Texte du Front national intitulé "nos valeurs" rendu public le 4 mai 1988 à la suite d'une conférence de presse de M. Jean-Marie Le Pen.

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Texte intégral

1. Nous croyons que la France occupe une place singulière en Europe et dans le monde, car notre peuple résulte de la fusion, unique en soi, des vertus romaines, germaniques et celtes.

L'identité française résume ainsi l'âme de l'Europe, alliance exceptionnelle dans l'histoire, du sens de la mesure, de l'esprit de conquête et de dépassement de soi.

Cela explique pourquoi la France a joué naturellement un rôle éminent en Europe et par conséquent dans le monde, et pourquoi son destin ne peut se séparer de celui du continent européen. Nous ne pouvons donc rester indifférents à la conjonction des graves menaces qui pèsent sur notre identité.

Une menace idéologique d'abord, car le marxisme agit depuis plus d'un demi-siècle en agent dissolvant de notre civilisation ; il incite à la haine sociale, il dévalorise notre histoire et nos traditions, il sape les bases de notre culture, en particulier l'esprit de mesure et de tolérance, enfin il favorise systématiquement les menées contraires à nos intérêts nationaux et continentaux.

Une menace politique ensuite, puisque depuis le partage de l'Europe en zones d'influence soviétique et américaine, notre continent occupé, morcelé, soumis à la politique des blocs, n'a plus droit ni à la puissance ni à son histoire.

Une menace démographique enfin, car incontrôlée, l'immigration des peuples étrangers à notre culture européenne, alors même que la natalité française s'affaiblit, ne peut que conduire à terme à l'éclatement de la communauté nationale et à notre disparition.

2. Nous croyons que l'incapacité dans laquelle se trouve aujourd'hui notre pays de répondre sérieusement à ces trois menaces nous entraîne dans un processus de décadence, dont nous percevons déjà les premiers symptômes.

Car une nation qui ne se compose plus de citoyens, mais d'individus égoïstes, passifs et indifférents du destin commun décline sûrement.

Car un Etat qui dénie toute légitimité à ceux qui luttent pour préserver la liberté et l'identité de notre peuple scelle le déclin.

Car un peuple qui cède devant l'invasion étrangère ne survit pas longtemps.

3. Nous contestons la fatalité d'un tel déclin.

Nous ne croyons pas à un prétendu sens de l'histoire, masque de tous les renoncements, qui conduirait nécessairement vers un amoindrissement de l'identité et de la liberté de notre peuple. L'aventure européenne, et en particulier celle de notre pays, s'inscrit en faux contre tous les fatalismes, qu'ils soient historiques, sociologiques, économiques ou autres. Les grands sursauts de notre peuple marquent au contraire les temps forts de l'histoire de France.

Nous récusons l'apparente fatalité d'une immigration qui détruirait notre identité. Nous récusons la prétendue fatalité d'une uniformisation des modes de vie et de la dégradation des moeurs publiques.

Nous récusons que notre continent doive se trouver fatalement réduit à l'état d'enjeu dans la compétition que se livrent les Etats-Unis et l'Union soviétique. Nous récusons le caractère faussement intangible de la division de l'Europe.

Nous récusons l'apparente fatalité du déclin démographique comme nous contestons le caractère inéluctable du chômage dans notre pays.

Nous affirmons la liberté essentielle de l'homme européen, capable précisément de surmonter tous les déterminismes. Nous manifestons la volonté d'affronter et de surmonter les défis de notre temps.

4. Nous croyons à la liberté de l'homme comme gage de sa responsabilité historique.

Cette affirmation ne traduit pas un optimisme naïf et totalitaire dans la plasticité infinie de l'homme et de la société. Il existe bien une nature humaine et une nature des choses qu'il faut connaître et respecter. Il faut d'ailleurs précisément inscrire à l'actif de notre civilisation d'avoir plus que toute autre progressé sur la voie de cette connaissance.

Mais nous croyons aux vertus de l'action. La liberté essentielle de l'homme doit s'entendre dans un sens transitif ; comme la possibilité d'accomplir certaines choses et non comme un droit que l'on se borne à revendiquer.

Notre conception de la liberté implique une éthique exigeante de la responsabilité et de la générosité. Nous ne pouvons rester spectateurs de notre déclin, car cela reviendrait à trahir l'héritage de notre civilisation. Alors qu'il serait sans doute plus confortable de se résigner à tous les abandons et à tous les conformismes, nous avons choisi de nous engager en hommes et femmes responsables du destin de leur communauté.

Responsables de son destin historique, nous voulons doter notre pays d'une diplomatie cohérente, d'une défense crédible et d'une économie dynamique, afin qu'il retrouve son rang en Europe et son rayonnement dans le monde.

Responsables de la pérennité de la forme de civilisation que nous représentons, nous voulons répondre au défi de l'immigration et lutter contre la décadence culturelle de l'Europe.

Responsables de la liberté de notre peuple, nous préconisons des institutions fortes afin de garantir le respect du droit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières.

Responsables de la prospérité et de la dignité de nos concitoyens, nous voulons lutter contre le fléau du chômage.

Responsables de la continuité historique de notre peuple, nous voulons aider les familles, encourager la natalité française et garantir la santé publique en particulier contre le Sida.

Nous voulons redonner vie à une citoyenneté authentique, qui suppose que chacun se sente responsable de ses concitoyens et du destin de la communauté. Nous voulons des citoyens libres et responsables et non des sujets indifférents et jouisseurs.

5. Nous nous sentons comptables de la préservation et de l'existence de la forme de civilisation que nous représentons, car nous pouvons être fiers de l'héritage reçu et de l'oeuvre accomplie par nos pères.

Nous refusons la culpabilisation cynique du génie européen, et nous sommes convaincus que sa disparition, par invasion ou assimilation, constituerait, pour l'humanité, une perte irréparable.

Nous avons foi dans la mission civilisatrice des peuples européens et, au premier chef, du peuple français.

Nous croyons que l'on ne triomphera des menaces qui pèsent sur notre peuple qu'en retrouvant les voies de son génie propre.

Car le processus de déclin dans lequel nous nous engageons résulte justement de l'obscurcissement des principes fondateurs de la puissance, de la liberté, de la sagesse et de la prospérité européennes.

Les partisans de la soviétisation ou de la libanisation de la France peuvent bien prétendre respecter la lettre de nos traditions, en trahissant leur esprit, dont nous sommes les seuls dépositaires authentiques.

6. Nous croyons le peuple français plus sain que les oligarchies qui feignent de parler en son nom. Nous accusons les oligarchies politiciennes, bureaucratiques, culturelles, médiatiques et syndicales désormais corrompues de faire obstacle à la volonté de la nation et de menacer, en campant sur leurs privilèges, la survie du peuple français.

Corrompues les oligarchies politiciennes qui trompent leur électorat et refusent d'affronter les vrais défis de notre temps.

Corrompues les oligarchies bureaucratiques qui font passer leurs privilèges corporatifs avant le service de l'Etat.

Corrompues les oligarchies culturelles et médiatiques qui mettent en tutelle la volonté de la nation.

Corrompus les professionnels de la morale universelle qui ouvrent la voie à l'islamisation de la France.

Corrompues les oligarchies syndicales qui poursuivent des objectifs politiques plutôt que de sauvegarder réellement les droits du monde du travail.

Nous estimons impératif de rendre la parole au peuple français et de remettre ces oligarchies dans la voie de leur devoir, pour restaurer une démocratie authentique. Nous nous prononçons en conséquence pour l'instauration du référendum d'initiative populaire et pour le rétablissement d'une véritable transparence de la vie sociale.

Nous croyons à la nécessité de redonner vie à d'authentiques élites enracinées dans notre peuple, qui prendront la relève des oligarchies corrompues. C'est pourquoi, en particulier, nous voulons rétablir un enseignement scolaire et professionnel de qualité.

7. Nous voulons instituer une véritable fraternité entre tous les Français, ce qui suppose de proscrire l'incitation à la haine sociale et de donner l'avantage au peuple français.

Nous jugeons à la fois légitime et conforme à nos traditions de distinguer ce qui revient au concitoyen de ce qui ressort à l'étranger. "Charité bien ordonnée commence par soi-même" dit un proverbe français ; que la France se soucie d'abord de ses enfants chômeurs, malades ou démunis avant de se transformer en asile de l'humanité souffrante.

Nous pensons que le pouvoir politique perd toute légitimité dès lors qu'il oublie le sens de sa mission souveraine, laquelle consiste à protéger la communauté nationale en garantissant la concorde à l'intérieur et la sécurité à l'extérieur de ses frontières.

"Salus populi suprema lex esto" : que le salut du peuple soit la suprême loi. Nous jugeons cette vieille maxime européenne toujours valable.

Nous récusons cette forme de décadence de la fonction souveraine, qui se montre oublieuse de ses devoirs et en vient à subordonner l'intérêt national au verdict d'autorités morales douteuses et d'idéologies trompeuses, ou bien en vient à croire que sa mission consiste à changer la société par la contrainte ou par l'impôt.

Nous croyons le peuple français mieux placé que tout autre pour juger de ce qui lui convient et de ce qui reste conforme à l'esprit de ses traditions. Nous croyons nos droits, nos libertés et notre identité mieux protégés par une France forte et respectée que par la morale universelle.

Notre civilisation sait en effet depuis longtemps que la force seule garantit le droit, la paix et les libertés.

8. Nous estimons que l'Etat ne doit pas se substituer aux producteurs de biens et de services ni entraver l'initiative des créateurs de richesse, car pénaliser l'entreprise revient à pénaliser les Français.

Mais l'économie ne saurait constituer le seul destin de tout un peuple, ni le critère exclusif de la rationalité. Par-delà la satisfaction, nécessaire, des besoins économiques, il appartient à la fonction souveraine de veiller à la préservation de l'identité et du patrimoine culturel commun, à la sauvegarde de la fraternité entre les Français et à la sécurité commune.

Nous pensons en particulier que la puissance publique doit conserver un rôle régulateur en matière culturelle afin de garantir le maintien de la personnalité du peuple.

Le laxisme culturel produit en effet le même résultat que le laxisme judiciaire ou le pacifisme, en laissant le champ libre aux ennemis de la liberté et de l'identité des peuples.

9. Nous croyons avoir une mission historique à accomplir dont l'enjeu dépasse les aléas de la compétition électorale ; celle d'enrayer le déclin de notre pays et de renouer les fils du destin européen.

Face aux menaces de l'impérialisme soviétique, de l'invasion du tiers monde et du raidissement américain, l'Europe doit retrouver son identité, sa puissance et son rayonnement.

Nous avons la conviction que cet indispensable réveil de l'Europe implique d'abord celui de notre pays, compte tenu de la position exceptionnelle qu'il occupe sur le continent.

Nous sommes engagés dans une lutte sans merci qui a pour enjeu la survie de notre civilisation. Nous ambitionnons de rassembler tous les hommes et les femmes de bonne et de grande volonté pour arracher la France au déclin et pour rendre un avenir à notre continent.