Interview de M. Patrick Devedjian, délégué général et porte-parole du RPR, à RTL le 23 janvier 2002, sur les revendications des médecins généralistes, la réforme de la loi sur la présomption d'innocence et la campagne pour l'élection présidentielle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief.- Vous êtes conseiller politique au RPR. On l'a vu, la campagne est lancée : L. Jospin répond à l'Assemblée nationale, A. Juppé le traite "d'apothicaire trotskiste" dans un meeting. Dans ce contexte, que dites-vous aux médecins en grève aujourd'hui : "Nous vous avons compris, attendez-nous, nous arrivons" ?
- "Avec les médecins, d'abord, il faut qu'on soit modestes, parce que par le passé, nous avons commis un certain nombre d'erreurs..."
Vous les reconnaissez déjà...
- "On les reconnaît et puis, on ne les fera plus. Je crois que l'idée de "responsabilité collective" était une folie, la maîtrise comptable était une erreur, on s'est trompés..."
A. Juppé le dit aussi...
- "Oui, il le dit aussi, il a raison. En revanche, leur situation n'est pas acceptable. Ils demandent un ajustement de leurs honoraires qui est tout à fait raisonnable. C'est encore pire pour les infirmiers et les infirmières qu'on a vus défiler hier, qui n'ont pas été revalorisés depuis 14 ans. L'acte d'infirmier, c'est 14 francs, la piqûre, c'est 18 francs. Ce n'est pas raisonnable. Et le Gouvernement a tort, lui qui a cédé d'ailleurs à tant de revendications sociales, au prétexte que ces gens ont des professions indépendantes et que, peut-être, ils sont moins organisés, moins structurés que les autres. Il a tort de ne pas vouloir les prendre en compte."
Donc, vous proposez des solutions et vous allez en parler...
- "Oui, bien entendu. Nous sommes d'accord sur les revalorisations demandées. Naturellement, c'est coûteux, mais c'est très simple : l'argent de la Sécurité sociale sert à payer les 35 heures. Qu'est-ce que ce choix veut dire ? Cela veut dire que ce pays préfère utiliser son argent pour payer des loisirs, plutôt que pour payer ses dépenses de santé ! Est-ce que c'est raisonnable ?"
Ce sera donc utilisé pour revaloriser les traitements des professions médicales. Un mot sur la présomption d'innocence, car vous êtes impliqués dans cette discussion. C'est la révision de cette loi à travers la proposition de J. Dray. C'est quand même étrange, parce que quand cette loi a été votée, il y a quelques temps, l'opposition à l'Assemblée nationale s'est abstenue et la majorité sénatoriale de droite a voté pour. Et elle était réputée laxiste. Aujourd'hui, c'est une loi qui se présente comme étant un peu plus ferme, et là vous dites que vous voterez contre ?
- "D'abord, c'est un problème compliqué. C'est une loi qui est entrée à l'Assemblée nationale avec 40 articles, et qui en est sortie avec 142. Et qui a été improvisée, très largement, pour plus des deux tiers. Il y a des bonnes choses dans cette loi, que nous avons soutenu et dont nous continuons à dire qu'elles sont bonnes. Et parce que techniquement les choses ont été improvisées, il y a eu des erreurs de faites, parce que cela ne colle pas du point de vue procédural et cela crée des dysfonctionnement, cela crée des mises en liberté de gens qu'il n'est pas raisonnable de mettre dehors. Nous proposons, nous, de réparer cette loi - on ne propose pas de la détruire. Et nous sommes venus dans la discussion avec une dizaine d'amendements pour réparer les erreurs qui ont été faites dans une loi conçue et bâtie trop vite. C'est tout."
Vous avez l'air plus conciliant que les présidents des trois groupes de l'opposition qui disent d'emblée qu'ils voteront contre...
- "Mais parce que le Gouvernement, qui malheureusement veut faire de tout un instrument politique, dit d'ores et déjà qu'il n'acceptera pas nos amendements ; qu'une fois de plus, il a raison contre tout le monde. Et il montre une attitude intransigeante. Il dit par là qu'il ne veut pas tenir compte des mesures - modestes mais utiles - de réparation que nous proposons. Donc, dans ce cas-là, que voulez-vous, on en tire les conséquences et on sera obligés de voter contre."
Que direz-vous aux syndicats de policiers qui veulent absolument ces modifications ?
- "Mais les syndicats de policiers veulent beaucoup plus que ce que va donner le Gouvernement. D'abord, ils veulent une meilleure organisation matérielle des moyens. Vous savez, quand vous avez un seul instrument d'enregistrement pour les mineurs par commissariat et que vous arrêtez une bande de 15 jeunes, et qu'il faut pouvoir les interroger en même temps, et qu'il faut attendre 15 fois pour répéter l'opération, les 24 heures de garde à vue sont dépassées depuis longtemps. Donc, cela ne fonctionne pas. Il faut donc des moyens matériels. Alors, le Gouvernement dit qu'il a augmenté le budget ? C'est vrai, sauf qu'il ne consomme pas. Par exemple pour la police, l'année dernière, on n'a consommé pour les crédits votés que 48 % du budget d'équipement de la police. Il y a encore de l'argent dans les caisses que le Gouvernement n'utilise pas. Et c'est la même chose pour la justice."
P. Douste-Blazy a annoncé hier, dans un meeting, que cette loi présomption d'innocence serait abrogée si l'opposition arrivait au pouvoir. Vous êtes d'accord ?
- "Non, je ne suis pas d'accord. Je pense qu'il faut l'améliorer, il faut sur certaines choses les reconstruire autrement. Dans cette loi par exemple, il y a des dispositions pour les sourds-muets. Bon. Eh bien, c'est inattaquable, ce n'est pas ce qu'on va changer. Donc, dire qu'on "va abroger la loi" qui, encore une fois, comprend 142 articles, dont certains par contre méritent d'être abrogés - toutes les dispositions contre la presse auxquelles vous devriez faire attention, qui sont des dispositions liberticides, la France fait exception... Il vaut mieux regarder CNN que TF1 pour avoir certaines informations, vous les verrez aux télévisions américaines, vous ne pourrez pas les voir aux télévisions françaises. Cela, il faut l'abroger !"
Des mesures qui interdisent certaines images, notamment des gens qui ont des menottes, pour ne pas porter atteinte aux victimes...
- "Oui, mais vous pouvez les voir aux télévisions américaines."
Un mot sur la campagne et ces déclarations de C. Pasqua, il y a quelques jours, qui confirmaient que J. Chirac a rencontré J.-M. Le Pen et que lui-même avait organisé ces rencontres...
- "Il y a deux choses. Premièrement, je crois que C. Pasqua a toujours été, malheureusement et contre J. Chirac, un partisan d'une alliance avec Le Pen. Il avait déjà fait le coup des "valeurs communes" en 1988 et cela nous avait été fatal, il faut bien le reconnaître. Je crois qu'il a poursuivi constamment cette idée, aujourd'hui encore, où on voit qu'il cherche les voix du Front national..."
Mais concrètement, J. Chirac a démenti avoir rencontre Le Pen entre les deux tours de l'élection de 1988. Est-ce vrai ou pas ?
- "Ecoutez, franchement je ne connais pas les faits. Simplement, J. Chirac je le juge sur ses actes. Or..."
C'est un acte ça ! Une rencontre, c'est un acte !
- "Oui, mais attendez, la vraie question est de savoir si un jour ou l'autre, il a passé un accord avec Le Pen ? Or, à l'évidence, non. La question est de savoir si un jour ou l'autre, dans son attitude publique, dans ses discours, il a eu la moindre complaisance pour Le Pen ? La réponse est non !"
Pourquoi ne le dit-il pas ?
- "Je ne sais pas ce qui s'est passé très exactement. Ce dont je suis sûr, c'est que C. Pasqua, lui, aurait bien aimé que cela se fasse. Et je pense que sur ce point, il a eu un désaccord avec J. Chirac. En tous les cas, je pense que les socialistes ne sont pas les meilleurs pour nous donner des leçons dans ce domaine. Ce sont eux qui ont fait rentrer Le Pen à l'Assemblée nationale avec 30 députés. Mitterrand s'est vanté de lui avoir ouvert les chemins de la télévision ! Alors... On est dans la campagne électorale et tous les moyens sont bons. Mais c'est un petit moyen."
Pourquoi J. Chirac attend-il pour se présenter officiellement ? Il y a des gens autour de lui qui le pressent d'y aller...
- "L. Jospin, qui est de plus en plus en campagne, n'y est quand même pas encore officiellement. Je ne vois pas pourquoi le président de la République devrait entrer en campagne avant le Premier ministre, en tout cas officiellement. C'est une chose. Deuxièmement, c'est à nous, les partis politiques de l'opposition en particulier, d'occuper le terrain et de nous opposer à la majorité, et de les empêcher un peu, de les contenir dans leurs agressions. Quant à la bataille qui a lieu maintenant, c'est plutôt une bataille du premier tour. La vraie bataille qui aura lieu, ce sera celle entre J. Chirac et L. Jospin. Celle-ci n'est pas encore engagée."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 janvier 2002)