Déclaration de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Paris le 3 décembre 2018.

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Texte intégral

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Lecture définitive
Assemblée nationale – 3 décembre 2018
Interventions de Mme Agnés BUZYN
ministre des solidarités et de la santé
et de M. Olivier Dussopt,
secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (no 1456).
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.)
M. Jean-Louis Masson. Arrêtez d'applaudir ! Vous portez atteinte à la représentation nationale. À cause de vous, nous nous faisons humilier sur le terrain !
M. le président. Un peu de calme !
M. Jean-Louis Masson. Cessez de faire les godillots ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales…,
M. Stéphane Peu. Rappel au règlement !
Mme Valérie Rabault. Si vous ne nous donnez pas la parole, nous demanderons une suspension de séance !
Mme Agnès Buzyn, ministre. …monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés…,
M. Jean-Louis Masson. Il y a un rappel au règlement !
M. le président. Continuez, madame la ministre !
Mme Agnès Buzyn, ministre. …nous parvenons au terme de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
M. Jean-Louis Masson. J'ai honte d'être député ! Vous faites honte à la France ! (M. Jean-Louis Masson quitte l'hémicycle, suivi des autres députés du groupe LR.)
M. Stéphane Peu. Rappel au règlement !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Sénat a opposé la question préalable et n'a pas souhaité examiner à nouveau le texte, considérant qu'un travail utile avait été accompli, mais que des divergences politiques fondamentales rendaient vain un nouvel examen. Le projet qui vous est soumis est donc celui que votre assemblée a adopté mercredi dernier en deuxième lecture.
La sécurité sociale fait partie intégrante de notre pacte républicain. Reflet de notre société dont elle accompagne l'évolution, elle doit être ce cadre protecteur, équitable et stable au sein duquel chaque Français peut, en confiance, organiser son parcours de vie. Le PLFSS qui est soumis à votre vote contribue à renforcer durablement la sécurité sociale. Il en assure l'équilibre à long terme et en organise le désendettement complet pour mieux la préparer aux défis démographiques de demain ; il en élargit le champ, en réinvestissant massivement des domaines du soin jusqu'à présent délaissés et en créant de nouveaux droits pour les familles ; il la rend plus universelle et plus équitable au bénéfice notamment des travailleurs indépendants, dont il rapproche les prestations de celles du régime général, en cohérence avec la réforme du régime social des indépendants – RSI – adoptée l'an passé ; il la rend plus solidaire, en soutien de notre système de santé.
Ce PLFSS est en effet l'un des premiers vecteurs du plan « ma santé 2022 ». Il ne sera pas le seul puisque, comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi santé dans le courant du premier semestre 2019. Mais il traduit d'ores et déjà un certain nombre de dispositions qui ont vocation à figurer dans une loi financière.
Tout d'abord, il introduit la diversification des modes de financement de nos établissements, pour mieux prendre en compte la prévention et la qualité. Nous commençons par l'hôpital, mais la même logique doit s'appliquer aux soins de ville.
Il organise ensuite l'extension du champ des expérimentations ouvertes par l'article 51 de la loi de financement de 2018, pour susciter les innovations organisationnelles.
Il renforce enfin les dispositifs qui incitent professionnels et établissements à améliorer la pertinence de leur activité.
Ces mesures ont fait consensus dans les deux chambres et ont d'ailleurs été adoptées conformes en première lecture ou à l'issue de la deuxième lecture.
Ce consensus, je l'ai constaté, se retrouve largement en matière d'orientations du plan. Nous devons aux Français d'avancer rapidement dans son application. C'est pourquoi l'article 29 quater prévoit le lancement, dès le mois prochain, de deux négociations : l'une interprofessionnelle, relative aux communautés professionnelles territoriales de santé ; l'autre avec les médecins, portant sur la création de 4 000 postes d'assistants médicaux. Ces négociations établiront d'emblée un cadre stable d'action permettant aux professionnels de santé de s'engager dans une organisation rénovée des soins de proximité, au plus près des territoires et des patients – l'enjeu de l'année 2019.
Le PLFSS prévoit également des moyens à la hauteur de ces ambitions, afin d'assurer l'accès aux soins pour les Français : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est ainsi porté à 2,5 % – le taux le plus important depuis six ans –, soit 5 milliards d'euros de plus pour la santé et 2 milliards de plus pour les établissements de santé.
La politique que nous menons soutient l'hôpital dans ses missions, dans sa transformation et dans ses financements, et je veux vous informer à ce propos que, pour la deuxième année consécutive, je procéderai cette année au dégel de l'intégralité des financements hospitaliers mis en réserve, et ce avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) C'est au total 415 millions d'euros dont bénéficieront à ce titre l'ensemble des établissements de santé.
Ce PLFSS est également celui des droits nouveaux pour nos concitoyens, ces droits du quotidien qui représentent l'essence même de la sécurité sociale. Pour les familles, une politique familiale efficace et attentive est d'abord celle qui adapte ses prestations à l'évolution des besoins et de la société. Les familles avec un enfant handicapé seront davantage aidées pour faire garder leur enfant. De même, l'aide à la garde sera maintenue à taux plein lorsque l'enfant atteint ses trois ans et jusqu'à sa scolarisation, parce que, en réalité, les besoins de garde restent les mêmes tant que l'enfant n'est pas entré à l'école.
Les droits des futures mères, travailleuses indépendantes ou agricultrices, seront alignés sur ceux des salariées tout en restant adaptés à leur spécificité professionnelle – et je veux saluer une nouvelle fois le travail effectué par la députée Marie-Pierre Rixain sur les congés de maternité.
Enfin, également sur proposition des députés et notamment de Thomas Mesnier, les pères d'enfants prématurés bénéficieront d'un congé indemnisé…
Mme Mathilde Panot. C'était une proposition du groupe FI !
Mme Agnès Buzyn, ministre. …pour faciliter l'organisation de la cellule familiale dans ces circonstances très particulières. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Vous allez également consacrer dans ce projet de loi deux avancées sociales très importantes et très concrètes pour nos concitoyens, particulièrement pour les personnes âgées.
Dès le 1er janvier prochain, la réforme 100 % santé commencera à devenir une réalité pour tous les Français dans leur vie quotidienne. À compter de cette date, le tarif de remboursement des prothèses auditives sera en effet revalorisé de 100 euros et celui des prothèses entrant dans le panier de soins sera plafonné, avec un gain moyen de 100 euros également. L'économie réalisée sera ainsi, pour chaque Français, de 200 euros par oreille. À compter du 1er avril 2019, les tarifs de certaines prothèses dentaires seront eux aussi limités, tandis que les soins conservateurs seront revalorisés.
Cette réforme est emblématique de l'orientation que je veux imprimer au système de santé : donner, toujours et partout, le primat à la prévention, et diminuer les barrières financières afin de réduire les inégalités sociales de santé. Ce PLFSS va réaliser cette réforme attendue depuis des années, sinon des dizaines d'années.
Dès l'année prochaine, l'aide à la complémentaire santé fusionnera également avec la CMU complémentaire. Ce progrès social concernera immédiatement 1,2 million de nos concitoyens et, potentiellement, 3 millions d'entre eux, qui pourront faire valoir leur droit à une couverture intégrale de qualité en contrepartie d'une contribution ne dépassant pas 1 euro par jour.
Vingt ans après l'instauration de la CMU, il s'agit là d'une nouvelle étape décisive pour améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Je veux aussi mentionner l'avancée capitale, attendue de longue date, que sera pour les parents la prise en charge précoce des enfants atteints de troubles du neuro-développement, conformément aux engagements du quatrième plan autisme.
Je souhaite enfin évoquer la disposition, adoptée en deuxième lecture, à l'initiative notamment des députés Fiona Lazaar et Mustapha Laabid et du rapporteur général Olivier Véran, au bénéfice des « chibanis ». Elle répare une injustice à l'égard de personnes ayant travaillé et cotisé longtemps en France, mais qui, une fois retraités, ne se voyaient pas reconnaître les mêmes droits que les autres travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Patricia Gallerneau applaudit également.)
Ce deuxième PLFSS de la législature est donc profondément porteur de progrès sanitaire et social pour nos concitoyens. Il a fait le choix de favoriser le travail en supprimant les cotisations salariales sur les heures supplémentaires et de soutenir l'emploi en augmentant les allégements généraux de cotisations. Il a également fait le choix d'une revalorisation différenciée des prestations se traduisant par une hausse exceptionnelle du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés – AAH.
Cependant, il n'a pas fait le choix, qui nous était opposé, d'une augmentation massive de la taxe sur les contrats d'assurance complémentaire qui aurait pesé pour 1,5 milliard d'euros sur nos concitoyens et entraîné un recul de l'accès aux soins, pas plus qu'il n'a fait le choix, contraire à nos engagements, de relever brutalement l'âge minimal légal de départ à la retraite.
Avant de conclure, permettez-moi de remercier l'ensemble des députés et plus spécialement la présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon, et le rapporteur général, Olivier Véran, pour nos échanges très intenses et très fructueux qui ont contribué à améliorer le projet du Gouvernement et à ouvrir de futurs chantiers d'action.
J'associe également à mes remerciements les sénatrices et les sénateurs, qui ont contribué à la rédaction définitive de nombre des dispositions de ce projet de loi.
Par les réformes qu'il a engagées dans les domaines de la santé, de la retraite et de la perte d'autonomie, le Gouvernement construit et continuera de construire, avec le Parlement, l'État providence du XXIe siècle. Ce texte affermit le socle sur lequel ces projets peuvent être bâtis, notamment grâce au désendettement de la sécurité sociale. C'est pourquoi je vous invite à le soutenir résolument par votre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(…)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.)
M. David Habib. Le règlement n'est pas un chewing-gum, monsieur le président !
M. le président. Non, c'est une lettre, et nous l'appliquons.
M. François Pupponi. Cette lettre, il faut la lire !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Nous sommes ici réunis pour procéder à l'ultime lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Je veux rappeler, en complément de ce qu'a dit Mme Buzyn, combien ce texte parvient à conjuguer deux exigences en même temps : poursuivre l'assainissement de nos finances sociales, tout en modernisant et en investissant dans notre système de protection sociale auquel les Français sont légitimement attachés.
Il s'agit donc, en premier lieu, de poursuivre l'assainissement de nos finances publiques, puisque c'est de la maîtrise de la dépense sociale que procèdent tout à la fois la réduction du déficit des comptes sociaux et, plus largement, le retour prochain à leur équilibre. Avec un PLFSS qui présente un solde de la sécurité sociale excédentaire en 2019, nous parvenons à respecter l'engagement présidentiel d'un retour à l'équilibre un an avant l'échéance prévue, fixée à 2020, ce qui est une première depuis dix-huit ans. Cet acquis consolide par ailleurs la baisse durable de notre déficit public, qui passera pour la troisième année consécutive sous la barre des 3 % : c'est, là encore, une première depuis l'an 2000.
De même, le désendettement se poursuit, et il sera achevé en 2024. Le PLFSS que vous vous apprêtez à voter prévoit ainsi un apurement de la dette de l'ACOSS – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – dès 2020. Là encore, il faut considérer que la résorption de la dette sociale participe à la décroissance du volume total de la dette dans la richesse nationale.
Enfin, comme vous le savez, ce PLFSS s'inscrit dans un cadre rénové et simplifié des relations entre l'État et la sécurité sociale, avec le triple objectif de garantir la pérennité de ce retour à l'équilibre, d'assurer le remboursement progressif de la dette courante gérée par l'ACOSS et de faire contribuer la sécurité sociale à la diminution des impôts et des taxes qui pèsent sur les Français, tout en améliorant leur lisibilité.
Au-delà de ces deux exigences, et pour être bref, ce projet de loi poursuit également la traduction des choix forts du Gouvernement, qu'il s'agisse de moderniser notre offre de soins, d'investir dans l'hôpital et d'amorcer la mise en oeuvre du reste à charge zéro, avec un ONDAM porté à 2,5 % en 2019 ; d'encourager au travail en améliorant la différence entre la rémunération brute et la rémunération nette des Français – notamment avec l'exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires – et en renforçant la compétitivité de nos entreprises pour gagner la bataille de l'emploi ; de donner plus à ceux qui ont moins, et d'accompagner les plus fragiles en assumant une moindre revalorisation de certaines prestations tout en nous assurant que chaque Français perçoive celle à laquelle il a droit.
En conclusion, je veux insister sur ce point : si nous pouvons faire ces choix en faveur du travail et de l'investissement dans notre système de soins et pour lutter contre la précarité, c'est précisément parce que nous menons une politique budgétaire sérieuse, qui nous laisse des marges de manoeuvre.
M. Boris Vallaud. Comment pouvez-vous dire ça ?
M. David Habib. C'est pitoyable ! C'est un gouvernement d'amateurs, monsieur le secrétaire d'État, vous le savez bien !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Il faut que nous en soyons collectivement conscients : l'équilibre prochain des comptes de la sécurité sociale ne doit pas masquer le chemin qui reste à parcourir, ni nous conduire à relâcher nos efforts.
La principale raison en est que, compte tenu des évolutions de la société et des nouveaux défis qui nous attendent, nous devons être capables de dégager des marges de manoeuvre financières pour investir et protéger toujours mieux les Français face au vieillissement de la population, au risque de la dépendance et au développement des maladies chroniques, pour profiter de l'arrivée sur le marché de traitements innovants, mais aussi pour répondre aux inquiétudes et aux aspirations les plus légitimes. Je sais pouvoir compter sur la vigilance de la majorité parlementaire pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 6 décembre 2018