Interview de Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, à "RMC" le 1er février 2002 sur le décret définissant des normes de confort minimum pour un logement décent, sur la proposition gouvernementale de créer une "couverture logement universelle" et sur la suppression du dépôt de garantie lors de l'entrée dans les lieux des locataires.

Prononcé le 1er février 2002

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Lorsqu'on n'a pas trop d'argent pour se loger, on trouve parfois ce qui ressemble plus à un taudis qu'à un appartement en bon état. Mais cela devrait se terminer, puisque le Gouvernement publie un décret au Journal officiel qui définit les critères très stricts pour un logement décent, une sorte de service minimum de la location.
C'est donc un décret très important qui va mettre fin à certains abus en matière de location. Désormais, il y a des normes minimales de confort ?
- "Nous avions déjà des normes d'insalubrité. Maintenant, nous avons pensé que le droit au logement devrait être amélioré avec un droit au logement décent. Il va donc y avoir des normes de confort en termes d'accès aux toilettes, à l'eau, à l'eau chaude, en termes de capacité à avoir suffisamment de place dans les appartements ou dans les maisons. S'ajoutent donc aux normes de salubrité des normes de confort minimum. On est un des rares pays de l'Union européenne à désormais avoir ce type de critères, et notre objectif est d'éradiquer toutes les formes d'indécence, qu'il s'agisse du logement indécent ou du logement insalubre."
Vous voulez parler de ceux qu'on appelle vulgairement "les marchands de sommeil" ?
- "Voilà. Il faut surtout bien faire la distinction entre les bailleurs de bonne foi, qui sont l'immense majorité des bailleurs, avec ceux qui sont des marchands de sommeil, qui font d'ailleurs souvent payer des loyers énormes à des gens qui ont des ressources très modestes, qui n'ont pas le choix et qui ne trouvent pas de logement. Nous sommes devant une double nécessité : protéger contre les abus des personnes, pousser les bailleurs à faire des travaux d'aménagement pour que le confort du logement en France s'améliore et, enfin, produire un maximum de logements abordables par tous, c'est-à-dire reconquérir des logements anciens et en construire des neufs."
C'est bien gentil de prendre un décret encore faut-il qu'il soit appliqué ensuite. Comment cela va se passer ? Vous savez qu'en la matière, il y a aussi un jeu de pouvoir entre le propriétaire et le locataire qui parfois n'a pas de poids.
- "La mécanique sera simple : quand le locataire ou d'ailleurs la puissance publique fera déclarer le logement indécent - il demandera donc aux services de l'Habitat, de la mairie ou d'une communauté de communes, ou bien avec un huissier faire constater l'indécence du logement - quand l'indécence sera déclarée, un arrêté d'indécence sera pris. A ce moment-là, le propriétaire sera mis en demeure de faire des travaux pour rendre le logement décent. Sinon, le recours auprès du tribunal permettra une décote du loyer pour que le loyer adopté pendant le temps où le logement resterait indécent soit suffisamment faible . L'idée étant ainsi de faire pression sur les bailleurs qui, dans certains cas, s'enrichissent énormément sur le dos des autres. Et ainsi aussi de faire pression pour qu'ils fassent les travaux plutôt que d'attendre."
Il y a également une proposition - la décision n'est pas encore prise - c'est celle qui concerne la caution. Pour beaucoup de gens qui ont des moyens modestes, payer les deux mois de caution, plus les frais d'agence, cela représente un gros chèque à faire.
- "L'idée c'est de faire une Couverture logement universelle qui permette qu'on ne verse plus de dépôt de garantie quand on rentre dans les lieux, mais qui, en même temps, renforce et améliore la protection des propriétaires quand il se trouve que leur locataire soit ne verse pas son loyer, soit laisse l'appartement avec des énormes travaux à réaliser. Donc, l'idée est d'une double garantie : éviter le péage d'entrée que constitue le dépôt de garantie, permettre aussi de mieux prévenir quand les gens ne peuvent pas payer leur logement, ponctuellement, pour cause de chômage ou d'autres aléas de l'existence, de bonne foi, et de l'autre côté, mieux couvrir les propriétaires pour qu'ils ne soient pas obligés d'attendre pour le paiement des loyers, qu'ils ne soient pas avec des factures à la fin du bail trop élevées, et de sorte qu'on ait une double garantie."
Je voudrais revenir sur votre décret sur les normes pour les logements décents, pour vous demander pourquoi ne l'avoir pas pris plus tôt ? Est-ce que par hasard, il n'y aurait pas une accélération préélectorale ?
- "Pas du tout. Cela a été voté d'abord dans la loi "Solidarité, renouvellement urbain." Donc, il fallait que la loi soit arrêtée, ce qui était le cas depuis le printemps 2000. Ensuite, il a fallu que nous consultions l'ensemble des acteurs, puisque vous savez qu'il y a par exemple beaucoup de chambres de bonne à Paris. On ne peut pas, du jour au lendemain, toutes les décréter indécentes. Donc, on a eu beaucoup de discussions avec les représentants des propriétaires, avec les locataires. Et puis, le décret est depuis le mois de juin à peu près bouclé. Il a été déposé au Conseil d'Etat qui lui-même est assez bloqué par la quantité de travail, et qui ne l'a débloqué qu'à l'automne, parce qu'il y a eu d'ailleurs besoin de rectifier quelques points de droit. Mais ce n'est pas du tout lié à l'échéance électorale, puisque je vous rappelle que cette loi a été votée il y a maintenant dix-huit mois. Cela dit, un décret qui sort dix-huit mois après la loi, c'est déjà une performance assez correcte, parce que trop souvent, les décrets mettent du temps à suivre les lois, et L. Jospin tient beaucoup à ce que quand la loi est votée, elle puisse s'appliquer rapidement."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 février 2002)