Déclaration de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Paris le 23 octobre 2018.

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Texte intégral


M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (nos 1297, 1336, 1309).
- Présentation -
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. J'ai l'honneur de présenter devant vous, avec le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – pour 2019, le deuxième de ce quinquennat.
Ce texte n'est pas seulement la loi financière indispensable par laquelle le Parlement se prononce sur l'affectation et l'évolution des contributions et des dépenses, plus de 500 milliards d'euros, que les Français consacrent à leur sécurité sociale. Il porte une ambition politique forte, celle de bâtir un État-providence fidèle aux valeurs qui ont présidé à sa création, mais également adapté à l'évolution de notre société et de notre économie, aux nouvelles mobilités professionnelles, aux nouvelles formes de famille, aux nouveaux défis démographiques et aux nouveaux besoins de soins.
Universelle mais attentive aux situations particulières, attachée, selon les termes même de l'ordonnance du 4 octobre 1945, à « garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature », mais tout autant, lorsque c'est possible, à prévenir ces risques, la sécurité sociale du XXIe siècle est ce point de référence, ce socle stable sur lequel nos concitoyens peuvent s'appuyer lorsqu'ils sont malades, lorsqu'ils fondent une famille ou prennent leur retraite.
Elle est également l'une des expressions les plus manifestes de ce qui nous définit et nous unit en tant que Français, par le choix collectif que nous avons fait d'un système social solidaire et puissant.
Le PLFSS que le Gouvernement vous propose d'adopter est un texte de progrès qui consolide notre protection sociale pour lui permettre d'aborder des défis nouveaux, investit dans notre système de santé et accroît la protection des plus vulnérables.
Les Français se sont habitués à ce que les comptes de la protection sociale ne soient pas équilibrés, et ce qui aurait dû être une exception est devenu la situation la plus courante.
Dès son installation, le Gouvernement s'est pour sa part fixé comme objectif de rétablir de façon durable ces comptes. En conséquence, en 2019, pour la première fois depuis dix-huit ans, le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse seront équilibrés. C'est la résultante à la fois de la bonne tenue de notre économie et des efforts consentis par tous pour maîtriser l'évolution des dépenses. C'est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, et je pense notamment aux générations à venir, aux plus jeunes, car cela signifie que l'on cesse d'augmenter la charge qui pèsera sur eux.
Le Gouvernement vous propose d'aller plus loin dans cette direction et d'autoriser la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, à reprendre, entre 2020 et 2022, 15 des 27 milliards de dettes encore portées par la trésorerie de la sécurité sociale.
Nous confirmons ainsi l'objectif de faire disparaître la totalité de la dette de la sécurité sociale à l'horizon 2024. Il s'agit d'un choix politique et démocratique fort : le rétablissement de nos comptes nous donnera la capacité d'agir, d'être ambitieux dans notre volonté de transformation et d'envisager sereinement la couverture de nouveaux risques.
Investir et protéger sont les deux axes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : investir dans notre système de santé et protéger les plus fragiles, notamment en améliorant le recours aux soins et la réponse aux besoins de santé.
Le Premier ministre, en réunissant le 26 mars dernier le comité interministériel pour la santé, a consacré la prévention en santé comme une priorité de l'État dans son ensemble : la prévention en santé doit être l'affaire de tous, dans tous les domaines de l'action publique.
Investir dans notre système de santé, c'est d'abord investir dans la prévention. J'ai fait de la prévention en santé la priorité de mon action ministérielle. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avait concrétisé la volonté commune du Gouvernement et du Parlement de restaurer une parole forte de l'État en santé publique. Un an après, nous en constatons les premiers résultats, qu'il s'agisse du taux de vaccination des enfants, du nombre de fumeurs ou de le teneur en sucre de certaines boissons.
La mise en oeuvre de cette stratégie de prévention passe par différents vecteurs, pour certains conventionnels ou réglementaires, mais je veux aussi mentionner le puissant levier de transformation que constituera le service sanitaire, qui se met en place depuis cette rentrée et qui concernera près de 47 000 étudiants en santé. Le levier est double, en réalité : les futurs professionnels de santé bénéficieront, dans le cadre de leur formation, d'un temps spécifique et d'une expérience inédite dédiée à la prévention. Ils pourront démultiplier par leur action, au plus près du terrain, auprès des jeunes notamment, l'effet des messages de prévention.
Ce PLFSS concrétise, pour sa part, dans les nouveaux financements qu'il permet de dégager ou les nouvelles dispositions législatives qu'il prévoit, cette priorité de l'action gouvernementale.
Investir dans notre système de santé, c'est aussi investir dans la réorganisation de notre système de soins. Le 18 septembre dernier, le Président de la République a présenté le plan « Ma Santé 2022 : un engagement collectif ».
Ce plan se fonde tout d'abord sur l'analyse selon laquelle notre système de santé pâtit d'abord de l'insuffisante structuration des soins de proximité. Nous voulons donc mieux organiser, mieux structurer ces soins, qu'ils soient ambulatoires ou hospitaliers, en dépassant précisément un clivage qui n'a pas de pertinence du point de vue du patient.
Nous voulons inscrire le pays dans une perspective stratégique claire, qui permettra de mieux répondre aux attentes des Français, celle d'un exercice en ville regroupé ou coordonné, pluridisciplinaire, organisé à l'échelle d'un territoire pour mieux répondre aux besoins de soins non programmés par exemple ; celle d'hôpitaux de proximité et de professionnels de santé libéraux qui collaborent étroitement à l'organisation des soins ; celle d'une organisation et de modèles de financement adaptés aux pathologies chroniques, qui privilégient la prévention, la pertinence et facilitent la coordination des soins ; celle, enfin, d'acteurs de santé qui mettent les technologies numériques au profit d'une démarche de soins plus efficace.
Je constate que cette analyse et cette stratégie sont très largement partagées par les acteurs du monde de la santé. Nous entreprenons donc une action de transformation en profondeur, appelée à se développer sur l'ensemble du quinquennat mais qui commence dès maintenant.
Ce PLFSS porte ainsi plusieurs dispositions qui permettront de diversifier les modalités de financement des soins. C'est, j'en suis profondément convaincue, l'un des leviers principaux d'action pour opérer la mutation du système de santé. La dotation allouée sur critères de qualité passera ainsi de 60 à 300 millions d'euros. Par ailleurs, une rémunération forfaitaire du suivi de certains malades chroniques sera mise en place, dans un premier temps au sein des établissements de santé pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique, mais avec l'objectif de sortir du cadre hospitalier et de couvrir d'autres pathologies très rapidement.
C'est l'un des objectifs de la mission que j'ai constituée, sous le pilotage du directeur de la cellule statistique du ministère, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – DREES –, Jean Marc Aubert, pour faire évoluer le système de tarification à l'hôpital comme en ville : il me remettra ses préconisations à la fin de l'année.
L'objectif de cette mission est également de mieux tenir compte de la pertinence dans la prise en charge des actes et des séjours. Nous devons aux patients de faire progresser la pertinence des actes, des interventions et des parcours de soins. C'est une oeuvre de longue haleine qui doit impliquer la communauté des professionnels de santé et les autorités scientifiques. C'est mon combat : je n'aurai de cesse, à travers l'ensemble des outils à la disposition des pouvoirs publics, qu'il soit mené avec vigueur et je soutiendrai toutes les initiatives en ce sens comme l'amendement proposé par votre rapporteur général concernant la chirurgie du cancer.
La priorité donnée à la transformation du système de santé se traduit également, comme l'a annoncé le Président de la République, par un effort financier significatif puisqu'en 2019 l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, sera fixé à 2,5 %, taux le plus élevé depuis six ans.
Cet effort exceptionnel est destiné à investir dans la transformation. Il sera orienté vers les soins de proximité, la création de communautés professionnelles territoriales de santé, le recrutement d'assistants médicaux ou l'augmentation du nombre de structures d'exercice regroupé. Il sera également consacré à la modernisation de notre appareil de soins. Cela concerne l'investissement dans les systèmes d'information, en ville ou au sein des établissements, mais aussi les projets de modernisation et de restructuration immobilière. L'investissement hospitalier s'est réduit au cours des dernières années, notamment dans le secteur de la psychiatrie. Un investissement insuffisant porte le risque, à terme, d'une dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge. C'est pourquoi, dès cette année, une dotation supplémentaire de 200 millions d'euros sera allouée à l'aide aux projets d'investissement.
En quatre ans, 3,4 milliards d'euros seront consacrés, au total, à l'accompagnement du plan, dont un peu moins de 1 milliard pour la restructuration et la modernisation du tissu hospitalier.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale accorde également une place importante à l'innovation thérapeutique et à ce secteur clé du soin qu'est le médicament, dans la suite de la réunion du Conseil stratégique des industries de santé début juillet 2018.
La France est, d'ores et déjà, l'un des pays qui permet l'accès le plus large à l'innovation thérapeutique, à travers notamment le dispositif des ATU – autorisation temporaire d'utilisation. Ce projet de loi propose un certain nombre de dispositions pour aller plus loin, en élargissant notamment le système d'accès précoce à des médicaments innovants. La contrepartie à l'innovation est la bonne utilisation des moyens thérapeutiques existants pris en charge par l'assurance maladie. C'est pourquoi le Gouvernement propose également de soutenir le développement du générique.
Le deuxième axe de ce PLFSS est de mieux protéger. Mieux protéger, c'est d'abord améliorer l'accès aux soins et répondre plus spécifiquement aux besoins des plus fragiles. Ce projet de loi comporte à cet égard deux avancées sociales majeures.
En premier lieu, il donnera l'assise légale nécessaire au dispositif 100 % santé, anciennement appelé zéro reste à charge. Il se déploiera dans trois secteurs : les soins dentaires, l'optique et les aides auditives.
Depuis longtemps, depuis toujours en vérité, nos concitoyens se sont habitués à ce qu'existent des angles morts de la protection sociale, pour lesquels l'accès aux soins était dégradé. Pas moins de 17 % des Français déclarent ainsi avoir renoncé à des soins dentaires pour des raisons financières. La réforme que nous avons engagée leur permettra, d'ici à 2021, d'accéder à des équipements de santé indispensables. La sécurité sociale réinvestit ces secteurs du soin :elle y consacrera plus de 750 millions d'euros au cours des prochaines années et 220 millions dès 2019. Elle le fait dans le cadre d'un partenariat avec les professionnels des secteurs concernés mais aussi avec les assureurs complémentaires, dans le cadre des négociations engagées.
Pour tous nos concitoyens, puisque la réforme bénéficie à tous, et pour les plus âgés d'entre eux notamment, cette avancée est considérable. Le reste à charge moyen pour une aide auditive s'élève aujourd'hui à 850 euros par oreille. À compter de 2021, il sera possible d'accéder à une offre sans reste à charge et dès 2019, les assurés bénéficieront d'un gain moyen de 200 euros par oreille.
La deuxième réforme qu'il vous est proposé d'adopter est la transformation de l'aide à la complémentaire santé – ACS – en une couverture maladie complémentaire contributive. La mise en place de la couverture maladie universelle complémentaire, il y a près de vingt ans, a constitué un progrès social essentiel, qui bénéficie aujourd'hui à cinq millions et demi de nos concitoyens.
L'aide à la complémentaire santé, déployée quelques années plus tard et qui s'en voulait le prolongement, n'a pas eu le même impact : nous savons aujourd'hui que le taux de recours effectif à cette aide ne dépasse pas 35 %. Nous faisons donc le choix d'un dispositif plus complet dans la protection qu'il offre et plus favorable aux personnes pour lesquelles le coût des soins est le plus élevé, les personnes âgées. Elles pourront, sous les mêmes conditions de ressources que l'aide à la complémentaire santé actuelle, bénéficier de la couverture de la CMU complémentaire pour moins de 1 euro par jour. Là encore, il s'agit d'un progrès considérable, bénéficiant potentiellement à plus de 3 millions de personnes.
Avec ces deux réformes, le 100 % santé et la transformation de l'aide à la complémentaire santé, nous contribuons à renforcer encore une particularité affirmée de notre système social : le haut niveau de prise en charge collective des dépenses de sant.
Ce PLFSS renforce également les moyens à disposition des EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – et de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Il s'agit de mettre en oeuvre la feuille de route que j'ai présentée le 30 mai dernier. Ainsi la convergence tarifaire sera accélérée pour renforcer les moyens en personnels soignants : 360 millions d'euros supplémentaires seront engagés sur la période 2019-2021, et 125 millions dès 2019. De même, des moyens supplémentaires seront consacrés tant à la permanence des soins, avec la généralisation des astreintes infirmières partagées, qu'à la continuité des prises en charge, avec le développement de places d'accueil temporaire.
Cette feuille de route s'inscrit dans une perspective plus large : j'ai lancé, vous le savez, le 1er octobre dernier, les travaux de la mission de concertation sur le grand âge et l'autonomie. Le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans aura triplé d'ici à trente ans. Il s'agit d'un défi sociétal majeur : c'est maintenant que notre pays doit s'y préparer, en réfléchissant aux organisations à mettre en place et aux conditions de leur financement. Les travaux engagés, qui associent des parlementaires, permettront au Gouvernement de préparer dès l'année prochaine un projet de loi qu'il soumettra aux assemblées.
Je souhaite mentionner, enfin, l'attention toute particulire portée aux personnes autistes et atteintes de troubles du neuro-développement, ainsi qu'à leurs familles. Ce PLFSS met en oeuvre les dispositions arrêtées dans le cadre du quatrième plan présenté début avril par Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, dont l'article 40 consacre la création du forfait d'intervention précoce, qui permettra, en dépassant le périmètre habituel des prestations prises en charge par la sécurité sociale, de combler une réelle carence dans la détection des enfants autistes et atteints de troubles du neuro-développement, ainsi que dans l'intervention précoce auprès d'eux.
Mieux protéger, c'est aussi construire un système de retraite universel et équitable, qui rétablira la confiance des Français dans la pérennité de leur système de retraite. Ce PLFSS ne comporte aucune disposition relative aux pensions, puisque la refonte du système de retraite donnera lieu à un projet de loi ad hoc l'année prochaine.
La réunion de concertation multilatérale, que nous avons organisée avec le Haut-commissaire à la réforme des retraites le 10 octobre dernier, a été l'occasion de préciser les principes sur lesquels devra s'appuyer le système universel. Nous construirons un nouveau système de retraite plus juste et plus simple, reposant sur le principe d'universalité des droits : 1 euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous.
Nous ferons cette réforme pour nos enfants, afin que les jeunes générations bénéficient d'un système de retraites plus lisible, plus solide et plus solidaire. Le temps de la retraite étant un temps long, nous avons précisé que la transition sera très progressive, pour tenir compte de la diversité des situations, et qu'elle s'étalera sur plusieurs années. Sur ces bases, les concertations que mène le Haut-commissaire Jean-Paul Delevoye se poursuivront jusqu'à la finalisation du projet de loi.
Mieux protéger, enfin, c'est vouloir donner la priorité aux plus fragiles. Toutes les prestations évolueront en 2019 et 2020 d'au moins 0,3 %. Les minima sociaux évolueront, pour leur part, au rythme de l'inflation et certains, comme le minimum vieillesse et l'allocation adulte handicapé, bénéficieront de revalorisations exceptionnelles : au 1er janvier 2020, le minimum vieillesse aura été ainsi revalorisé par le Gouvernement de 100 euros, conformément aux engagements du Président de la République.
Aider les plus fragiles, c'est aussi le sens de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, que le Président de la République a présentée le 13 septembre dernier et qui donne la priorité aux enfants des familles les plus pauvres. Ce plan entend répondre de façon concrète et pragmatique aux besoins de ces familles.
Si j'assume pleinement ce choix, qui irrigue la politique familiale que je conduis, c'est que j'assume celui de consacrer d'abord à ceux qui en ont le plus besoin les moyens de notre solidarité nationale, de même que j'assume celui de considérer l'action comme prioritaire, pour dépasser les formes d'assignation sociale que subissent ces familles et ces enfants. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2018-2022 signée avec la CNAF – Caisse nationale des allocations familiales –, les moyens du Fonds national d'action sociale augmenteront de 10 %. Ces moyens supplémentaires serviront d'abord à créer 30 000 places de crèches, qui seront orientées prioritairement, par des bonifications particulières, vers les territoires et les familles les plus vulnérables.
Nous demeurons toutefois attentifs également à l'évolution des besoins exprimés par les familles et leurs représentants, et entendons y répondre. Je veux à cet égard saluer la très grande qualité du travail de votre collègue, Mme la députée Marie-Pierre Rixain, qui se traduit dans ce projet de loi par des propositions d'équité au bénéfice des femmes travailleuses indépendantes, propositions que le débat parlementaire permettra sans nul doute d'enrichir.
Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter trace des perspectives d'avenir, celles d'une sécurité sociale équilibrée, bientôt désendettée, qui investit dans le système de santé et protège mieux les plus fragiles. Avancer en solidarité, résolument, pragmatiquement, sur la voie du progrès social, tel est l'objectif que vous propose le Gouvernement.(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Je serai concis, m'intéressant plus particulièrement au volet recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mes propos s'inscrivant, évidemment, en complément de ceux qu'a tenus Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Je tiens tout d'abord à souligner que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est à la fois pleinement cohérent avec le projet de loi de finances dont vous venez d'adopter la première partie – je vous en remercie – et parfaitement complémentaire. Il est cohérent puisque c'est de la maîtrise de la dépense sociale que procèdent tout à la fois la réduction du déficit des comptes sociaux et leur retour prochain à l'équilibre – Mme la ministre l'a souligné –, ainsi que le retour à l'équilibre des comptes de la nation, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques adoptée l'an passé.
Je vous rappelle que, s'agissant de la dépense publique, 30 % de la dépense publique sont de la responsabilité de l'État, 20 % de celle des collectivités territoriales tandis que 50 % relèvent de la dépense sociale – dépense sociale dont les retraites représentent environ la moitié. Un ministre du budget qui ne serait pas également ministre des comptes sociaux – comptes sociaux dont il partage la responsabilité avec la ministre chargée des solidarités et de la santé –, ne pourrait pas couvrir l'intégralité du champ de la dépense publique, endettement public et réduction du déficit compris. Madame la ministre l'a souligné, avec un déficit de 1 milliard d'euros en 2018 et une prévision d'un solde excédentaire de 700 millions d'euros en 2019 – une première depuis dix-huit ans –, nous parvenons à respecter l'engagement du Gouvernement de retour à l'équilibre. Si, avec l'aide de ceux qui nous ont précédés, nous avons réussi à boucher le trou de la sécurité sociale, c'est, d'une part, grâce aux mesures courageuses que nous avons prises dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et, d'autre part, parce que les professionnels de santé et les Français ont consenti des efforts en vue d'obtenir ce résultat. Il nous faudra de la même manière réduire la dette sociale : il n'existe en effet pas plus de cagnotte sociale que de cagnotte fiscale – je pense que M. le rapporteur général y reviendra. La résorption de la dette sociale se poursuivra jusqu'en 2024, le PLFSS pour 2019 prévoyant, au cours de ces trois prochaines années, de transférer à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – 15 milliards d'euros de la dette résiduelle portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – et de lui affecter, en contrepartie, la part supplémentaire de CSG, je n'y reviens pas.
S'agissant des efforts des Français, je tiens à souligner ceux qu'ils consentent par l'intermédiaire de leurs impôts pour tenir un ONDAM à 2,5 % en 2019, lequel, bien qu'il soit au-dessous du tendanciel, permettra de réaliser des investissements. Certes, le Gouvernement s'était engagé à une hausse des dépenses de 2,3 %. Compte tenu notamment du plan hôpital, la ministre des solidarités et de la santé a porté l'ONDAM à 2,5 % : ceux qui, dans votre assemblée, sont attentifs à la santé dans les territoires, y verront la priorité du Gouvernement.
Nous avons enfin évoqué en commission, puis en séance publique lors de l'examen du PLF, un point qui, pour être technique, n'en est pas moins important : il s'agit du rapport de MM. Charpy et Dubertret, sur l'état des lieux et les enjeux des réformes pour le financement de la protection sociale, rapport qu'ils ont remis aux deux commissions des affaires sociales de l'Assemblée et du Sénat, en vue de rendre plus simples et plus solidaires les règles de solidarité entre l'État et la sécurité sociale. Je tiens à les remercier pour le travail important qu'ils ont réalisé.
M. Gilles Lurton. L'un est malouin.
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est vrai, monsieur le député, mais nous n'allons pas inventorier les origines de tous les auteurs de rapports.
Il faut bien avouer que, les tuyauteries entre l'État et la sécurité sociale ayant été multipliés, on avait du mal à s'y reconnaître. Ces relations doivent être simplifiées afin d'être rendues plus claires, notamment pour le législateur. La Cour des comptes nous a d'ailleurs largement encouragés à aller en ce sens. Le changement de méthode, initié par le Parlement et confirmé par le Gouvernement, permettra au contribuable de reconnaître ses petits sans toutefois remettre en cause une sécurité sociale qui doit être, si ce n'est autonome, du moins différenciée du projet de loi de finances.
La révolution, annoncée par le Président de la République au cours de sa campagne électorale et mise en place par la majorité parlementaire à la suite de son élection, consiste rien moins qu'à concevoir l'État-providence du XXIe siècle. Celui-ci, en reposant non plus sur la seule assiette du système assurantiel, mais sur un impôt social comme la CSG, est la concrétisation des discours que nous prononçons dans le cadre des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Celui-ci est cohérent, enfin, en raison du lien évident qu'il entretient avec le projet de loi de finances, s'agissant notamment des choix forts effectués par le Gouvernement en faveur du travail, lequel doit payer plus. Je pense à toutes les dispositions sociales et fiscales que nous prenons au bénéfice des travailleurs des classes populaires et moyennes. Il en est ainsi des mesures de la loi PACTE relatives au travail qui se retrouvent dans le PLFSS, comme celles concernant le forfait social, la participation ou la désocialisation des heures supplémentaires. De plus, alors que, conformément au programme présidentiel, la loi de programmation des finances publiques ne prévoyait l'application de cette dernière mesure qu'en 2020, celle-ci a été avancée au 1er septembre 2019 : à compter de cette date, les cotisations sociales sur les heures supplémentaires seront supprimées. Il faut savoir qu'elles sont effectuées en très grande partie par les jeunes, à savoir des salariés âgés de moins de 45 ans, et que ces salariés appartiennent en majorité, je l'ai dit, aux classes moyennes et populaires. Ces ouvriers et ces employés bénéficieront grâce à cette suppression des cotisations d'une hausse de 11 % de leur pouvoir d'achat.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avons eu un débat assez long sur les heures supplémentaires. Le Gouvernement a choisi de supprimer à la fois les cotisations salariales maladie et chômage et les cotisations salariales sur les heures supplémentaires. Ces deux mesures sont bien plus généreuses pour les travailleurs, mais aussi, il faut l'avouer, bien plus coûteuses, que la défiscalisation des heures supplémentaires adoptée dans le cadre de la loi TEPA – travail, emploi et pouvoir d'achat –, qui était déjà une mesure importante, mais ne concernait que les salariés imposables, par exemple, un salarié payé au SMIC sans demi-part fiscale supplémentaire. En revanche, un couple avec deux enfants dont l'un des membres était payé au SMIC ne pouvait pas en bénéficier. Le même couple, au contraire, bénéficiera de la désocialisation des heures supplémentaires et de la suppression des cotisations salariales : quels que soient les scénarios, en termes de gain de pouvoir d'achat, la désocialisation des heures supplémentaires est plus avantageuse que ne l'était leur défiscalisation dans le cadre de la loi TEPA, laquelle constituait une première avancée. Nous reviendrons sur le sujet, ce soir ou plus vraisemblablement demain, lorsque nous aborderons la question des heures supplémentaires.
Je pourrai d'ailleurs vérifier si nos amis du groupe Les Républicains sont cohérents avec ce qu'ils ont annoncé à plusieurs reprises en votant la mesure du Gouvernement. Il en est de même pour les membres du Parti socialiste, puisque je me souviens d'un premier ministre déclarant, il n'y a pas si longtemps à cette tribune, que les socialistes avaient commis une erreur lorsqu'ils ont supprimé l'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Ce sera donc sans doute pour eux l'occasion de réparer la faute commise par l'ancienne majorité.
M. Boris Vallaud. Le premier ministre dont vous parlez a siégé sur les bancs du groupe La République en marche !
M. Régis Juanico. Cela devait être Olivier Dussopt ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais je vois bien que ma voix mélodieuse avait entraîné M. Vallaud dans certaines hauteurs et qu'il était parti un peu loin du discours que je prononce. En le provoquant, je l'ai ramené à la réalité de notre hémicycle. (Sourires.)
Je veux également souligner l'intérêt, pour le Gouvernement, d'insérer dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale des mesures concrétisant les dispositions de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel – la loi Pénicaud – et les efforts faits par Mme la ministre du travail, notamment sur les plans d'investissement dans les compétences. Ce PLFSS traduit les dispositions que vous avez votées après de longs débats courageusement menés par Mme la ministre du travail. Je n'y reviendrai pas, sauf évidemment lors de l'examen des articles.
Je dirai quelques mots sur la transformation du CICE en allégements de charges. C'est un point très important pour nos finances publiques, qui explique le ressaut du déficit de l'État. En effet, c'est l'État qui supporte cette dépense publique, et sans la transformation du CICE en allégements de charges, le déficit de l'État serait bien moindre que celui que nous avons présenté – il serait même inférieur à celui que nous avons présenté l'année dernière. Cet allégement de charges permet aussi aux entreprises de bénéficier de la fameuse « année double » représentant un gain de trésorerie de 20 milliards d'euros pour les entreprises. Ce type de mesure permet de soutenir l'emploi.
Comme l'a dit Mme la ministre, c'est la première fois dans l'histoire de la République sociale que les entreprises, mais aussi le monde associatif, qui ne bénéficiait pas jusqu'alors du CICE, pourront embaucher des gens sans payer de charges au niveau du SMIC. Désormais, les entreprises n'ont plus d'excuse tenant à la difficulté d'embaucher ! Que l'on soit un employeur agricole, une grande entreprise, une PME, une TPE ou une association de l'économie sociale et solidaire, on paiera zéro euro de charges sur les salaires au niveau du SMIC. Il s'agit d'une mesure très importante dont la majorité peut être fière et, me semble-t-il, d'un sujet social très important et structurel.
Je ne reviendrai pas en détail sur les questions de santé ou les affaires familiales, que Mme la ministre vient d'évoquer.
Je tiens tout de même à aborder la revalorisation substantielle des minima sociaux. Sur ce sujet, Mme la ministre n'a peut-être pas précisé qu'au-delà du PLFSS, elle dispose de crédits budgétaires en augmentation, tant sur les minima sociaux que sur la prime d'activité. J'ai lu beaucoup de bêtises, notamment que la revalorisation modérée de 0,3 % ne toucherait pas un certain nombre de prestations comme le RSA. Or les revalorisations suivent évidemment le niveau de l'inflation.
Je ne reviendrai pas sur la modification des règles relatives au congé maternité, qu'a évoquée Mme la ministre.
Ce PLFSS contient également une mesure de correction de la CSG, promise et concrétisée par le Premier ministre à la demande du Parlement, pour 350 000 retraités. Je peux d'ailleurs faire un parallèle avec les mesures sur la taxe d'habitation et la redevance audiovisuelle que nous avons introduites dans le PLF suite à l'intervention du député Houlié et de ses collègues.
Enfin, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les députés, je voudrais souligner le travail très important réalisé par votre rapporteur général, ainsi que le rapport rendu par Mme la députée Cloarec sur la contemporanéité des prestations, qui intéresse particulièrement le Gouvernement. Nous oeuvrons non seulement pour la contemporanéité des impôts – le cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés a été rendu pérenne, sans parler du prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source, dont nous avons déjà discuté pendant de longues heures, mais je ne voudrais pas que l'absence de M. Le Fur nous empêche d'évoquer ce sujet (Sourires) –…
M. Ian Boucard. Nous le ferons à sa place !
M. Gérald Darmanin, ministre. …mais également pour la contemporanéité des APL et des prestations sociales. La logique de juste prestation, que nous poursuivons dans ce PLFSS, est évidemment très importante. Le fait de verser les prestations aux bénéficiaires au moment où ils y ont droit, et non avec un décalage, nous permet à la fois de lutter contre la fraude et de concentrer les moyens sur ceux qui en ont vraiment besoin. C'est un point très important, je le répète, en attendant la grande réforme évoquée par le Président de la République il y a quelques semaines, qui nous occupera sans doute dans les prochaines années.
Mesdames et messieurs les députés, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même serons très heureux de répondre, après la discussion générale, à vos questions sur le volet recettes du PLFSS.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de dire quelques mots. Sans cela, je crois que j'aurais été un peu frustré et que M. Vallaud n'aurait pas passé un bon après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 octobre 2018