Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur le développement économique des quartiers, les zones franches urbaines et l'aide fiscale dans le cadre du pacte de relance pour la ville, Paris le 19 décembre 2001.

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Circonstance : Journée nationale d'échanges sur le développement économique et la politique de la ville à Paris le 19 décembre 2001

Texte intégral

Madame la déléguée,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous féliciter pour l'organisation de cette journée de travail sur un sujet qui est au cur de la problématique urbaine.
Il s'agit d'une approche encore récente, et complexe. Vous avez choisi de l'aborder en privilégiant les exemples et les confrontations de cas pratiques. Je crois que vous avez fait le bon choix.
L'ampleur des chantiers à ouvrir mérite à la fois une grande ambition et beaucoup de modestie. Il faut à la fois traiter de questions de développement économique au sens strict, mais aussi d'aménagement de l'espace, de rentabilité financière des investissements ou encore de créations d'emplois. Il s'agit de penser au niveau d'un espace de développement pertinent, donc vaste, tout en cherchant à en mesurer les effets sur des micro territoires en voie de désintégration sociale.
Combiner des territoires de dimensions différentes, mais aussi s'appuyer sur la mobilisation et les logiques d'acteurs, peu familiers de la politique de la ville : je veux parler des acteurs économiques. Tel est le défi à relever pour transformer la situation de nos quartiers.
Aussi je me réjouis de cette initiative, Madame la déléguée, qui me permet de rencontrer cet après midi, un auditoire nombreux et diversifié représentant tous ceux qui veulent agir pour le développement économique des territoires prioritaires de la politique de la ville.
La grande variété des thèmes que vous avez abordé, la précision, que vous avez apporté à présenter vos actions, montrent à quel point aujourd'hui la question du développement économique n'est pas une simple intention, mais une réalité.
- si à ses débuts la politique de la ville s'est préoccupée de rénovation, de reconstruction, principalement pour les logements, et si cela demeure nécessaire ;
- si l'amélioration du lien social demeure aussi notre préoccupation ;
Nous savons pourtant qu'une ville équilibrée, une ville qui réussit, ne peut se faire sans développement de son économie c'est à dire de sa richesse.
Les quartiers en difficulté, qui sont notre cur de métier, revendiquent plus
que d'autres espaces encore, le besoin de s'inscrire dans un projet de développement de la richesse.
Or force est de constater que 25 ans de crise économique et de chômage de masse ont entraîné des reconfigurations de notre territoire, où la ville des marges, celles des banlieues a fait les frais de ces grandes restructurations.
La disparition des entreprises à fort potentiel de main-d'uvre et de main-d'uvre non qualifiée, a privé ces quartiers d'habitat de l'essentiel de leurs sources de revenus.
Sans emploi et sans perspectives d'en trouver un, des générations entières ont été décimées, qu'il s'agisse des adultes ou des jeunes n'ayant jamais connu l'expérience du monde du travail. Une société, une ville ne sort pas indemne d'un tel traumatisme.
Si la solidarité nationale a beaucoup joué pour amortir socialement ce choc, les logiques du marché ont continué à fonctionner. Nos quartiers, plus pauvres, sont mécaniquement devenus moins attractifs pour faire des affaires. Baisse du pouvoir d'achat, dégradation dans l'entretien de l'espace, montée de la violence et diffusion d'un sentiment d'insécurité, les ingrédients étaient peu à peu réunis pour rendre de plus en plus difficile le développement ou le maintien d'un tissu économique, même de proximité.
Et nous avons connu, le lent déclin des centres commerciaux ou d'activité, devenant des lieux d'insécurité plus que de convivialité.
Dans une société qui s'enfonçait dans la récession économique, victime d'une crise mondiale, sans perspectives d'amélioration à court terme, l'urgence était sociale. La politique de la ville s'y est consacrée. Le milieu économique était interpelé, au nom d'une poignée de patrons sociaux et de l'idée d'une entreprise solidaire et citoyenne.
Permettez-moi, mesdames et messieurs, parce que nous sommes dans un environnement économique différent, parce que nous avons fait des choix et pris des décisions, il y a maintenant 4 ans, dont nous commençons à percevoir les bénéfices, de vous dire aujourd'hui ma vision du développement économique de la ville.
J'ai été nommé au Gouvernement au lendemain du pacte de relance pour la ville, qui plantait un nouveau décor, certes, mais pour 44 zones franches urbaines seulement.
Je ne reviendrai pas sur ce sujet, dont certains mauvais esprits veulent faire une polémique. Telle n'a jamais été mon attitude. Tout au contraire, puisque j'ai voulu mesurer, me rendre compte et surtout faire fonctionner ce dispositif, mais en le moralisant, c'est-à-dire en faisant le pari du "gagnant-gagnant".
C'est pour cela que nous n'avons pas interrompu le processus des zones franches urbaines. Nous l'avons corrigé aux marges pour le rendre moins injustes socialement et plus efficaces pour les comptes de la nation. Nous avons donné aux autres dispositions comme l'EPARECA, les moyens de travailler (c'est-à-dire un budget d'intervention et une équipe d'experts). Et je pense que nos prédécesseurs peuvent nous remercier du sens de l'Etat et de la continuité du service public car nous avons fait ce qu'ils avaient simplement annoncé.
Mais il m'a aussi semblé que nous n'avions pas trouvé l'alpha et l'oméga avec ces seules mesures. Il fallait les enrichir.
C'est pourquoi, j'ai, au fur et à mesure des comités interministériels des villes, argumenté et fait prendre des décisions au premier ministre pour doter le Ministère de la ville d'une réelle force de frappe en matière de renouvellement urbain.
Notre crédibilité en matière de développement économique, passe en effet par notre capacité à montrer que les quartiers sensibles, sont bien la priorité du gouvernement. C'est-à-dire qu'il y consacre des efforts en terme d'investissements publics, jamais atteints, car il veut faire de ces territoires des territoires comme les autres, dotés du même niveau de services publics, d'aménagement, et de prestations.
C'est parce que la puissance publique peut montrer que ces territoires sont des territoires d'avenir, que les investisseurs privés, peuvent à nouveau s'y intéresser.
Tel est le premier changement fondamental que nous avons introduit par rapport à nos prédécesseurs. Oui la collectivité nationale met le paquet pour les quartiers.
Près de 8 milliards de Francs seront consacrés aux GPV et aux opérations de renouvellement urbain sur la période 2000-2006.
Depuis 1997 un certain nombre de tabous ont sauté. Nous avons assumé la nécessaire obligation des démolitions et nous en avons accéléré le rythme, car il faut que l'image des quartiers change physiquement. La concentration urbanistique parce ce qu'elle génère, des dysfonctionnements, des surcoûts, parce qu'elle ne correspond plus aux attentes de nos concitoyens, en terme de cadre de vie, doit être remise en cause. C'est ce que nous avons commencé à faire. Et le programme de travail s'accélère.
La transformation de l'espace en ce qu'elle rend la ville plus belle, plus agréable à vivre, la rend aussi plus attractive économiquement.
C'est pour cela que le renouvellement urbain ,engagé avec d'autres opérateurs publics, comme la caisse des dépôts et consignations, participe de la politique de développement économique.
Avec les prêts à taux bonifiés pour 10 milliards de francs ou l'intervention plus directe du fond de renouvellement urbain à hauteur de 3 milliards, la caisse des dépôts et consignations accompagne l'effort de l'Etat et des collectivités locales pour améliorer le visage et la rentabilité économique de ces quartiers. Des centres commerciaux sont rénovés, des cliniques sont agrandies et transférées depuis les centres villes, des parkings sont sécurisés et aménagés, des immeubles sont recomposés et adaptés aux besoins, là de bureaux, ici d'artisans. La ville bouge et permet à ceux qui veulent la faire bouger d'y prendre leur part.
A l'initiative privée hier défaillante, la puissance publique a répondu en faisant preuve d'audace et d'imagination. Des montages juridiques et financiers sont aujourd'hui possibles, pour que dans l'attente d'une reconversion achevée et exemplaire des quartiers, les pouvoirs publics se substituent aux investisseurs privés. C'est toute l'ambition de l'EPARECA avec la CDC, pour redonner vie aux espaces commerciaux ou artisanaux.
Aujourd'hui un partenariat public privé peut se mettre en place, pour combiner les financements et rendre attractif des projets de développement économique sur certains territoires urbains hier condamnés.
Je veux saluer à cette occasion l'engagement du conseil régional de Rhône Alpes qui sera la première région en 2002 à créer avec, des agglomérations, des banques privées et la caisse des dépôts et consignations, une société d'investissement régional. J'ajoute que le parlement vient d'adopter, sur ma proposition, un dispositif d'amortissement fiscal particulièrement intéressant aux entreprises qui apporteront une dotation en capital à ces nouvelles sociétés d'investissement. Cet avantage fiscal nouveau devrait accélérer la constitution de ces sociétés. D'ores et déjà 5 autres régions sont candidates.
Une fois de plus l'Etat a joué son rôle de levier, pour booster l'initiative privée. Tel est bien son rôle lorsqu'il en va de l'équilibre des territoires et de la cohésion nationale.
Au delà de l'environnement économique, c'est aux entreprises directement que je veux aussi m'adresser, et sur lesquelles j'ai fait porter l'essentiel de mon effort depuis mon entrée au gouvernement.
Au 1er janvier 2002, elles disposeront d'une batterie d'outils diversifiés pour les aider à mieux vivre dans les quartiers ou pour les inviter à venir s'y installer.
D'abord pour celles qui y sont déjà installées.
Nous prolongeons de trois nouvelles années, mais de manière dégressive, les exonérations fiscales et sociales des entreprises installées en ZFU avant le 31/12/2001. Celles ci auront donc bénéficié en fin de période d'une série d'exonérations pendant une durée totale de 8 années.
Mais plus largement, pour tous les commerçants et artisans installés en ZRU et qui n'ont encore bénéficié d'aucun avantage, nous les exonérons pendant 5 ans de leurs cotisations sociales.
Je rappelle que pour les surfaces commerciales, plus importantes, au moins 400m2, nous avions obtenu dans le cadre de la loi SRU une franchise de 10 000 F de la taxe sur les commerces (TACA).
L'amélioration des conditions d'activités des entreprises existantes, nous a conduit également, à prendre en considération les surcharges qui peuvent résulter de leur installation dans des quartiers sensibles. Je pense en particulier, aux surprimes d'assurances, ou aux frais entraînés par des services de surveillance ou gardiennage sophistiqués. C'est pour ce faire que le fonds de revitalisation économique offre une prise en charge d'une partie de ces surcoûts pouvant atteindre 10 000 F.
Enfin pour les entreprises qui veulent s'agrandir, se moderniser, acquérir un nouvel équipement, l'Etat peut prendre en charge jusqu'à 15% de cet investissement, avec un maximum de 150 000 F.
Je souhaite ainsi montrer, qu'à côté de l'aménagement de l'environnement, qui nécessite des travaux importants, étalés dans le temps, et parfois générateurs de nuisances, l'Etat accompagne au quotidien les entreprises qui travaillent dans les quartiers.
Mais je veux aussi adresser un signal fort à tous ceux qui seraient intéressés par une implantation dans les quartiers.
D'abord l'Etat maintient un régime d'aides fiscales très avantageux pour les entreprises nouvelles qui s'implanteront d'ici le 31/12/2004 dans les zones de redynamisation urbaine.
Ensuite je rappelle que tous ceux qui veulent créer leur entreprise dans une zone urbaine sensible peuvent depuis cette année bénéficier d'une aide au démarrage, très simple de mobilisation, pour un montant de 20 000 F. Il s'agit bien du coup de pouce au démarrage, que bon nombre de rapporteurs qui se sont penchés sur la question de la création d'entreprises en France, je pense à Eric BESSON ou Jean Marie BOCKEL, nous ont réclamé. Pour les territoires prioritaires de la politique de la ville, c'est possible et d'ores et déjà sur la région Ile-de-France plus de 200 personnes en ont déjà bénéficié.
J'ajoute, et vous l'avez sans doute évoqué ce matin, que le ministère de la ville, la caisse des dépôts et consignations et quatre des plus importants réseaux de la création d'entreprises (ADIE, CLBG, FIR, France Active) ont signé au mois de septembre dernier un accord pour mettre progressivement en place dans les quartiers, un dispositif spécifique d'accompagnement à la création d'entreprises. Dans un premier temps 12 sites prioritaires ont été retenus et les premiers recrutements sont en train de s'effectuer, à commencer par Lille, que je salue au passage.
Aujourd'hui le moyens sont là. Progressivement un réseau toujours plus nombreux et professionnel se constitue. Dans les organismes consulaires, du commerce comme des métiers, la dimension territoriale se banalise. Désormais, l'approche en terme de développement territorial, à un niveau infra départemental, prouve sa nécessité et sa pertinence.
Grâce aux outils et aux moyens financiers que l'Etat et les collectivités locales mettent sur les quartiers en difficulté, ces territoires apparaissent comme des espaces d'opportunité de développement.
Il ne peut y avoir d'un côté les territoires du lien social et de l'autre ceux de la performance économique. Une telle dichotomie est socialement instable, économiquement perverse.
Aussi c'est à une vision du développement du territoire équilibrée, associant logique sociale et logique économique que j'aspire et vers laquelle je souhaite que se tournent les décideurs politiques et économiques locaux.
La France d'il y a 20 ans a été confrontée, à une terrible crise de son appareil de production, qui a plongé des bassins d'emploi entiers dans des reconversions radicales. L'Etat, l'Europe y ont consacré des montants financiers et des savoirs faires énormes.
C'est une crise sociale de même ampleur que viennent de vivre des parties entières de nos agglomérations.
Aujourd'hui ces territoires déstructurés, connaissent à leur tour une reconstruction en profondeur, avec des investissements publics massifs.
Ils bénéficient par ailleurs d'un potentiel de main d'uvre inexploitée, avec une population jeune et nombreuse qui peut se mobiliser si on lui fait confiance. Les ingrédients sont donc réunis, dans une conjoncture économique plus favorable, pour réussir le renouveau de la ville.
Il manque peut être un élément, le ou les facilitateurs locaux, qui feront prendre la mayonnaise, qui transformeront l'essai, ordonneront les initiatives, joueront les mises en synergie, seront les interfaces entre aménageurs, promoteurs, financeurs. Il s'agit d'une fonction, jadis encore imaginée sur les pôles de conversion, quand il fallait ramener de l'activité économique, du projet de développement local sur un territoire dévasté. Tel est bien l'enjeu pour nos territoires urbains défigurés aujourd'hui.
La maîtrise d'uvre urbaine et sociale doit s'enrichir de cette nouvelle compétence de développeur territorial. J'ai d'ores et déjà pris des premiers contacts avec les professionnels qui peuvent m'aider à lancer au début de l'année 2002, , un véritable plan de recrutement pour qu'au moins sur chaque site en GPV cette fonction de haut niveau soit assurée. C'est pourquoi je souhaite que soit mis en place sur ces 50 sites de véritables "poste d'expansion économique" que dirigeront ces nouveaux profils.
De nombreuses entreprises privées ou publiques ont été confrontées par le passé à la reconversion de leurs activités et ont acquis à cette occasion des savoirs faire, qui peuvent être mobilisées, en terme de méthodologie de projet.
Je veux mobiliser cette intelligence de l'approche territoriale. Au moment où nous recherchons de nouveaux modèles pour vivre mieux la mondialisation des échanges, l'approche locale qui valorise toutes les richesses d'un territoire et les met en résonance, me semble être la voie à privilégier.
La ville où se concentre 80% de la population, mérite cette vision globale, qui reconnaît et s'appuie sur toutes les potentialités de développement.
Remodelée, rassurée, la ville doit permettre à tous ceux qui sont créateurs de richesse de concrétiser leur projet.
Il y a une énergie dans la ville, une force sur laquelle nous appuyer pour la faire fructifier au bénéfice de tous. Tel est le vu que je forme en cette fin d'année.
Je sais que tous, dans cette salle, vous y participez. Je souhaite vous adresser mes encouragements et vous assurez de ma détermination pour réussir avec vous, la ville du XXIème siècle : une ville où prospérité rime avec solidarité.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 20 décembre 2001)