Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur l'accueil des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer et le soutien aux familles, Cocheren le 14 juin 2001.

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Circonstance : Pose de la première pierre de la structure d'accueil pour personnes souffrant de maladie d'Alzheimer à Cocheren (Moselle), le 14 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Ministre
Monsieur le Président du Conseil Général
Monsieur le Maire de Cocheren
Madame la Préfet
Monsieur le Président de l'association Jacques Prévert
Mesdames, Messieurs
" Ce qu'il savait du monde et de lui même est effacé par la maladie, comme par une éponge sur un tableau. Le tableau est grand, il est impossible de l'essuyer en une seule fois, mais de nombreuses phrases ont déjà disparu".
Ces mots sont ceux de Christian Bobin, qui dans son livre, " la présence pure " parle de son père atteint de maladie d'Alzheimer.
Chaque année la maladie d'Alzheimer et les autres détériorations intellectuelles touchent plusieurs dizaines de milliers de nouveaux malades.
Ces maladies ont la particularité, même si elles évoluent lentement, de mettre les personnes âgées en situation de dépendance psychologique et physique avec leur entourage.
Ce sont des maladies qui font peur aussi bien aux personnes atteintes qu'à leurs proches et plus largement à l'ensemble de la collectivité.
Il faut aujourd'hui
parler des conséquences dans la vie quotidienne des patients,
parler des répercussions dans les relations avec l'entourage,
parler de leur souffrance.
Il faut dire combien c'est douloureux de perdre ses repères, alors que le regard de la société accepte peu, aide peu, tolère peu, renforçant la vulnérabilité des personnes victimes de ces maladies, les isolant ainsi que leurs proches.
Face à ces situations d'isolement, de détresse, je souhaite mobiliser nos concitoyens pour rompre avec des attitudes d'indifférence, parfois de rejet, et j'ai la volonté de mener une politique qui aidera concrètement les malades, leurs familles, en recherchant des solutions respectueuses des capacités des personnes et de leur dignité.
Dignité, c'est le principe essentiel qui a déterminé le Gouvernement à s'engager dans le projet de loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées.
Vous le savez, la loi vient d'être adoptée par l'Assemblée Nationale ; elle constitue une avancée majeure dans la définition d'une politique au service des personnes âgées, qui affirme la dignité des personnes âgées en perte d'autonomie et instaure un dispositif universel et plus solidaire.
La loi crée l'allocation personnalisée d'autonomie, APA, destinée à prendre en charge les aides de toute nature, nécessaires pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et instaure l'élaboration d'un plan d'aide pour toute personne en perte d'autonomie. Parallèlement, un fond de modernisation de l'aide à domicile est créé pour soutenir les actions de formation, le développement de la qualité des services et le renforcement de la professionnalisation de l'aide à domicile.
Pour les mettre en oeuvre, le financement de la réforme sera à hauteur de 16,5 milliards de francs en 2002- 2003, partagés entre la solidarité locale et la solidarité nationale.
Cette réforme entrera dans les faits au 1er janvier 2002 ; sachez que je suis particulièrement attentive à une meilleure prise en compte dans le cadre de la loi APA, des besoins des personnes souffrant de maladies d'Alzheimer et maladies voisines ; l'outil utilisé actuellement pour l'évaluation de la perte d'autonomie, la grille AGGIR, apprécie mal les conséquences de la maladie d'Alzheimer, surtout dans les premiers stades évolutifs ; un comité scientifique sera prochainement réuni, dont la mission sera de faire évoluer les outils d'évaluation.
Ces dispositions ont pour but de faciliter le maintien à domicile, ce qui est très largement souhaité par l'ensemble de nos concitoyens, et je sais que ces nouvelles mesures sont donc très attendues.
Elles le sont aussi pour les personnes vivant en institution, car elles procureront là aussi une aide financière adaptée au cas de chaque personne.
Ainsi l'APA va concourir à la prise en charge de la dépendance en établissement, à l'heure où intervient la réforme de la tarification dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.
Cette réforme sera accompagnée d'un effort financier important, puisque le Gouvernement a décidé de consacrer 6 milliards de francs en 5 ans de crédits supplémentaires de l'assurance maladie. Ces moyens se concrétiseront par la création d'emplois, mais aussi par des actions de formation et de qualification en faveur des personnels soignants.
Je sais la complexité de l'accompagnement des personnes âgées, la difficulté de la mission des professionnels qui jour après jour exercent un des métiers dont je suis intimement persuadée qu'il est parmi les plus difficiles, parce qu'il nous confronte à la fin de vie, à la vieillesse, à la mort. Il est nécessaire de les aider, de les former, de les qualifier et de les soutenir, pour qu'eux à leur tour, ils puissent soutenir ceux qui ont besoin d'eux.
A cela s'ajoute un deuxième axe en direction des familles, des proches.
Les milliers de personnes qui entourent, accompagnent, soignent les personnes âgées dépendantes sont une aide essentielle. Nous savons qu'elles le font au prix parfois d'une très grande souffrance, de sentiments mélangés de malaise, de culpabilité, pour tous ceux qui pensent ne pas savoir ou ne pas pouvoir répondre aux besoins manifestés par leur proche malade.
De nouvelles formes de soutien devront être développées : accueil de jour, groupes de paroles, toutes ces pistes qui correspondent désormais aux attentes des familles feront partie des réponses sur lesquelles je compte avancer en priorité. L'APA et le financement des structures d'hébergement le permettent.
Mais dès aujourd'hui, Monsieur le Président, vous même et votre association vous êtes engagés dans un projet centré sur les besoins d'accueil et d'hébergement de personnes atteintes de maladie d'Alzheimer.
Car après les premières initiatives qui se sont développées en France depuis ces dernières années, le besoin d'un lieu de vie adapté est devenu une évidence pour tous ceux qui sont confrontés à cette maladie.
Un cadre et un accueil spécifiques permettent de concilier des exigences de sécurité, et de liberté pour chaque individu, de porter un projet d'accompagnement chaleureux et évolutif, qui rend plus sereines les familles dans cette période qui va du début de l'accueil en institution jusqu'à l'accompagnement en fin de vie.
Une structure spécifique, c'est aussi pour les professionnels, des façons de faire élaborées pour établir un climat de confiance, de réassurance, de soutien qui leur permettent d'exercer leur métier de façon valorisante et respectueuse.
Aussi, je ne peux que me réjouir de voir commencer à se concrétiser votre projet d'un lieu de vie pour personnes souffrant de maladie d'Alzheimer.
Il intervient au moment où, je l'ai déjà évoqué, la réforme de la tarification se met en place avec trois tarifs, hébergement, dépendance, soins. Je ne peux que vous inciter à signer une convention tripartite pluriannuelle qui permettra de déterminer les efforts à consentir par chacun des contractants pour atteindre des objectifs de qualité : meilleures conditions de vie, d'accompagnement et de soins pour les personnes accueillies.
Votre projet est l'aboutissement d'une longue mobilisation de votre association, Monsieur le Président, des élus de la ville de Cocheren, et des autres villes associées, des élus du département, des services de l'Etat. Mobilisation de nombreux acteurs auxquels je veux rendre hommage car leur détermination à défendre ce projet permet aujourd'hui de nous réunir pour ce moment d'émotion que représente la pose de la première pierre de ce lieu de vie que les malades et leurs familles attendent.
" C'est par les yeux qu'ils disent les choses, et ce que j'y lis m'éclaire mieux que les livres " nous dit Christian Bobin.
Respect, dignité, tolérance de la différence, accompagnement, c'est tout l'enjeu du travail qui s'accomplira ici.


(source http://www.sante.gouv.fr, le 2 janvier 2002)