Déclaration de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale de la recherche et de la technologie, sur l'organisation et les résultats de la consultation nationale des lycées, le rôle du système scolaire et la nécessité de la formation continue, Lyon le 29 avril 1998.

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  • Claude Allègre - Ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie

Circonstance : Colloque national "Quels savoirs enseigner dans les lycées ?", organisé par Claude Allègre au Palais des Congrès de Lyon les 28 et 29 avril 1998

Texte intégral

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers collègues,

Le colloque que Philippe Meirieu et Edgar Morin m'ont demandé de clôturer est d'abord votre colloque, celui des acteurs du lycée : enseignants, lycéens, parents d'élèves, mais aussi chefs d'entreprise, chercheurs, universitaires, créateurs de savoir en tous genres. Je suis d'abord venu écouter vos conclusions, celles de vos tables rondes, celles de vos débats.

Je crois qu'un débat d'une telle ampleur autour du lycée, n'avait jamais eu lieu, ni ici, ni ailleurs. J'en veux pour preuve l’intérêt de ma collègue du Québec ici présente et que je veux saluer, mais aussi la volonté du ministre anglais David Blunkett et du ministre italien Luigi Berlinguer, qui sont tentés de réaliser la même démarche dans leur pays. Nous aurons peut-être dans quelques années un colloque européen sur ce sujet important.

Il me faut donc, avant toute chose, féliciter les équipes d'animation qui ont organisé, conçu, réalisé, cette consultation : Philippe Meirieu bien sûr sans qui rien n'aurait pu être fait, ni même esquissé. Son enthousiasme, son dynamisme, son dévouement mais plus encore la clarté de sa pensée, son ouverture d'esprit, sa disponibilité ont permis que tout cela ait lieu. Nous lui en sommes profondément reconnaissants. Tous, et moi en particulier. Edgar Morin a lui aussi investi beaucoup dans ce colloque, il y a engagé son talent, ses idées. Ce renouveau d'idées et de concepts, ce regard visionnaire sur l’évolution des savoirs et des sociétés ont donné à cette démarche toute l'innovation audacieuse et futuriste dont elle avait besoin.

Mais au-delà de ces deux hommes qui illustrent les deux branches de la démarche, combien se sont investis dans l'effort ? Les équipes animées par Philippe Meirieu et Edgar Morin d’une part, mais au-delà : d'un côté les responsables académiques, les responsables disciplinaires et pluridisciplinaires, les élèves et leurs organisations, CNVL ou CDVL, mais également l'administration de l’éducation nationale, des rectorats, les IUFM, les CRDP, l’INRP, bref toute la machine Éducation nationale s'est mise en marche avec rapidité, souplesse et efficacité. Aucune organisation au monde n'aurait été capable de mettre au point, distribuer, rassembler et dépouiller près de trois millions de questionnaires. Concevoir des questions, des logiciels, mettre en place des équipes pour les dépouiller : un travail gigantesque a été accompli. Et cela dans l'enthousiasme, le dévouement et l'efficacité. Avec la mise en place des emplois-jeunes ou notre ministère a devancé, en volume et en rapidité, toutes les autres administrations, la consultation des lycées a permis de montrer à tous que lorsqu'on mobilisait l'Éducation nationale, elle savait répondre présent, vite et bien. C'est un message. C'est un élément de fierté pour nous tous et pour moi, place aujourd'hui à sa tête, vis-à-vis de l'ensemble du gouvernement de Lionel Jospin. C'est aussi une démonstration de ce qu'est un Service Public d'Éducation, républicain et laïque. Au moment où il est de mode en certains lieux de s'interroger sur l’utilité du Service Public et de mettre en doute son efficacité, vous avez par l'exemple répondu brillamment, mieux qu'on ne pourra jamais faire par un discours. Que tous les acteurs de cet effort gigantesque soient remerciés. Votre dynamisme, votre efficacité, qui ont pulvérisé les timidités, les réticences, les conservatismes, montrent que notre pays à des ressources considérables d'imagination et de mobilisation lorsque l'enjeu est perçu comme essentiel. Dans cette préparation à la grande compétition intellectuelle que sera le XXIe siècle vous avez franchi brillamment la première étape. Par la qualité de vos débats et de vos propositions vous avez montré par l'exemple que l'ambition de la France est d'être au premier rang. Vous avez aussi justifié la démarche que j'avais proposé à Philippe Meirieu et à Edgar Morin : une démarche décentralisée, démultipliée, où tous les acteurs du système éducatif seraient concernés et consultés. C'est la voie moderne, c'est la voie de l'avenir. Le centralisme, la confiscation du pouvoir par quelques uns dans des conciliabules discrets, c'est du passé. Comment à l'époque de la communication ne devrait-on pas moderniser les formes de dialogue, de communication et d'échanges ? Dès aujourd'hui, 85 % des lycées français sont connectés à Internet, comment ne pas utiliser cet extraordinaire canal de communication pour vous consulter, vous proposer de débattre, vous écouter, dans vos classes, dans vos établissements, dans vos académies ? C'était l'esprit du questionnaire qu'ont conçu Philippe Meirieu et son équipe et qui a été dépouillé, lu, corrigé, complété et entendu. À ceux qui s'interrogent pour savoir à quoi cela va servir, s'ils seront écoutés, s'ils seront entendus, je vous dirai à tous, enseignants, élèves, parents, vos messages ont été écoutés, ils seront entendus, ils ne resteront ni sans réponses ni sans lendemains. C'est l'engagement solennel que je prends aujourd'hui devant vous.

J'ajoute même que ce questionnement se reproduira, tant la démarche nous a paru fructueuse. Mais naturellement sans démagogie et sans se tromper d'objectif. Il est normal de demander aux élèves leur avis sur le lycée, sur l'enseignement qu'on y donne. Il est normal de s'adresser aux enseignants, aux universitaires, aux chercheurs pour déterminer ce qui doit être enseigné et comment.

La seconde partie de la démarche est aussi très moderne car, loin de vous arrêter au questionnaire, vous avez organisé des débats dans chaque académie. Les forums académiques ont été très riches et nous mettrons du temps avant d'apprécier pleinement ce qui s'y est dit, ce qui y a été proposé. Et puis hier et aujourd'hui, vous avez débattu ici à Lyon, nationalement, démocratiquement. Je suis venu écouter vos messages, attentif et j'ose le dire ravi, tant il y a à la fois de l'audace et de la sagesse, de la volonté d'avancer tout en gardant la conscience de ce qui est possible.

A la démarche traditionnelle du confinement, du débat à quelques-uns, vous avez substitué l’air du large, celui de la démocratie citoyenne ou la cité tout entière débat librement de son avenir. Comment voudriez-vous, après une telle démarche, que vos conclusions majeures soient ignorées ? Comment pourrait-on les occulter lorsqu'elles sont le résultat d'une démarche si forte et si cohérente ?
Je voulais donc vous répondre, dès l'ouverture, sur la question essentielle que chacun se pose : et après que va t-il arriver ? La réponse est simple : quelle que soit la voie choisie, vos idées générales seront prises en compte. Avant de vous indiquer la méthode que je compte développer, je voudrais revenir sur le thème de cette démarche et les idées qui la sous-tendent.

L'idée centrale est que le lycée est un nœud, un carrefour de notre système éducatif. On entre au lycée après l'enseignement obligatoire, on sort du lycée soit vers l'enseignement supérieur, soir vers la vie active professionnelle. L'enseignement obligatoire est par définition général. L'enseignement supérieur est un enseignement spécialisé. Le lycée est un enseignement de détermination. Si l’on tombe d'accord sur les contenus des enseignements au lycée, alors il sera plus facile de parler de contenus pour les collèges. Car, bien évidemment, on ne comprendrait pas notre démarche si la même réflexion sur les contenus des enseignements du collège n'avait lieu dès l’année prochaine. Nous l'organiserons avec Ségolène Royal avec la même détermination mais avec des modalités spécifiques. Les élèves sont plus jeunes donc le rôle des parents doit être plus grand. Le collège c'est l'élément final de l'enseignement obligatoire et donc l’idée de tronc commun du savoir doit dominer celle de diversification.

La seconde idée est l'injustice scolaire. Trop de jeunes sortent du système éducatif sans rien. Trop de jeunes sont orientés, trop jeunes, dans des filières qu'ils ne veulent pas. Trop de jeunes gâchent leurs chances à l'université par des insuffisances « acquises » au lycée. Dans tout cela il y a des causalités croisées.

En premier lieu : les programmes et des horaires trop lourds. Lorsqu'on s'interroge pour savoir qui sont les victimes des programmes surchargés et des horaires surchargés. Le résultat est toujours le même : tous les enfants en sont victimes mais plus encore que les autres, les enfants des milieux les plus modestes, ceux qui ne peuvent pas être aidés. Aussi vos idées sur l'aide à l’étude rencontrent chez moi un écho immédiat et favorable.

Vous avez stigmatisé une orientation trop brutale et trop définitive, cela rencontre aussi chez moi un écho favorable. Toute orientation doit être réversible, chacun doit avoir sa chance tout au long de sa vie. Pour cela, il faut faire cesser la ségrégation entre lycée général, lycée technique, lycée professionnel. Il doit n'y avoir qu'un seul lycée, avec certes ses particularismes, ses spécificités, ses traditions, mais ayant un tronc commun, une philosophie commune, des passerelles nombreuses et bien sûr une égale dignité. Diversification du lycée oui, éclatement et ségrégation non.

L'orientation ne doit jamais se faire en négatif. Ce n'est pas parce qu'on a du mal à écrire le français ou à faire un problème de maths que l'on doit être qualifié de manuel. Moi qui suis petit-fils d'ouvrier, et dont j'ai partagé la vie pendant la guerre et bien après, je sais ce que veut dire la qualité du travail manuel, ce qu'il exige de qualités intellectuelles et d'adresse. La qualité n'est pas un concept réservé aux beaux quartiers et à l'intellectualisme. L'une des tâches que je me suis fixées, c'est que l'on reconnaisse la grande qualité de notre enseignement technique et professionnel. Il est l’un des meilleurs du monde, et n'en déplaise à certains, nous n'avons pas beaucoup à apprendre dans ce domaine de pays étrangers qu'on nous donne parfois en exemple. Je souhaite que l'on reconnaisse les enseignants du lycée professionnel et les élèves qui en sortent et aussi que l'on rapproche, sans les confondre parce que l'enseignement professionnel doit préserver son identité garante de sa reconnaissance par les employeurs, lycées professionnels et lycées généraux, en introduisant plus de matières générales dans les premiers, ainsi que des enseignements artistiques, philosophiques ou historiques et des éléments de formation professionnelle dans les seconds. Comme le fait de savoir écrire une lettre, faire un rapport, commenter un tableau de chiffres, se servir d'un ordinateur, comprendre la signification d'un graphique.

Enfin, la troisième raison de ma démarche c'est que je suis bien placé pour voir à quelle allure la science avance. Hier, on croyait et on enseignait que les effets étaient dans la nature généralement proportionnels à l'intensité des causes. Aujourd'hui, on découvre que c'est sans doute une exception. Si j'investis beaucoup je ne récolte pas forcément beaucoup !

On pensait que toute science avait besoin d'un outillage mathématique complexe. Certains pensaient même qu'on pourrait ainsi définir la science. On découvre que c'est vrai pour la physique aujourd'hui comme hier, que c'est vrai pour la mécanique mais que la biologie, la chimie ou même l'informatique s'en passent.

On croyait que les systèmes naturels ordonnés simples, en séquences, organisés comme un langage, étaient très répandus. On découvre que les systèmes complexes où l'on ne distingue ni le début ni la fin sont la généralité que la notion de complexité, de chaos, de fractales, de systèmes flous dominent la Nature. La géométrie grecque, l'harmonie des formes que nous aimons tant n’est pas universelle.

On croyait que les systèmes physiques n'avaient pas d'histoire et que l’évolution biologique était une horloge simple. On découvre que tout système a une histoire, que les atomes qui composent notre corps proviennent de plusieurs milliers d'explosions de supernova, que l’évolution biologique est discontinue et contingente, à travers les milliards d'années d'histoire de l'univers ou de la terre les atomes permettent de reconstituer cette histoire, de retrouver nos racines, de nous situer dans l'univers.

Avec cette explosion des connaissances, la méthode de l'empilement des connaissances qui consiste à accroître les programmes, à augmenter les années d'étude sans cesse, ne fonctionne plus. Le millefeuille de l’érudition est saturé, il s'effondre, se répand, sous l'action de son propre poids.

Je vois moi-même des découvertes sorties de mon laboratoire expliquées dans des manuels d'enseignement simplifiés, remaniées, souvent défigurées. Et malgré une légitime fierté, je m'interroge, était-ce nécessaire d'en parler ici ? Et il en est ainsi de tout. On entasse, on accumule alors qu'il faudrait trier, choisir, ordonner. Comme le dit si bien Edgar Morin, il ne faut pas élaguer, retirer, il faut repenser l'ensemble à la lueur des nouveautés.

Car, l'importance d’une notion ne vient pas du moment où elle est apparue dans le monde de la connaissance. L'ontogénie ne reproduit pas la phylogénie. Certaines notions très modernes doivent être enseignées très tôt.

Le fait qu'en général un problème n'a pas de solution parfaite mais plusieurs solutions, est un concept mathématique essentiel qui doit être appris très tôt. Sinon on risque de rigidifier ou de former des esprits à des raisonnements simplistes. Le code génétique et l'ADN sont, à mon avis, des notions qui comme la dérive des continents comme le chaos ou la pratique de l'ordinateur, doivent être introduites assez tôt dans l’enseignement. Bien sûr au détriment d'autres notions peut-être moins centrales. Pour m'en tenir à ma spécialité je ne suis pas sûr que la coupe géologique du Bassin de Paris soit une première nécessité de l'enseignement géologique, par exemple.

À un moment où nous avons du souci à nous faire pour l'avenir de notre enseignement supérieur scientifique (les flux d'entrée dans les filières scientifiques ont décru de 20 %), il est urgent de nous interroger sur ses contenus et sa finalité. L'enseignement des sciences au lycée doit-il être conçu pour former des scientifiques et pour les sélectionner, ou doit-il être le socle d'une culture de tous moderne et renouvelée ?

Nous devons donc choisir et nous rappeler que désormais on n'apprendra plus tout à l’école, qu'il faudra y revenir, que la formation continue ou continuée devra désormais être une partie intégrante de l'enseignement. Là encore une évolution indispensable et pourtant bien difficile reste à faire. Elle sera longue, nous devrons la mener ensemble en sachant dès le départ que les choix seront difficiles et qu'il nous faudra périodiquement les réévaluer et les critiquer.

Il faut trouver un équilibre entre les éléments de culture indispensables, et sur lesquels nous ne saurions reculer qu'ils soient littéraires, historiques, philosophiques, ou artistiques, et les éléments utiles pour la vie, comme la culture scientifique, qui seule permet de comprendre le monde dans lequel nous vivons, les pratiques technologiques ou sportives. Il faut apprendre à s'exprimer oralement d'abord et avant tout, mais aussi par écrit en utilisant ou non un traitement de texte, se servir d'Internet, communiquer, s'informer. Bref, beaucoup de choses à apprendre, donc beaucoup de choix à faire.

Encore une fois trouver des compromis, des équilibres, un juste milieu entre ces contraintes contradictoires sera un exercice très difficile et donnera lieu à bien des débats sans doute houleux. Mais les refuser c'est manquer de courage, c'est faire payer aux élèves notre incapacité à choisir entre nos contraintes. La science a toujours été un débat, souvent terrible, toujours conteste, pourquoi n'en serait-il pas de même en pédagogie ? Les débats seront difficiles aussi parce que nous sommes dans un contexte nouveau où les méthodes même de l'enseignement vont changer. Les nouvelles technologies, déjà présentes massivement au lycée, feront évoluer la façon même d'enseigner, permettront d'annuler les distances, les frontières, de constituer des réseaux de classes, et de rendre effectif l'enseignement à distance, de régionaliser puis de mondialiser l'enseignement. Il y aura aussi des banques d'images et de sons que vous pourrez désormais utiliser librement grâce à l'accord que nous avons signé avec les producteurs audiovisuels.

Et tout cela, dans un lycée qui va changer, ou l'autonomie des élèves va s'accroître. J'ai d'ailleurs noté, avec grand plaisir, que dans vos conclusions vous avez pleinement intégré cette indispensable dimension que je compte reprendre.

Je souhaite que le lycée soit un lieu exemplaire de citoyenneté, ou chacun respecte l'autre, d'où la violence soit bannie ou l'initiative individuelle soit encouragée chez les enseignants comme chez les élèves.

Nous avons l'intention de mettre en pratique les nombreuses suggestions faites dans le rapport du recteur Blanchet sur la citoyenneté à l’école et le droit des élèves, sur la mise en place de lieux de rencontre, de centres de musique, etc. Le rôle des lycéens, comme celui des parents d'élèves, doit être pleinement reconnu. La réactivation du Conseil National de la Vie Lycéenne est un premier témoignage de ma volonté. Nous voulons sur ce sujet passer très vite à l’action.

Cela passera, bien sûr, par des moyens nouveaux pour les enseignants, des évolutions sur l'organisation du temps de travail, sur une aide plus grande aux enseignants pour s'équiper en nouvelles technologies, sur un travail en équipe, une plus grande coordination. Nous reparlerons de tout cela en temps voulu.

Là encore, je ne crois pas aux grandes circulaires qui vous diraient comment exercer un métier que vous exercez déjà fort bien. Certes, il faut des cadrages nationaux mais, dans ces cadres, il faut innover, adapter, inventer. Je souhaite donner plus de liberté aux enseignants pour créer leurs enseignements. Les programmes futurs seront moins contraignants et c'est une indication que je donne des aujourd'hui au Conseil National des Programmes. Comment ne pas laisser à l'enseignant le soin d'innover ? Aujourd'hui où nous fêtons l'abolition de l'esclavage, n'est-il pas de bonne manière de faire lire ce merveilleux roman de Victor Hugo qui s'appelle Bug Jargal ou de faire apprendre dans les classes de musique les Gospels qui ont si bien traduit l'horreur qu'a constitué l'esclavage, ou encore La case de l'Oncle Tom et les Negros Spiritual ? À chacun son initiative : la diversité pour un même but.

Je crois aussi qu'il serait souhaitable que, comme nous faisons dans la recherche scientifique, – mais le métier d'enseigner n'est-il pas un métier de chercheurs ? – chaque année par académie, par spécialité, vous organisiez des colloques où vous échangeriez vos expériences pédagogiques. Les rectorats pourraient aider à l'organisation de ces rassemblements avec les associations de spécialistes. Le ministère pourrait en publier les actes. Bref pourquoi ne pas cultiver l'ambiance de débats et de propositions que vous avez instauré ?

Mais, si les trajets peuvent être différents, l’évolution des résultats doit être la même partout, pour tous. C'est cela l’école de la République. C'est pourquoi, et en opposition radicale avec ce que l'on peut me faire dire ici ou là, je tiens à réaffirmer mon attachement au baccalauréat national identique sur tout le territoire.

À dire vrai, j'ai parfois la tentation de rétablir la première partie, voire une session de septembre et je souhaite diminuer les options que je trouve trop nombreuses. C'est dire combien les intentions que l'on me prête sont loin de ma manière de voir. Le Bac doit être national et donc identique pour tous.

Que va-t-il se passer après ce colloque ?

Après avoir entendu ces avis des acteurs de l’école, je crois qu'il est bon de consulter hors de l'école. Car l’école, dans mon esprit, est d'abord l’école de la République, elle appartient à tous.

Je compte donc, autour des grandes conclusions que vous voudrez bien me transmettre, recueillir l'avis des principales forces vives du pays :

les confédérations syndicales et patronales, les conseils régionaux, puisque le Président Giscard d'Estaing me l’a réclamé, une série de personnalités qui jouent un rôle intellectuel, économique ou social dans notre pays.

Puis, pour couronner cette consultation, je demanderai au Parlement de débattre des grands principes de cette adaptation des lycées et de me donner son avis ou ses avis.

A partir de là, nous fixerons quelques principes de base et le Conseil National des Programmes s'attaquera à la rédaction des programmes.

Une concertation s'engagera alors avec les partenaires qualifiés. Vous serez informés de la démarche, de son cheminement, de ses progrès.

En tout état de cause, les éléments signifiants de la rénovation ne pourront voir le jour qu'en octobre 1999, même si dès octobre 1998, nous essaierons, par voie de circulaire, de libérer un peu les enseignants de contraintes trop étroites pour bâtir leurs enseignements et faire souffler un vent nouveau d'indépendance.

Il faudra alors mettre tout cela en place sans heurt, sans secousse pour les élèves car c’est là l'essentiel.

Les élèves, les étudiants sont, je l'ai déjà dit, le cœur, l'objet comme le sujet du système éducatif. À chaque moment, à chaque instant de notre démarche, leurs intérêts, leurs besoins doivent rester au centre, au cœur de notre réflexion et de notre action. Et c'est ce qui me plaît dans la démarche que vous avez suivie car en lisant vos conclusions, en écoutant vos débats, j'ai eu le sentiment qu'il passait un souffle dont l’intérêt des élèves était le cœur. J'ai cru percevoir le souffle des grands débats sur l’éducation, ceux de la Troisième République, ceux de la Libération et du colloque Langevin-Wallon. J'en ai ressenti une profonde émotion. Mais si l’élève est le cœur du système éducatif ce sont les enseignants qui en sont la chair, les architectes, comme les maçons. Il n'y aura pas une « réforme Allègre » décidée et imposée du haut, il y aura une réforme voulue, pilotée, mise en place par les acteurs du système éducatif et d'abord par les enseignants. S’il y a réforme ce sera d'abord votre réforme. Depuis mon arrivée rue de Grenelle, sachez chers collègues que ma pensée ne vous a jamais quitté un seul jour. Je sais quelle est votre tâche, je sais que votre travail est plus difficile aujourd'hui qu'hier, je sais qu'on demande beaucoup à l’école et que vous donnez beaucoup à la société. Je suis solidaire de vous à travers mon histoire personnelle, mon expérience et mes convictions. Sachez-le. Ensemble nous allons redonner à l'École la place centrale dans la société. Dans un monde du XXIème siècle ou l'intelligence sera le produit essentiel, où les produits industriels ou culturels seront les enjeux de la compétition mondiale, comment l'École et ses enseignants ne seraient-ils pas la clef de l'avenir ? Vous donnez les moyens d'accomplir votre tâche, vous redonnez un rôle central dans la société c'est mon projet, c'est l’engagement que je prends devant vous, même si je sors des sentiers battus, même si j'innove parfois un peu trop, mais l’école de la République est exigeante.