Conférence de presse de M. Robert Hue, président du PCF, sur les actes de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2002, Paris, le 18 décembre 2001.

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Circonstance : Présentation des six actes de campagne pour l'élection présidentielle, à Paris, le 18 décembre 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
J'achève une série de rencontres dans tout le pays avec, au total près de 10.000 militantes et militants communistes. Ceux d'entre vous qui ont assisté à une ou plusieurs de ces rencontres ont pu le constater avec moi : la diversité communiste est réelle ; et elle est réellement riche -non pas seulement en analyses des réalités d'aujourd'hui, mais surtout en propositions, en demande de radicalité transformatrice. Elle s'ancre dans la sensibilité commune aux inégalités, aux injustices, et dans l'écoute des attentes, des aspirations populaires ; dans la volonté partagée d'être utiles pour que ces attentes soient entendues et respectées.
Utile : c'est le mot clé. Mes rencontres à travers la France ont montré notre détermination commune à faire en sorte que notre candidature soit utile à toutes celles et tous ceux qui veulent dire -et parfois crier- qu'il faut enfin qu'on les écoute et qu'on les respecte ; utile à toutes celles et tous ceux qui ne veulent pas du retour de la droite, avec son programme de revanche sociale, mais qui veulent que la gauche fasse une politique conforme à ce qu'ils en attendent. Une autre politique à gauche.
Quelle autre candidature pourrait leur permettre de faire entendre avec la force nécessaire ce double message ? Encore faut-il que ce que nous allons leur proposer d'exprimer par ce vote corresponde bien à ce qu'ils veulent dire ; à la politique qu'ils souhaitent, pour eux, pour leur vie quotidienne et pour la France dans l'Europe et le monde d'aujourd'hui.
C'est l'engagement que j'ai pris en ouvrant ma campagne sous le mot d'ordre : " La France, c'est vous ! ". C'est dans ce sens que nous avons travaillé au cours des 17 rencontres avec les communistes, au Conseil national du Parti communiste, réuni dimanche, et avec les animateurs et consultants de mon conseil de campagne.
C'est le résultat de ce travail que je vais présenter. Les communistes y retrouveront comme un écho des choix fondamentaux et des repères qu'ils ont voulu inscrire dans le " projet communiste " discuté par leur dernier congrès. Ils y retrouveront aussi l'essentiel des orientations et propositions dont nous avons débattu pour qu'ils deviennent les axes de notre campagne. Ensemble, nous sommes convenus de les mettre en débat dans la population. Nous le ferons dès le début janvier. Et c'est enrichies et précisées par ce débat qu'elles deviendront, en mars, " les choix pour une autre politique à gauche " en faveur desquels je proposerai aux électrices et aux électeurs qui le souhaiteront de voter. Non pour exprimer leur soutien au Parti communiste -ce n'est pas l'objet de l'élection présidentielle- mais leur volonté que l'on fasse résolument la politique qu'ils souhaitent.
Ma candidature leur sera alors utile pour porter leurs exigences sous forme de propositions politiques concrètes sur lesquelles, avec mon parti, je m'engagerai pour l'action future : dans le mouvement social, au Parlement, et le cas échéant au gouvernement. Elle sera utile pour que leur vote donne force à ces exigences, à ces propositions. Afin qu'elles soient entendues et respectées quel que soit le résultat des élections. Et, en cas de victoire, pour qu'elles deviennent, grâce au poids de leur vote, incontournables pour constituer le socle sur lequel construire avec les forces concernées -en premier lieu le Parti socialiste- non pas la reconduction ou la continuation de ce qui s'est fait depuis 1997, mais une autre politique à gauche correspondant aux nécessités pour la France, et aux attentes populaires. J'en suis convaincu : nous pouvons ainsi prendre ensemble un nouveau départ. Ni troisième homme, ni troisième voie. Je vise plus haut : une radicalité transformatrice, constructive, porteuse d'un projet social transformateur. Elle peut aller loin.
Le cur de ces propositions, c'est le refus intransigeant d'accepter les inégalités, la volonté permanente de les réduire. Il implique une politique audacieuse de développement humain durable et de respect des hommes et des femmes qui font la France.
Je récuse le dogme de la soumission, de l'abandon qui prétend inévitable l'acceptation des inégalités comme rançon de la modernisation.
La France a changé, la France change. En bien des domaines, elle se modernise. Mais les inégalités s'y creusent dramatiquement. La France est devenue un pays riche, où certains sont très riches, et un pays de bas salaires, de précarité, de chômage, où beaucoup sont très pauvres ! La France est devenue un pays développé, où d'extraordinaires possibilités s'offrent pour vivre mieux, apprendre mieux, mieux cultiver son esprit et son corps, travailler mieux, se loger mieux, se soigner mieux, vieillir mieux, se connaître et se respecter mieux les uns les autres et vivre mieux ensemble, à la ville comme à la campagne, en bénéficiant de meilleurs services individuels et collectifs Ces " mieux " sont bien réels, mais pas pour tous. Il y a aussi les " pires " que vivent celles et ceux de plus en plus nombreux qui ne peuvent y accéder et dont les conditions d'existence régressent alors qu'elles pourraient tant progresser !
C'est inacceptable. D'abord pour des raisons de dignité humaine. Il faut avoir l'âme froide de ces politiciens et technocrates qui vivent si loin du peuple pour satisfaire à bon compte sa conscience en répétant le dogme de " la rançon sociale du progrès ! ".
C'est tout aussi inacceptable du point de vue de l'économie et du développement du pays. On a vu ces dernières années comment la reprise de la croissance n'a pu être consolidée faute d'une consommation populaire suffisante. Et comment ne pas voir que l'aggravation des inégalités met " hors jeu ", puis sacrifie des êtres humains qui constituent l'atout principal de la France ? C'est le cas des femmes qui sont, on ne le dit pas assez, les principales victimes des inégalités au point qu'aujourd'hui bas salaires, chômage, précarité, et pauvreté sont tous majoritairement féminins. Quel gâchis alors qu'elles ont tant à apporter au développement du pays ! Quel gâchis aussi la situation faite aux jeunes, si nombreux à se voir refuser de prendre toute leur place dans la société, dans le mouvement du monde ! Et plus généralement quel gâchis, tous ces êtres humains, hommes et femmes de tous âges dont on refuse de reconnaître la valeur -et quelquefois l'identité- et que l'on maintient dans une vie médiocre alors qu'ils voudraient et pourraient faire tant de choses utiles aux autres et à leur pays !
C'est un choix de société que je propose. Audacieux, cohérent et dynamique. Une politique donnant en tous domaines la priorité absolue aux hommes et aux femmes de notre pays, à leur emploi, à leur vie, à leur avenir, à la vie et à l'avenir de leurs enfants. Au lieu de donner comme aujourd'hui la priorité à tout ce qui permet à quelques uns de faire toujours plus d'argent, d'écraser les hommes avec l'argent. Une politique créant davantage d'égalité, de justice sociale, avec les richesses produites par les hommes plus équitablement réparties, et au bout du compte, pour toutes et tous, une plus haute qualité de vie.
Ce choix, la société française peut le faire. Elle en a les moyens. Les moyens humains : connaissances, créativité, savoir-faire, disponibilité de millions d'hommes et de femmes -notamment de jeunes- pour contribuer à produire les biens et les services dont le pays a besoin et pour participer pleinement à la vie sociale, aux progrès de la civilisation. Le capitalisme financier n'en a que faire, seule la Bourse l'intéresse ! Une clé du progrès, c'est davantage la parole et les responsabilités aux gens, et moins à l'argent ! Les moyens financiers : ce sont des centaines de milliards qui sont donnés sans contrôle aux grandes entreprises "pour l'emploi", qu'elles engloutissent souvent dans la finance ; ce sont des milliers de milliards que les banques pourraient employer pour aider l'emploi et les personnes mais qui vont aussi vers la Bourse ; ce sont des sommes aussi colossales, résultat des " jeux " financiers, qui échappent à l'impôt et manquent à la société pour financer les dépenses sociales ! Qu'on arrête de raconter aux Français qu'on a pas les moyens de faire la politique qu'ils attendent ! Et j'ajoute, parce qu'aujourd'hui tout est lié : la France a aussi les moyens de participer à la montée des forces qui contestent la mondialisation capitaliste et veulent une mondialisation de partage et de dialogue, dans laquelle notre pays a beaucoup à gagner.
Oui, la France peut aujourd'hui mettre hors la loi les inégalités et choisir d'aller de l'avant pour un développement humain durable. La vague libérale qui a déferlé sur l'Europe dans la seconde moitié du siècle dernier n'a pas épargné notre pays. Pour tout soumettre aux exigences des marchés financiers, bien des acquis de notre République, de notre démocratie, des luttes des salariés, des luttes populaires ont été mis à mal au nom de la modernisation. Tout n'était pas parfait, loin s'en faut. Certains de ces acquis étaient insuffisants. D'autres ont pu être mal utilisés, voire détournés de leurs objectifs. Bien des choses auraient dû bouger en profondeur pour mieux répondre aux besoins d'une France moderne au 21ème siècle. C'est vrai aussi bien de certains aspects de notre système de protection sociale que de l'école, de la santé, et plus généralement du secteur des entreprises et services publics La nostalgie n'est pas de mise. Je pense simplement qu'il faut mesurer tout le mal fait aux hommes et au pays par la vague libérale, et y mettre un terme. Il faut cesser de plier devant les diktats des marchés et de gérer plus ou moins " socialement " les dégâts qu'ils provoquent. C'est le mouvement social qui a toujours été le moteur de la France pour qu'elle progresse. C'est ce mouvement social auquel je veux apporter ma contribution. Et pour cela, sans doute il faut, dans les conditions d'aujourd'hui, avec notamment les possibilités nouvelles considérables offertes par les avancées des sciences et technologies, avec les potentialités démocratiques de prise en main de leur destin par les êtres humains, et en tenant compte des dimensions aujourd'hui européenne et mondiale de toutes les questions, savoir renouer -mais en bannissant cette fois étatisme et productivisme- avec ce qui a fait le dynamisme d'un développement " à la française " accordant la priorité au social et à tout ce qui fait la vie et l'environnement quotidiens, avec des services publics forts et efficaces, et toujours plus de démocratie citoyenne dans l'entreprise, dans les territoires et dans l'Etat. C'est le sens des propositions dont nous avons débattu avec les communistes et que nous soumettrons aux hommes et aux femmes de notre pays.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les principaux enseignements que je tire de cette série de dix sept rencontres avec 10 000 militantes et militants communistes.
Ils nourrissent et enrichissent très utilement mes propres réflexions sur le sens et le contenu de ma campagne pour l'élection présidentielle, et sur la place et l'utilité du Parti communiste dans la société française.
Ils me permettent de livrer aujourd'hui, devant vous, les six axes de propositions que j'entends soumettre à l'appréciation des électrices et des électeurs, avec l'ambition de conclure avec elles et avec eux un contrat politique, un véritable contrat progressiste leur garantissant, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle, que j'en serai porteur pour les faire avancer concrètement.
Ces six axes de propositions vous ont été remis en même temps que le texte de mon propos liminaire.
J'en énumère simplement les intitulés :
- L'audace sociale du développement durable
- L'urgence d'une vraie politique sociale
- La dignité pour tous. Oser l'égalité dans la différence
- Services publics : la modernité, pour vivre mieux, en paix, au quotidien
- Pour une République et une citoyenneté modernes.
- Pour un monde de coopération, de dialogue, de partage, et de paix.
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.pcf.fr, le 21 décembre 2001)