Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la protection du patrimoine architectural, urbain et paysager dans le cadre des ZPPAUAP, notamment le rôle des collectivités locales pour les secteurs sauvegardés, Lyon le 7 décembre 2001.

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Circonstance : Clôture du colloque "ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) et dynamiques territoriales" à Lyon le 7 décembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Maire-Adjoint,
Madame la Directrice de l'Architecture et du Patrimoine,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez largement débattu depuis hier matin de l'originalité et de la pertinence de l'outil que constituent les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Vous avez, les uns et les autres, montré la diversité des types de patrimoines que les ZPPAUP permettent d'aborder, de connaître, de protéger, de gérer, qu'il s'agisse de patrimoines urbains ou ruraux. Enfin, vous avez pu comparer avec d'autres documents d'urbanisme ou d'autres modes de protection du patrimoine les qualités de cette procédure qui, fondée sur le partenariat avec les collectivités locales, a montré sa capacité à susciter un dynamisme de réflexion plus globale sur l'aménagement du territoire et favoriser des démarches constructives de projets urbains et de développement local. Je souhaite insister sur ce point.
Nous constatons aujourd'hui partout que le patrimoine est porteur de projets d'aménagement de toutes sortes. Il peut s'agir de la simple mise en valeur d'une place de village autour d'une église ancienne qui aura un effet incitatif sur la restauration de tout le bâti environnant mais cela peut également concerner des projets de grande ampleur bouleversant la perception traditionnelle d'un espace. Lors des récents Entretiens du Patrimoine à Paris, il a été souligné les risques d'approches radicales allant de la muséification de lieux de mémoire à l'aménagement débridé et mercantile de grands monuments. Les enjeux culturels d'une politique patrimoniale exigent d'être clairement définis si on veut encadrer avec pertinence le projet d'aménagement.
Nous disposons en France d'un système de protection du patrimoine urbain patiemment élaboré qui comprend les abords des monuments historiques et les secteurs sauvegardés. Ce système, aujourd'hui souvent contesté, est aussi très revendiqué, notamment par les élus qui, tout en ménageant les capacités d'évolution de leur commune, sont soucieux d'assurer le développement harmonieux de leur commune en donnant toute sa place au patrimoine. Je l'ai vérifié tout au long de mes très nombreux déplacements dans le pays. L'ensemble de ce dispositif est actuellement réexaminé pour tenir compte de l'évolution de la demande sociale et du rôle croissant des collectivités. C'est ainsi qu'une double démarche visant, d'une part, à réfléchir au renouvellement des secteurs sauvegardés, d'autre part, à élargir aux pétitionnaires la possibilité de recours sur les avis des architectes des bâtiments de France, est en cours.
C'est dans le cadre d'une vision globale des dispositifs de protection et de gestion du patrimoine urbain, voire monumental que s'engage cette réforme qui doit permettre de préciser pour chaque dispositif ses spécificités, le contexte et les terrains d'application. A cet égard, la procédure de ZPPAUP est particulièrement d'actualité. Dans le contexte d'évolution de la décentralisation, elle permet une coopération étroite entre l'Etat et les collectivités. Déjà confortées dans leur principe par la convention de Grenade, signée en 1985 par le Conseil de l'Europe, intégrant la conservation du patrimoine dans l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, les ZPPAUP, depuis quinze ans, ont permis d'expérimenter les démarches partenariales de reconnaissance culturelle et de concertation entre la société civile, les élus, les professionnels de l'urbanisme et de la protection du patrimoine.
Elles ont permis la mise en place d'un nouveau mode de gestion consensuel du territoire fondé sur des connaissances partagées, sur une volonté commune d'information et de diffusion des valeurs architecturales, urbaines et paysagères. Elles ont ouvert le dialogue et la négociation préalables aux décisions d'aménagements, pour mieux atteindre l'objectif de qualité de l'environnement bâti et non bâti. C'est cet exercice, parfois difficile, que concrétisent pratiquement les documents des ZPPAUP.
La politique des ZPPAUP s'inscrit aujourd'hui totalement et plus que jamais dans les politiques nationales récemment affirmées (loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains). Nos ZPPAUP sont en phase avec les politiques qui encouragent les projets globaux d'aménagement et de développement durable de l'espace et concilient patrimoine et modernité. C'est pourquoi notre ministère a la volonté de poursuivre le développement quantitatif et qualitatif de cette procédure. Dans ce but, plusieurs chantiers ont déjà été menés à bien par la direction de l'architecture et du patrimoine à partir du rapport de l'inspecteur général, M. Francis Chassel, ici présent.
Un chargé de mission a été nommé pour suivre cette procédure ainsi que cela était demandé par l'ensemble de nos partenaires. Un état des lieux a mis en évidence que les ZPPAUP sont aujourd'hui un outil reconnu et adapté, dans la majeure partie des cas, à notre mission de protection et de développement durable du paysage urbain. Une typologie de ces ZPPAUP peut donc être établie sur d'autres thèmes révélés par cette étude, il sera nécessaire de les faire évoluer. Enfin, désormais la participation financière de l'Etat pour les études de ZPPAUP se ferait par voie de subventions versées aux communes.
Cette simplification administrative traduit notre volonté d'affirmer le rôle majeur des municipalités en tant que maîtres d'ouvrage. Cette décision sera effective dès 2002. Il nous faut cependant aller beaucoup plus loin et j'ai l'intention de soutenir les expérimentations de terrain, notamment quant elles s'appuieront sur un partenariat approfondi entre les services départementaux de l'architecture et du patrimoine et les directions régionales des affaires culturelles au sein desquelles les services de l'inventaire me paraissent pouvoir jouer un rôle tout à fait primordial. J'ai également demandé à l'administration centrale de travailler en relation étroite avec les services départementaux de l'architecture et du patrimoine en vue d'une plus grande homogénéité des documents des ZPPAUP.
Il importe que ces études soient facilement compréhensibles par l'ensemble des utilisateurs potentiels, car l'un des buts premiers de ces études est la transmission et l'appropriation par tous de la connaissance du patrimoine. Par ailleurs, la future Cité de l'architecture et du patrimoine à Chaillot, développera une animation de tous les réseaux professionnels et créera des conditions d'échanges entre les différents spécialistes du patrimoine, les créateurs, et tout particulièrement les architectes. Enfin, dans le contexte nouveau d'aujourd'hui et plus particulièrement dans le cadre du projet de loi " démocratie de proximité ", actuellement en cours d'examen par les Assemblées, Catherine Tasca, Ministre de la Culture et de la Communication et moi-même avons lancé une démarche prospective à travers la mise en place expérimentale de protocoles de décentralisation culturelle. Ces expérimentations sont plus qu'une simple réflexion sur la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales.
Nous visons à donner à la protection, à la gestion et à la mise en valeur du patrimoine la place qui lui revient, non seulement au niveau de l'Etat, mais également dans l'ensemble des décisions de tous les partenaires concernés et à tous les niveaux. Pour réussir, ces expérimentations exigent une véritable prise en compte du patrimoine, et notamment du patrimoine urbain, dans l'ensemble des décisions prises en matière d'urbanisme. Le mode de gestion de l'espace mis en uvre à travers les ZPPAUP était à l'origine précurseur. Aujourd'hui leur évolution doit permettre de résoudre quelques problèmes à caractère technique et juridique que les Rencontres ont permis d'aborder dans le détail.
Mais l'objectif essentiel de cette évolution essentielle pour nous tous, élus ou agents représentants de l'État, qui avons la charge, à un titre ou à un autre, du cadre de vie de nos concitoyens, réside dans l'adaptation des ZPPAUP aux préoccupations, quelquefois perçues comme contradictoires, de développement économique d'une part, et de protection et de gestion du patrimoine architectural et urbain d'autre part.
C'est pourquoi, je tiens à souligner le rôle déterminant joué par les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), les services patrimoniaux des DRAC, les conseillers pour l'architecture et l'ensemble des chargés d'étude - architectes, urbanistes, paysagistes, historiens - qui tous, par leurs compétences spécifiques et complémentaires, oeuvrent à la connaissance et à la mise en valeur du patrimoine comme valeur identitaire partagée par l'ensemble des citoyens. Je souhaite qu'à terme, le développement des ZPPAUP contribue à mieux faire comprendre leurs missions à tous et à mieux faire accepter les contraintes qu'elles nécessitent. Je pense en particulier aux SDAP qui ont pour mission de conduire ces études et de mettre en uvre les procédures.
Pour ma part, je mets tout en uvre pour renforcer les moyens de ces services submergés par la demande. Je suis aussi profondément convaincu que le dialogue préalable, le conseil auprès des élus et des particuliers et la clarification des objectifs en terme de protection permettront de mieux faire entendre leurs avis.
Mais le patrimoine est notre bien commun avant tout, il est de la responsabilité de tous les Français, et plus particulièrement de leurs représentants - les élus - d'assurer la protection et la gestion du patrimoine architectural, urbain et paysager.
Je tiens, pour conclure, à remercier les organisateurs de ce colloque, les intervenants qui lui confèrent son remarquable intérêt, la Ville de Lyon et tous les participants qui témoignent ici, par leur nombre, de l'intérêt croissant pour le patrimoine et la qualité du cadre de vie
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 10 décembre 2001)