, des Américains, est d'abord le produit de notre propre faiblesse. Ceux qui se plaignent aujourd'hui encore de l'absence de l'Europe sur ce terrain ont été les premiers à lui en refuser les moyens.
Nous devons, sur ce sujet, éviter les formules incantatoires qui réclament l'Europe de la défense quand elle n'est pas là, et renoncent à l'engager quand il est urgent de la faire.
Nous devons partir des acquis des Traités de Maastricht et d'Amsterdam qui prévoient des avancées utiles en matière d'Europe de la défense.
Il faudra, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, nommer un responsable pour la Politique Européenne de Sécurité Commune, un " Monsieur " ou une " Madame " P.E.S.C. Je souhaite, au nom du Parti socialiste, que ce soit une personnalité politique et non un haut fonctionnaire qui occupe cette fonction importante.
Mais il faudra aller plus loin, en renforçant les capacités autonomes de l'Europe dans l'analyse stratégique des situations, pour ne pas être tributaire des informations des autres, en rassemblant les moyens opérationnels pour leur mise en uvre éventuelle, ce qui suppose des structures de commandement et de contrôle autonomes, et une mise en commun des forces afin d'appliquer la politique décidée.
Il faudra aussi aller dans le sens de l'intégration au sein de l'Union européenne des fonctions de l'Union de l'Europe Occidentale.
Il faudra enfin harmoniser les efforts de construction d'une industrie européenne de défense pour nous dégager d'une tutelle américaine qui n'est pas simplement militaire mais qui est aussi économique.
Il y a aujourd'hui un moment à saisir. Ne le laissons pas échapper, ou alors nous n'aurons plus le droit de nous plaindre de la dépendance excessive à l'égard de l'OTAN et des Etats-Unis.
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La campagne pour les élections européennes, je le dis ici, n'a pas vocation à disparaître pour un temps parce qu'il y aurait la crise au Kosovo. Elle n'a pas non plus vocation à s'éclipser, à s'effacer ou à perdre son relief. Il faut la mener dans ces circonstances et sur tous les sujets. Sur l'Europe politique et sur l'Europe de la défense, c'est nécessaire, mais aussi pour ce qui concerne la préparation de notre avenir commun en Europe.
Je crois, contrairement à bien des idées reçues, que ce qui se passe au Kosovo et en ex-Yougoslavie, démontre l'utilité d'une Europe forte. Mais c'est à nous d'en faire apparaître la signification politique.
Dans cette campagne, nous aurons l'occasion de mettre en évidence une double cohérence :
- cohérence avec les choix faits par l'ensemble des mouvements de gauche socialistes et sociaux-démocrates, dont on trouve la synthèse dans le Manifeste adopté à Milan au début du mois de mars ;
- cohérence aussi avec les décisions et la politique du gouvernement de Lionel JOSPIN.
Cette campagne sera en effet pour nous l'occasion de démontrer que notre action en France et notre action collective en Europe sont indissociables, car on doit retrouver au niveau européen la même volonté de favoriser la croissance, de lutter contre le chômage et de donner sa vraie dimension au politique.
Pour que les majorités socialistes et sociales-démocrates, de gauche plurielle ou non, choisies par les peuples des différents États en Europe, trouvent un relais efficace et voient leur action prolongée au niveau européen, il faut une majorité politique de gauche au Parlement européen. C'est le sens même de la campagne que nous menons.
Les élections européennes auront aussi, je ne peux le cacher, une signification de politique intérieure, survenant deux ans après notre victoire de juin 1997.
Nous savons que le mode de scrutin d'une part et le sujet même des élections d'autre part, constituent un double risque de dispersion et d'abstention qui frappe d'abord les grandes formations politiques, mais qui peut ne pas épargner les petites. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu d'abord rassembler les forces de gauche qui y étaient disposées.
Les communistes et les Verts, pourtant sollicités, ont considéré que ce n'était pas encore mûr. Alors, nous nous sommes tournés vers ceux qui étaient davantage disponibles :
- d'abord ceux qui nous ont fait concurrence, durement, en 1994, sans qu'il y ait eu pourtant de différence majeure sur les questions européennes entre radicaux et socialistes, mais c'est là généralement que les compétitions sont les plus vives ;
- Nous avons ensuite, si je puis dire, tourné la tête de l'autre côté... je ne préciserai pas lequel..., vers ceux qui avaient fait d'autres choix que nous au moment du référendum de Maastricht sur la question de la monnaie unique. Ce Mouvement a bien voulu comprendre, a bien voulu accepter, a même voulu montrer qu'il y avait un double principe à faire valoir : un principe de responsabilité, en marquant bien que le résultat, le 13 juin, de notre liste, aurait un impact politique dans notre pays et au-delà, et que cela témoignerait aussi du soutien au Gouvernement qu'il sera peut-être utile de démontrer, et puis aussi un principe d'efficacité qui consiste à regarder vers l'avenir, à assumer les choix des uns et des autres, en donnant d'abord la priorité à ce qui compte, la croissance, l'emploi, l'Europe politique, le contrôle des citoyens. Et moi, je voudrais remercier tous ceux qui sont venus, dans ce Mouvement, sur cette liste pour faire un moment, un moment seulement, un bout de chemin avec les socialistes.
Je sais que certains, et c'est normal, chercheront les divergences et les nuances. Ils en trouveront. Mais il est clair que nous avons su nous mettre à jour avec nous-mêmes, ensemble, sur un même texte, sur une même plate-forme, sur un ensemble de propositions, et que ce texte nous engage tous. Nous n'avons pas essayé de faire un arrangement sans base politique, sans fondement intellectuel, nous avons voulu construire un rassemblement sur des propositions qui sont celles qui, aujourd'hui, sont présentées dans la campagne européenne à travers la liste que je conduis.
C'est ce texte commun qui nous rassemble et je peux ici vous faire cette confidence : il a été plus facile de se mettre d'accord sur ce texte que sur les places à accorder aux uns et aux autres sur la liste.
Et puis, nous avons voulu, justement à travers ce programme, cette plate-forme, montrer quelle était aujourd'hui notre priorité essentielle. Nous avons voulu acter que ces engagements-là n'étaient pas simplement des arguments de campagne, des incantations, mais qu'ils étaient vraiment ce qui allait nous animer au sein du groupe socialiste européen dans les cinq années qui viennent et que le clivage gauche-droite n'avait aucune raison d'être absent des élections européennes et du Parlement européen.
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Nous avons trois priorités dans cette campagne :
- D'abord construire une Europe de la croissance et de l'emploi.
L'Europe, ces dernières années, a réalisé un grand marché et s'est dotée d'une monnaie. Mais elle ne les a pas résolument mis au service de la croissance. Imprégnées par les idées libérales, les autorités européennes, c'est-à-dire non pas la Commission seulement (ce serait trop simple) mais tous les gouvernements nationaux conservateurs ces dernières années au pouvoir, ont eu l'illusion de penser qu'il suffisait d'assurer la libre circulation des marchandises et des capitaux, pour que, mécaniquement, la croissance soit au rendez-vous. Le taux de chômage d'aujourd'hui doit encore beaucoup à cette erreur d'appréciation, la prospérité n'était pas au bout des critères de convergence.
Voilà pourquoi, dans un contexte politique nouveau, marqué par l'arrivée au pouvoir de gouvernements socialistes depuis deux ans, nous devons proposer un nouveau cours à l'Europe, et à l'Europe monétaire et économique, en mettant en uvre une politique économique européenne.
Sur la politique monétaire d'abord. L'euro donne de la stabilité mais pas nécessairement de la croissance. Réussir l'euro emdash; et nous sommes en train de le faire grâce, en France, à Dominique STRAUSS-KAHN emdash; ce n'est pas simplement parvenir techniquement à substituer aux monnaies nationales un nouvel instrument monétaire, c'est utiliser la force monétaire nouvelle pour baisser les taux d'intérêt. La récente décision de la Banque Centrale Européenne, qui a été assez peu commentée emdash; elle est pourtant essentielle emdash; suppose que les autorités politiques se soient exprimé fortement pour en arriver là ; cela suppose aussi que la Banque Centrale Européenne ait fini par considérer que la principale menace sur ce continent n'est ni l'inflation emdash; elle a disparu emdash; ni la stabilité monétaire emdash; l'euro est stable emdash;, mais qu'il s'agit d'abord et avant tout du chômage.
Voilà pourquoi il faut, à travers des taux d'intérêt résolument bas, coordonner les politiques économiques pour arriver au meilleur niveau de croissance possible. C'est tout le sens de l'action qu'il faut mener aujourd'hui pour prévenir le ralentissement conjoncturel.
Cela exige un " Conseil de l'euro ", futur gouvernement économique européen, qui réglerait la demande et qui harmoniserait les fiscalités. Cela suppose aussi que les missions de la Banque Centrale Européenne soient résolument tournées vers la lutte contre le chômage.
Notre plate-forme et nos propositions comprennent aussi l'affirmation d'une politique de l'emploi. Nous devons, et c'est le sens des prochains travaux du Conseil européen, mettre en uvre un " Pacte européen pour l'emploi ", qui permettra de développer la formation, l'éducation, la lutte contre le chômage de longue durée, ainsi que la volonté de créer des emplois jeunes sur tout le continent européen.
Nous avons souhaité, et le Premier Ministre l'a accepté, qu'il y ait dans les propositions de la France, l'idée d'une " Conférence économique et sociale " avec les partenaires sociaux avant même le Conseil européen.
Il faut aussi, dans les prochains mois, dans les prochaines années, mettre le " Traité social " au premier rang de nos objectifs dans les négociations européennes en recherchant un salaire minimum à l'échelle de l'Europe, en souhaitant la convergence des standards sociaux en matière de salaires, de protection sociale et en permettant la négociation collective à l'échelle de l'Europe dans des domaines élargis, car la logique même du grand marché et de la monnaie unique, c'est qu'il n'y ait pas plus de distorsions. Méfions-nous que l'égalisation ne se fasse pas par le bas, qu'il y ait là un risque de démantèlement de nos systèmes de protection sociale. Nous devons, au contraire, souhaiter que la recherche d'une " bonne concurrence " porte l'ensemble des systèmes vers le haut et la préservation de l'ensemble des acquis sociaux en Europe.
- La deuxième priorité des socialistes, et de ceux qui nous accompagnent dans cette campagne, c'est l'Europe des citoyens.
Nous voulons une Europe de la culture et de l'éducation, la reconnaissance des diplômes, un programme ambitieux pour développer les échanges. Nous voulons même que le 1 % que nous avions, et que nous avons toujours, fixé comme objectif pour les dépenses de culture, à l'échelle de la nation, puisse également valoir à l'échelle de l'Europe.
Nous voulons aussi qu'en matière de formation, d'éducation et de services publics, il y ait une affirmation plus forte de l'Europe qu'aujourd'hui, et que, comme certains l'ont demandé, les principes de la laïcité soient clairement affirmés.
Nous voulons aussi qu'il existe une Europe des citoyens à travers la création d'un espace judiciaire commun. Elisabeth GUIGOU y travaille : la lutte contre l'argent sale, contre le trafic de drogue, ne peut se faire qu'à l'échelle de l'Europe. De la même manière, nous souhaitons une meilleure coordination des services de police, de justice, de façon à mieux concentrer nos efforts.
Enfin, nous voulons régler les problèmes quotidiens qui se posent à trop d'Européens : situations inextricables en matière de droit de la famille, en matière de droit d'asile, où ce sont les plus fragiles qui se font refouler de pays à pays, faute de clarification des règles.
Alors oui, nous voulons que l'Europe des citoyens ne soit pas simplement celle des citoyens européens, mais aussi de ceux qui vivent à l'extérieur de l'Union européenne. Sami Nair en parlait, c'est le sens de l'action en faveur du co-développement.
- Notre troisième priorité, et j'en aurai terminé, c'est l'Europe politique.
Au-delà des mots, car l'Europe ne se résume pas, comme l'a dit Catherine Lalumière, à une formule, nous souhaitons une construction originale qui emprunte à plusieurs schémas.
C'est vrai qu'il y a un caractère emdash; je ne blesserai personne ici en le disant emdash; fédéral de l'Europe, car lorsqu'on fait une monnaie unique, lorsque nous appelons de nos vux un gouvernement économique, lorsque nous souhaitons élargir les compétences européennes dans le domaine du droit à la justice, à la sécurité, à la défense, nous nous situons dans une évolution de caractère fédéral. De même, lorsque nous nous présentons à des élections pour le Parlement européen, dépassons-nous les logiques étatiques.
Mais, dans le même temps, nous le savons aussi, l'Union européenne doit être respectueuse des nations.
En effet, l'Union n'efface pas les identités, pas plus qu'elle ne construit les diversités. C'est pourquoi l'enjeu politique essentiel, dans les prochaines années, sera d'articuler les différents niveaux de citoyenneté. Le peuple français restera le détenteur exclusif de la souveraineté, conformément aux fondements essentiels de la république, mais en même temps, les citoyens français se verront offrir des droits nouveaux, au sein de l'Europe qui se construit. C'est pourquoi nous proposons une " Charte européenne des droits civiques et sociaux ", de façon à procéder à la fois à l'élargissement des droits des citoyens et à la reconnaissance de ce que signifie vivre en Europe au début du siècle prochain.
Cela supposera plus de démocratie. Démocratie au Parlement européen, aujourd'hui co-législateur, mais seule entité procédant directement du suffrage universel européen emdash; même si les Gouvernements procèdent aussi du suffrage universel nationalement.
Il est logique qu'il y ait deux niveaux de participation au travail législatif : contrôle démocratique sur toutes les activités de l'Union, meilleur définition des compétences et des pouvoirs de la Commission européenne, contrôle des Parlements sur l'activité européenne, mais aussi comportement particulier de l'exécutif, Premier ministre et Président de la République, dans les négociations européennes.
Et puis il y a la démocratie participative, celle qui n'appartient pas en propre aux formations politiques, mais aux syndicats, aux associations, aux collectivités territoriales et que nous devons faire émerger. Ce sont ces réseaux associatifs et sociaux qui manquent aujourd'hui à l'Europe.
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Nous devons aux Français, dans le contexte actuel, une vraie campagne électorale, sérieuse et ambitieuse, portant sur les enjeux essentiels : l'emploi, la paix, l'avenir du continent européen Le conflit du Kosovo s'y ajoute pour souligner encore le besoin d'Europe, il accroît notre responsabilité.
Le pire, dans cette période, ce serait de faire l'impasse, de faire le gros dos, de faire un temps mort et de vider le sens même de ce que nous voulons faire dans cette campagne, bref, de ne pas utiliser ces élections pour faire avancer l'Europe dans la direction que nous souhaitons.
Nous devons le faire dans le respect du corps électoral. C'est pourquoi nous avons présenté un programme qui nous engage tous, c'est pourquoi aujourd'hui nous présentons cette liste. Nous sommes les seuls à avoir annoncé l'ensemble des candidats de notre liste pour les élections. A l'instant où je vous parle, vous savez que le RPR, l'UDF, Démocratie Libérale ne savent pas quand ils pourront publier leurs listes. Ils attendent que les évacués, si je puis dire, de l'une, puissent renflouer l'autre.
A droite, Charles PASQUA, qui voulait faire du " gauche-droite ", n'est même pas à droite mais à la droite de la droite. Pour les autres, Philippe SEGUIN, Alain MADELIN et François BAYROU, ils préparent les élections, c'est vrai, mais pas les élections européennes. Le premier, Philippe SEGUIN, veut prendre sa revanche des élections législatives. Ce n'est pourtant pas le moment. Le deuxième, Alain MADELIN, prépare, nous dit-on, les élections municipales à Paris. Quant au troisième, il prépare toutes les autres.
Essayons, quant à nous, et Pervenche BERES nous rappelait à cette responsabilité, de préparer les élections européennes et rien que les élections européennes, car ce qui est en cause, c'est de savoir si l'Europe sera un grand marché ou un espace gouverné, si elle aura une monnaie unique au service la finance ou un euro au service de l'économie réelle, si elle sera un ensemble politique mou ou une force capable de donner aux nations européennes emdash; et d'abord à la nôtre emdash; la taille et la puissance qui lui manquent encore aujourd'hui.
Bref, le débat sera de savoir si nous voulons une Europe de droite ou une Europe de gauche, un marché ou une politique.
L'Europe, nous ne voulons pas en parler, nous voulons la faire. Mais nous voulons la bâtir selon notre vision, c'est-à-dire selon nos valeurs, nos principes, pour que cette Europe soit vraiment la nôtre.
Cette Europe, cher(e)s camarades et cher(e)s ami(e)s, il faut la construire ensemble !
(source http:// //www.parti-socialiste.fr, le 9 février 2001)