Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir, et aussi avec beaucoup d'intérêt, que je vous retrouve aujourd'hui sur le site du CSTB, à l'occasion de la mise en service d'un nouvel équipement majeur, un laboratoire consacré à l'acoustique, à l'occasion également du lancement d'un autre projet, le laboratoire « Bâtiment et Santé ».
J'avais participé, il y a quelques mois, au colloque organisé par le CSTB pour son cinquantième anniversaire, colloque de prospective, consacré aux évolutions futures du bâtiment, à horizon de quelques dizaines d'années. Nous nous étions alors donné rendez-vous pour la cérémonie d'aujourd'hui, sur le terrain en quelque sorte, pour faire le point sur une autre facette de la recherche et du travail scientifique, directement opérationnelle, et tournée vers l'amélioration à court terme des conditions de vie des habitants, de nos concitoyens.
La visite que je viens de faire aux côtés d'Alain MAUGARD, la présentation qui m'a été faite du futur projet ARIA, m'ont vivement impressionné et ont pleinement répondu à mon attente et à mon intérêt. Intérêt intellectuel bien sûr, mais aussi et surtout intérêt par rapport aux enjeux de société auxquels les pouvoirs publics sont confrontés, et auxquels ils se doivent de rechercher des réponses.
Pour ce qui est du bâtiment, et plus particulièrement du logement, les enjeux sont multiples : il y a des enjeux quantitatifs, essentiels car le logement est un droit qu'il faut s'efforcer de satisfaire par une offre suffisante et adaptée. Il y a des enjeux économiques et sociaux bien connus. Mais nous pouvons constater que se développe aujourd'hui une nouvelle dimension liée à la qualité technique et à la prévention des risques dans les constructions.
C'est bien sûr vers ces grands objectifs que tend aujourd'hui la politique technique en matière de logement, menée sous l’égide de la Direction Générale de l'Urbanisme, de 1'Habitat et de la Construction et de son directeur général M. LEMAS. J'en rappellerai brièvement quatre grands axes qui sont la maîtrise des charges, le confort de l'usager, la préservation de l'environnement et enfin la santé et la sécurité.
1 – La maîtrise des charges pour l'usager : par charges il faut entendre celles qui sont liées à l'investissement, au coût de la construction elle-même, qu'il s'agisse d'un loyer ou d'une annuité d'emprunt, mais aussi celles qui sont liées à l'usage du logement : énergie, eau, entretien, etc… Il faut raisonner aujourd'hui en coût global, c'est à dire en quittance globale, car c'est cela qui est perçu par l'occupant. C'est le sens notamment de l'expérience en cours sur le Logement de Qualité à Coûts Maîtrisés (LQCM), qui vise à faire diminuer sensiblement la quittance, de l’ordre de 15 %, sans remettre en cause la qualité d'usage du logement.
2 – Le confort de l'usager est un autre axe de travail important, et traditionnel, de la politique technique : les attentes sont en effet importantes, qu'il s'agisse de confort thermique, et notamment, aujourd'hui, de confort thermique d'été, ou de protection par rapport au bruit.
Le bruit, en particulier, est la nuisance la plus mal supportée par nos concitoyens. Lorsqu'il s'agit de bruit extérieur, comme celui d'une infrastructure de transports ou d'une installation industrielle, il aboutit à dévaloriser un logement, voire tout un quartier, si rien n'est fait. Lorsqu'il s'agit de bruit interne à un immeuble, il pèse sur les relations de voisinage et donc sur le climat social.
La France dispose depuis 1996 d'une réglementation acoustique très complète et exigeante, tant vis à vis des composants de la construction, comme les fenêtres, les planchers, que vis à vis des équipements internes au logement, chaudières, ventilation, etc… Une légère adaptation de cette réglementation est actuellement à l'étude pour exprimer les exigences en fonction des indices européens. Des progrès ont été faits.
Au-delà de la réglementation il faut bien sûr passer à l'action, trouver et tester les solutions techniques et les matériaux qui permettront sans coût excessif les niveaux de performance souhaités. Les initiatives sont nombreuses, je voudrais citer une expérimentation qui va être lancé avec l'Union des HLM et le ministère de l'environnement sur un millier de logements HLM. Elle permettra de tester un doublage acoustique mince dans le cadre de la réhabilitation de logements existants.
Le laboratoire européen d'acoustique du bâtiment, que nous venons de visiter, constitue pour cette politique un outil essentiel au service des pouvoirs publics, mais aussi des constructeurs et industriels pour tester et prévoir les performances de leurs produits avant leur mise en œuvre.
3 – La préservation de l'environnement est une préoccupation plus récente mais dont tout le monde a désormais pris la mesure, qu'il s'agisse des citoyens, des pouvoirs publics, ou des professionnels. Cette notion de préservation de l'environnement a des traductions concrètes aux différentes échelles territoriales.
A l’échelle de proximité, celle du voisinage, cela passe notamment par une meilleure gestion des déchets du bâtiment et par la limitation de la gêne liée aux chantiers ; c'est le sens de l’action en tours sur les « chantiers verts », c'est le sens également d'un travail en profondeur entrepris avec différents partenaires comme 1'ADEME, et en liaison avec les professionnels, sur la démolition sélective des bâtiments, sur le tri et la valorisation des déchets de chantier, sur la sensibilisation des maîtres d'ouvrage et des professionnels.
A une échelle plus large, moins perceptible par l’usager, mais capitale pour les générations futures, la préservation de l'environnement passe par la limitation des émissions de gaz à effet de serre. La France s'est engagée dans cette action depuis la conférence de Rio, et la limitation des consommations d'énergie des bâtiments est un des moyens permettant de réduire ces émissions.
La nouvelle réglementation thermique, en cours d'élaboration, a pour ambition de répondre ces différentes exigences : limitation de l'effet de serre, confort des occupants, réduction des charges.
Elle traitera du chauffage, de l'eau chaude sanitaire, de l'isolation, de la ventilation, de l'éclairage pour le secteur tertiaire, et ultérieurement de la climatisation.
Elle mettra à niveau les bâtiments tertiaires par rapport à l’habitat. Et, enfin, comme la qualité essentielle d'une règle est d'être appliquée par tous et donc comprise par tous, elle proposera différentes options adaptées à l'importance des bâtiments et à la capacité d'ingénierie des maîtres d'ouvrages et des maîtres d'œuvre.
Ce texte, qui devrait entrer en application au cours de l'année 1999, est actuellement l'objet d'un travail important de mise au point, associant des groupes d'experts et de professionnels.
4 – Enfin, la santé et la sécurité des occupants des constructions et des professionnels du bâtiment est devenue une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Le bâtiment est en effet porteur d'une valeur symbolique forte de protection et de refuge. Et notre société accepte aujourd'hui de moins en moins les risques et surtout ceux qui mettent en cause la santé. La question de l'amiante a servi de révélateur, et il est demandé aujourd'hui aux pouvoirs publics de déceler, d'évaluer, de faire connaître les risques sanitaires, et d'engager les actions destinées à réduire considérablement ces dangers.
L'amiante a ainsi fait l'objet de diverses mesures, d'abord d'interdiction, mais aussi de traitement pour les flocages, les calorifugeages, et les faux plafonds, avec un calendrier précis pour réaliser les diagnostics et, le cas échéant, pour mener les travaux d'élimination ou d'encloisonnement.
Le saturnisme, la « maladie des peintures au plomb » fait l'objet d'un chapitre de la loi contre les exclusions : cette loi rend en effet obligatoire le diagnostic des logements situés dans les zones à risque à l'occasion de toute vente, et donne des moyens accrus aux Préfets pour se substituer aux propriétaires défaillants pour engager des travaux de décontamination.
Nous avons ainsi les moyens de lutter contre un fléau social d'autant plus choquant qu'il touche des ménages parmi les plus modestes, et surtout de jeunes enfants.
Le radon fait également l'objet d'une action en cours. Il s'agit, je le rappelle d'un phénomène naturel, d'un gaz présent dans la nature, mais qu'une mauvaise ventilation des bâtiments peut « piéger » et contribuer à concentrer de manière dangereuse. Nous nous apprêtons à lancer avec Bernard KOUCHNER des actions larges d'information et de mesures préventives, tout en diffusant des éléments sur les techniques de traitement.
D'autres risques peuvent également concerner le champ du bâtiment et de la santé.
Il nous apparaît que la bonne démarche en la matière consiste à anticiper plutôt qu'à réagir dans l'urgence. Cela signifie qu'il faut organiser une veille scientifique et une veille sanitaire, coordonner les organismes et les programmes de recherche sur ces questions, et se doter d'un véritable conseil scientifique et technique. A partir de là, l’action publique peut et doit se traduire, de manière coordonnée, par la mise en place préventive de tous les leviers de l'action : dispositifs réglementaires, développement des réponses techniques, information des citoyens, formation des professionnels, et enfin évaluation des résultats.
Telles sont les grandes ambitions d'un projet « Santé et Bâtiment » dont je souhaite, avec B. KOUCHNER, la prochaine mise en place.
Vous avez certainement pu constater dans ce rapide tour d'horizon, que la politique technique du bâtiment cherche à s'adapter aux évolutions de la technique mais aussi de la santé.
Ses thèmes sont nombreux, ses leviers d'action sont divers : la réglementation voire l'interdiction, qui est légitime dans des domaines comme la sécurité ou il ne faut pas transiger ; mais aussi l’expérimentation et la diffusion de solutions nouvelles, l'animation des milieux sociaux et professionnels.
Cette politique technique associe des partenaires de tous horizons : techniciens, professionnels, mais aussi chercheurs et experts, tels ceux du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, qui sont actuellement impliqués dans la plupart des travaux que je viens d'évoquer.
A cet égard, les deux nouveaux équipements qui motivent notre rassemblement d'aujourd'hui contribueront de manière décisive à la veille scientifique et au progrès technique en matière d'environnement et de santé.
Le Laboratoire européen d'acoustique du Bâtiment est un équipement ultra moderne, autofinancé par le CSTB pour 15 MF environ. Il est adapté à l’évolution des produits, de plus en plus diversifiés et de plus en plus performants. Il offrira la possibilité de mesurer des isolations pouvant aller jusqu'à 100 décibels, ce qui est bien supérieur aux possibilités des anciens laboratoires. Il a par ailleurs été construit en conformité avec les nouvelles normes de mesure européennes, ce qui permettra aux industriels d'avoir des comptes rendus d'essai reconnus par d'autres pays que la France.
Le laboratoire ARIA, laboratoire de recherche et d'expérimentation pour l'étude des effets du bâtiment sur la santé, dont la construction va démarrer prochainement, viendra compléter les équipements existants par des salles expérimentales qui permettront de tester les matériaux et les équipements dans des conditions aussi proches que possible de la réalité.
Ce sera un outil essentiel pour l'expérimentation, mais aussi pour la recherche. Ce grand équipement, qui représente un investissement de 30 MF environ, est cofinancé par le Ministère de la Recherche avec une aide de la Région Ile-de-France.
Ces deux équipements permettront au CSTB de s'engager encore davantage dans la recherche appliquée, avec des résultats concrets, utilisables dans le bâtiment et dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Il me paraît essentiel que les résultats de la recherche puissent être valorisés, et que les organismes scientifiques et techniques développent leurs liens avec le tissu économique et industriel.
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment est un grand établissement public industriel et commercial; fort de cinquante années d'expérience, fort également de la compétence reconnue de ses quelques 600 agents. Sa vocation est clairement de se tourner vers l'avenir, vers les attentes de la société, vers l'Europe ; dans chacun de ses métiers, la recherche, la consultance, l'évaluation, la diffusion des connaissances, sa stratégie doit prendre en compte ces exigences et ce contexte.
Il aura en cela le plein appui de sa tutelle, en un moment où il réfléchit à un plan stratégique qui le mènera jusqu'au prochain siècle.
Sur la recherche et la consultance, le CSTB compte bien évidemment l'Etat comme principal donneur d'ordres. Il peut et doit s'engager dans la voie de l'innovation industrielle et architecturale, non seulement pour le compte de l'Etat, mais aussi pour d'autres partenaires. Dans un contexte qui sera de plus en plus concurrentiel, son atout résidera dans sa capacité à faire de la recherche appliquée qui débouche sur des résultats tangibles pour les professionnels.
La construction européenne, est, dans ce contexte, à la fois un défi et une chance : un défi parce que les réglementations techniques vont progressivement s'harmoniser, parce que, comme les hommes, les produits et les matériaux, circuleront de plus en plus entre les pays et auront donc besoin de certifications a portée internationale. C'est une chance parce que c'est l'occasion pour le CSTB de devenir l’un des deux ou trois établissements de référence qui émergeront à l'échelle européenne d'ici quelques années.
Il s'agit donc de devenir une « euro entreprise » en passant d'une situation privilégiée sur le marché français, à un marché européen soumis à une forte concurrence.
Le laboratoire acoustique que nous inaugurons s'inscrit bien dans cette dimension européenne, c'est un excellent pas dans le bon sens.
Pour la diffusion des connaissances, le CSTB doit s'adapter aux nouvelles technologies tout en conservant sa fonction d'évaluateur rigoureux de la valeur des informations diffusées.
Les pouvoirs publics ont besoin du CSTB, d'un établissement public attaché à une déontologie d'indépendance et soucieux de répondre par ses recherches et ses conseils aux demandes et questions d'intérêt général.
L'ensemble des partenaires de la filière du bâtiment a besoin d'un établissement industriel et commercial apte à se frotter à la concurrence dans un contexte de compétition internationale accrue.
Le CSTB saura, j'en suis certain, relever ce défi et se tourner résolument vers l'avenir.
En témoigne déjà, je me plais à le saluer, son engagement résolu dans le passage aux 35 heures, sous forme offensive, c'est-à-dire avec des créations d'emplois à la clé.
Ainsi, il apportera sa pleine contribution à la politique technique du logement et du bâtiment, une politique largement tournée, vous l'avez vu, vers le concret et vers la vie quotidienne de nos concitoyens, vers leur santé et leur sécurité, et vers la préservation de notre cadre de vie à tous.
Je vous remercie de votre attention.