Déclaration de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la régression des droits des femmes sous le régime taliban en Afghanistan, la loi sur la parité et l'égalité professionnelle, Paris le 4 décembre 2001.

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Circonstance : Journée pour l'Afghanistan : Quelle reconstruction à Paris le 4 décembre 2001

Texte intégral

Le 26 septembre 1996, les Taleban entraient à Kaboul. Depuis quatre ans, les femmes afghanes ont été les premières victimes de la terreur qu'ils ont fait régner sur l'Afghanistan, abolissant les droits humains les plus fondamentaux : l'éducation, la culture, le travail, la santé leur ont été refusés.
En fait c'est un pouvoir au masculin exacerbé qu'elles ont dû subir. Les philosophies et les religions servent parfois de prétexte à la soif de domination, à l'oppression des hommes, à la régression des droits des femmes. Les travaux de la sociologue Juliette Minces montrent bien combien le rapport de l'islam et des femmes mérite une relecture, pour dépouiller le message originel du Coran de toutes les influences liées aux seuls contextes historiques où s'est développée cette religion.
Mais l'oppression totale de la liberté a toujours une fin, car rien n'est plus insupportable à l'être humain que la privation de la liberté. Aujourd'hui naît enfin l'espoir, qu'avec la liberté reconquise, s'ouvre aussi pour les femmes afghanes le chemin vers le droit et la démocratie.
Mais bâtir une vraie démocratie et une égalité des droits, une égalité des chances entre les femmes et les hommes est un travail dans la durée qui nécessite une volonté politique affirmée et le concours actif de tous les citoyens conscients, et notamment des associations, pour lutter contre les stéréotypes et mettre fin aux discriminations lices à des préjugés millénaires.
C'est la voie qu'a choisie de façon volontariste le gouvernement de Lionel Jospin, qui a, le 8 mars 1999 adopté une approche globale de l'égalité des chances dans tous les domaines de la vie quotidienne, politique, économique et sociale.
Les femmes afghanes présentes à cette table ronde vont évoquer les grandes lignes du rôle que les femmes peuvent jouer dans la construction de cette démocratie à venir. A cette occasion, je tiens à dire combien je suis heureuse de retrouver dans ce contexte totalement nouveau Choukria Haidar : le 8 mars 2001, lors de la célébration de la Journée internationale de la femme organisée par mon secrétariat d'Etat, elle était venue nous parler de façon très émouvante des souffrances quotidiennes vécues par les Afghanes et avait lancé un appel à la solidarité devant toutes les associations féminines et féministes présentes.
Ce jour là, nous fêtions aussi l'an I de la parité en France, qui allait, dans un premier temps, permettre de doubler le nombre des conseillères municipales. La loi sur la parité, promulguée le 6 juin 2000 a été la mesure législative majeure du gouvernement pour promouvoir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette loi était indispensable pour bousculer les mentalités. Le partage du pouvoir est une conquête majeure de l'égalité. Elle rénovera, j'en suis persuadée, la vie politique et ses répercussions n'ont pas fini de bouleverser les autres sphères de la vie économique et sociale.
Dans un autre domaine, celui de l'égalité professionnelle, une autre loi, promulguée le 9 mai 2001, engage les entreprises et les branches à une réelle prise en compte de l'égalité entre les hommes et les femmes au sein des négociations qu'elles ont à mener régulièrement, et vise tout particulièrement à réduire des écarts salariaux encore trop importants.
Par ailleurs une convention signée en février 2000 avec le ministère de l'Education nationale vise à lutter contre les stéréotypes et à ouvrir l'orientation des jeunes filles vers des formations porteuses d'avenir. Par exemple, dans le domaine de la formation scientifique et technique, le gouvernement a mis en place de nombreuses mesures pour lever les freins qui entravent encore les carrières scientifiques des femmes.
Je ne détaillerai pas les nombreuses autres mesures que le gouvernement a prises : comme le développement de la garde des jeunes enfants, la modernisation des lois Neuwirth et Veil, et les campagnes nationales sur la contraception, pour permettre aux femmes de maîtriser leur fécondité et, par là, en partie, le déroulement de leur vie.
Mais j'insisterai tout particulièrement sur l'action de fond que j'ai engagée contre les violences commises contre les femmes.
Une grande enquête nationale effectuée auprès de 7000 femmes de 20 à 59 ans montre combien ces phénomènes archaïques et inadmissibles traversaient encore la société française. Une femme sur dix vivant en couple a été l'an dernier confrontée à des situations de violences répétées. J'ai tenu à casser le tabou et le silence qui pesaient sur cette réalité. Le premier pas est en effet de connaître et de dénoncer l'ampleur du phénomène et de permettre à chaque femme vivant de telles situations de briser le silence et de refuser la violence.
C'est bien là, d'une façon générale, un des rôles majeurs que peuvent jouer les femmes dans nos sociétés, de façon générale, très violentes refuser la violence, se battre pour la paix. Car ce sont elles qui portent et qui élèvent les enfants, futures victimes des conflits et des guerres qu'elles n'ont pas voulues.
Mesdames, Messieurs, il est temps de laisser la parole aux femmes afghanes ici présentes, pour qu'elles parlent de leurs espoirs et de leurs projets pour la démocratie afghane qui est à construire. Ces espoirs nous les connaissons déjà un peu à travers la déclaration des droits fondamentaux de la femme afghane de Douchanbé, en juin 2000.
Nous pouvons les assurer de notre soutien, de nos encouragements fraternels pour cette longue lutte pour le respect de la dignité des femmes et de leur accès à une citoyenneté pleine et entière au sein d'une démocratie digne de ce nom
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2001)