Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur les enjeux de l'allocation personnalisée d'autonomie, la réforme de la tarification des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes, le rôle de l'hôpital local pour leur accueil et sur la nécessité d'indemniser les médecins libéraux qui y exercent, Arbois le 9 juin 2001.

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Circonstance : 9èmes assises de l'hôpital local à Arbois (Jura), le 9 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs.
C'est avec un réel plaisir que je suis aujourd'hui parmi vous, à ARBOIS, pour les IX assises de l'hôpital local.
Plaisir de retrouver mes amis de terre francomtoise, mais aussi plaisir véritable de pouvoir échanger avec des professionnels impliqués dans la réalité sociale et sanitaire, travaillant au plus près de ces personnes âgées, dont la qualité de vie m'est si précieuse.
Depuis que le Premier Ministre m'a confié cette mission, je visite beaucoup de réalisations, je parcours les départements et les villes, et je dois dire que j'ai été à chaque fois frappée par le rôle central que peut jouer, et que joue, l'hôpital local dans la prise en charge de proximité des personnes.
Le secteur que vous représentez est riche de 349 établissements, offre 23.214 lits d'hospitalisation complète (7,3 %) et 33.375 lits d'hébergement soit 33 % du total. Il est au centre de la chaîne de prise en charge qui mène du domicile à l'établissement spécialisé, il peut permettre le retour à domicile dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi je souhaite vous dire quelques mots des modifications législatives et réglementaires en cours.
Vous le savez, je viens de présenter aux côtés d'Elisabeth GUIGOU, en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale et bientôt au Sénat, l'important projet de loi instituant l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce projet est l'aboutissement d'une démarche collective dans laquelle de très nombreuses personnes âgées placent leur espoir car elle apporte avant tout un retour à la dignité, une exigence de dignité.
L'enjeu de l'allocation personnalisée d'autonomie concerne d'abord les centaines de milliers de personnes âgées qui, en raison de leurs handicaps, sollicitent l'aide d'autrui pour effectuer les gestes les plus essentiels de la vie.
Il s'agit aussi de tous les professionnels, à domicile ou en établissement, auprès desquels je suis engagée depuis de nombreuses années. Professionnels qui regrettent de ne pas avoir les moyens d'être à la hauteur des situations auxquelles ils sont confrontés, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux ou parce qu'ils manquent parfois de formation et de qualification.
- Vous le savez, la mise en place coordonnée de l'allocation personnalisée à l'autonomie, de la réforme de la tarification et du plan pluriannuel de financement des soins, par l'assurance maladie, constitue un engagement sans précédent pour relever les défis de prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie.
En ce qui concerne la réforme de la tarification des Etablissements d'Hébergement de Personnes Agées Dépendantes, grâce à un effort financier important de l'assurance maladie de 6 Milliards de francs sur cinq ans, et à la mise en place d'une démarche de qualité de vie, l'application de ce décret va permettre aux personnes âgées de bénéficier, de façon égalitaire et sur tout le territoire français, d'une prise en charge globale et individualisée de leurs besoins. Les hôpitaux locaux gérant des unités de soins de longue durée pourront naturellement en bénéficier.
J'ai la volonté de mettre en uvre une politique d'accompagnement de la démarche de conventionnement des établissements, passant notamment par des initiatives urgentes de formation des personnels en fonction non qualifiés. C'est à l'évidence un enjeu essentiel pour le développement d'une dynamique d'amélioration de la qualité de vie en institution ; c'est aussi une condition déterminante pour bénéficier de budgets soins conséquents, puisque, si leur définition est assez large, ils restent soumis à une exigence de qualification des personnels financés.
Parallèlement, je souhaite aussi expérimenter la formation de personnels à profil plus polyvalent, dans une approche de décloisonnement entre le domicile et l'institution, le sanitaire et le social. Une formation d'intervenants aux compétences élargies capables de répondre à l'ensemble des besoins des personnes en perte d'autonomie que ce soit au domicile privé ou en structure sanitaire ou médico-sociale. Outre l'intérêt évident que ce type de compétences peut présenter pour mieux adapter les réponses, ce nouveau profil de professionnel favorisera le passage d'un exercice en hébergement vers un exercice à domicile et vice et versa.
La perception des intervenants sera ainsi enrichie par l'expérience diversifiée et la qualité de la prise en charge en sera d'autant accrue.
Je sais, quand j'évoque devant vous la formation, que vous êtes particulièrement sensible à cette problèmatique. Certains d'entre vous d'ailleurs, proposent la mise en place d'une formation interdisciplinaire en gérontologie ouverte à l'ensemble de vos partenaires associant séminaires et soirées à thème, devant durer 3 ans.
C'est une initiative qui a retenu mon attention. J'entends qu'il en soit tenu compte dans les travaux en cours à la DHOS portant sur la formation continue.
Je veux aujourd'hui réaffirmer le rôle essentiel que joue l'hôpital local, acteur sanitaire de proximité dans l'accueil des personnes âgées.
De même l'hôpital local est un élément essentiel et privilégié de collaboration entre la médecine de ville et l'hôpital.
Dans un système sanitaire où l'organisation est complexe, le médecin généraliste est le plus à même de guider un patient dans une filière de soins. Ce facteur constitue une composante de la continuité des soins, de leur qualité et du confort moral du patient qui se sent sécurisé du fait de la présence de ce médecin généraliste qui assure la cohérence du système mis en place autour du patient.
Ainsi, l'hôpital local, au rôle à la fois sanitaire, et médico-social, est amené à fonctionner en réseau : par le conventionnement avec les centres hospitaliers spécialisés, par l'organisation sur place de consultations avancées, l'hôpital s'insère dans une logique de réseaux. De nombreux hôpitaux locaux mènent des actions avec les intervenants à domicile pour mettre en place une filière graduée de soins gérontologiques, et favoriser les actions de maintien au domicile. Ici, l'hôpital local assume la coordination.
Des hôpitaux locaux pourront être labellisés comme centres locaux d'information et de coordination gérontologique (CLIC). J'attends beaucoup des CLIC pour offrir aux personnes âgées et leur famille l'information, le conseil, la coordination et l'accompagnement nécessaires face à des décisions difficiles, quand survient la perte d'autonomie, et dans un contexte de morcellement des institutions. Les hôpitaux locaux peuvent être très outillés pour assumer ce rôle pivot - nous en avons en mémoire le rôle pionnier joué par l'hôpital local de Lunel en matière de coordination gérontologique. Même si je me garde d'imposer un modèle uniforme pour la promotion et la gestion des CLIC, je souhaite que de nombreux hôpitaux locaux puissent avoir ce label.
L'hôpital local est donc une structure efficace, évolutive, indispensable sur lequel nous devrons nous appuyer plus encore, si nous voulons faire face aux défis démographiques qui nous attendent dans les années qui viennent.
L'hôpital local doit être valorisé dans son rôle et dans la place qu'il occupe d'ores et déjà dans le système de santé au sens le plus large. Ce rôle est profondément méconnu non seulement du public mais aussi des acteurs du système de santé lui-même. La qualification d'hôpital local est souvent ressentie de façon négative comme s'il s'agissait d'un élément tout à fait mineur et de seconde zone dans le dispositif sanitaire. Il est donc nécessaire de rehausser cette image par une information précise sur la place de l'hôpital local, dans le système de santé. Un colloque national qui serait organisé autour du thème " l'hôpital local espace sanitaire et social " pourrait contribuer à une sensibilisation positive.
L'hôpital local, tout en restant un lieu de soins, une structure hospitalière, a su développer un rôle social dont j'aimerais que des structures beaucoup plus lourdes puissent s'inspirer. Ce que nous souhaitons aujourd'hui pour de très grands hôpitaux, en matière de soins aux personnes âgées, c'est le contact avec la médecine de ville, un travail de prévention et de suivi médical avec des réseaux gérontologiques, l'articulation avec les services d'aide à domicile ou de soins à domicile, la préoccupation de l'accueil des familles, la sensibilisation aux soins palliatifs.
L'hôpital local, structure légère de proximité, constitue un maillon essentiel dans le dispositif sanitaire et médico-social. Intermédiaire entre la médecine de ville et le recours à la médecine hospitalière lourde, elle doit asseoir son rôle sur cette spécificité. Structure de proximité, elle peut être le lieu privilégié pour mener des actions de prévention en direction de la population concernée et assurer la cohérence des soins en réseaux.
Cependant, ce rôle privilégié de l'hôpital local repose sur un investissement important des médecins libéraux. Le système actuellement en place n'a pas suffisamment organisé cet investissement du médecin libéral dans le fonctionnement institutionnel de l'hôpital local : le décret de 1992 prévoyant simplement des honoraires médicaux pour les actes effectués sur les patients.
A la demande de Martine AUBRY et de Bernard KOUCHNER, un groupe de travail a été constitué à la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins (DHOS) comprenant notamment des représentants des associations nationales des médecins et directeurs des hôpitaux locaux, des représentants de la mutualité sociale agricole, pour examiner les conditions dans lesquelles les médecins libéraux pouvaient être indemnisés au titre des sujétions particulières liées à leur participation aux activités non cliniques institutionnelles de l'hôpital local. Les propositions d'indemnisation s'insèrent dans un système de contractualisation entre l'hôpital local et la tutelle d'une part, et, entre le médecin libéral et la direction de l'hôpital d'autre part, définissant les objectifs que les partenaires se fixent et leur engagement pour les faire aboutir. Le médecin libéral oeuvrant au sein de l'hôpital local voit ainsi son activité institutionnelle valorisée.
L'accent a aussi été mis par le groupe de travail sur la mise en commun, avec d'autres établissements hospitaliers, de programme de formation des personnels médicaux et hospitaliers à visée institutionnelle ou à visée d'harmonisation des pratiques professionnelles.
Les travaux du groupe sont terminés et les conclusions avec les propositions de solutions seront soumis aux Ministres de l'Emploi et de la Solidarité et de la Santé dans les prochaines semaines, qui auront ensuite à rendre leurs arbitrages définitifs.
Je tiens à saluer la qualité des travaux ainsi réalisés et la détermination de vos délégués.
La redéfinition du rôle et de la mission de l'hôpital local dans le paysage sanitaire et médico-social, à la faveur de la préparation du SROS de 3ème génération donnera lieu à des travaux spécifiques. J'agirai, pour que la filière gériatrique soit prise en compte dans chaque SROS, et non pas simplement dans quelques régions pilotes.
Enfin, l'hôpital local peut aussi contribuer à améliorer l'attractivité des zones rurales pour les jeunes médecins qui souhaitent ouvrir un cabinet. En effet, les jeunes médecins semblent être de plus en plus réticents à exercer leur art de façon isolée. Le tremplin de l'hôpital local peut constituer pour eux un élément positif pour emporter leur décision. Ce processus peut aussi comporter des conséquences positives pour le maintien d'infirmières en milieu rural, qui nous pose aujourd'hui un lourd problème.
Aujourd'hui, l'hôpital local apparaît avec une connotation quasi exclusivement rurale. Mais demain, face à une augmentation de la population âgée tant à la ville qu'à la campagne, l'hôpital local peut être amené à sortir du cadre strictement rural pour s'implanter dans les zones urbaines et apporter une réponse spécifique aux besoins de la population. Ceci nécessite de démontrer en quoi un tel rôle n'est pas déjà assuré par le système existant, et quels seraient les apports d'un tel système.
L'hôpital se trouve donc confronté à un vaste chantier de réflexion où la collaboration médecine de ville - hôpital doit être au premier plan des préoccupations, avec le souci constant que toutes les actions envisagées répondent à des critères précis de qualité et de sécurité, l'objectif étant que le malade garde toujours " son unité " dans un système complexe qui le " morcelle ".
L'hôpital local, c'est par excellence l'hôpital de proximité. J'insiste sur proximité, mais pour moi, son statut hospitalier est important. Il a la chance, parce que c'est un lieu ouvert, d'être au carrefour des législations hospitalières et sociales, de pouvoir bénéficier des nouveaux moyens mis en uvre au titre de la loi APA et de la réforme tarifaire, d'être en mesure d'assumer un rôle de CLIC, de disposer de nombreux outils permettant de concrétiser une approche sociale. Vous avez ces atouts, utilisez-les pour construire votre stratégie d'avenir.

(source http://www.social.gouv.fr, le 3 janvier 2002)