Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur la place des personnes âgées dans la société, Paris le 23 mai 2001.

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Circonstance : Remise du rapport de M. Maurice Bonnet au Conseil économique et social, à Paris le 23 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Monsieur le Rapporteur,
Quand on se plonge dans ce projet d'avis, on n'a pas besoin de se reporter à la signature pour voir qu'il s'agit d'un rapport établi par Maurice BONNET. Le regard porté sur la place des personnes âgées dans la société est un regard étonnamment jeune, nourri d'histoire, d'humanisme et d'esprit justement critique, un regard pétillant mais profond. Merci, Maurice, d'avoir fait ce travail, d'avoir rappelé qu'il n'y a plus un âge de la vieillesse. Merci de souligner que la lecture de l'âge par son coût supposé relève d'une perception très réductrice et étriquée.
Les défis liés au vieillissement sont des défis majeurs pour les trente années à venir ; nous avons le devoir de les relever, d'assumer la responsabilité politique, éthique et financière des choix en faveur du "bien vieillir".
Merci encore, Maurice, de nous dire au détour d'une citation (p 15) que "tout homme et toute femme participe à l'uvre collective de la vie, d'une façon ou d'une autre, et jusqu'à l'ultime instant de sa mort". C'est ce regard là que je voudrais que l'on puisse porter sur l'âge. C'est le sens que je voudrais donner à mon action comme membre du gouvernement, et qui inspire tous les objectifs du Secrétariat d'Etat.
Je n'en développerai que trois applications :
D'ABORD, UN AUTRE REGARD SUR LES MOINS AUTONOMES, SUR CES PERSONNES QU'ON APPELAIT DEPENDANTES
Vous le savez : le Gouvernement soumet actuellement au Parlement le projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie ( APA).
Cette allocation a vocation à se substituer à la PSD, dont tout le monde s'est accordé à souligner les insuffisances et la dimension inégalitaire.
C'est le souci d'égalité de tous face à la perte d'autonomie qui constitue le fil conducteur de cette nouvelle allocation et qui explique les modalités que le Gouvernement a définies pour élaborer ce que tant de nos concitoyens considèrent comme un progrès majeur, attendu depuis plus de dix ans.
J'ai entendu les réserves de certains membres du Conseil économique et social, et notamment l'exigence de voir cette prestation gérée et attribuée par la Sécurité sociale, ce que certains formulent par la création d'un cinquième risque. A travers cette perspective, certains souhaitent que cette allocation soit considérée comme un droit universel et non comme une prestation d'aide sociale.
Mais précisément, l'allocation personnalisée d'aide à l'autonomie ne peut être qualifiée, sauf abus de langage ou procès d'intention, de prestation d'aide sociale.
C'est une allocation qui ne présente aucune des trois caractéristiques majeures de l'aide sociale : elle n'est pas réservée à une population de personnes sans ressources ou à très faibles revenus, ceux qu'on appelait jadis les indigents ou les économiquement faibles ; elle n'est pas subsidiaire par rapport à la mise en uvre de droits sociaux ou de l'obligation alimentaire ; elle répond, tout en ménageant les possibilités de personnalisation nécessaires à une prestation en nature, à des critères légaux objectifs, développés dans des instruments de portée nationale tels que grille d'évaluation et barème financier.
Certains se sont d'ailleurs émus de voir maintenu dans le dispositif initial le recours sur succession dont les effets ont été dissuasifs dans le cadre de la PSD ; vous avez noté, et je m'en félicite, que le Gouvernement a suivi les Députés et les Sénateurs dans leur volonté de voir supprimer cette disposition.
Le choix des modalités de gestion ne conditionne pas la philosophie d'une prestation ; en l'occurrence, le choix du département répond à une certaine cohérence dans notre vision de la décentralisation, et dans une certaine mesure aussi au fait que les branches maladie ou vieillesse ne disposaient pas des réseaux médico-sociaux de proximité en mesure de gérer le nouveau dispositif et de bâtir un plan d'aide pour chaque bénéficiaire.
Mais cette loi raterait son objectif si elle ne contribuait pas à faire progresser l'ensemble du secteur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, aussi bien dans l'aide à domicile que dans les établissements, dans le sens d'une meilleure qualité des prestations offertes et dans celui d'une meilleure formation des professionnels.
La création du fonds de modernisation de l'aide à domicile répond clairement au souci de soutenir des actions de
formation, des projets innovants, et toute mesure susceptible de favoriser la professionnalisation des services d'aide à domicile. C'est un aspect très important de la loi et très attendu par les professionnels de ce secteur car avec cet outil budgétaire, l'Etat se donne véritablement les moyens de promouvoir une politique structurelle dans l'aide à domicile.
En personnalisant chaque prise en charge, en prenant en compte la dimension individuelle de chacun, nous voulons affirmer que chaque personne est riche de son histoire, qu'il est nécessaire et bénéfique qu'elle puisse la communiquer, la transmettre ; elle y gagne, personnellement, en participation sociale ; mais la communauté entière s'enrichit par ce patrimoine de souvenir, de mémoire, de vie accumulé.
Deuxième point : Donner un signal fort de notre volonté politique d'animer la réflexion et les débats sur le vieillissement.
Vous avez rappelé, Cher Maurice, la volonté que j'avais manifesté dans mon rapport de voir créer un Institut national du vieillissement, lieu de développement des savoirs autour du processus du vieillissement et de promotion de la recherche, outil de débat favorisant une approche pluridisciplinaire du vieillissement, espace de proposition et de discussion autour des politiques publiques. Je vais avoir l'occasion dans les semaines qui viennent d'en annoncer précisément les modalités.
Vous m'offrez l'opportunité d'en définir l'esprit : il ne s'agit pas simplement de créer une structure de valorisation ou de dynamisation de la recherche, mais aussi de donner quelques moyens et plus de légitimité à ceux qui veulent échapper à une vision purement démographique, purement économiste ou purement biologique des études et recherches sur le vieillissement. La recherche pluridisciplinaire sur l'âge doit être "démarginalisée" et devenir plus prioritaire qu'elle ne l'est aujourd'hui tant dans le champ des sciences humaines que dans celui des sciences du vivant.
Je suis convaincue qu'en augmentant notre connaissance du vieillissement, en comprenant ses mécanismes et ses enjeux, nous fournirons à nos concitoyens les moyens de l'appréhender autrement, d'en avoir moins peur, de l'accepter positivement. Et par là, nous contribuerons aussi à changer le regard sur la vieillesse.
TROISIEME POINT, QUI EST AU CUR DE LA DEMANDE D'AVIS, CELUI DE LA REPRESENTATION POLITIQUE ET SOCIALE DES PERSONNES AGEES DANS NOTRE SOCIETE
Les pistes proposées dans le projet d'avis pour assurer une meilleure représentation des personnes âgées me paraissent très fécondes.
Je suis d'accord avec votre rapporteur sur les orientations qu'il suggère pour associer étroitement les intéressés à la mise en uvre des politiques de la vieillesse. Il faut renforcer la fonction consultative du CNRPA, en marquant son champ interministériel, en distinguant mieux les fonctions de délibération et d'expertise, en consolidant son indépendance et ses moyens. Dans le cadre de ses fonctions d'expertise, j'aimerais que puissent fonctionner des groupes sur des sujets transversaux - par exemple la transmission des savoirs et des expériences, la coordination gérontologique et l'aménagement du territoire, le regard des médias sur les vieux ; et il faudrait doter ces groupes de lettres de missions et des moyens de fonctionnement.
Au plan régional ou départemental, je voudrais également que les représentants de l'Etat puissent missionner les CORERPA ou les CODERPA sur des sujets d'intérêt régional ou local, ou à tout le moins, mieux les associer à la mise en uvre des politiques publiques touchant à des mutations importantes, telles que le prochain passage à l'EURO.
J'en viens à des modalités de participation plus politique, à la participation des personnes âgées au débat collectif.
Je suis sur ce point sensible aux analyses du projet d'avis sur les risques que peut comporter une représentation trop spécifique des personnes âgées. Des collèges spécifiques, c'est d'une certaine manière un cantonnement des personnes âgées, quelque chose comme une mise à l'écart sur tous les enjeux qui ne concernent pas spécialement la population âgée. J'approuve donc les conclusions du document sur l'organisation d'une participation des personnes âgées dans les structures de droit commun. Mais je souligne aussi la responsabilité qui pèse sur les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, les médias : c'est à eux d'inclure les personnes âgées, et de ne pas considérer comme citoyens actifs les seules personnes en âge d'activité professionnelle.
Un certain chemin reste encore à parcourir ; je crois qu'il le sera en raison des perspectives démographiques ; mais une volonté résolue doit accompagner ce mouvement.
Je pense en tout cas que le fait qu'on en débatte, sur des bases rigoureuses, excluant tout "âgisme à l'envers", dans une assemblée telle que la votre, est en soi un signe positif, un signe de maturité. Ce conseil, qui rassemble les forces vives de la nation, doit faire une juste place aux personnes âgées, non pas en leur réservant un banc, mais en démontrant qu'elles sont considérées comme des acteurs à part entière de la vie économique et sociale de notre pays.
Conclusion
En vous demandant cet avis, le Premier Ministre savait que votre contribution permettrait de nourrir les réflexions sur la place des personnes âgées au sein de notre société dans notre pays. A coup sûr, vous avez largement rempli votre mission. Et dans la responsabilité qui est la mienne de mettre en uvre cette politique en direction des personnes âgées, je peux vous dire que cet avis pèsera de façon importante.
Je veux, au nom du Gouvernement, cher Maurice Bonnet, et vous tous qui avez contribué à l'élaboration de cet avis, vous en remercier. Tous ensemble, nous voulons bâtir une société pour tous les âges, une société ouverte aux possibilités de tous, une société au service de la vie : la vieillesse y a toute sa place car la vieillesse, c'est la vie.




(source http://www.social.gouv.fr, ,le 3 janvier 2002)