Texte intégral
J'ignorais bien évidemment, quand j'ai accepté l'invitation du Docteur Serfaty, que nous serions dans la situation sociale, économique et politique actuelle. Si tel avait été le cas, il ne fait pas de doute que j'aurais différé cette intervention. En effet, nous devions ce matin rendre publiques nos propositions de réforme de la Sécurité sociale, mais nous avons décidé, en raison de la conjoncture, qu'il nous appartenait de respecter un certain devoir de réserve. En effet, la situation ne se prête pas à un débat national et encore moins à la polémique alors que chacun s'interroge sur les conséquences graves que les attentats de la semaine dernière ont pu causer. Vous savez de plus que la profession que je représente est directement concernée par les événements, et ce à un double titre : de nombreuses compagnies d'assurance occupaient des bureaux au World Trade Center, et, de plus, nous sommes bien évidemment appelés à indemniser les victimes des attentats.
De façon relativement significative, je vous informe avoir reçu un appel téléphonique ce soir à 17 heures m'indiquant que je suis convoqué dans le cabinet du directeur de cabinet d'Elisabeth Guigou demain à 20 heures pour discuter du financement de la Sécurité sociale. Je m'étonne de ces convocations adressées du jour au lendemain de la part d'un ministère nous a imposé les 35 heures... Cet exemple illustre le fait que ce système ne fonctionne pas. Il n'est pas possible de traiter ainsi des dossiers aussi importants ni les dizaines de milliards de francs qui sont en jeu.
Le fait de quitter la CNAM est pour nous une décision lourde, puisque nous y sommes engagés depuis 60 ans. Nous avons 5 000 administrateurs qui ont historiquement consacré des heures et des heures à aller dans les CPAM ou les CRAM ou à animer des commissions accidents du travail. C'est d'autant plus difficile quand on sait que la Sécurité sociale en France est le compromis historique pensé pendant la guerre et qui a permis une certaine cohésion sociale dans une période de guerre froide et de lutte des classes relativement vive. Notre décision n'a donc pas été prise à la légère : il s'agit au contraire de l'aboutissement de toute une série d'analyses et de réflexions. L'organisation que j'anime, avec Ernest-Antoine Seillière, a d'ailleurs consacré beaucoup de temps à ces questions au cours de ces trois dernières années, ce qui démontre l'intérêt que nous portons à la protection sociale en France. Autant le dire d'emblée : nous souhaitons qu'une réforme de la protection sociale ait lieu, ce qui ne signifie évidemment pas que nous souhaitons nous désengager : nous comptons 15 millions de salariés dans nos entreprises, et nous tenons, dans le secteur privé, à ce que nos salariés soient soignés quand ils sont malades, indemnisés lorsqu'ils ont un accident du travail et soient pris en charge lorsqu'ils ont une maladie professionnelle.
Aucun employeur ne peut donc se dire que la protection sociale des salariés français est une question annexe. Nous savons que, grâce à elle, nous avons rendu le système d'économie de marché acceptable et qu'elle est le garant de la cohésion sociale et de la productivité. Nous souhaitons donc une réforme pour la préserver. Or nous n'arrivons pas à la provoquer, et nous avons décidé de quitter la direction des organismes pour conduire les pouvoirs publics à envisager une protection sociale adaptée à l'impératif d'un pays moderne. Dans ce cadre, la maîtrise des dépenses est une nécessité vitale : nous savons en effet qu'un écart trop important entre la productivité du travail et le salaire net est source de tensions entre les employeurs et le monde salarial. Or nous vivons dans le pays où l'écart est le plus important entre le salaire brut et le salaire net. Nous avons donc pour mission la maîtrise des dépenses collectives. Je vous rappelle que nous sommes engagés dans une compétition économique internationale qui demande un niveau élevé d'efficacité. Or il semble que nous soyons les seuls à nous en soucier.
La nouveauté par rapport à la situation de 1945 réside dans la nécessité de nous livrer à un benchmarking : nous devons comparer notre système aux systèmes en vigueur dans d'autres pays. De nombreuses entreprises françaises travaillant dans ces pays, nous pouvons connaître la situation en vigueur in concreto. Les firmes multinationales ne sont pas les seules concernées, un grand nombre d'entreprises de moyenne importance étant installées de France : au total, 50 % des PME françaises possèdent une implantation hors du territoire national.
I. La Sécurité sociale semble à bout de souffle
Cette organisation a aujourd'hui perdu de sa vitalité. Quand elle a été créée, il y a 50 ans, il existait des entrepreneurs sociaux qui croyaient en ce système et ont consacré du temps à le mettre en place. A l'heure actuelle, il n'existe plus d'entrepreneurs sociaux : nous avons d'ailleurs du mal à trouver des administrateurs pour les Caisses. Ceux qui acceptent sont des personnes dévouées, mais elles s'y rendent plus par sacerdoce et par dévouement qu'avec l'esprit de construire. L'essentiel des institutions est hérité des générations précédentes, l'Etat a mis le grappin sur ce dispositif et nous ne disposons plus aujourd'hui d'entrepreneurs qui peuvent reprendre et réformer les organismes. Il y a eu pendant la période d'après-guerre des entrepreneurs sociaux, qu'ils soient syndicaux ou patronaux. Ils ont été remplacés par des personnes ayant des fonctions politiques ou des fonctions administratives. Permettez-moi de préférer les entrepreneurs sociaux aux gestionnaires bureaucratiques.
La Sécurité sociale traverse une grave crise, la confusion des responsabilités de chacun y étant totale. Je peux illustrer ce point par deux exemples pris dans l'actualité récente. A la fin du mois de juillet, la presse a annoncé la couverture de l'aléa thérapeutique, en annonçant que la CNAM paierait les sommes correspondantes, pour un montant évalué entre 1,5 à 30 milliards de francs. Il nous a été demandé de répondre le 3 août au décret du 29 juillet : ces pratiques sont inacceptables, on se moque de nous ! La preuve en est que le décret est arrivé au conseil des ministres le 3 septembre alors même que la CNAM ne s'est pas encore prononcée. C'est ce que j'appelle la confusion des responsabilités : l'Etat établit un projet de loi et met à la charge de la CNAM 1,5 milliard de francs sans se soucier des conséquences Si notre avis n'intéresse personne, il n'est inutile que nous siégions !
Le congé parental constitue un second exemple de ce type de confusion. Ce système, que j'approuve, part de bonnes intentions, mais le cumul avec le passage aux 35 heures pose des problèmes aux employeurs. La Sécurité sociale assure le financement de cette mesure, alors que les problèmes liés au coût et à l'organisation des entreprises sont passés sous silence. Il n'est pas dans notre nature d'approuver mécaniquement toutes les mesures !
II. L'équilibre financier n'est pas assuré
On nous annonce depuis deux ans un retour à l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale. Or le rapport de la Cour des comptes, publié cet après-midi, décrit une situation d'opacité totale qui empêche de se prononcer clairement sur les comptes. Le fait que ce soit les magistrats de cette institution et non un représentant du MEDEF qui fassent cette déclaration donne du poids à ces propos. Tenant compte du fait que le coût de 10 milliards de francs généré par l'application 35 heures ne sera pas remboursé par l'Etat au titre de la compensation des charges liées à l'exonération des cotisations, les magistrats indiquent que la Sécurité sociale est donc en déficit de 0,9 milliard de francs pour l'année 2000. On remarque ainsi que l'année qui a coïncidé avec une reprise de l'emploi, a malgré tout représenté un déficit de 900 millions de francs ! Le ralentissement des recettes et l'accroissement des dépenses en 2001 risquent de creuser encore le déficit
Cette situation est d'autant plus grave que personne ne comprend les comptes de la Sécurité sociale. Elisabeth Guigou dispose elle-même d'un antisèche dans son bureau pour lui rappeler les contributions au financement du système !
Le brouillage des financements est total : la CADES est mise à contribution pour le budget de l'Etat ! Je ne comprends plus rien ! Je m'étonne que l'argent mis de côté pour rembourser les dettes de la Sécurité sociale soit utilisé pour financer les embauches de fonctionnaires ! On nous demande toujours de tout accepter, mais ce ne sera plus le cas.
Personne dans cette salle n'est capable de comprendre les flux financiers, à l'exception peut-être de Dominique Coudreau
Comme la comptabilité ne correspond pas à des engagements financiers, je m'inquiète par ailleurs de voir qu'il n'existe aucune réserve.
Je suis également perplexe devant le problème de la redistribution. Sous prétexte de solidarité, 1 000 milliards sont engagés, mais je n'ai jamais compris pas qui en est vraiment bénéficiaire Il est incroyable de constater que plus on utilise le mot solidarité vis-à-vis d'un système, moins on regarde la solidarité qu'il met en oeuvre ! Je suis plutôt inquiet de remarquer qu'actuellement, en matière de retraites, de prestations familiales, de prestations de santé, aucune étude d'impact n'est menée pour établir un caractère redistributif ou anti-redistributif. Il faut attendre Monsieur Piketty pour en savoir davantage
A ces problèmes structurels (opacité et confusion des responsabilités, des financements et des missions), s'ajoute le financement des 35 heures par la Sécurité sociale : ce n'est pas acceptable ! Comme nous n'avons jamais cessé de le répéter, le passage aux 35 heures, qui est une décision publique, doit être financé par des recettes publiques. On peut même estimer qu'il s'agit d'un problème démocratique. Nous découvrons que le coût de cette mesure s'élève à plus de 105 milliards de francs, voire 120 milliards de francs en année pleine, et que les recettes de l'Etat ne permettent pas ce financement. Nous mettre nous, représentants du patronat, dans l'obligation d'accepter que la Sécurité sociale finance les 35 heures était bel et bien inacceptable. On nous a accusés de chantage lorsque nous avons réagi, mais pendant neuf mois, le Gouvernement a pensé que nous n'oserions pas aller aussi loin que ce que nous avions annoncé
La décision du Gouvernement est illégitime, illégale et incohérente avec l'idée de constituer des réserves.
Nous avons proposé au Premier Ministre dix règles à respecter pour éviter notre départ des organismes de gestion, mais qui sont restées sans réponse :
- consulter les partenaires sociaux avant de prendre une décision qui impacte la Sécurité sociale et ses missions ;
- respecter la loi de juillet 1994 imposant la compensation ;
- assurer la transparence totale des budgets et des comptes et mettre en place une certification des comptes par un organisme d'audit indépendant.
Je rappelle qu'il existe quatre comptabilités à la Sécurité sociale qui ne sont pas réconciliables : celle de la COS, celle de la Cour des Comptes, celle des droits constatés et celle qui a été présentée au Parlement !
Nous avons également demandé :
- la compensation intégrale par l'Etat de toute charge nouvelle instituée à son initiative ;
- l'obligation de consulter les partenaires sociaux en cas de mise en oeuvre de nouvelles prestations ;
- l'obligation de suivre l'avis exprimé au sein du Conseil d'administration par une majorité qualifiée des partenaires sociaux ;
- la prise en compte des propositions ;
- la réforme de l'organisation et de la gouvernance des organismes de gestion.
Peut-on vraiment demander à un chef d'entreprise de participer à un Conseil d'administration sans pouvoir de décision budgétaire ni de nomination ?
Nous avons enfin demandé en ce qui concerne l'assurance maladie :
- une concertation sur une politique de santé publique mettant en oeuvre les arbitrages nécessaires pour tenir dans une enveloppe de dépenses (ce qui permettrait d'aller plus loin que les effets d'annonce) ;
- le respect de l'objectif fixé par l'ONDAM dont la CNAM doit avoir connaissance avant le 31 janvier de l'année concernée ;
- une définition plus claire des compétences relatives des pouvoirs publics et des Conseils d'administration vis-à-vis des fournisseurs de soins.
En cas d'excédent, ce à quoi nous ne croyons pas, nous avons demandé au Premier Ministre qu'il soit affecté à un fonds de réserve et de régulation pour éviter les " à-coups ", ou qu'il serve à alléger les charges des générations actives en remboursant par anticipation la dette de la CADES. Nous avons effectué cette demande il y a trois mois, mais aucune réponse ne nous a été apportée : nous n'y croyons plus. Nos propositions resteront encore sur la table pendant douze jours.
Nous ne croyons pas à l'architecture actuelle. La régulation par l'augmentation des cotisations ne fonctionne pas, et l'on ne peut pas continuer indéfiniment ce " siphonnage " des fonds publics. Je ne crois absolument pas à la régulation par les quotas de dépense puisqu'il existe un problème dès lors que les objectifs ne correspondent pas à la réalité. Je ne crois pas non plus à la régulation par la baisse des remboursements publics, qui demande une augmentation des cotisations des mutuelles et des sociétés d'assurance. Je crois encore moins à une régulation par le politique dès lors qu'il est incapable de bien gérer le budget de l'Etat ! La dette publique a en effet augmenté de 396 milliards de francs ces quatre dernières années ! Enfin, je ne crois vraiment pas à la régulation administrative et à son caractère arbitraire. La régulation par des partenaires sociaux sans pouvoirs est tout aussi inefficace.
III. La proposition du MEDEF
C'est pour les raisons que je viens de vous exposer que nous proposons une nouvelle architecture, un " après CNAM ". Nous ne voulons pas d'un système étatique, à moins que tous les médecins de France souhaitaient devenir fonctionnaires Mais le fait de nous avoir marginalisé nous conduit à cela : la gestion par l'UPA et par FO correspond en fait à un système étatique. J'espère que le choc de notre départ provoquera une prise de conscience pour l'éviter.
Je suis par ailleurs défavorable à une privatisation totale de la Sécurité sociale.
Enfin, je reste dubitatif quant à une régionalisation qui ne consiste qu'en la multiplication du problème par 22, même si le système alsacien est efficace.
Il reste une solution, celle que nous proposons, qui consiste en un système comportant des principes d'économie publique et des principes d'économie privée.
Quatre principes d'économie publique ont été retenus.
Nous souhaitons tout d'abord l'universalité de la protection.
Louis SERFATY
Cela faisait partie de la définition de la Sécurité sociale.
Denis KESSLER
Je souhaite en effet revenir aux sources de la Sécurité sociale. Je n'aurais d'ailleurs pas attendu 2001 pour faire la CMU !
Je suis également favorable à un principe de non-sélectivité et à une garantie viagère : les Français doivent être protégés tout au long de leur vie avec une gestion du capital santé (life cycle management). Enfin, nous sommes pour un financement socialisé, c'est-à-dire proportionnel aux revenus.
Louis SERFATY
Il s'agit en fait d'un impôt.
Denis KESSLER
Je suis favorable à ce que la CSG assure le financement intégral de l'assurance maladie. Le fait qu'il s'agisse d'un impôt unique présente l'avantage que chacun pourra savoir exactement ce qu'il paie pour l'Assurance maladie. La CSG constituerait une base proportionnelle, mais non progressive et serait beaucoup plus simple pour l'employeur.
Je demande à l'Etat :
- une définition des priorités de santé publique ;
- un contrôle et une garantie du système efficaces ;
- une définition du " panier " de soins en cohérence avec les objectifs de santé publique et en fonction de l'évolution des thérapeutiques ;
- un financement socialisé, par la perception des cotisations et le versement des forfaits.
Les autres feront leur métier. Il faut laisser aux Français la possibilité de s'assurer auprès des
organismes publics, mutualistes ou privés :
- qui respectent le panier de soins ;
- qui seront financés par forfait et cotisations ;
- qui seront contrôlés par l'Etat ;
- qui ne devront pas faire de sélection ;
- qui devront remplir les garanties viagères.
Ils seront principalement responsables des relations avec l'ensemble des professionnels de santé. Ces derniers n'aspirent qu'à avoir des relations contractuelles normales, fondées sur l'équilibre des parties entre ceux qui vont assurer le panier de soins bénéficiant du financement socialisé et devant mettre en oeuvre des cahiers des charges selon des principes de décentralisation. Chacun devra combiner le facteur capital, le mode de travail et la technologie de façon à assurer cette offre de panier de soins et à prendre en charge les Français.
Le principe de régulation réside dans l'incitation de chaque acteur à ne pas perdre de l'argent, à faire face à son développement voire à gagner de l'argent s'il arrive à combiner les facteurs capital, travail et technologiques pour offrir le panier de soins qui a été défini part l'Etat et qui correspond aux priorités de santé publique.
L'hôpital passe en financement traditionnel par pathologie, sous réserve d'une dotation pour les principes de recherche, d'aménagement du territoire ou d'urgence.
Nous attendons pour les assurés un système plus performant et un panier de soins à 100 %. J'attends pour les entreprises qu'elles soient, de nouveau, actrices du système, non pas dans l'abstraction mais dans la décentralisation. Cela leur permettra de choisir, avec leurs salariés, de choisir les opérateurs de soins. Pour les fournisseurs de soins, ce système sera fondé sur une base contractuelle qui permet l'équilibre des parties et l'adaptation. J'attends des pouvoirs publics qu'ils cessent de croire à leurs mensonges sur la régulation et d'utiliser les partenaires sociaux comme " faux nez ". L'Etat, le Parlement, le Gouvernement et l'administration auront véritablement une nouvelle fonction majeure d'orientation et de contrôle.
Le système repose sur des principes d'économie publique, d'organisation privée, de contractualité entre les opérateurs de soins et les fournisseurs de soins. Les opérateurs sont des organismes sui generis, soumis au contrôle et à l'habilitation du Gouvernement.
Je soumets ces idées au débat. Pour l'heure, je considère que personne n'a pris le risque de proposer une réforme de la Sécurité Sociale autre qu'un simple replâtrage.
Louis SERFATY
Vous proposez une réforme très étatique et très centralisée. D'autres pays ont fait l'expérience de l'abandon du paritarisme qui n'a alors plus de raison d'être. Nous sommes d'accord sur le panier de soins. J'appartiens à la Commission santé qui s'intéresse à ce problème depuis deux ans et qui j'espère continuera dans ce sens. Je précise qu'il existe un panier de soins en France, mais il est caché. Il faut le rendre transparent et l'appliquer.
La CSG est à l'opposé de toutes les actions menées jusqu'à présent. Le financement par l'impôt se substituerait alors au financement par les cotisations. La remise en cause du système sur lequel nous vivons depuis plus de cinquante ans aurait de lourdes conséquences en matière de liberté de choix du médecin ou de la prescription.
Emmanuel RENE
Vous rendez un verdict sans appel qui suscite chez moi une question. Auriez-vous vu passer, au hasard de l'étude des dossiers actuels, un seul mécanisme positif, fut-il de cohésion nationale ? Quels bébés vont partir avec l'eau du bain ?
Denis KESSLER
Je rappelle que nous n'avons pas pris une décision de façon irréfléchie. Nous avons prévenu et proposé depuis des mois.
La seule solution était d'engager la réforme dans le temps. Nous demandions que les questions soient posées et que le débat s'organise pour essayer d'améliorer la situation existante. Nous demandions de renoncer aux 3,5 milliards de francs de financement des 35 heures par la CNAM. Le Gouvernement assume cette décision dont il était informé des conséquences et qui conduit à une déstabilisation pour quelques milliards de francs. Vous savez, la " main velue " de l'Etat est insatiable. La vraie question est à poser au Premier ministre qui est responsable de la cohésion nationale. D'ailleurs, je poserai votre question au Premier ministre.
En tant que citoyen, je crois qu'il faut recréer des affectio societatis. L'énergie d'un dispositif est toujours dissipative. Parfois, il faut recréer des chocs pour renouveler la vocation de certaines personnes. Nous ne sommes plus dans de bonnes situations. La condition à notre réengagement réside dans la recréation de l'affectio societatis. Le Premier ministre n'a pas voulu solliciter cette réforme en dépit des interpellations de Nicole Notat et de moi-même. La position de Madame Notat est proche de la mienne. Nous avons laissé au Premier ministre la possibilité de se rallier non pas à la position du MEDEF mais à celle du "camp de la réforme" composé par les partenaires sociaux qui recherchent la réforme. Le Premier ministre n'a pas décidé d'ouvrir le débat.
Monsieur GAISSE
Je suis un ancien directeur d'Agence régionale d'hospitalisation. Je pense que vous commettez une erreur en évacuant la régionalisation. Toutefois, votre proposition est positive en ce sens qu'elle s'attache à créer de l'affectio societatis, c'est-à-dire des capitaines qui s'engageraient sur la production de soins. Par contre, ce que vous mettez en place fait disparaître le rôle de l'Etat qui collecte. Vous ne lui accordez plus aucun pouvoir. Son caractère de garant mérite d'être précisé. Ensuite, les partenaires sociaux disparaissent et compromettent l'image de solidarité nationale. Enfin, il faut réfléchir encore sur le fait que la recette socialisée est garantie et la dépense est libérale sous la contrainte de la capacité des capitaines à maîtriser les références professionnelles. Il va falloir trouver des cohérences. Lorsque la dépense est libérale, la recette ne devrait-elle pas l'être tout autant ? La recette ne devrait-elle pas être libérale plutôt que garantie ?
J'attire l'attention sur l'aspect régional. La France souffre de la petite taille de ses régions. Je pense que la dimension régionale est une bonne échelle pour appréhender collectivement les problèmes de santé au sens hôpital - ville.
En France, le problème se crée dans le couplage politiques - professionnels. Dans certains cas, les politiques agissent pour influer sur les moyens mis à disposition des capitaines publics ou privés. C'était l'objectif d'Alain Juppé qui visait à sortir le politique de l'autorité sur les professionnels. Il faudra aller au bout de cette logique tout en se rappelant que les politiques ont un rôle à jouer dans aménagement du territoire.
J'invite donc à faire attention aux partenaires sociaux, à s'interroger sur les politiques qui, de garants gérants, sont devenus gérants et repenser la dimension régionale.
Denis KESSLER
En ce qui concerne la régionalisation, je défends le point de vue des employeurs qui disposent d'établissements dans toute la France, voire à l'étranger. Notre espace social et fiscal doit être ininterrompu. C'est d'ailleurs l'objectif de la construction européenne. Cette vision d'aménagement du territoire peut être réglée par des principes relatifs au rôle des Etats.
Je distingue entre la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage. Je donne à l'Etat une nouvelle responsabilité : il ne gère plus ; il doit définir les priorités et assurer le financement, le contrôle, l'homologation, la formation et le recrutement des professions de santé. L'Etat, à travers une agence, doit avoir les moyens de mettre tout cela en oeuvre. Il est responsable de la recherche, de l'aménagement du territoire et de l'aménagement des urgences. La restriction à ce champ de compétence suppose une exécution parfaite.
Lorsque l'Etat aura défini de grandes orientations en matière d'aménagement du territoire et de politique de santé publique, nous les intégrerons dans les cahiers des charges et dans l'enveloppe que la collectivité peut consacrer à la prise en charge de ces priorités. Lorsque les Etats auront mis en place une base de financement claire et transparente pour tous les Français, nous saurons alors ce que coûte la CSG selon un principe de transparence propre à la démocratie moderne. L'Etat ne le fait pas, donc je maintiens mon constat. Je suis pour un Etat puissant, motivé, fort et transparent dans ses fonctions régaliennes.
En ce qui concerne les partenaires sociaux, il faut être cohérents. Dès lors que nous étudions les recettes, ils n'ont plus de raison d'être. Le cofinancement étant la base du paritarisme, sa disparition par l'application d'une taxe unique est inévitable. D'ailleurs, ce n'est pas le rôle des partenaires sociaux dans les autres pays dès lors qu'il s'agit d'un système universel financé par l'impôt et supervisé par l'Etat. En tant que partenaire social, représentant des employeurs, je considère que je n'ai plus de rôle à jouer dans ce dispositif autre que d'apprécier, en tant que citoyen éclairé, la qualité du système. Je ne suis plus dans la position idiote actuelle de pseudo gérant, de pseudo décideur et de pseudo soigneur.
Du côté des organisations syndicales, je pense qu'il y aura dans les entreprises un débat sur le choix d'opérateurs de soins et dans ce cadre, je suis pour la décentralisation.
J'ajoute que le divorce entre médecine du travail, médecine de ville et médecine hospitalière est un drame pour notre pays car il compromet la gestion du cycle de vie. Je pense que les partenaires sociaux auront à jouer un rôle dans la rédaction des cahiers des charges et des priorités de lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles adaptés à leur activité propre.
La base CSG évacue donc les partenaires sociaux de la question du financement.
Les professions de santé seront concernées par la liberté contractuelle. Le contrat est la loi des parties. Les opérateurs de soins entreront avec les thérapeutes dans des relations contractuelles diverses. Dans certains cas, le thérapeute conservera la totalité de son statut libéral. Dans d'autres cas, certaines personnes seront affectées sous le modèle des médecins référents. Dans un troisième cas, des médecins choisiront la position de salarié. Tout est définissable du moment que les deux parties sont d'accord. La diversité des positions, contrairement à l'unicité de convention, permettra une meilleure organisation des soins et l'adaptation entre les aspirations des médecins et les objectifs fixés.
Je suis favorable au contrat. Je considère que cet apport contractuel sera formidable pour faire émerger des statuts nouveaux et des passerelles.
Dominique COUDREAU
Nous avons tous apprécié l'extraordinaire talent de débatteur de Denis Kessler et la cohérence de son raisonnement. Par ailleurs, on le suit assez volontiers dans ses remarques relatives à la vétusté du système actuel et aux difficiles relations entre les partenaires sociaux et l'Etat.
Je souhaite revenir sur la question de fond. Ce sont d'abord les professionnels de la santé et les organisations hospitalières qui font fonctionner le système de santé. Le problème réside donc dans la capacité des fournisseurs de soins d'être des contractants avec les interlocuteurs qui deviendraient multiples.
Au fond, on constate que, indépendamment du côté vermoulu de l'organisation de la Sécurité sociale, le système de santé évolue. Dans les hôpitaux, dans les cliniques et dans la médecine de ville, des professionnels veulent modifier les organisations. Or ces professionnels risquent d'être saisis par la peur du vide lorsqu'ils seront confrontés au nouveau système. Majoritairement, en effet, ils se consacrent à leur métier de soignant, même si ce raisonnement peut être un refuge commode.
Confrontés à des choix d'organisation aussi radicaux, ils risquent d'être angoissés et je m'inquiète de leur réaction. Peut-être préféreront-ils un système Big Brother à la peur du vide.
Denis KESSLER
On a toujours tendance, en France, à construire des systèmes trop abstraits, sans penser à leur application concrète. On oublie d'envisager la projection de chacun dans le système qui est proposé, ce qui risque de provoquer un rejet. Je note que, dans le domaine de la construction, on propose des visites virtuelles, car les gens ne parviennent plus à se représenter un bâtiment à partir d'un simple plan. Il faut alors faire appel à des techniques modernes informatiques de représentation en trois dimensions. En situation d'angoisse, les gens préféreront toujours l'existant, mais je maintiens, et il s'agit de notre acte de foi, que l'évolution de la relation entre le thérapeute et le système est incontournable. Le système actuel tel qu'il existe n'est pas " projetable " à terme. En tant qu'économiste, je pense que l'aspect " capital " et technologique de la médecine va se renforcer.
Or, dans tous les systèmes, lorsque l'intensité capitalistique est modifiée, toutes les professions libérales sont amenées à se transformer. Nous sommes à l'aube d'une évolution considérable : dans dix ans, il faudra non plus des remboursements de soins, mais que les gens puissent s'équiper, utiliser des bases de données, des réseaux, des télétraitements ou des télédiagnostics. Tout ceci suppose une masse de capitaux investis, à laquelle l'organisation actuelle, qui se contente de rembourser des actes, n'est absolument pas adapté. La modification de la base économique de la prestation provoque nécessairement un changement de la relation entre les systèmes de financements.
Je conviens que cela est difficile. Dans dix ans, la gestion des cycles de vie supposera un appareillage qui modifiera en profondeur le statut du thérapeute, ainsi que ses relations avec ses collègues et avec le système. Mais je ne rêve que de pouvoir discuter avec mes amis médecins.
Pascal BEAU
Je comprends le début de ton intervention, mais j'ai quelques interrogations.
Premièrement, le système est-il si mauvais que ses bénéficiaires le ressentent comme tel ? J'en doute. Je ne suis pas certain que l'opinion publique française ressente la crise et attende une grande réforme. Je ne crois pas qu'il existe un " système ", car cela suppose une réelle organisation fermée. Il existe peut-être des morceaux de système. Les professions de santé sont-elles fondamentalement perdantes, au-delà du mécontentement professionnel classique ?
Deuxièmement, la France est un grand pays au sens géographique, mais le seul à ne pas avoir réalisé de déconcentration. Faut-il juger aussi rapidement le processus de régionalisation qui commence à peine ?
Troisièmement, combien de capitaines sont prêts à aller vers cette réforme, dès lors que le système est confortable ? Je suis très étonné par les administrateurs de caisses. J'ai présenté, au mois de juin dernier, un exposé aux administrateurs de la caisse de Paris. J'ai été atterré par leur manque de réaction ! Où sont les entrepreneurs ?
Enfin, en ce qui concerne l'Europe, il me semble que les systèmes de nos voisins ne fonctionnent pas particulièrement bien. Madame Schmidt s'est montrée très intéressée par notre ticket modérateur pour l'Allemagne, où se posent de sérieux problèmes de cohérence sanitaire et financière.
Denis KESSLER
Je considère que ta première question est nulle et non avenue car la demande latente de réforme tend vers zéro. J'en veux pour preuve la réforme de l'assurance-chômage. Si c'est à l'opinion publique de décider des réformes, nos débats ne servent à rien. Ainsi, le domaine de la formation professionnelle souffre d'une grande inertie, car il n'existe pas de demande latente de changement. Ces décisions sont difficiles à prendre car les coûts sont apparents à court terme, pour des bénéfices diffus à moyen terme et long terme. C'est la raison du blocage de la réforme du régime de retraite. Ta remarque me peine. Les décideurs doivent prendre des responsabilités lors des réformes. En ce sens, je rends hommage à Nicole Notat. Il faut encourager et supporter les réformateurs avant qu'ils ne se découragent ! Les relations sont difficiles entre l'administration et certains syndicats ! Il faut avoir une démarche d'entrepreneur vis-à-vis de l'opinion publique. Je me félicite du fait que le patronat prenne enfin ses responsabilités dans ce domaine.
Par ailleurs, je suis favorable à la décentralisation, mais contre la régionalisation. Les décisions doivent être prises par les acteurs qui les appliquent. Je crois à la rencontre entre des cocontractants.
Enfin, je ne suis pas favorable à un système de marché dans le domaine de la santé, car ce bien diffère des autres biens de consommation. Son utilité ne s'apprécie pas de la même façon. Le fait que ce soit tutélaire et l'existence des barrières à l'accès, des autorisations préalables, des concours, des ordres, signifie que le bien " santé " ne supporte pas l'aberration du jeu de l'offre et de la demande. Il pèse sur ce secteur une responsabilité de moyens, et non pas de fin, ce qui interdit la publicité. Je définis le bien santé comme exorbitant du droit commun de l'offre et de la demande. Le panier de soins est défini par l'Etat. L'offre de soin socialisée est définie comme ce que la société considère comme indispensable à tout citoyen dans notre pays à un moment donné. Il n'est pas interdit de se faire soigner par d'autres moyens, mais cela n'entrera pas dans le cadre de l'enveloppe de remboursements. Je laisse les professionnels de santé définir avec les opérateurs de soins la façon dont sera assurée la fourniture de ce panier de soin, sans sélection, sans exclusion, sans tarification avec la recherche d'organisations qui corresponde aux attentes. Lorsque le patient est mécontent, il a la possibilité de changer d'opérateur. J'ose comparer ce système de fonctionnement à celui des télécommunications.
Il est toujours possible, au moyen de quelques principes de concurrence tempérée, d'introduire des éléments d'émulation, d'innovation et de meilleure organisation dont bénéficiera la totalité de la collectivité. Cette dernière verra ainsi la charge socialisée, pour un niveau de panier de soins donné, minorée.
La diversité des droits de propriété dans ce secteur est fondamentale dans un cadre de concurrence tempérée.
Francis PEIGNE
Je tiens à vous faire part d'une inquiétude qui pourra vous sembler naïve voire simpliste. Comment pensez-vous que système de Sécurité sociale actuel puisse continuer à être géré après votre départ ?
En tant qu'hospitalier public, je vais vous faire la même remarque que Dominique Coudreau. L'hôpital public n'est pas malade, mais il est figé car nous n'arrivons pas à faire évoluer ses statuts. Certains essaient d'intégrer les notions de contrat, de responsabilisation, ou d'intéressement mais sans succès. Comment pensez-vous pouvoir faire évoluer l'hôpital ? Je signale que les hommes politiques de gauche comme de droite ont fait quelque peu avancer les choses en 1991 et 1996, mais pas fondamentalement.
Denis KESSLER
Il ne se passera rien après notre départ. Nous ne sommes pas irresponsables. Nous donnons ainsi la preuve de notre inutilité. A tel point que l'Etat est allé chercher une organisation marginale, l'UPA, qui est désormais représentative des entreprises de France forte de ses quelques boulangers et garagistes représentant 7 % des salariés
Veiller à l'atteinte du quorum n'est pas notre finalité.
Le problème est qu'on a dévitalisé quelque chose. Bizarrement, le patronat est à la fois insupportable et irremplaçable Le paritarisme est mort, nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide. Nous allons attendre que quelqu'un prenne une initiative de réforme qui ne sera sans doute pas la nôtre, même si des éléments s'en inspireront fortement, j'en suis sûr.
Votre seconde question est plus importante : un entrepreneur a besoin de moyens. Il faut donner un degré de liberté pour assurer ce rôle d'entrepreneur. Je souhaite la réforme de l'hôpital public. La fonction publique hospitalière ne peut être gérée ainsi. Une organisation qui découvre le besoin de recruter 45 000 personnes d'un coup est inimaginable pour un entrepreneur ! Cela prouve que la gestion dans le temps qui consiste à adapter les ressources aux charges n'a pas été faite
Une revitalisation des principes de gestion est nécessaire pour aboutir à une meilleure utilisation des moyens publics.
Louis SERFATY
Cela n'ira pas sans douleurs.
Denis KESSLER
C'est le lot des entrepreneurs, à qui il revient de prendre des décisions délicates comme la fermeture d'une usine ou la modification d'un processus de production. Dans la situation actuelle, il n'est pas possible d'avoir de grands gestionnaires de l'hôpital public
Monsieur COUSTEIX
Votre projet se situe dans la droite ligne de ce qu'avait déjà annoncé Alain Juppé. Mais en dépit du bon sens de vos propositions et de l'adhésion qu'elles peuvent susciter, aucune réforme ne sera engagée, parce que la période ne s'y prête pas. Je réfute les excuses liées au fait qu'il faut de l'argent pour financer les réformes : on ne manque pas d'argent en France, mais on le dépense avant de réfléchir aux réformes à engager
Vous avez décrit un système éclaté, avec une multitude d'assureurs santé. Que pensez-vous de la proposition de Nicole Notat comprenant trois assureurs santé, c'est-à-dire les trois grands régimes actuels qui deviendraient des régimes universels, et non corporatistes comme c'est le cas actuellement ?
Le panier de biens et services est une nécessité. Tout le monde était d'accord sur ce point il y a encore peu de temps, mais aujourd'hui, cela commence à inquiéter certains. Vous savez bien que toutes les professions de santé font le siège des divers partis politiques pour leur dire qu'il s'agit d'une mauvaise idée. Ce panier de biens et services correspond à des dépenses d'assurance maladie qui sont un sous-ensemble des dépenses de santé. Pensez-vous que les assureurs et les mutuelles sont prêts à risquer de faire de l'assurance au premier franc sur tout ce qui ne fait pas partie du panier de biens et services ?
Denis KESSLER
La CMU a été décidée par un gouvernement de gauche et inspirée par Martine Aubry. Destinée aux plus démunis, elle prévoit un panier de soins remboursés à 100 %. Le financement est forfaitaire : 1 500 francs par CMUiste, lequel est libre de s'adresser à l'organisme de son choix. Ce système est formidable in abstracto, mais il lui manque une chose : l'organisme de CMU est responsable des relations avec les thérapeutes. Je pense que ce système ne devrait pas être réservé aux plus démunis mais étendu à toute la population : pourquoi réserver aux plus démunis ce système de capitation, ce panier de soins imposés par les pouvoirs publics et cette liberté de choix d'organisme ?
Comme dans tous les pays, je pense que le nombre d'opérateurs de soins devrait se limiter à terme à moins d'une dizaine, ce qui suppose des capitaux considérables, une couverture géographique et des moyens gigantesques. Pour le moment, le menu offert par la MSA, la CANAM et la CNAM n'est pas varié, ce qui ne permet pas un réel choix.
J'avais avoué à l'époque à Monsieur Juppé que je ne croyais pas à ses ordonnances, mais je m'étais battu pour obtenir le droit à l'expérimentation. Cet aspect a été particulièrement attaqué par Martine Aubry. Nous avons par exemple été obligés d'abandonner les millions que nous avions engagés dans un projet d'expérimentation sur l'asthme.
Peu importe les croyances des uns et les autres (réseaux de soins, médecine libérale) dès lors qu'il est possible de choisir son opérateur et d'en changer. Je pense donc qu'il existera plusieurs opérateurs de soins qui seront des organismes sui generis avec un cahier des charges spécifique (respect de l'éthique, des bonnes pratiques et de la déontologie, transparence des comptes et de l'activité, et reporting sur la santé). Dans cette idée apparaît une clarification des responsabilités et des rôles de chacun.
Je souhaite que les thérapeutes deviennent des acteurs de ces opérateurs de soins. Leur intégration doit permettre leur responsabilisation.
Nous pouvons réussir. Je pense que les retraites feront l'objet d'une réforme, même s'il faut attendre quinze ans pour y parvenir, après la décision du 25 août 1993 de Madame Veil portant la durée de cotisation à 41 ans dans le secteur privé. Je pense qu'une durée de quinze ans correspond au temps politique français pour mettre en place une réforme... La France progresse, mais toujours en retard La réforme verra donc le jour dans quelques années : d'ici là, il convient d'argumenter et de se battre pour convaincre le Gouvernement. Je ne connais pas à ce jour de projet alternatif.
Monsieur WEIL
L'organisation cible que vous avez présentée ressemble beaucoup au HMO (Health Maintenance Organisation) américain. Je rappelle que ce système, qui a pour objectif d'allier qualité et coûts acceptables, peut poser certaines difficultés. Il ne faudrait pas arriver à une situation dans laquelle on fait accoucher les femmes chez elles Nous devrons donc trouver des référentiels. Dans les autres pays, les référentiels sont portés par les professionnels et non par l'Etat. En France, nous sommes enlisés dans les problèmes administratifs, syndicaux et politiques !
C'est un problème de professionnels. Des organismes indépendants de l'Etat devraient surgir préalablement à l'établissement des opérateurs pour établir les références et donner confiance au public.
Denis KESSLER
Je ne défends pas la transposition du HMO en France, même si quelques éléments sont intéressants. Je rejette dans l'idée américaine le système du financement par le risque : je préfère le financement socialisé. Mais je souhaite, en tant qu'assureur, que le risque soit intégré dans le dispositif de la CNAM. Sa gestion doit être prise en compte comme aux Etats-Unis. Toutes les questions sont posées dans les initiatives américaines autour de la notion de gestion du risque.
Le rôle important de l'opérateur de soin est d'effectuer, avec les thérapeutes, la transformation d'un remboursement d'acte dans une gestion commune du risque. Il devient alors acceptable de proposer aux Français de gérer, à un coût satisfaisant, le risque santé.
De toute façon, gérer le risque demande l'association des thérapeutes.
Louis SERFATY
Notre soirée touche à sa fin et votre intervention a sans conteste remporté un vif succès. Ce réquisitoire a été apprécié car la vérité est souvent cachée. La crise existe et elle a été entretenue par les gouvernements successifs. Nous sommes clairement confrontés à un système à bout de souffle.
Votre proposition de réforme nous a étonnés : elle est difficile, surprenante, et nous remarquons que certains mots ont disparu, comme " les partenaires sociaux " et " le paritarisme ". S'agissant desconséquences de votre départ, j'espère, pour nous tous, que vous gagnerez votre pari. Je suis prêt à vous suivre, même si je reste réservé quant à la substitution de l'impôt à la cotisation.
(source http://www.clinique-privee.com, le 18 janvier 2002)