Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018 (nos 1371, 1395).
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Je reviens vers vous avec un projet de loi de finances rectificative - PLFR - qui a pour énorme avantage d'être conforme à la promesse du Gouvernement. En effet, l'année dernière, je me suis engagé devant vous à ne pas prendre de décret d'avance - ce sera désormais la norme - et à ne prévoir aucune mesure fiscale dans le PLFR, ce qui n'était jamais arrivé depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances - LOLF. Nous voulons soumettre à l'approbation du Parlement des enveloppes budgétaires sincères, respectueuses des crédits inscrits en loi de finances que vous avez votés. Nous revenons ainsi à une gestion budgétaire plus saine, comme en témoigne la baisse du taux de mise en réserve des crédits, qui passe de 8 à 3 %. J'ai réservé à l'Assemblée nationale la primeur de la nouvelle : à l'heure qu'il est, j'ai accepté le dégel de 2 milliards d'euros de crédits, conformément aux discussions en commission et entre ministres. Cette décision est importante pour la bonne gestion de nos finances publiques et de nos ministères.
Le choix technique du nouveau format de PLFR est mis au service d'une ambition politique : celle de permettre au Parlement de revaloriser ses droits. J'avoue, à ce propos, que je n'ai pas bien compris les débats en commission des finances. De concert avec les présidents des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, et les deux rapporteurs généraux, nous avons décidé que le collectif budgétaire de fin de gestion ne pouvait plus rester la voiture-balai qu'il était devenu, mêlant mesures fiscales oubliées et articles n'ayant pas trouvé leur place dans le projet de loi de finances - PLF. Le format que nous vous proposons va renforcer la portée de l'autorisation parlementaire. Le PLFR ne servira plus à refaire les débats du PLF ou du PLFSS - projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je donnerai donc un avis défavorable à l'intégralité des amendements prévoyant des changements en matière de fiscalité. Il ne me semble pas normal d'utiliser le PLFR de fin de gestion comme voiture-balai du Gouvernement - mea culpa ! - ou du Parlement.
Je refuserai donc d'entrer dans ce débat qui ne correspond ni à l'esprit de l'exercice, ni au souhait de nombreux parlementaires, tels que M. de Courson, qui nous rejoindra plus tard, ou M. Carrez. Celui-ci a eu l'occasion de souligner plusieurs fois - notamment le 5 décembre 2016, sous la précédente législature - que ces PLFR trop complets traduisaient manifestement des sous-budgétisations, rendant nécessaires des décrets d'avance trop importants. Même sous la majorité qu'il soutenait, en 2004, alors qu'il était rapporteur général, M. Carrez a évoqué cela comme un moyen classique d'éviter de solliciter l'autorisation parlementaire, pourtant garantie par la Constitution. En tant que président de la commission des finances, il a dénoncé le « vice » - je le cite - des défaillances significatives dans le budget initial dont témoignait le décret d'avance présenté par le Gouvernement. M. de Courson utilise, pour sa part, des mots plus durs encore pour qualifier cette façon un peu particulière de concevoir les textes de fin de gestion ; on aura sans doute l'occasion d'y revenir.
Enfin, la conférence des présidents du Sénat, et je l'en remercie, a noté que le Gouvernement a fait un effort de sincérisation, évitant un débat fiscal dans un moment peu propice à un échange intelligent et constructif.
Quant au délai accordé aux parlementaires pour déposer des amendements, réduit à quelques heures, je constate qu'ils ne s'en sont pas trouvés empêchés d'agir : 482 amendements ont été déposés, ce qui nous promet une fin de séance tardive.
M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Ce sont de vrais-faux amendements !
M. Gérald Darmanin, ministre. Beaucoup de ces amendements relèvent de la fiscalité et n'ont pas leur place dans ce texte. En revanche, ceux qui concernent l'aspect budgétaire nous donneront l'occasion de débattre.
Pour montrer que ce texte ne représente qu'un ajout très simple au projet de loi de finances et qu'il traduit la sincérité budgétaire à laquelle nous nous étions engagés, je voudrais confirmer la trajectoire du redressement des comptes publics. Le Gouvernement n'a pas menti dans ses prévisions : ainsi, nous avons constaté un déficit public en amélioration de 1,3 milliard, passant de 81,3 à 80 milliards d'euros. Le schéma retenu par le Gouvernement pour la fin de gestion nous permet de dépenser 600 millions de moins que prévu, conformément à l'objectif fixé. Vous pouvez donc constater, monsieur le rapporteur général, que nous avons tenu les engagements que nous avions pris devant vous.
Les ouvertures de crédits concernent les opérations extérieures et intérieures du ministère des armées - 400 millions d'euros -, les dépassements dans les dépenses de personnel de certains ministères, relatives au titre II - 300 millions, c'est un des éléments négatifs qui demeurent -, le léger surplus de la prime d'activité - 200 millions -, la faible augmentation de l'allocation des demandeurs d'asile - 100 millions -, les aides personnelles au logement - 100 millions - et les exonérations sur le périmètre de l'outre-mer - 100 millions également. Je rappelle que ces ouvertures seront intégralement gagées par des annulations à due concurrence, selon le principe d'auto-assurance que vous connaissez bien.
Je souhaite également rappeler que la prévision de croissance attachée à ce PLFR - 1,7 % pour l'année 2018 - ne contredit en rien le PLF pour 2019. Ce point a fait l'objet de longs débats à l'occasion de l'examen du PLF, l'année dernière comme cette année. Le déficit public est maintenu à - 2,6 % du PIB. Le solde structurel est inchangé, à - 2,2 % du PIB, tout comme l'ajustement structurel. Le taux de dépense publique reste égal à 54,6 % du PIB. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie - ONDAM - sera respecté, à 2,3 %. Enfin, les évolutions sur les recettes amènent le taux de prélèvements obligatoires, comme prévu, à 45 % du PIB en 2018.
Loin d'être un texte de circonstance, ce PLFR, dépourvu de débats de fin de gestion ou de mesures qui n'ont pas pu être proposées dans le cadre du PLF, vient au contraire soutenir les arguments du Gouvernement lorsqu'il dit vous présenter un budget sincère. Cette évolution montre que le Gouvernement a appris de l'année 2017 et qu'il respecte le principe d'autorisation parlementaire. Elle permet d'espérer un avenir meilleur, où le PLF représenterait le moment de la discussion fiscale et budgétaire, alors que le PLFR, sauf en cas d'événement majeur touchant notre nation, ne serait que l'occasion de vérifier que le Gouvernement n'avait pas menti à l'Assemblée nationale et au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - M. Jean-Louis Bourlanges applaudit également.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2018