Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le bilan des réformes engagées par son ministère depuis 21 mois notamment le passage à l'euro, l'allègement des impôts, la réforme des marchés publics et de l'épargne salariale et la réforme du ministère des finances, Paris le 16 janvier 2002.

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Circonstance : Présentation des ses voeux à la presse à Paris le 16 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
En vous accueillant ici aujourd'hui pour la traditionnelle cérémonie des vux, je voudrais souligner d'abord, outre le réel plaisir de vous retrouver, la situation particulière qui est collectivement la nôtre. Nous ne sommes en effet qu'au 16 janvier, et pourtant, nous connaissons déjà deux hommes de l'année 2002 sur trois !
Le premier, vous l'avez rencontré en entrant dans cette maison : c'est Victor Hugo. Hugo placardé sur plusieurs mètres de hauteur au sein du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, ce n'est pas tout à fait habituel. Cette présence n'est pas seulement due à mes goûts littéraires, elle est surtout un hommage au visionnaire de génie que fut Hugo, à cet " artiste-soleil ", une façon-clin d'il d'affirmer qu'en ce début du 21e siècle, malgré les apparences, ce n'est pas l'économie qui est nécessairement première, mais l'éducation, la formation, la culture, toutes disciplines dans lesquelles la France peut exceller et qui détermineront la prospérité de notre économie demain.
Le deuxième homme de l'année 2002, c'est l'euro. Hugo l'avait prévu. Nous avons plus modestement et plus récemment beaucoup travaillé pour préparer ce passage à l'euro concret. Quand je dis " nous ", cela signifie les commerçants, les entreprises, les banques, les services publics particulièrement la Poste, les chambres de Commerce, les chambres de métiers, la Banque de France, les enseignants, les forces de sécurité, les associations, les élus, les formateurs, les bénévoles et des millions de relais qui, patiemment, méthodiquement, anonymement ont préparé ce qui s'affirme désormais comme un incontestable succès. Vous, représentants de la presse, vous avez joué un rôle majeur et positif, avant et pendant ce passage, et je veux profondément vous en remercier. Quant à cette maison, à nos services, nous avons eu la charge de préparer et de coordonner cette gigantesque opération. Je souhaite à nouveau remercier tous mes collaborateurs pour l'action qu'ils ont menée. Si elle peut être considérée comme une réussite, ils y sont pour beaucoup.
Le troisième homme de l'année 2002, lui, n'est pas encore connu. Il sera désigné démocratiquement en mai prochain. Cette incertitude démocratique alimentera sans doute quelques commentaires d'ici là. Pour moi, pas de mystère : le candidat probable est aussi le Président souhaitable. La France a besoin d'un nouveau Président. Les quatre excellents secrétaires d'État qui sont à mes côtés et moi-même, nous aiderons Lionel Jospin le plus fortement possible par nos idées et par notre action. Et précisément, une bonne façon de l'aider, c'est de conduire d'une façon positive ce grand ministère.
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Mesdames et messieurs,
En prenant mes fonctions il y a 21 mois dans l'équipe de Lionel Jospin, j'avais annoncé que je souhaitais engager un certain nombre de réformes qui me paraissaient indispensables. Tout n'a pas pu être accompli pendant cette période, il aurait été irréaliste de l'espérer. Mais nous avons eu la satisfaction, appuyés par le Premier Ministre, de pouvoir engager ou totalement réaliser au moins cinq grandes réformes qui marqueront durablement, et utilement notre pays.
La première - j'y faisais allusion -, c'est l'adoption de l'euro concret. Le mois prochain, je signerai les textes portant fin du cours légal des pièces et des billets en francs à partir du 18 février 2002. Seize jours après l'entrée en scène de l'euro fiduciaire, nous pouvons commencer à dresser le bilan de cette grande réforme réussie, que la presse aura accompagnée dans toutes ses étapes. Dès le mois de décembre, la montée vigoureuse des paiements en euros leur a permis d'atteindre le taux de 50 % des paiements de détail effectués en France : signe d'une familiarité déjà grande avec l'euro, tant du côté des entreprises que de celui des consommateurs dont plus de 70 % avaient ainsi anticipé la date du 1er janvier. Toutes les pièces nécessaires pour assurer la fluidité des transactions ont été distribuées, et parmi les paiements en espèces, ceux en euros ont dépassé au début de cette semaine, comme prévu, le niveau de 85 %. La distribution des billets s'adapte aux besoins tandis que le retrait des francs a commencé à vive allure : les billets en euros représentent par exemple plus de la moitié de la masse fiduciaire en circulation et ce pourcentage augmente chaque jour. Si le comportement de nos concitoyens s'est si vite adapté, c'est notamment en raison du travail considérable de tous ceux que je remercie encore. Toutes les institutions, toutes les professions ont fourni ce travail, souvent en association avec les pouvoirs publics. C'est en cela que cette réforme est moderne dans sa réalisation : coordination d'efforts de partenaires nombreux, ajustement de calendriers ordonnant le travail dans les lieux les plus divers, mise en commun des expériences. D'ailleurs dès la fin de la première semaine, les commerçants et les consommateurs interrogés ont exprimé leur satisfaction dans la proportion de 90 % ! Aujourd'hui, je reste à la fois euroconfiant et eurovigilant. Eurovigilant notamment sur la sécurité et les prix. Préparer, organiser, mener à bien ce changement constitue, pour reprendre l'expression du Président de la République, la plus grande réforme économique et monétaire depuis 50 ans. C'est un honneur d'en avoir la charge. Nous pourrons dire " mission accomplie ".
La deuxième grande réforme concerne l'allégement des impôts et leur modification. Vous savez combien j'y tenais. Non par lubie ou par préjugé, mais par l'analyse de ce qu'est la réalité de l'économie et de la société ouvertes contemporaines. La période aura été marquée par un allégement d'ensemble et par des réformes portant sur l'impôt sur le revenu, la TVA, la taxe professionnelle, la taxe d'habitation, l'impôt sur les sociétés, la fiscalité environnementale ; par des suppressions d'impôts, notamment la vignette automobile ; par une innovation importante et d'avenir, le supplément de la prime pour l'emploi 2001, dont le paiement s'achève après-demain à 8,7 millions de foyers de travailleurs aux revenus modestes, pour un montant total de 1,22 milliard d'euros et un montant moyen de 144 . Ce travail de réforme fiscale sera poursuivi.
La troisième réforme concerne les marchés publics. C'était depuis beaucoup d'années un serpent de mer ; désormais c'est une réalité. Le code des marchés publics a été entièrement refondu par le décret du 7 mars 2001. Il est entré en application le 9 septembre dernier. Les PME, les collectivités locales, la transparence, l'efficacité doivent y trouver leur compte.
Une quatrième réforme importante est celle de l'épargne salariale. La loi du 19 février 2001 commence à être investie par les partenaires sociaux, économiques et financiers. Je m'en réjouis. C'était son but. Dès 21 janvier prochain, une campagne d'information sera lancée sur ce sujet. L'épargne salariale sera un outil important pour avancer vers la " société partenariale " que j'ai fréquemment appelée de mes vux.
La cinquième réforme, c'est celle du Minéfi lui-même. Ce n'est pas la plus facile, mais c'est une des plus importantes car elle engage et préfigure l'indispensable réforme de l'État. Là aussi, nous avons misé sur le dialogue et la concertation. Cela demande du temps et de l'écoute. L'avancée majeure est l'adoption de la " nouvelle constitution budgétaire " contenue dans la loi organique du 1er Août 2001 modifiant l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances. Désormais, l'Administration, celle des Finances comme toutes les autres, devra travailler non sur la base d'une logique de moyens seulement, mais d'une logique d'objectifs et de résultats, se soumettant à des évaluations qui redonneront force et sens à l'intervention du Parlement. La mise en uvre de ce changement considérable pour l'État s'étalera sur plusieurs années, mais la réforme est lancée. Elle constituera dans les années à venir probablement le chantier principal du Minéfi, parce qu'elle porte en germe une administration plus souple, plus responsable et mieux tournée vers les préoccupations de nos concitoyens. Avec F. Parly, j'y suis personnellement attaché. J'installerai donc dans des locaux spécifiques à Bercy dans les toutes prochaines semaines l'équipe pluridisciplinaire qui sera chargée de piloter sa mise en uvre. Elle prendra le nom de " Mission pour la modernisation financière de l'État " et travaillera sous l'autorité de la directrice du budget en liaison étroite avec la Direction générale de la Comptabilité Publique.
La réforme-modernisation du MINEFI va au-delà. La mise en place d'un Intranet pour tous les agents, le réseau des services Mininfo pour les entreprises, l'avancement vers un véritable e-ministère, la création début janvier d'une nouvelle Direction des Grandes Entreprises au sein de la DGI, la fusion réalisée des réseaux extérieurs de la Direction du Trésor et de la DREE au sein de missions économiques extérieures, le lancement réussi d'un nouveau et original Institut de préparation à la gestion publique (IPGPDE), l'institution d'un Secrétaire général du ministère (réforme que je souhaiterais d'ailleurs voir généraliser à l'ensemble des Administrations), toutes ces décisions et beaucoup d'autres participent de la même démarche indispensable de réforme-modernisation, afin de construire un ministère du développement économique totalement au service du public. Cette orientation sera poursuivie, notamment par la confirmation de l'institution d'un porte-parole du Minéfi et par l'adoption - sur la base du rapport du conseiller d'État Massot - d'un médiateur du ministère, dont je veux redire la grande qualité des personnels qui le servent.
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Mesdames et Messieurs,
Ces décisions n'épuisent évidemment pas la matière économique que nous traitons ici ni les réformes à l'ordre du jour. Réforme de l'artisanat et des PME à travers l'excellent projet de loi sur le développement des petites entreprises et de l'artisanat porté par François Patriat, qui sera présenté prochainement au Conseil des ministres et examiné en première lecture avant la fin de la législature ; réforme concernant la société de l'information, préparée par Christian Pierret ; réforme des finances locales à laquelle Florence Parly a beaucoup travaillé en liaison avec Daniel Vaillant. Je citerai deux autres projets de réforme que je présenterai prochainement, dans deux domaines internationaux majeurs : le droit des concentrations et de la concurrence au plan européen, le traitement de la faillite des États au plan mondial. J'ajoute que le point sera fait sans a priori, pour le soumettre à débat, sur l'hypothèse envisagée ici et là, d'une retenue à la source de l'impôt sur le revenu.
Bien entendu, tout cela intervient dans un certain contexte économique. Je ne vais pas vous infliger sur ce point un long discours. Là aussi, je suis à la fois vigilant et confiant. Vigilant parce que la récession aux États-Unis, au Japon, en Allemagne, est avérée et qu'elle ne peut pas ne pas comporter des conséquences pour notre propre économie. Celle-ci résiste, mieux que la plupart des autres, mais elle subit le contrecoup de notre environnement et c'est pourquoi j'ai confirmé que le premier trimestre ne serait économiquement pas facile.
Je demeure cependant confiant parce que la consommation intérieure tient, parce que l'inflation est contenue, parce que les mesures prises pour le pouvoir d'achat, pour les baisses d'impôts, pour l'investissement, pour les secteurs à encourager, sont bienvenues, parce que nous veillons au sérieux des finances publiques, bien qu'il ne soit pas toujours facile de convaincre qu'il n'existe pas de trésor caché ou d'expliquer que dire : " l'État paiera " ou " la sécurité sociale paiera ", cela signifie en réalité : " les autres Français paieront ". Au total, je pense et j'espère qu'un redémarrage économique interviendra au plan international au cours de cette année, nous serons alors bien placés pour en profiter à plein. Les réformes structurelles engagées nous y aideront.
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Mesdames et Messieurs,
Les années 1997-2001 auront été des années utiles pour la France. Dans le domaine économique, plusieurs réalisations majeures marqueront durablement. Ces cinq années sont celles notamment où a été renversée la fatalité de la croissance du chômage - en liaison avec une progression du pouvoir d'achat, un renforcement productif et le développement des nouvelles technologies -, où la baisse des impôts a été réellement engagée, où la France s'est qualifiée pour l'euro et où nous avons collectivement réussi le passage à l'euro concret, cinq années enfin où la modernisation financière de l'État a été engagée.
Nous devrons consolider ces atouts et, durant le prochain quinquennat, faire face à plusieurs défis, en particulier :
l'avancée vers le plein emploi ou plutôt le " meilleur emploi " grâce notamment à un considérable effort de " formation tout au long de la vie " ;
la réforme des retraites ;
l'élargissement de l'Union européenne (la population de l'Union européenne augmentera de 25 % mais avec seulement 5 % de richesse en plus) ;
la régulation de la mondialisation : sécurité, environnement, développement solidaire ;
la rénovation de la gestion de l'État à partir du socle que constitue la nouvelle constitution budgétaire ;
le passage à la société de l'information, du savoir et des biotechs.
Toutes ces tâches et bien d'autres nous attendent, dont nous discuterons ensemble, Mesdames et Messieurs de la presse, dans les semaines qui viennent. Nous sommes pleins d'énergie pour les aborder.
Bonne année, et mes vux les plus chaleureux pour 2002.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 17 janvier 2002)