Texte intégral
Je vous remercie de votre invitation. C'est pour moi un plaisir de rencontrer les représentants parlementaires qui sont les mieux à même d'exprimer les aspirations profondes des pays dont ils viennent.
Vous formez un forum unique pour débattre des grandes questions internationales. En définitive, c'est devant vous que, dans chacun de vos pays, les gouvernements doivent rendre compte de leurs décisions et de leurs actions internationales.
Je profiterai de cette occasion privilégiée pour évoquer les conséquences d'un événement international qui nous concerne tous : la fin de l'antagonisme est-ouest. La page de la guerre froide est déjà tournée depuis quelques années, mais le nouveau chapitre de l'histoire qui s'annonce n'est encore qu'une ébauche.
Cela vaut pour l'Europe comme pour l'ensemble des régions du monde. La disparition de l'antagonisme est-ouest a accru la liberté des pays et des peuples. Cette liberté exige une organisation meilleure des relations internationales.
Je mentionnerai ici deux efforts qui me semblent indispensables.
L'autorité de l'organisation des Nations unies doit être réaffirmée. Alors que les relations internationales évoluent parfois de manière chaotique, les Nations unies demeurent la seule enceinte disposant de la légitimité permettant de décider et d'agir au nom de la communauté internationale toute entière.
Les objectifs de la Charte des Nations unies restent pleinement actuels. De même en est- il du combat pour la sécurité et la liberté de nos peuples. De nombreuses crises dans le monde, et au sein même de l'Europe, nous rappellent la fragilité de ces acquis.
Mais il ne suffit pas que l'action de l'ONU soit légitime pour qu'elle soit efficace. Il faut également donner à cette organisation les moyens qui lui font défaut pour mettre en oeuvre les décisions qu'elle adopte.
Regretter certaines insuffisances de l'action des Nations unies ne doit pas conduire à se tourner vers telle ou telle autre institution. L'ONU ne doit pas être dessaisie du contrôle de l'exécution des décisions qu'elle adopte. Certes, des organisations de défense peuvent intervenir en soutien, comme c'est actuellement le cas en Yougoslavie, mais elle ne peuvent agir aux lieu et place des Nations unies.
Comment accroître l'efficacité de l'ONU dans la conduite des opérations de maintien de la paix ?
Il importe en premier lieu que chaque pays s'interroge sur la meilleure manière de contribuer à de telles opérations.
J'ai, pour ce qui concerne la France, demandé au Sénateur Trucy de réfléchir à l'adaptation de nos moyens aux missions effectuées dans le cadre de l'ONU. Les conclusions qu'il vient de me remettre seront étudiées avec attention. Cet effort de la France, qui fournit à l'organisation des Nations unies le contingent de militaires le plus important, doit être soutenu par celui de l'Organisation elle-même.
Il reste encore beaucoup à faire. S'agissant de l'action dans l'ex-Yougoslavie, j'ai constaté récemment, lors de ma visite à Bihac, que les conditions permettant de concilier l'efficacité de l'action et la sécurité des troupes étaient loin d'être réunies. Des moyens militaires existent. La détermination politique ne manque pas davantage. Reste à améliorer les procédures militaires et civiles.
Sur le moyen terme, le Secrétaire général des Nations unies a fixé les objectifs à atteindre dans son "agenda pour la paix".
La France prend activement part à cette réflexion. Elle a remis un mémorandum, en juillet dernier, qui propose de réformer le Secrétariat des Nations unies, la conception des opérations et leur financement. Je crois devoir insister sur ce dernier point, car il ne sert de rien de plaider pour un renforcement de l'efficacité des opérations de maintien de la paix si l'on n'est pas disposé à en acquitter équitablement le coût.
Il faut également que les pays membres de l'Organisation se tiennent prêts à participer à des opérations de maintien de la paix dans des brefs délais, car la rapidité de l'action est souvent un facteur essentiel de son efficacité. L'exemple yougoslave est, là encore, riche d'enseignements.
Exerçant actuellement la Présidence du Conseil de sécurité, la France fera tout pour que ces réformes avancent.
Ultime garantie, les Nations unies ne peuvent traiter tous les problèmes de sécurité internationale. Les organisations régionales doivent être renforcées. Je pense, pour l'Europe, à la CSCE.
Mais il faut, en amont, prévenir les crises ou les tensions.
Dans cet esprit, j'ai proposé un Pacte de stabilité en Europe. Vous le savez, l'Union européenne a pris l'initiative de faire de cette idée, une des priorités de sa politique étrangère et de sécurité commune. La Conférence de lancement du projet de Pacte se tiendra ici même les 26 et 27 mai prochains. Maints pays que vous représentez y participeront.
Vous connaissez l'inspiration générale de ce projet. Ce n'est ni une nouvelle institution, ni une nouvelle déclaration. C'est la mise en pratique des grands principes que tous les pays du continent européen ont déjà acceptés.
J'ai bien conscience que de nombreux pays d'Europe centrale et orientale ont déjà noué des relations de bon voisinage. Il est souhaitable qu'aucune situation actuelle ne soit susceptible de dégénérer en conflit ouvert.
Qui oserait prétendre qu'il n'en sera jamais ainsi ?
L'exercice de diplomatie préventive que mon pays propose, vise à tarir les éventuelles sources de divergences ou de frictions. Les questions de frontières ou de minorités ne doivent plus jamais heurter les pays qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne.
Quelles seront donc les modalités concrètes de cet exercice ?
Dans un premier temps, la Conférence de lancement prévoira la mise sur pied des tables de discussion - c'est à dire des réunions - qui négocieront les accords de bon voisinage sur les bases d'accords déjà passés ou ébauchés.
A cet effet, des travaux préparatoires sont engagés entre les pays membres de l'Union européenne et les pays principalement concernés.
La France, pour sa part, fait les propositions suivantes :
En premier lieu, chaque Etat devra se sentir libre de participer ou de ne pas participer à telle ou telle table, et libre de composer l'ordre du jour de celles-ci en fonction de ses priorités.
Notre conviction est que l'engagement de l'Union européenne dans ce processus facilitera la discussion. Les parties y trouveront un témoin impartial et une garantie politique aux accords conclus. L'Union européenne travaillera à améliorer les relations de voisinage.
De plus, les pays participants pourront choisir un "modérateur" qui rendra les discussions plus aisées. Ce pourra être un représentant d'un Etat tiers, d'une institution, telle que la CSCE, ou, bien entendu, de l'Union européenne. Là encore, le principe du libre choix des pays membres devra être respecté.
Pour la configuration des tables de discussion, deux options complémentaires devraient être explorées. Des tables régionales pourraient étudier le développement de projets de bon voisinage entre plusieurs pays. Des tables bilatérales s'attacheraient au traitement des questions plus particulières à deux Etats contigus.
L'ensemble de ces accords, bilatéraux ou régionaux, serait repris dans le Pacte de stabilité. Tous les pays participant à la Conférence le signeraient. Ce document marquera l'accès de notre continent à une nouvelle ère de stabilité et de prospérité. Il resserrera les liens des neuf pays principalement concernés et de l'Union européenne. L'objectif est bien que notre continent mette fin à l'histoire de ses divisions. Seules, de notre héritage commun, subsisteront les valeurs humanistes qui fondent la communauté de son destin.
Ces discussions seront menées entre Etats, suivant les procédures habituelles des relations internationales. Mais elles touchent à la vie même des pays et à leur identité profonde. Vous êtes nombreux à représenter les peuples européens que cette initiative concerne. Aussi ai-je souhaité vous faire part de mes réflexions sur ce sujet qui vous touche au premier chef.
Messieurs les Présidents, Messieurs les Parlementaires,
Vos travaux, depuis quatre jours, illustrent les vertus du dialogue entre les peuples que vous représentez. Vous répondez ainsi pleinement aux objectifs fixés par deux de vos prédécesseurs, un Français, Fréderick Passy et un Britannique, Sir Randal Cremer, lorsqu'ils ont fondé l'Union interparlementaire, il y a plus d'un siècle.
Les sujets de votre réflexion sont autant de défis à relever, pour que la paix et la stabilité soient préservées ou rétablies dans le monde de demain.
Il s'agit d'une ambition élevée, qui justifie les efforts de chacun, aussi bien sur la scène intérieure - où le rôle des Parlements est essentiel - que sur la scène internationale. La France a, pour sa part, inscrit ces mêmes objectifs au rang des priorités de sa politique étrangère. Soyez assuré qu'elle se consacre à leur mise en oeuvre avec détermination.
Vous formez un forum unique pour débattre des grandes questions internationales. En définitive, c'est devant vous que, dans chacun de vos pays, les gouvernements doivent rendre compte de leurs décisions et de leurs actions internationales.
Je profiterai de cette occasion privilégiée pour évoquer les conséquences d'un événement international qui nous concerne tous : la fin de l'antagonisme est-ouest. La page de la guerre froide est déjà tournée depuis quelques années, mais le nouveau chapitre de l'histoire qui s'annonce n'est encore qu'une ébauche.
Cela vaut pour l'Europe comme pour l'ensemble des régions du monde. La disparition de l'antagonisme est-ouest a accru la liberté des pays et des peuples. Cette liberté exige une organisation meilleure des relations internationales.
Je mentionnerai ici deux efforts qui me semblent indispensables.
L'autorité de l'organisation des Nations unies doit être réaffirmée. Alors que les relations internationales évoluent parfois de manière chaotique, les Nations unies demeurent la seule enceinte disposant de la légitimité permettant de décider et d'agir au nom de la communauté internationale toute entière.
Les objectifs de la Charte des Nations unies restent pleinement actuels. De même en est- il du combat pour la sécurité et la liberté de nos peuples. De nombreuses crises dans le monde, et au sein même de l'Europe, nous rappellent la fragilité de ces acquis.
Mais il ne suffit pas que l'action de l'ONU soit légitime pour qu'elle soit efficace. Il faut également donner à cette organisation les moyens qui lui font défaut pour mettre en oeuvre les décisions qu'elle adopte.
Regretter certaines insuffisances de l'action des Nations unies ne doit pas conduire à se tourner vers telle ou telle autre institution. L'ONU ne doit pas être dessaisie du contrôle de l'exécution des décisions qu'elle adopte. Certes, des organisations de défense peuvent intervenir en soutien, comme c'est actuellement le cas en Yougoslavie, mais elle ne peuvent agir aux lieu et place des Nations unies.
Comment accroître l'efficacité de l'ONU dans la conduite des opérations de maintien de la paix ?
Il importe en premier lieu que chaque pays s'interroge sur la meilleure manière de contribuer à de telles opérations.
J'ai, pour ce qui concerne la France, demandé au Sénateur Trucy de réfléchir à l'adaptation de nos moyens aux missions effectuées dans le cadre de l'ONU. Les conclusions qu'il vient de me remettre seront étudiées avec attention. Cet effort de la France, qui fournit à l'organisation des Nations unies le contingent de militaires le plus important, doit être soutenu par celui de l'Organisation elle-même.
Il reste encore beaucoup à faire. S'agissant de l'action dans l'ex-Yougoslavie, j'ai constaté récemment, lors de ma visite à Bihac, que les conditions permettant de concilier l'efficacité de l'action et la sécurité des troupes étaient loin d'être réunies. Des moyens militaires existent. La détermination politique ne manque pas davantage. Reste à améliorer les procédures militaires et civiles.
Sur le moyen terme, le Secrétaire général des Nations unies a fixé les objectifs à atteindre dans son "agenda pour la paix".
La France prend activement part à cette réflexion. Elle a remis un mémorandum, en juillet dernier, qui propose de réformer le Secrétariat des Nations unies, la conception des opérations et leur financement. Je crois devoir insister sur ce dernier point, car il ne sert de rien de plaider pour un renforcement de l'efficacité des opérations de maintien de la paix si l'on n'est pas disposé à en acquitter équitablement le coût.
Il faut également que les pays membres de l'Organisation se tiennent prêts à participer à des opérations de maintien de la paix dans des brefs délais, car la rapidité de l'action est souvent un facteur essentiel de son efficacité. L'exemple yougoslave est, là encore, riche d'enseignements.
Exerçant actuellement la Présidence du Conseil de sécurité, la France fera tout pour que ces réformes avancent.
Ultime garantie, les Nations unies ne peuvent traiter tous les problèmes de sécurité internationale. Les organisations régionales doivent être renforcées. Je pense, pour l'Europe, à la CSCE.
Mais il faut, en amont, prévenir les crises ou les tensions.
Dans cet esprit, j'ai proposé un Pacte de stabilité en Europe. Vous le savez, l'Union européenne a pris l'initiative de faire de cette idée, une des priorités de sa politique étrangère et de sécurité commune. La Conférence de lancement du projet de Pacte se tiendra ici même les 26 et 27 mai prochains. Maints pays que vous représentez y participeront.
Vous connaissez l'inspiration générale de ce projet. Ce n'est ni une nouvelle institution, ni une nouvelle déclaration. C'est la mise en pratique des grands principes que tous les pays du continent européen ont déjà acceptés.
J'ai bien conscience que de nombreux pays d'Europe centrale et orientale ont déjà noué des relations de bon voisinage. Il est souhaitable qu'aucune situation actuelle ne soit susceptible de dégénérer en conflit ouvert.
Qui oserait prétendre qu'il n'en sera jamais ainsi ?
L'exercice de diplomatie préventive que mon pays propose, vise à tarir les éventuelles sources de divergences ou de frictions. Les questions de frontières ou de minorités ne doivent plus jamais heurter les pays qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne.
Quelles seront donc les modalités concrètes de cet exercice ?
Dans un premier temps, la Conférence de lancement prévoira la mise sur pied des tables de discussion - c'est à dire des réunions - qui négocieront les accords de bon voisinage sur les bases d'accords déjà passés ou ébauchés.
A cet effet, des travaux préparatoires sont engagés entre les pays membres de l'Union européenne et les pays principalement concernés.
La France, pour sa part, fait les propositions suivantes :
En premier lieu, chaque Etat devra se sentir libre de participer ou de ne pas participer à telle ou telle table, et libre de composer l'ordre du jour de celles-ci en fonction de ses priorités.
Notre conviction est que l'engagement de l'Union européenne dans ce processus facilitera la discussion. Les parties y trouveront un témoin impartial et une garantie politique aux accords conclus. L'Union européenne travaillera à améliorer les relations de voisinage.
De plus, les pays participants pourront choisir un "modérateur" qui rendra les discussions plus aisées. Ce pourra être un représentant d'un Etat tiers, d'une institution, telle que la CSCE, ou, bien entendu, de l'Union européenne. Là encore, le principe du libre choix des pays membres devra être respecté.
Pour la configuration des tables de discussion, deux options complémentaires devraient être explorées. Des tables régionales pourraient étudier le développement de projets de bon voisinage entre plusieurs pays. Des tables bilatérales s'attacheraient au traitement des questions plus particulières à deux Etats contigus.
L'ensemble de ces accords, bilatéraux ou régionaux, serait repris dans le Pacte de stabilité. Tous les pays participant à la Conférence le signeraient. Ce document marquera l'accès de notre continent à une nouvelle ère de stabilité et de prospérité. Il resserrera les liens des neuf pays principalement concernés et de l'Union européenne. L'objectif est bien que notre continent mette fin à l'histoire de ses divisions. Seules, de notre héritage commun, subsisteront les valeurs humanistes qui fondent la communauté de son destin.
Ces discussions seront menées entre Etats, suivant les procédures habituelles des relations internationales. Mais elles touchent à la vie même des pays et à leur identité profonde. Vous êtes nombreux à représenter les peuples européens que cette initiative concerne. Aussi ai-je souhaité vous faire part de mes réflexions sur ce sujet qui vous touche au premier chef.
Messieurs les Présidents, Messieurs les Parlementaires,
Vos travaux, depuis quatre jours, illustrent les vertus du dialogue entre les peuples que vous représentez. Vous répondez ainsi pleinement aux objectifs fixés par deux de vos prédécesseurs, un Français, Fréderick Passy et un Britannique, Sir Randal Cremer, lorsqu'ils ont fondé l'Union interparlementaire, il y a plus d'un siècle.
Les sujets de votre réflexion sont autant de défis à relever, pour que la paix et la stabilité soient préservées ou rétablies dans le monde de demain.
Il s'agit d'une ambition élevée, qui justifie les efforts de chacun, aussi bien sur la scène intérieure - où le rôle des Parlements est essentiel - que sur la scène internationale. La France a, pour sa part, inscrit ces mêmes objectifs au rang des priorités de sa politique étrangère. Soyez assuré qu'elle se consacre à leur mise en oeuvre avec détermination.