Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la santé (no 1302, annexe 38 ; no 1305, tome I) et à la solidarité, l'insertion et égalité des chances (no 1302, annexe 41 ; no 1305, tome II).
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M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames les rapporteures spéciales, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter ce matin le budget pour 2019 des missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Santé ». Je veux souligner d'emblée la cohérence politique de ces deux budgets avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale que votre assemblée a adopté en première lecture la semaine dernière. Ils expriment les mêmes choix : la priorité est donnée aux plus fragiles, afin de répondre de façon spécifique à leurs attentes et d'agir sur les facteurs du déterminisme social, et aux salariés modestes, pour que le travail paie davantage.
Cette priorité sociale du Gouvernement se lit d'abord dans l'évolution des crédits de chacune de ces missions. Ceux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent de près de 7 %, les politiques menées dans ce domaine bénéficiant ainsi en 2019 de 1,3 milliard d'euros supplémentaires. Ceux de la mission « Santé » progressent quant à eux de 3,5 %, traduisant la volonté du Gouvernement de garantir le droit fondamental à la santé et de développer la prévention.
Ce budget est d'abord celui d'une solidarité renforcée au bénéfice de nos concitoyens les plus modestes. Je veux évoquer en premier lieu la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre dernier par le Président de la République. Le Gouvernement a bâti un plan qui va se déployer dans tous les territoires, avec pour objectifs de renforcer l'accès aux services de la petite enfance, de conforter les droits fondamentaux des enfants, et, pour les jeunes et les adultes, de renforcer l'insertion par l'emploi. Le programme 304 est le support budgétaire principal de la stratégie. Il regroupe les crédits dédiés à la contractualisation avec les territoires, qui s'élèvent en 2019 à 171 millions d'euros ; 135 millions d'euros seront consacrés à la contractualisation avec les départements, avec quatre objectifs : l'accompagnement des sortants de l'aide sociale à l'enfance ; le renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA ; la formation des travailleurs sociaux ; l'accueil social de proximité.
L'effort de solidarité s'exprime également et fortement au travers de l'évolution des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », portés à 11,9 milliards d'euros, en hausse de 5,1 % par rapport à 2018. Cette augmentation très importante traduit la priorité donnée pour le quinquennat à la construction d'une société plus inclusive et permet de concrétiser l'engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l'allocation pour adulte handicapé, l'AAH. Cette revalorisation permettra de porter le niveau de l'aide à taux plein à 860 euros dès ce mois, ce qui représentera une progression de 41 euros par mois. L'allocation sera ensuite portée à 900 euros par mois fin 2019. Il s'agit globalement d'un investissement de plus de 2,5 milliards d'euros sur le quinquennat, destiné à améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Les crédits dédiés aux emplois accompagnés pour ces personnes augmenteront également de 40 % par rapport à l'année dernière.
L'engagement du Gouvernement s'inscrit pleinement dans le cadre du comité interministériel du handicap organisé le 25 octobre dernier, qui a permis de mobiliser l'ensemble des ministères autour du Premier ministre, Edouard Philippe, et de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, pour mettre en oeuvre des mesures de simplification en faveur des droits des personnes et lutter contre les ruptures de parcours.
L'effort de solidarité bénéficie en troisième lieu à nos compatriotes d'outre-mer, dans deux territoires confrontés à des difficultés sociales importantes : la Guyane et Mayotte. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République en octobre 2017, l'État reprend à sa charge le financement du RSA dans ces deux collectivités à compter du 1er janvier 2019, pour un montant de 170 millions d'euros. Il s'agit de soulager les collectivités du poids du financement et de l'attribution du RSA, sans pour autant remettre en cause leurs compétences en matière d'insertion des bénéficiaires.
L'État assume également pleinement ses responsabilités s'agissant des mineurs non accompagnés. À compter de 2019, l'appui aux conseils départementaux pour la mise à l'abri et l'évaluation des personnes se présentant comme mineures sera renforcé par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d'un forfait par jeune évalué. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera déployé en 2019. Plus largement, l'effort engagé dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et de la gestion des mineurs non accompagnés traduit la volonté du Gouvernement d'oeuvrer à l'avènement d'une nouvelle contractualisation entre l'État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. Je conduirai cette politique aux côtés de Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je veux évoquer enfin l'aide médicale d'État, l'AME. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, je suis attachée à la préservation de cette aide, qui représente à la fois un dispositif humanitaire, conforme à nos valeurs républicaines, et un dispositif sanitaire nécessaire dans l'intérêt de la santé publique. Les crédits qui y sont consacrés il n'est pas inutile de le préciser une nouvelle fois servent à financer des prestations de santé qui sont dispensées pour l'essentiel par les hôpitaux de notre pays ; ils permettent donc d'éviter que les établissements de santé ne supportent seuls la charge correspondante. Nous restons dans le même temps très attentifs aux conditions d'ouverture des droits : en 2019, la centralisation de l'attribution des droits dans trois caisses primaires d'assurance maladie Paris, Bobigny et Marseille permettra un traitement plus homogène et un meilleur contrôle des demandes.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » reflète également un effort sans précédent au bénéfice des salariés modestes de ce pays. La prime d'activité une prestation importante qui soutient le pouvoir d'achat et incite à la reprise d'activité bénéficie à 2,8 millions de nos concitoyens. Durant sa campagne, le Président avait pris l'engagement de la revaloriser de 80 euros pour un salarié au SMIC d'ici la fin du quinquennat. Cette revalorisation s'ajoutera au gain de pouvoir d'achat de 20 euros par mois du fait de la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, pleinement effective depuis le mois dernier, permettant d'atteindre un gain total de 100 euros au SMIC d'ici 2022.
Le Gouvernement a décidé d'amplifier les incitations à la reprise d'activité et d'aller vite et fort en 2019 et 2020 pour revaloriser le montant de la prime. Ainsi, la prime d'activité au SMIC augmentera de 30 euros supplémentaires dès le mois d'avril 2019 : plusieurs centaines de milliers de ménages bénéficieront donc dans quelques mois d'un gain de pouvoir d'achat significatif, plus important et plus rapide que prévu par la loi de programmation des finances publiques. Elle augmentera à nouveau de 20 euros en avril 2020, et de 20 euros en 2021, soit un total de 80 euros d'ici 2021. Les engagements du Président de la République, mesdames et messieurs les députés, seront donc pleinement tenus, et c'est l'honneur de ce Gouvernement et de cette majorité de respecter le contrat passé avec les Français.
M. Sylvain Maillard. C'est bien vrai !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je souhaitais pour conclure évoquer deux programmes à forte dimension transversale. Il s'agit en premier lieu du programme 137. Comme vous le savez, l'égalité entre les femmes et les hommes a été érigée par le Président de la République en grande cause nationale du quinquennat. Cet engagement s'est traduit par un ensemble de mesures annoncées le 25 novembre 2017, mobilisant le Gouvernement lors du comité interministériel du 8 mars dernier. Le programme 137 est l'un des outils de cette politique, qui s'appuie sur un ensemble de crédits beaucoup plus important ; le taux d'exécution est en revanche en hausse de plus de 30 points et proche de 100 %, ce qui est le signe d'une efficacité accrue dans la conduite des actions.
Le second programme est le programme 204, dont une partie des crédits est consacrée à la prévention. Nous en avons beaucoup débattu lors de l'examen en commission. Les crédits relatifs à la prévention au sein du programme 204 s'élèvent à 89 millions d'euros ; ils sont destinés en majorité à la dotation à l'Agence nationale de santé publique, l'ANSP, dont les moyens vont progresser de plus de 2 millions d'euros. Mais l'essentiel se joue ailleurs : dans la transformation des pratiques, qui inclut et valorise la prévention pendant le temps soignant, et dans l'évolution de la formation des professionnels de santé qui, à compter de cette année, va comprendre un temps dédié à la prévention avec la création du service sanitaire pour 47 000 étudiants en santé.
C'est ce changement en profondeur de notre système de santé que nous mettons en oeuvre dans le cadre du projet « ma santé 2022 » et que soutient également ce budget. Mesdames et messieurs les députés, c'est donc, vous l'aurez compris, un budget social porteur d'une ambition sociale et sanitaire exceptionnellement forte que je vous demande de soutenir résolument. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(...)
M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Catherine Osson, pour une première question du groupe La République en marche.
Mme Catherine Osson. Madame la ministre des solidarités et de la santé, depuis le début des années 2000, la pauvreté ne recule plus. Nous y étions pourtant habitués depuis les années 1960 : il s'agit donc d'une rupture historique dans notre histoire sociale. Cette situation ne correspond pas à un appauvrissement massif des plus pauvres, mais à une augmentation du nombre de personnes dont les conditions de vie sont dégradées du fait d'événements brutaux et qui n'ont plus assez pour vivre dignement.
C'est ainsi qu'en dépit d'une forte hausse des dépenses sociales, la pauvreté demeure et gagne même du terrain. Cette progression tmoigne de l'inefficacité des dispositifs curatifs mis en place jusqu'à présent.
Le plan pauvreté présenté aux Français le 13 septembre 2018 prévoit vingt-et-une mesures qui visent à émanciper nos concitoyens en progressant vers l'égalité des chances. Elles sont destinées à la fois à la petite enfance, à la formation, et à l'accompagnement de tous vers l'emploi. Un investissement de 8,5 milliards d'euros sur le quinquennat est ainsi prévu en faveur des plus démunis.
Par ailleurs, cette stratégie de lutte et de prévention de la pauvreté tient compte des situations particulières des territoires, dont je veux parler aujourd'hui. La proximité permettant une plus grande efficacité, ce sont les collectivités qui seront chargées de la mise en œuvre de ce plan. L'État définira ainsi un cadre de contractualisation avec les collectivités chefs de file, qui sera centré sur des priorités partagées.
Le projet de loi de finances pour 2019 comporte une enveloppe de 135 millions d'euros destinée à la mise en oeuvre de ces contrats territoriaux. Un fonds de lutte contre la pauvreté d'un montant de 200 millions d'euros doit être créé pour soutenir cet effort de contractualisation.
Je m'interroge toutefois sur la coordination des vingt-et-une mesures destinées à être appliquées à l'échelle nationale et des contrats territoriaux ayant vocation à être adaptés à chaque collectivité. Ma question est donc la suivante : comment comptez-vous assurer une prise en charge uniforme de la pauvreté à l'échelle nationale tout en adaptant le traitement de la pauvreté aux problématiques locales ?
Par ailleurs, quelle sera la nature de l'accompagnement que l'État offrira aux collectivités locales dans la prise en charge de cette problématique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, vous m'interrogez sur la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté au niveau des territoires. Vous avez raison : la stratégie doit être mise en œuvre au plus près des publics concernés, au plus près des territoires. L'État a pour mission d'organiser le pilotage par les acteurs, qu'il s'agisse d'associations ou de collectivités, à l'échelon régional.
Des animateurs seront désignés parmi eux, associations ou collectivités, pour faire avancer le travail collectif sur les différentes thématiques de la stratégie. En ce qui concerne les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d'aide sociale, la stratégie prévoit une contractualisation ambitieuse avec les conseils départementaux. Les travaux de contractualisation ont déjà été engagés avec les territoires démonstrateurs de la stratégie ; la contractualisation sera ensuite déployée avec l'ensemble des départements, avant la fin du premier semestre 2019.
Cette contractualisation s'appuie sur 135 millions d'euros de crédits, dont 50 millions d'euros dédiés au fonds d'appui aux politiques d'insertion en 2019. Elle atteindra au moins 210 millions d'euros en 2022. Elle porte sur un socle de thématiques et d'actions dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance, de l'insertion, des droits fondamentaux des enfants et du travail social. Une part est laissée à l'initiative des départements, qui pourront proposer des actions en lien avec les ambitions de la stratégie, par exemple en matière de prévention dans le domaine de la protection maternelle et infantile ; l'État apportera alors son soutien à ces actions.
Notre stratégie est le fruit d'une large concertation de terrain. Sa mise en oeuvre requiert une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l'ensemble des acteurs, à partir des territoires. L'État se porte garant, évidemment, du pilotage stratégique de l'ensemble.
M. le président. La parole est à M. Philippe Chassaing, pour une deuxième question du groupe La République en marche.
M. Philippe Chassaing. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la politique publique menée en matière de lutte contre la pauvreté. Après une baisse continue depuis l'après-guerre, le niveau de pauvreté dans notre pays s'est stabilisé autour de 14 %. Cette stabilité nous conduit à nous interroger quant à l'efficacité des politiques publiques visant à réduire la pauvreté.
Il est relativement facile de définir la pauvreté ; il est plus difficile, en revanche, d'identifier les processus multiples et souvent cumulatifs qui y conduisent. Pour agir efficacement contre la pauvreté, il est donc nécessaire d'actionner simultanément de multiples leviers et de mobiliser des acteurs divers, ce qui rend complexe l'élaboration globale d'une politique sociale efficiente en matière de lutte contre la pauvreté.
Les processus qui conduisent à la pauvreté ne cessent par ailleurs d'évoluer en fonction des mutations sociales ; pour inverser la tendance, il faut donc adapter et améliorer les politiques publiques en permanence.
Aussi voudrais-je vous interroger sur les innovations en matière de politiques publiques pour répondre aux enjeux de la pauvreté. Ma question porte d'abord sur les interactions entre acteurs de cette politique : État, départements et métropoles agissent en effet de concert pour lutter contre la pauvreté. Quelles mesures envisagez-vous pour développer les synergies entre ces différents acteurs ?
Les minima sociaux sont en outre particulièrement opaques, et ressentis comme stigmatisants par les allocataires. Comment rendre le versement de ces minima sociaux à la fois plus acceptable d'un point de vue social et plus lisible ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarits et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, vous m'avez posé plusieurs questions.
Tout d'abord, il faut évidemment mener des actions pour développer les synergies entre les différents acteurs, État et collectivités territoriales. Comme je l'ai dit, cette stratégie émane d'une large concertation de terrain. Elle nécessite une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l'ensemble des acteurs à partir des territoires : c'est bien sur les territoires que le combat doit être mené.
L'État a donc pour mission d'organiser un pilotage par les acteurs, qu'il s'agisse d'associations ou de collectivités, à l'échelon régional. Deux conférences régionales des acteurs devront être organisées chaque année, la première dès la fin de l'année 2018. Pour les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d'aide sociale, la stratégie prévoit je l'ai dit une contractualisation avec les conseils départementaux.
Il nous faut ensuite rendre le versement des minima sociaux plus acceptable d'un point de vue social et plus lisible. Nous le savons, le non-recours aux droits met en cause notre modèle social en ce qu'il traduit une forme d'incapacité à rendre effectifs les droits que nous créons. La lutte contre le non-recours aux droits et aux services sociaux et de santé est donc une priorité de la stratégie : de nombreuses mesures traduisent concrètement cette priorité, notamment la modernisation de la délivrance des prestations sociales, en favorisant les échanges d'informations entre les acteurs, en rendant automatiques les démarches et en favorisant un paiement au juste droit.
Quelques exemples : le renouvellement automatique de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, pour les allocataires du RSA, l'expérimentation de territoires zéro non-recours, avec la mobilisation des guichets uniques dans les caisses de sécurité sociale, la généralisation du data mining dans le repérage des bénéficiaires potentiels qui n'ont pas activé leurs droits. Nous travaillons enfin au revenu unique d'activité, pour mettre fin au millefeuille de dispositifs actuel.
Ces mesures ont pour point commun de responsabiliser les pouvoirs publics plutôt que les bénéficiaires potentiels, pour garantir à toutes les personnes pauvres ou en situation d'exclusion l'accès à la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe Les Républicains.
Mme Geneviève Levy. Je voudrais mettre l'accent sur les crédits alloués à l'allocation pour adulte handicapé. Si leur hausse est toujours une bonne nouvelle pour les bénéficiaires, il n'est pas juste que le Gouvernement cache qu'elle est notamment le résultat d'un rééquilibrage de lignes budgétaires et que les efforts consentis ne sont donc pas de 500 millions d'euros pour 2019 et de 2 milliards d'euros sur le quinquennat. Cette observation n'est pas que celle du groupe Les Républicains : c'est aussi et surtout celle du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Deux exemples illustrent ce constat. D'abord, madame la ministre, vous supprimez la revalorisation légale qui devrait avoir lieu le 1er avril 2019 : le manque à gagner sera de 90 euros, somme qui aurait dû être perçue par les allocataires entre mai et novembre, avant la traditionnelle revalorisation de ce dernier mois. Ensuite, vous faites le choix de limiter la revalorisation légale pour 2020 à 0,3 %, alors que les prévisions d'inflation de la DREES direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques , sur lesquelles est en principe indexée l'AAH, s'élèvent à 1,2 %, ce qui signifie que les allocataires percevront une revalorisation de 2,70 euros par mois au lieu de 10,80 euros. Cette dernière mesure suspend au moins temporairement la disposition protectrice instaurée par la loi de finances pour 2016 visant à sécuriser le niveau de vie des bénéficiaires des minima sociaux en fixant un taux plancher de 1 % pour les revalorisations annuelles. Ce choix n'est pas anodin.
S'agissant de perte de pouvoir d'achat, assumez-vous, madame la ministre, que la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome, en vertu de l'article 83, entraîne dès le 1er janvier 2019, pour des milliers de bénéficiaires de l'AAH ne disposant pas de revenus d'activité, une perte pouvant atteindre 179 euros mensuels ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Madame la députée, je vous remercie de mettre en valeur par votre question la revalorisation à 900 euros de l'allocation aux adultes handicapés, conformément aux engagements du Président de la République. La première étape de cette revalorisation, qui porte le montant de l'AAH à 860 euros, est engagée dès ce mois de novembre, suite aux annonces du comité interministériel du handicap. Cette revalorisation est d'une ampleur jamais vue, je tiens à le souligner. Par la seconde, qui aura lieu en 2019, le Gouvernement va procéder à un investissement social massif pour lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap, pauvreté qui constitue pour elles une double peine. Comment vous laisser dire qu'une telle évolution pourrait entraîner une perte de pouvoir d'achat, alors qu'elle se traduira au contraire par l'équivalent d'un treizième mois pour ses bénéficiaires ? En effet, entre janvier 2018 et la fin de 2019, le gain de pouvoir d'achat permis par cette double revalorisation sera triplé par rapport à ce qu'il aurait été sur la seule base des revalorisations légales.
Quant à la fusion des compléments de ressources à l'AAH, dont l'entrée en vigueur n'est prévue qu'au mois de novembre 2019 et non le 1er janvier comme vous l'indiquez , l'examen des amendements déposés à l'article 83 nous permettra d'en débattre largement. Mais il faut, là aussi, être très clair : cette mesure ne fera aucun perdant, puisque nous avons veillé à préserver strictement les droits des bénéficiaires actuels. Je rappelle en outre que la fusion a été annoncée il y a plus de deux ans. Il ne s'agit donc absolument pas d'un tour de passe-passe. C'est une mesure de simplification, qui permettra notamment de supprimer la double évaluation demandée aux bénéficiaires et aux maisons départementales des personnes handicapées les MDPH , à savoir l'évaluation du taux d'incapacité permanente, qui doit être supérieur à 80 %, et celle du taux de capacité de travail, inférieur à 5 %.
Vous voyez donc, madame la députée, que le Gouvernement préserve totalement le pouvoir d'achat de ces personnes et qu'il respecte le handicap en tant que priorité du quinquennat.
M. Philippe Berta. Très bien !
Mme Geneviève Levy. Ce n'est pas ce que dit le CNDPH !
M. Mansour Kamardine. Et sauf à Mayotte !
M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Mme Sarah El Haïry. Ma question portera sur la rémunération des structures d'assistance médico-technique à domicile. Ces structures permettent d'aider les patients qui nécessitent un traitement ayant recours à des appareillages à titre définitif destinés à leur permettre de quitter l'hôpital en leur apportant une assistance à domicile. Aussi peuvent-elles assurer, par la mise à disposition de ce matériel, le suivi de ces patients dans le cadre de dispositifs médicaux. Par leurs prestations, ces structures participent donc au maintien à domicile de ces personnes dépendantes de la machinerie médicale pensons aux pompes à insuline, aux appareils de pression positive continue nécessaires en cas d'apnée du sommeil ou encore aux lits médicalisés. La plupart de ces prestations sont délivrées suite à des prescriptions médicales et font l'objet de remboursements par l'assurance maladie. Or, depuis une dizaine d'années, la stratégie de régulation des remboursements peut être qualifiée de stratégie prix/volume. Mais si elle permet en théorie une réduction des coûts, elle a mené à une progression du montant des remboursements effectués par l'assurance maladie, sans qu'une analyse qualitative démontre la bonne utilisation de ces ressources. En 2018, un changement de paradigme a bien eu lieu, puisque le montant des remboursements des prestations des structures d'assistance à domicile est devenu dégressif en fonction de l'observance du patient. Ce mécanisme vertueux a permis un meilleur suivi des patients, notamment ceux atteints du syndrome d'apnée du sommeil, et une meilleure observance de leur traitement. C'est donc une des clefs permettant de réduire les coûts pour l'assurance maladie.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la pérennisation et à l'extension de ce mécanisme qui prend en compte non pas seulement la quantité d'actes effectués, mais aussi et surtout leur qualité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la députée, les conditions de prise en charge des matériels médicaux à domicile, par exemple les machines utilisées en cas d'apnée du sommeil ou encore les matériels de perfusion, font l'objet de négociations entre les représentants des acteurs industriels concernés, à savoir les prestataires de services et les distributeurs de matériel d'une part, et le comité économique des produits de santé CEPS d'autre part. Dès lors qu'une dynamique importante est constatée sur les volumes, il est légitime de s'interroger sur sa pertinence et sur son impact pour l'assurance maladie. L'idée générale est simple : il faut payer le bon soin au bon coût. Or la dynamique observée sur le champ des dispositifs médicaux se situe chaque année entre 5 % et 6 %, plus de deux fois supérieure à celle de l'ONDAM. Si un développement des dispositifs médicaux a un sens au regard des enjeux du maintien à domicile que vous avez évoqués, cette croissance rapide justifie évidemment une attention particulière du CEPS et la mobilisation des outils pertinents.
Vous avez mentionné les accords prix/volume et les mécanismes récemment mis en place visant à faire respecter l'observance. Ce sont en effet deux outils importants, mais dont l'objet est très différent : l'observance est essentielle pour le patient et pour l'efficacité du dispositif, alors que la régulation prix/volume permet de faire profiter l'assurance maladie des économies d'échelle qui peuvent être dégagées lorsque les volumes sont importants. Loin de s'opposer, ils peuvent être complémentaires, comme le montre le cas de la ventilation en pression positive continue, dite « PPC ». Lors de cette négociation, les deux dispositifs ont été mis en place et un accord a pu être trouvé avec les prestataires, ce qui montre que les conditions financières étaient équilibrées. Il sera utile d'évaluer l'impact réel sur l'observance de cet accord. Il ne faut pas opposer pertinence et négociation tarifaire : toutes les approches ont un sens si elles sont adaptées à la situation. C'est pourquoi je demanderai au CEPS de rechercher, dans le cadre de solutions négociées avec les industriels et avec les prestataires, tout ce qui peut permettre à l'assurance maladie de continuer à financer les dispositifs médicaux en garantissant une dynamique soutenable des dépenses et une utilisation pertinente desdits dispositifs.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Mme Agnès Firmin Le Bodo. Ma question concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés. Ils représentent comme vous le savez, madame la ministre, une charge très lourde pour les conseils départementaux, charge qui dépasse largement la compensation accordée par l'État puisque celle-ci ne couvre que 10 % du total même s'il faut relever l'effort accompli par l'État pour l'accompagnement des départements. Les travaux que nous menons au sein du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur les mineurs isolés étrangers mettent en lumière le manque de coordination de tous les acteurs concernés par la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il est très facile de poser une question à un ministère, mais il renvoie à un autre ministère, lequel renvoie à un troisième, et ainsi de suite. Ce manque de coordination ne permet pas de disposer d'une vision globale de la problématique des mineurs non accompagnés. Vous semblerait-il pertinent de créer une délégation interministérielle sur le sujet, afin d'avoir un interlocuteur à même d'apporter une réponse aux questions que nous nous posons ?
Autre sujet vraiment mis en évidence par toutes les auditions que nous menons au sein du groupe d'études : le décret très attendu sur le fameux fichier créé par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, qui suscite beaucoup d'interrogations. Pouvez-vous nous préciser quand ce décret sera publié et quelle sera sa teneur ?
Mme Constance Le Grip. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la députée, vous m'interrogez sur le manque de coordination des politiques publiques concernant les mineurs non accompagnés. Tout d'abord, sachez que le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés que rencontrent les territoires, particulièrement les départements, du fait de la dynamique d'augmentation du nombre des mineurs non accompagnés. Leur présence accrue crée évidemment des tensions : d'une part entre les départements, en raison de leurs disparités, et d'autre part dans la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance, dont les départements sont des acteurs majeurs.
Le Premier ministre a donc conduit un travail interministériel très soutenu avec mon ministère, les ministères de la justice et de l'intérieur, ainsi qu'avec l'Assemblée des départements de France. L'action de l'État pour soutenir les départements porte principalement sur les axes suivants : la lutte contre les filières illégales d'immigration ; l'appui apporté aux conseils départementaux pour la mise à l'abri ainsi que pour l'évaluation des personnes se présentant comme mineures, à travers la création d'un fichier d'appui à l'évaluation de la minorité et une compensation plus juste des dépenses engagées sur la base d'un forfait par jeune évalué. L'objet du fichier est d'éviter une errance qui multiplie les coûts pour les départements et pour l'État. Par ailleurs, l'État soutient les départements en prenant en charge une partie de leurs dépenses supplémentaires au titre de l'aide sociale à l'enfance lorsque les personnes sont évaluées comme mineures et doivent donc être prises en charge dans le cadre du droit commun. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera mis en oeuvre.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 13 novembre 2018