Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la définition du licenciement économique, notamment les obligations de l'employeur dans le cadre des transformations d'emplois liées aux mutations technologiques, Paris le 6 décembre 2001.

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Circonstance : Intervention sur les questions liées à la définition du licenciement économique à Paris le 6 décembre 2001

Texte intégral

La nouvelle définition du motif économique du licenciement a suscité, avant même d'être définitivement votée, beaucoup de commentaires.
Ce n 'est pas surprenant, car la modification de cette définition aura subi bien sûr des conséquences sur le comportement des entreprises.
Je voudrais, au-delà des arguments souvent très polémiques que j'ai entendus, vous préciser ce que seront du point de vue du gouvernement les évolutions à attendre de ce changement de définition.
Il me semble d'abord qu'en supprimant l'adverbe " notamment " le législateur décide d'aller jusqu'au bout de ses compétences en définissant lui-même les licenciements qui pourront être qualifiés d'économique.
La définition du licenciement économique, telle qu'elle résulte du texte adopté par l'Assemblée Nationale en seconde lecture représente le meilleur compromis entre d'une part, les attentes des salariés et d'autre part, les contraintes des entreprises qui gardent la responsabilité des choix économiques et de la gestion de leurs effectifs.
Les salariés, en effet, ont pu avoir le sentiment que pour certaines entreprises, la décision de licenciement économique avait perdu tout lien avec un besoin de résoudre des difficultés qui auraient pu l'être autrement. Ils ont pu craindre que le licenciement ne devienne une banale technique de gestion, parfois pour des visées financières ou boursières, alors que manifestement tout n'avait pas été étudié, envisagé ou tenté, pour éviter de plonger dans le désastre tout un territoire ou tout un bassin d'emploi. C'est pour apaiser ces craintes légitimes que le législateur est intervenu. Pour autant, ce texte reste équilibré. La rédaction de la définition du licenciement économique élaborée par votre Assemblée manifeste clairement une volonté de limiter les licenciements économiques tout en prenant appui sur la jurisprudence de la Cour de Cassation et en prolongeant son caractère protecteur de l'emploi.
Tout faire pour éviter de licencier, tel est le message que contient clairement cette définition.
1°) Le projet de loi prévoit que la suppression, la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail puissent être consécutives à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen
Le caractère sérieux des difficultés économiques est d'ores et déjà exigé par la Cour de Cassation. Elle décide, par exemple, qu'une entreprise qui réalise des profits ne peut invoquer comme motif de licenciement qu'un salarié lui coûte trop cher alors que sa situation financière lui permet d'en assumer la charge.
Elle apprécie au niveau du secteur d'activité ou -du groupe, les difficultés économiques tout comme la réorganisation de l'entreprise. Elle exclut que puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement économique une baisse d'activité ou le résultat déficitaire d'un atelier ; ou encore un simple ralentissement des ventes ou une légère baisse d'activité ou du chiffres d'affaires.
Même si l'entreprise est confrontée à des difficultés économiques sérieuses, elle doit rechercher les moyens d'éviter ou de limiter les licenciements. L'entreprise ou le groupe le cas échéant, doit sous contrôle du juge effectuer toutes les recherches nécessaires pour proposer des solutions de reclassement aux salariés dont le poste est menacé de suppression ou de transformation ou dont le contrat est modifié. L'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et il a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution des emplois.
Ces Principes d'interprétation de la loi sont bien établis. Ils ne sont pas nouveaux pour les entreprises qui déjà les appliquent et il ne saurait être question de discuter les choix de gestion de l'employeur, dès lors qu'il respecte les obligations d'adaptation et de reclassement. En revanche, il est plus clair et plus sûr sur le plan du droit que ces dispositions soient précisées par le législateur.
2°) Le projet de loi prévoit que la suppression, la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail puissent être consécutives à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise
Le gouvernement tient pour hautement souhaitable que les ses entreprises tiennent compte des mutations technologiques et adaptent leur appareil productif à la concurrence. Pour autant, dans la plupart des cas les mutations technologiques de l'entreprise sont prévisibles. En conséquence, l'entreprise en temps qu'elle prépare et prend ses décisions d'investissement, doit les accompagner par l'adaptation des emplois et la mise en uvre de formations rendues nécessaires par les mutations technologiques, mutations qu'elle a pris la décision d'introduire ou qui s'imposent à elle.
La loi consacre cette obligation qui résulte également d'un principe jurisprudentiel bien établi. Il faut veiller à ce que, particulièrement dans le cas de la mutation technologique, le devoir d'adaptation de l'employeur profite pleinement aux salariés qui ne doivent pas être exclus du travail du fait du progrès technique.
3°) Le projet de loi prévoit que la suppression ou la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail puissent être consécutives à des nécessités de réorganisation indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise
Le projet de loi précise que pour pouvoir justifier un licenciement économique, l'employeur peut invoquer des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.
Déjà le juge contrôle les objectifs d'une réorganisation de l'entreprise invoquée par le chef d'entreprise quand celui-ci entendait fonder des suppressions d'emploi sur un tel motif. Il contrôle que la réorganisation soit décidée, dans l'intérêt de l'entreprise.
Il exclut que soit invoqué un motif réel et sérieux dans le cas du licenciement économique motivé par la volonté de l'employeur de privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise au détriment de la stabilité de l'emploi, la réorganisation n'ayant été décidée que pour supprimer des emplois permanents de l'entreprise et non pour en sauvegarder la compétitivité.
Il est apparu que la notion de compétitivité retenue par le juge devait être substituée celle d'activité Ces deux notions ne sont as antinomiques et il n'existe pas de différence de nature entre les mots " sauvegarde de la compétitivité " et ceux de " Sauvegarde de l'activité ". 11 va de soi que l'activité de l'entreprise ne peut être maintenue que dans des conditions compatibles avec sa compétitivité. Mais il est apparu qu'il fallait mettre l'accent sur l'intérêt social qui s'attache au maintien de l'activité alors qu'en ne mettant l'accent que sur la seule compétitivité, le législateur aurait laissé croire que son amélioration pouvait être atteinte par le seul recours à des licenciements.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 18 décembre 2001)