Interview de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, à "LCI" le 19 décembre 2001, sur le financement des 35 heures, sur les conséquences économiques des événements du 11 septembre, et sur sa volonté de briguer la mairie de Saint Dié.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser
Est-ce que l'horizon s'assombrit pour le Gouvernement ou est-ce qu'il s'agit de turbulences passagères ? Il y a plusieurs points ce matin. D'abord, l'annulation par le Conseil constitutionnel d'un certain nombre de dispositions de la loi de financement de la Sécurité sociale. Ce sont les financements des 35 heures et de la petite enfance qui sont mis à mal. Qu'est-ce qui va se passer ? Il manque 16 milliards pour les 35 heures.
- "Ce qui est annulé, ce sont des dispositions techniques ..."
Oui, mais il manque des sous...
- " ... Ce n'est pas le coeur de la loi ni même la dynamique que nous avons voulu mener en faveur de l'emploi avec les 35 heures. On va trouver d'autres solutions techniques à un problème technique. Ni plus ni moins. Ce qui compte, c'est que l'on puisse, avec les 35 heures, créer des emplois. Cela a été le cas et cela sera encore le cas."
Vous continuez de dire que les 35 heures ont créé beaucoup d'emplois ? Ce n'est pas la croissance économique ?
- "Un économiste, tout récemment, dans un livre, a démontré que les 35 heures avait créé plusieurs centaines de milliers d'emplois. L'essentiel de la création des emplois - s'élevant à 1,5 millions d'emplois depuis que M. Jospin est au Gouvernement - vient de la croissance, mais une bonne partie de ces 1,5 millions viennent des 35 heures. Les 35 heures ont été positives - plusieurs centaines de milliers d'emplois. La dynamique va se poursuivre, puisque d'autres entreprises vont accéder aux 35 heures au cours de l'année 2002. Il n'est pas question de remettre en cause, par un problème juridique, technique finalement relativement secondaire, une véritable dynamique économique et politique, à laquelle nous croyons et qui a apporté des bienfaits pour les Français."
"Juridique", "technique", "relativement secondaire" - comme vous dites - : 16 milliards ! Il y a comme cela des petites réserves dans plein de petites caisses ?
- "Il n'y a pas de petites réserves, mais des redéploiements. Comme nous le soulignons depuis quelques jours où on nous fait un mauvais procès dans ce domaine : les dépenses que nous engageons pour satisfaire un certain nombre de priorités - notamment pour la sécurité - viennent du redéploiement des crédits."
Là, c'était 2 milliards, si j'ai bien compris...
- "C'était 2 milliards, mais il y avait la police, il y avait eu d'autres thèmes sur lesquels, en fonction de nos priorités - et seulement en fonction de nos priorités -, nous déplaçons des crédits de choses moins prioritaires vers ce qui nous paraît être plus important. Ce sera la même chose pour les 35 heures."
Deuxième nuage - gros nuage -, c'est la croissance économique. Le ministre de l'Economie, L. Fabius, soutenait envers et contre tous les conjoncturistes que la croissance serait de plus de 2 %. Là, il reconnaît quand même un ralentissement. Le FMI dit que la croissance sera de 1,3 %. Cela veut dire qu'il y a un point de différence. Un point de différence, cela fait beaucoup de centaines de milliers d'emplois justement.
- "Par nature, les prévisions économiques doivent s'adapter à l'évolution de la conjoncture mondiale. Depuis le 11 septembre, la conjoncture mondiale est encore plus secouée que la tendance que nous connaissions quelques mois auparavant et qui était déjà une tendance à la baisse. Depuis le 11 septembre, évidemment, il s'est passé des choses. Ce que dit L. Fabius, c'est que la croissance sera moins forte que prévue. Nous ne sommes pas encore en mesure de donner des chiffres précis. Le FMI a toujours péché par un excès de pessimisme. Nous ne devons pas être pessimiste. Nous devons savoir que si le premier semestre 2002 sera sans doute moins bon que prévu, beaucoup d'analystes, beaucoup d'économistes - une immense majorité d'économistes - prévoient qu'au deuxième semestre 2002 les choses devraient se rétablir."
Cela ferait une croissance de combien ?
- "Je suis absolument incapable de vous le dire à cette heure-ci, parce qu'il est trop tôt pour savoir quelle est l'ampleur de ce tassement. Nous l'avons d'ailleurs déjà prévu dans le budget 2002, puisqu'un dispositif d'encouragement à l'investissement et à l'amortissement accéléré de l'investissement a été décidé. Tous les investissements réalisés entre le mois de septembre et le 31 mars vont pouvoir être amortis beaucoup plus rapidement. Nous relançons donc déjà la machine en ce qui concerne le coeur de la croissance, c'est-à-dire l'investissement."
Je voudrais qu'on parle un peu de vous : vous ne serez pas candidat aux législatives à Saint-Dié. Les méchantes langues disent que c'est parce que vous avez des ennuis avec la justice. Vous avez un différend qui tourne au vinaigre avec l'un de vos anciens conseillers. Vous avez porté plainte contre le procureur de Saint-Dié. On se souvient qu'un de vos concitoyens à porter plainte contre vous pour publicité mensongère, puisque vous aviez dit que vous seriez le maire de Saint-Dié et que vous n'avez pas assumé cette fonction, puisque le Premier ministre vous l'interdit. Est-ce qu'il y a quelque chose de détraquer dans le fonctionnement de la justice ? Ou est-ce qu'on vous en veut ?
- "D'abord, ma décision est une décision purement personnelle et qui n'a rien à voir avec ce que vous dites..."
C'est ce que certains disent. Moi, je ne dis rien.
- "Bien sûr, il s'agit de bonnes âmes ! Arriver au stade où je suis - né en 1946 - et parce que je crois en la politique, qui est je pense une chose noble et belle, je pense qu'on ne peut pas être unidimensionnel et dédier toute sa vie à la politique. C'est important de donner cette image-là. Quand on est capable de faire autre chose - ce que je crois avoir déjà démontré dans ma vie..."
Qu'est-ce que vous allez faire ?
- "J'ai servi la haute fonction publique, l'Etat. J'ai été dirigeant de grande entreprise. Je souhaite, à cette étape de la vie, me donner un nouveau challenge, un nouveau défi. Je pense pouvoir rejoindre l'entreprise dans une étape d'accomplissement personnel qui n'a rien à voir avec les allégations dont vous parliez. Quant au fonctionnement de la justice, je pense qu'il y a une bonne chose qui a été faite par le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir : c'est de donner une totale autonomie et liberté aux juges. C'est une conception très élevée de la justice que L. Jospin a mis en oeuvre avec E. Guigou et M. Lebranchu et qui vraiment est un acquis de la démocratie. Il y a deux conséquences à cela, deux pendants à ce mouvement : le premier, c'est que les juges totalement libres sont également responsables de leurs décisions et le deuxième, c'est que même quand on est ministre, même quand on est un haut personnage de l'Etat, on a le devoir, comme un simple citoyen, uniquement comme un simple citoyen, de se défendre pour défendre la présomption d'innocence et pour défendre son innocence."
C'est facile dans la position où on est ?
- "Même si c'est difficile, j'estime que nous devons l'assumer et que nous devons l'assumer avec quiétude, sérénité et détermination. C'est ce que je fais, car je suis victime d'un certain nombre de dysfonctionnement - pour ne pas dire d'un certain acharnement local - absolument inexpliqué. J'ai donc le devoir de défendre la présomption d'innocence. C'est ce que je fais. Mais je le fais non pas comme ministre, je le fais comme un citoyen tout à fait ordinaire. C'est mon droit et c'est même mon devoir, parce que je respecte la justice et parce que j'aime la justice."
Est-ce que vous aspirez néanmoins à devenir maire de Saint-Dié ?
- "Oui, bien sûr, dès que je le pourrais. C'est-à-dire dès qu'il m'en sera possible, parce que je ne serai plus au Gouvernement, puisque je quitte la vie politique."
Etre maire, ce n'est pas être politique ?
- "C'est, je crois, le plus beau des mandats. J'ai exercé le mandat de conseiller général, conseiller régional, député. Le plus beau, c'est celui de maire. Etre maire, c'est à la fois un grand projet pour sa ville et en même temps une responsabilité politique au sens le plus noble du terme. Je souhaite l'exercer, et l'exercer bien, au service de mes concitoyens."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 19 décembre 2001)