Texte intégral
Mesdames, Messieurs
Vos débats tout au long de cette journée vous ont certainement permis d'apporter des réponses à la question qui constituait le thème central de cette conférence : " Le e-learning est-il l'avenir de la formation professionnelle ? "
Pour ma part je reste convaincue qu'aucune technique, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut apporter des réponses absolues au problème de la transmission et de l'appropriation des connaissances et des savoir faire dans une société complexe comme la notre.
La révolution que constitue le développement des systèmes d'information et de communication, la puissance des outils qui sont désormais à notre disposition, mettent à la portée de chacun une masse d'information sans commune mesure avec ce que nous pouvions imaginer il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années. Mais l'information n'est pas la connaissance, l'accumulation des savoirs ne confère pas nécessairement l'intelligence des situations et des rapports sociaux, la diffusion des données scientifiques et techniques ne suffit pas à créer ces savoirs partagés qui fondent la cohésion sociale et l'efficacité collective.
Méfions nous de ceux qui voient un peu trop rapidement dans la connexion des intelligences à travers les ordinateurs la source d'une conscience collective, d'un univers de pensée virtuel qui abolirait les frontières entre les disciplines scientifiques, la philosophie, les techniques, les arts, la religion. Comme si la production et le diffusion des savoirs ne résultait pas avant tout de l'histoire des hommes, de leurs conditions de vie en société, de leurs échanges collectifs. Vous me pardonnerez la sagesse de cette réflexion qui peut paraître, mais paraître seulement, à contre temps de l'engouement actuel.
Nous savons tous à quel point les nouvelles technologies de l'information et de la communication transforment en profondeur l'organisation de la production que ce soit dans l'industrie ou dans les services. Pourtant les potentialités offertes par ces technologies sont loin d'avoir été toutes exploitées. Nous n'en sommes sans doute qu'au balbutiements. Si la capacité des ordinateurs a fait ces dernières années des bonds fantastiques, les organisations, les comportements individuels et collectifs, sont plus lents à s'adapter.
Il en est de même dans le domaine de l'éducation et de la formation. Nous sommes aujourd'hui fascinés par l'accélération très brutale dans la mise à disposition des connaissances et par la facilité d'accès qu'offre les outils multimédia ou le réseau internet. Je crois en effet que les changements qu'annoncent ces outils sont sans commune mesure avec ceux que l'on a pu escompter, il y a quelques années, de la télévision éducative ou de l'enseignement assisté par ordinateur. Mais ces changements impliquent une révolution dans nos comportements qui ne se fera pas en un jour.
C'est notre rapport au savoir, nos manières d'apprendre, qui seront progressivement bousculées. Les technologies de l'information et de la communication favorisent un rapport essentiellement pragmatique aux savoirs. L'information étant disponible sur les écrans, le rôle encyclopédique de l'enseignant ou du formateur est remis en cause. La démarche essentiellement inductive que favorise le recours à ce mode de formation incite à relier les savoirs, et permet à chacun de choisir sa propre voie de résolution d'un problème, en fonction de ses connaissances antérieures. Bien plus qu'un outil de plus dans la mallette des pédagogues, les TIC ouvrent la voie à d'autres manière d'apprendre et surtout à d'autres manières d'intégrer l'action et la recherche de connaissances nouvelle.
C'est donc un domaine très vaste d'innovation et de recherche qui s'ouvre à nous. Cette démarche exploratoire est à la fois passionnante et source éventuelle de déception. De réels progrès dans ce domaine ne sont possibles qu'au prix d'une association étroite des formateurs, des producteurs d'outils et de logiciels, des spécialiste de l'ingénierie de formation dans les entreprises et d'équipe de recherche spécialisées dans le domaine des méthodes de formation et d'apprentissage. Lorsqu'il est plaqué sur une démarche de formation traditionnelle, le recours au e-learning peut montrer vite ses limites. Passé le coté plaisant du " zapping " et le caractère ludique de l'exploration des méandres d'un logiciel, l'attention sature et l'effort de compréhension s'émousse. Tout autant que les produits, c'est leur usage pratique dans des parcours de formation et de construction des compétences qui doit retenir notre attention. Les entreprises qui ont introduit rapidement le e-learning en ont fait l'expérience : après l'engouement du début, la lassitude s'installe, le rapport à la formation et aux savoirs risque de perdre sa dimension collective. Pour dépasser ce stade, il faut alors engager une réflexion sur la production des savoirs dans l'entreprise, sur la mise à jour des savoirs implicites qui conditionnent souvent l'efficacité d'un atelier ou d'une équipe ; il faut revivifier les réseaux d'échange entre les salariés dont les réseaux informatiques ne sont que le support le manuel d'instruction technique mis en ligne économise un peu de papier et un peu de temps. La mise en place d'une démarche interactive et d'un dispositif facilitant le partage des savoirs dans l'entreprise est beaucoup plus pertinente mais aussi beaucoup plus exigeante. Elle bouscule les circuits traditionnels de l'information et de la communication dans l'entreprise et se heurte de ce fait à de multiples résistances.
C'est là, me semble-t-il que réside la véritable source d'innovation et c'est cela qui rend indispensable une coopération étroite entre producteurs, formateurs, chercheurs et praticiens de la formation dans les entreprises. L'attention accordée ces dernières années à la production des outils et aux logiciels a sans doute masqué l'importance des travaux à mener sur la rénovation des contenus de formation et sur les conditions d'usage pratique de ces outils.
De tel consortium sont en cours de constitution ; ils mêlent, de façon parfois très originale, action publique et action privée. Je ne peux, à mon niveau, qu'encourager ce type d'initiative.
Ce n'est pas le rôle de mon secrétariat d'Etat d'apporter un soutien direct à la capacité d'investissement des entreprises privées dans ce domaine. Les enjeux financiers sont d'ailleurs considérables et le budget de la formation qui pourrait y être affecté ne pourrait constituer qu'un faible levier au regard de la capacité de certaines entreprises de mobiliser les capitaux indispensables. En revanche nous pouvons nous efforcer de créer un environnement favorable à la construction de partenariats efficaces et à la poursuite d'actions expérimentales dont bénéficieront tous les acteurs qui contribuent au développement du e-learning.
80 % des logiciels éducatifs sont actuellement produit aux Etats Unis. Il y a dans ce domaine un marché potentiel de grande ampleur. Il n'y a pas de raison que la France n'y ait pas sa place, non seulement parce que des opérateurs privés - et certains très puissants - sont prêts à investir ce marché mais aussi parce que nous disposons d'un savoir faire très riche en matière d'ingénierie de formation et de recherche développement sur les questions d'apprentissage.
Je voudrais citer plusieurs exemples qui montrent comment nous pouvons favoriser des initiatives qui créent l'environnement favorable que j'évoquais à l'instant.
Tout d'abord encouragé le montage d'une action de formation en direction de vendeurs et vendeuses dans les grands magasins. Ces personnes disposaient d'une bonne expérience et souhaitaient, en accord avec leur employeur, compléter leurs connaissance et leurs compétences en vue d'obtenir le baccalauréat professionnel dans les métiers de la vente. La solution classique du départ en congé de formation ne paraissait pas appropriée à leur situation compte tenu de l'absence prolongée de leur poste de travail et du contenu de la formation inadapté à des personnes possédant déjà une solide expérience professionnelle. Un organisme de formation leur a proposé de construire des parcours individualisés de formation reposant sur la validation de leurs acquis et sur la mise à disposition de modules de formation en ligne. Cette action a démarré et donne des résultats dont nous pourrons tirer des enseignements particulièrement intéressants. Certes, tout ne va pas de soi : les salariés impliqués dans cette action se plaignent parfois de l'insuffisance des échanges entre eux et des échanges avec le formateur pendant les temps de regroupement. Nous savons que l'isolement peut guetter ces personnes. Mais elles sont globalement très satisfaites de cette action dans laquelle elles ne se seraient jamais lancées sans cette ingénierie particulière reposant en grande partie sur la formation à distance.
Autre exemple : vous savez sans doute qu'à la suite du sommet européen de Lisbonne il a été décidé qu'une ville française serait choisie pour monter un projet de type " Villa Médicis " consacré à la recherche et au développement d'outils innovants en matière de formation initiale ou continue. Ce site qui accueillera des chercheurs et des porteurs de projets venant des différents pays de l'Union se consacrera principalement à la formation grâce au e-learning. Le ministre de l'éducation nationale devrait faire savoir dans quelques jours quel est la ville définitivement retenue pour monter ce projet.
Troisième exemple: j'ai d'ores et déjà demandé que l'on examine la possibilité de rendre accessible par Internet le futur répertoire national des certifications professionnelles. Il verra le jour après l'adoption définitive de la loi de modernisation sociale. Cette loi comporte, comme vous le savez, un important volet sur le développement de la validation des acquis de l'expérience; elle instaure une commission nationale qui inscrira, dans un répertoire national, l'ensemble des diplômes et des titres délivrés par l'Etat ou par d'autres organismes, dés lors qu'ils répondent à un certain nombre de critères. Cet instrument constituera un repère très utile pour connaître les certifications existantes (il y en a plus de 3000 actuellement). Son accès via Internet ne peut que contribuer à une meilleure lisibilité des titres et des diplômes et un encouragement pour les salariés à compléter leurs savoir et leur savoir faire par la formation ou par l'élargissement de leur expérience
Naturellement, les grandes structures publiques de formation comme le CNAM, l'AFPA ou le CNED réalisent également des investissements pédagogiques très importants pour développer des produits et des méthodes répondant à ces nouvelles démarches de formation.
L'Etat n'est donc pas absent de cet essor des formations à distance. Son rôle est plus décisif encore dans deux domaines que je voudrais évoquer brièvement.
Tout d'abord celui de l'accès de tous à l'outil Internet lui même. Si cela ne pose guère de difficultés au technicien supérieur ou au cadre qui sont généralement équipés d'un micro ordinateur dans le cadre de leurs fonctions et qui savent parfaitement manier Internet, il n'en va pas de même pour de très nombreux salariés peu qualifiés, particulièrement quand ils travaillent dans des petites entreprises souvent éloignées des centres urbains. Il nous faut lutter, avec l'aide des collectivités territoriales et notamment des régions, contre cette inégalité. Nous devons favoriser les mises en réseau, les partenariats entre les organismes susceptibles de faciliter l'accès aux matériel et aux logiciels.
Je viens d'ailleurs de signer un protocole d'accord avec France Télécom pour tester la faisabilité d'un portail Internet dédié à la formation professionnelle qui aurait vocation à regrouper l'ensemble des sites qui offrent des services dans ce domaine, à commencer par ceux des institutions qui dépendent du ministère du travail - je pense notamment à Centre inffo dont la mission principale est l'information sur la formation et à Agorena dont la mission est principalement d'informer les professionnels et le grand public sur la gamme des outils de formation ouverte et à distance existant.
Mais il nous faut agir également dans le domaine de l'aptitude au maniement de l'outil Internet, qui ne va pas de soi pour une large part de la population adulte. C'est pourquoi, dans le cadre du plan d'action gouvernemental pour la société de l'information, il a été' décidé que les formations destinées aux demandeurs d'emploi, financées par l'Etat, comporteraient obligatoirement un module d'initiation à internet. L'AFPA a créé un module de formation de 14 heures en libre accès, à l'issue duquel le stagiaire peut obtenir un certificat de navigation sur internet.
Enfin le gouvernement s'attache à adapter le cadre réglementaire de la formation professionnelle à cette réalité nouvelle que constitue le développement rapide des formations ouvertes et à distance L'unité de mesure traditionnelle en matière de formation, c'est le stage, accompli en groupe et en présence d'un formateur. Une des dispositions du volet formation du projet de loi de modernisation sociale prévoit précisément la prise en compte de ces modalités nouvelles de formation dans Les entreprises. Nous sommes également en train d'adapter les textes qui régissent la commande publique de formation.
Cette adaptation des textes était nécessaire. Mais il importe également que les partenaires sociaux intègrent cette réalité nouvelle dans la négociation qu'ils ont engagée en décembre dernier sur la formation professionnelle. Dans leur recherche de mise en place d'un accès individuel à un droit collectif à la formation, ils devront nécessairement tenir compte de l'émergence de modalités de formations qui bousculent la césure traditionnelle entre formation dans le temps de travail et formation sur le temps personnel. De plus en plus, les salariés exprimeront leurs attentes en terme de ressources auxquelles ils ont accès pour se former et pour faire valider leurs acquis plutôt qu'en terme d'inscription à un stage. C'est tout ce paysage qui bouge sous l'effet du développement du e-learning. Tous les acteurs qui concourent au fonctionnement de notre système de formation s'efforcent d'accompagner cette mutation dont je ne peux que redire en terminant cette intervention de clôture de cette conférence des ECHOS à quel point elle constitue un bouleversement de fonds de nos pratiques et de notre regard même sur la formation.
(source http://www.onlineformapro.com, le 15 janvier 2002)
Vos débats tout au long de cette journée vous ont certainement permis d'apporter des réponses à la question qui constituait le thème central de cette conférence : " Le e-learning est-il l'avenir de la formation professionnelle ? "
Pour ma part je reste convaincue qu'aucune technique, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut apporter des réponses absolues au problème de la transmission et de l'appropriation des connaissances et des savoir faire dans une société complexe comme la notre.
La révolution que constitue le développement des systèmes d'information et de communication, la puissance des outils qui sont désormais à notre disposition, mettent à la portée de chacun une masse d'information sans commune mesure avec ce que nous pouvions imaginer il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années. Mais l'information n'est pas la connaissance, l'accumulation des savoirs ne confère pas nécessairement l'intelligence des situations et des rapports sociaux, la diffusion des données scientifiques et techniques ne suffit pas à créer ces savoirs partagés qui fondent la cohésion sociale et l'efficacité collective.
Méfions nous de ceux qui voient un peu trop rapidement dans la connexion des intelligences à travers les ordinateurs la source d'une conscience collective, d'un univers de pensée virtuel qui abolirait les frontières entre les disciplines scientifiques, la philosophie, les techniques, les arts, la religion. Comme si la production et le diffusion des savoirs ne résultait pas avant tout de l'histoire des hommes, de leurs conditions de vie en société, de leurs échanges collectifs. Vous me pardonnerez la sagesse de cette réflexion qui peut paraître, mais paraître seulement, à contre temps de l'engouement actuel.
Nous savons tous à quel point les nouvelles technologies de l'information et de la communication transforment en profondeur l'organisation de la production que ce soit dans l'industrie ou dans les services. Pourtant les potentialités offertes par ces technologies sont loin d'avoir été toutes exploitées. Nous n'en sommes sans doute qu'au balbutiements. Si la capacité des ordinateurs a fait ces dernières années des bonds fantastiques, les organisations, les comportements individuels et collectifs, sont plus lents à s'adapter.
Il en est de même dans le domaine de l'éducation et de la formation. Nous sommes aujourd'hui fascinés par l'accélération très brutale dans la mise à disposition des connaissances et par la facilité d'accès qu'offre les outils multimédia ou le réseau internet. Je crois en effet que les changements qu'annoncent ces outils sont sans commune mesure avec ceux que l'on a pu escompter, il y a quelques années, de la télévision éducative ou de l'enseignement assisté par ordinateur. Mais ces changements impliquent une révolution dans nos comportements qui ne se fera pas en un jour.
C'est notre rapport au savoir, nos manières d'apprendre, qui seront progressivement bousculées. Les technologies de l'information et de la communication favorisent un rapport essentiellement pragmatique aux savoirs. L'information étant disponible sur les écrans, le rôle encyclopédique de l'enseignant ou du formateur est remis en cause. La démarche essentiellement inductive que favorise le recours à ce mode de formation incite à relier les savoirs, et permet à chacun de choisir sa propre voie de résolution d'un problème, en fonction de ses connaissances antérieures. Bien plus qu'un outil de plus dans la mallette des pédagogues, les TIC ouvrent la voie à d'autres manière d'apprendre et surtout à d'autres manières d'intégrer l'action et la recherche de connaissances nouvelle.
C'est donc un domaine très vaste d'innovation et de recherche qui s'ouvre à nous. Cette démarche exploratoire est à la fois passionnante et source éventuelle de déception. De réels progrès dans ce domaine ne sont possibles qu'au prix d'une association étroite des formateurs, des producteurs d'outils et de logiciels, des spécialiste de l'ingénierie de formation dans les entreprises et d'équipe de recherche spécialisées dans le domaine des méthodes de formation et d'apprentissage. Lorsqu'il est plaqué sur une démarche de formation traditionnelle, le recours au e-learning peut montrer vite ses limites. Passé le coté plaisant du " zapping " et le caractère ludique de l'exploration des méandres d'un logiciel, l'attention sature et l'effort de compréhension s'émousse. Tout autant que les produits, c'est leur usage pratique dans des parcours de formation et de construction des compétences qui doit retenir notre attention. Les entreprises qui ont introduit rapidement le e-learning en ont fait l'expérience : après l'engouement du début, la lassitude s'installe, le rapport à la formation et aux savoirs risque de perdre sa dimension collective. Pour dépasser ce stade, il faut alors engager une réflexion sur la production des savoirs dans l'entreprise, sur la mise à jour des savoirs implicites qui conditionnent souvent l'efficacité d'un atelier ou d'une équipe ; il faut revivifier les réseaux d'échange entre les salariés dont les réseaux informatiques ne sont que le support le manuel d'instruction technique mis en ligne économise un peu de papier et un peu de temps. La mise en place d'une démarche interactive et d'un dispositif facilitant le partage des savoirs dans l'entreprise est beaucoup plus pertinente mais aussi beaucoup plus exigeante. Elle bouscule les circuits traditionnels de l'information et de la communication dans l'entreprise et se heurte de ce fait à de multiples résistances.
C'est là, me semble-t-il que réside la véritable source d'innovation et c'est cela qui rend indispensable une coopération étroite entre producteurs, formateurs, chercheurs et praticiens de la formation dans les entreprises. L'attention accordée ces dernières années à la production des outils et aux logiciels a sans doute masqué l'importance des travaux à mener sur la rénovation des contenus de formation et sur les conditions d'usage pratique de ces outils.
De tel consortium sont en cours de constitution ; ils mêlent, de façon parfois très originale, action publique et action privée. Je ne peux, à mon niveau, qu'encourager ce type d'initiative.
Ce n'est pas le rôle de mon secrétariat d'Etat d'apporter un soutien direct à la capacité d'investissement des entreprises privées dans ce domaine. Les enjeux financiers sont d'ailleurs considérables et le budget de la formation qui pourrait y être affecté ne pourrait constituer qu'un faible levier au regard de la capacité de certaines entreprises de mobiliser les capitaux indispensables. En revanche nous pouvons nous efforcer de créer un environnement favorable à la construction de partenariats efficaces et à la poursuite d'actions expérimentales dont bénéficieront tous les acteurs qui contribuent au développement du e-learning.
80 % des logiciels éducatifs sont actuellement produit aux Etats Unis. Il y a dans ce domaine un marché potentiel de grande ampleur. Il n'y a pas de raison que la France n'y ait pas sa place, non seulement parce que des opérateurs privés - et certains très puissants - sont prêts à investir ce marché mais aussi parce que nous disposons d'un savoir faire très riche en matière d'ingénierie de formation et de recherche développement sur les questions d'apprentissage.
Je voudrais citer plusieurs exemples qui montrent comment nous pouvons favoriser des initiatives qui créent l'environnement favorable que j'évoquais à l'instant.
Tout d'abord encouragé le montage d'une action de formation en direction de vendeurs et vendeuses dans les grands magasins. Ces personnes disposaient d'une bonne expérience et souhaitaient, en accord avec leur employeur, compléter leurs connaissance et leurs compétences en vue d'obtenir le baccalauréat professionnel dans les métiers de la vente. La solution classique du départ en congé de formation ne paraissait pas appropriée à leur situation compte tenu de l'absence prolongée de leur poste de travail et du contenu de la formation inadapté à des personnes possédant déjà une solide expérience professionnelle. Un organisme de formation leur a proposé de construire des parcours individualisés de formation reposant sur la validation de leurs acquis et sur la mise à disposition de modules de formation en ligne. Cette action a démarré et donne des résultats dont nous pourrons tirer des enseignements particulièrement intéressants. Certes, tout ne va pas de soi : les salariés impliqués dans cette action se plaignent parfois de l'insuffisance des échanges entre eux et des échanges avec le formateur pendant les temps de regroupement. Nous savons que l'isolement peut guetter ces personnes. Mais elles sont globalement très satisfaites de cette action dans laquelle elles ne se seraient jamais lancées sans cette ingénierie particulière reposant en grande partie sur la formation à distance.
Autre exemple : vous savez sans doute qu'à la suite du sommet européen de Lisbonne il a été décidé qu'une ville française serait choisie pour monter un projet de type " Villa Médicis " consacré à la recherche et au développement d'outils innovants en matière de formation initiale ou continue. Ce site qui accueillera des chercheurs et des porteurs de projets venant des différents pays de l'Union se consacrera principalement à la formation grâce au e-learning. Le ministre de l'éducation nationale devrait faire savoir dans quelques jours quel est la ville définitivement retenue pour monter ce projet.
Troisième exemple: j'ai d'ores et déjà demandé que l'on examine la possibilité de rendre accessible par Internet le futur répertoire national des certifications professionnelles. Il verra le jour après l'adoption définitive de la loi de modernisation sociale. Cette loi comporte, comme vous le savez, un important volet sur le développement de la validation des acquis de l'expérience; elle instaure une commission nationale qui inscrira, dans un répertoire national, l'ensemble des diplômes et des titres délivrés par l'Etat ou par d'autres organismes, dés lors qu'ils répondent à un certain nombre de critères. Cet instrument constituera un repère très utile pour connaître les certifications existantes (il y en a plus de 3000 actuellement). Son accès via Internet ne peut que contribuer à une meilleure lisibilité des titres et des diplômes et un encouragement pour les salariés à compléter leurs savoir et leur savoir faire par la formation ou par l'élargissement de leur expérience
Naturellement, les grandes structures publiques de formation comme le CNAM, l'AFPA ou le CNED réalisent également des investissements pédagogiques très importants pour développer des produits et des méthodes répondant à ces nouvelles démarches de formation.
L'Etat n'est donc pas absent de cet essor des formations à distance. Son rôle est plus décisif encore dans deux domaines que je voudrais évoquer brièvement.
Tout d'abord celui de l'accès de tous à l'outil Internet lui même. Si cela ne pose guère de difficultés au technicien supérieur ou au cadre qui sont généralement équipés d'un micro ordinateur dans le cadre de leurs fonctions et qui savent parfaitement manier Internet, il n'en va pas de même pour de très nombreux salariés peu qualifiés, particulièrement quand ils travaillent dans des petites entreprises souvent éloignées des centres urbains. Il nous faut lutter, avec l'aide des collectivités territoriales et notamment des régions, contre cette inégalité. Nous devons favoriser les mises en réseau, les partenariats entre les organismes susceptibles de faciliter l'accès aux matériel et aux logiciels.
Je viens d'ailleurs de signer un protocole d'accord avec France Télécom pour tester la faisabilité d'un portail Internet dédié à la formation professionnelle qui aurait vocation à regrouper l'ensemble des sites qui offrent des services dans ce domaine, à commencer par ceux des institutions qui dépendent du ministère du travail - je pense notamment à Centre inffo dont la mission principale est l'information sur la formation et à Agorena dont la mission est principalement d'informer les professionnels et le grand public sur la gamme des outils de formation ouverte et à distance existant.
Mais il nous faut agir également dans le domaine de l'aptitude au maniement de l'outil Internet, qui ne va pas de soi pour une large part de la population adulte. C'est pourquoi, dans le cadre du plan d'action gouvernemental pour la société de l'information, il a été' décidé que les formations destinées aux demandeurs d'emploi, financées par l'Etat, comporteraient obligatoirement un module d'initiation à internet. L'AFPA a créé un module de formation de 14 heures en libre accès, à l'issue duquel le stagiaire peut obtenir un certificat de navigation sur internet.
Enfin le gouvernement s'attache à adapter le cadre réglementaire de la formation professionnelle à cette réalité nouvelle que constitue le développement rapide des formations ouvertes et à distance L'unité de mesure traditionnelle en matière de formation, c'est le stage, accompli en groupe et en présence d'un formateur. Une des dispositions du volet formation du projet de loi de modernisation sociale prévoit précisément la prise en compte de ces modalités nouvelles de formation dans Les entreprises. Nous sommes également en train d'adapter les textes qui régissent la commande publique de formation.
Cette adaptation des textes était nécessaire. Mais il importe également que les partenaires sociaux intègrent cette réalité nouvelle dans la négociation qu'ils ont engagée en décembre dernier sur la formation professionnelle. Dans leur recherche de mise en place d'un accès individuel à un droit collectif à la formation, ils devront nécessairement tenir compte de l'émergence de modalités de formations qui bousculent la césure traditionnelle entre formation dans le temps de travail et formation sur le temps personnel. De plus en plus, les salariés exprimeront leurs attentes en terme de ressources auxquelles ils ont accès pour se former et pour faire valider leurs acquis plutôt qu'en terme d'inscription à un stage. C'est tout ce paysage qui bouge sous l'effet du développement du e-learning. Tous les acteurs qui concourent au fonctionnement de notre système de formation s'efforcent d'accompagner cette mutation dont je ne peux que redire en terminant cette intervention de clôture de cette conférence des ECHOS à quel point elle constitue un bouleversement de fonds de nos pratiques et de notre regard même sur la formation.
(source http://www.onlineformapro.com, le 15 janvier 2002)