Interview de Mme Alliot-Marie, ministre de la jeunesse et des sports, dans "Le Midi olympique" le 17 mai 1993, sur le rugby, le partenariat entre le ministère et la Fédération française de rugby, et la politique sportive.

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Média : Le Midi Olympique

Texte intégral

Midi Olympique : Le XV de France va donc partir en Afrique du Sud. Quels ont vos sentiments à ce sujet ?

Michèle Alliot-Marie : L'Afrique du Sud, je connais. Responsable des affaires étrangères au RPR, je m'y suis rendu et j'y ai rencontré MM. De Klerk, Mandela, etc. Compte tenu des efforts sud-africains pour supprimer l'apartheid et pour démocratiser la vie publique, il était nécessaire de mettre fin à l'embargo sportif. Je suis donc tout à fait favorable à cette tournée et j'ajoute pour que tout soit clair qu'il n'y a plus aucun problème politique.

Midi Olympique : Passons aux cadres techniques. La tendance était déjà au désengagement de l'État. Allez-vous la poursuivre ?

Michèle Alliot-Marie : J'ai lancé un programme de réduction des cadres techniques sur trois ans. J'étais favorable à ce genre de missions mais pas à la dérive qui s'est produite et que reconnaissent volontiers certains présidents de fédérations. Lesquels admettent donc qu'on leur en enlève mais avec une programmation. Le problème sera de remplacer les cadres du ministère par ceux des fédérations et d'adopter une politique plus concertée qu'auparavant.

Midi Olympique : Il s'agit là de désengagement de l'État sur un concept de partenariat. Mais quel sera alors selon vous le rôle de votre ministère par rapport aux fédérations ?

Michèle Alliot-Marie : Je veux commencer par une clarification du partenariat jeunesse et sports fédérations : définir les compétences des uns et deux autres, et fixer les responsabilités. Pour ma part, je fixe mes compétences et mes responsabilités.

Un, définir les objectifs et les affiner. Les contrats d'objectifs ? Non, non, tout cela, c'est de l'habillage. Je veux des choses plus précises.

Deux, garantir la formation en incorporant le niveau des diplômes et des compétences. Je ne crois pas à la formation du seul État. Les fédérations doivent y participer. Mon ministère doit aussi garantir la sécurité dans les stades et je sais que la FFR s'en préoccupe. Il doit aussi garantir la santé par la prévention et la lutte par rapport au dopage.

Trois, le rôle de l'État est d'assurer une péréquation entre les riches et les pauvres, que ce soient des fédérations, des clubs, des régions et des départements.

Nos compétences se limitent à cela. Je n'exercerai pas un contrôle "a priori" comme l'un de mes prédécesseurs, mais plutôt "a posteriori". Cela évitera peut-être certaines grandes fantaisies que je découvre en ce moment.

Midi Olympique : Globalement, qu'est-ce qui va changer dans votre maison ?

Michèle Alliot-Marie : La responsabilité de mon ministère sera de tenir ses engagements financiers le plus rapidement possible. J'ai appris, en effet, que certaines subventions mettaient plusieurs mois pour arriver à destination et que certains équipements de proximité étaient partis mais n'étaient jamais arrivés. J'en profite d'ailleurs pour signaler que j'ai trouvé le ministère dans l'incertitude la plus complète au niveau des finances. Personne n'est capable de me dire à combien se chiffre mon budget. J'ai même été obligée de commander une inspection générale des finances pour savoir ce qu'il me sera possible d'engager. Car je tiens à dire que lorsque je prends des engagements, je les tiens. Mes services ont déjà l'ordre précis que les décisions soient suivies d'effet dans les quelques semaines qui suivent.

Midi Olympique : Passons aux problèmes de la ville. On avait cru comprendre que le rugby pourrait servir de support à une politique éducative en direction des banlieues chaudes. Qu'en serait-il désormais ?

Michèle Alliot-Marie : Il y a la politique de la Jeunesse et des sports et celle à caractère interministériel. Il est clair que je continuerai à mener la politique d'équipements de proximité engagée mais avec un contrôle plus strict.

Midi Olympique : Quelle sera la part du rugby dans cette opération dans la mesure où, ici, nous pensons que le rugby est bien la meilleure école de la vie et un remarquable exutoire de l'agressivité pour certains jeunes ?

Michèle Alliot-Marie : Bien sûr, je considère que le rugby est un sport formateur mais il faudra tenir compte de la réalité du terrain et du sport, amplifié par le phénomène télévision ainsi que de la culture régionale. Le rugby oui, mais dans un deuxième temps, c'est-à-dire après resocialisation. Dans tous les cas, on jouera la prévention et là encore, le rugby, avec l'esprit d'équipe qu'il véhicule, aura son rôle à jouer. Toutefois, ce sport merveilleux bénéficiera d'autres souliers de notre part.

Midi Olympique : Lesquels ?

Michèle Alliot-Marie : Je citerai deux de mes priorités : l'aide aux petits clubs et la défense des bénévoles. Je suis prête à monter un système d'aide à ces gens qui animent le tissu rural, à la fois en appui des diverses collectivités territoriales et du partenariat à encourager en direction des PME et PMI. Mon ministère sera systématiquement le quatrième partenaire dans ces opérations. Quant aux bénévoles, ils sont la condition de la bonne santé du tissu sportif, il y a des risques importants de les décourager doublement, en voyant que les grands clubs viennent leur prendre leurs meilleurs joueurs, notamment en rugby et en ne reconnaissant pas leurs problèmes d'argent, notamment au niveau de la fiscalité. J'ai déjà demandé à mon cabinet de provoquer une réunion sur le sujet avec leurs collègues du Budget.

Midi Olympique : Le sujet de la fiscalité est intéressant et préoccupant. Comment allez-vous l'aborder pour les sportifs ?

Michèle Alliot-Marie : Il faut être honnête et ne pas rester dans le flou artistique. Il faut définir à quel niveau il y a défraiement et à quel autre il y a indemnisation donnant lieu à des retenues fiscales.

Midi Olympique : Pouvez-vous fixer ce niveau ?

Michèle Alliot-Marie : Aujourd'hui, non. J'ajoute que je ne le ferai pas seule et que la difficulté est grande pour la simple raison, que l'on a trop joué sur une certaine hypocrisie. Il est urgent de clarifier le problème pour le solutionner.

Un moratoire pour la dette des clubs

Midi Olympique : Donnez-nous votre position de principe…

Michèle Alliot-Marie : D'un côté, il y a le sport-spectacle avec un professionnalisme de plus en plus affirmé, de l'autre, le sport-jeu purement amateur. Entre les deux, il y a le statut des joueurs et clubs à la charnière. La difficulté, elle est là.

Midi Olympique : Effectivement, il suffirait que l'URSSAF ou le budget soient rigoureux pour faire mettre au supplice un grand nombre de clubs de rugby. Comment comptez-vous résoudre ce problème très sensible ?

Michèle Alliot-Marie : Je sais fort bien que les clubs de rugby sont en danger. On m'en a cité un qui avait un trou de 3,5 MF. Il faudra donc, au moyen d'une négociation, apurer le passé. Comment ? Par un moratoire, un étalement de la dette car on ne pourra pas passer par pertes et profits. Je vais vous dire, le passé, on le réglera. C'est l'avenir qui pose problème.

Midi Olympique : Justement, serez-vous un ministre intransigeant ou cette fille d'arbitre qui connait les arcanes du rugby ?

Michèle Alliot-Marie : Seule la question de bon sens l'emportera et aussi la nécessité de trouver des solutions en commun.

Midi Olympique : Estimez-vous que le rugby vit au-dessus de ses moyens ?

Michèle Alliot-Marie : Ce n'est pas mon problème. Encore une fois, je dis que les fédérations sont autonomes, que je ne suis pas interventionniste mais que le contrôle a "posteriori" existera. Je puis vous assurer que les aides de l'État seront bien contrôlées au niveau juridique et financier, le tout dans le respect des responsabilités de chacun. Ce sera une nouvelle méthode.

Midi Olympique : Où se situe l'avenir du rugby, dans l'amateurisme où dans le professionnalisme ?

Michèle Alliot-Marie : Je pense qu'il y a les deux, à la fois indépendants et interdépendants. Il faut du rugby de haut niveau avec des stars, indispensable attirance par rapport à la télévision. Mais il faut aussi le sport-plaisir qui puise dans le plus grand vivier, qui permet aussi de ne pas faillir à une mission sportive et de conserver au rugby ses valeurs éthiques et morales indispensables.

La réalité en face

Midi Olympique : Mais encore, le choix…

Michèle Alliot-Marie : Vous voulez dire quelque chose…

Midi Olympique : Non, nous voulons connaître votre avis sur ce qui est de plus en plus un choix de société pour le rugby français.

Michèle Alliot-Marie : Est-ce que l'on va rester dans l'hypocrisie longtemps ?

Midi Olympique : C'est-à-dire ?

Michèle Alliot-Marie : Je me contente de poser la question.

Midi Olympique : Poser la question équivaut à y répondre, n'est-ce pas ?

Michèle Alliot-Marie : Mon problème est de regarder la réalité en face.

Midi Olympique : Allons plus loin. Quelle est votre position sur le fait que de plus en plus d'argent des collectivités territoriales circule dans les clubs, y compris ceux du rugby ?

Michèle Alliot-Marie : Ce n'est pas un fonctionnement normal. On est allé trop loin. Et encore, je pense que le rugby est resté modéré.

Midi Olympique : Changeons de sujet. Le rugby et la télévision, qu'est-ce que cela vous dit ?

Michèle Alliot-Marie : Il est trop tôt pour en parler, d'autant qu'il y a trois projets de décrets et que nous sommes toujours à leur recherche.

Midi Olympique : Et le grand stade ?

Michèle Alliot-Marie : L'agitation médiatique m'amuse. J'observe, un que le gouvernement est d'accord pour organiser la Coupe du Monde de football en 1998, donc pour construire un grand stade, deux que le site de Melun-Sénart connait de gros problèmes de financement. Il est envisagé d'autres solutions.

Midi Olympique : La lutte contre le dopage ?

Michèle Alliot-Marie : Une de mes priorités qui passe par la prévention et la peur du gendarme. Je connais le problème pour l'avoir introduit dans l'Éducation nationale entre 1986 et 1988.


Elle et les axes forts

"Aider les petits clubs et les bénévoles"

Chaque nouveau ministre tient, dès son entrée en fonctions, à affirmer sa personnalité et ses axes prioritaires. Comme vous avez pu le constater à la lecture de l'interview de Mme Alliot-Marie, ses axes forts, revenant souvent dans la conversation, sont :
- faire un audit financier du ministère ;
- verser les subventions le plus vite possible ;
- exercer des contrôles "a posteriori" ;
- aider au fonctionnement des petits clubs ;
- réhabiliter les bénévoles ;
- instaurer des moratoires pour apurer le passé des clubs ;
- lutter contre le dopage.

Elle et le rugby

"Une bonne école pour la politique…"

Son père Bernard Murie se souvient encore de ses premiers pas : "C'était en automne 1947. J'arbitrais un match sur le terrain n. 2 de Colombes, sans tribunes bien sûr. Mon épouse et ma fille étaient en bord de touche. Brusquement, j'entends des cris. C'étaient les joueurs qui avaient vu un petit bouchon de petite fille se mettre à marcher sur le terrain. Michèle venait de faire ses premiers pas".

La future ministre des Sports se targue de bien connaître de rugby et ses coutumes : "C'est une extraordinaire école de la vie avec son sens de l'équipe et sa troisième mi-temps où il n'y a plus d'adversaire. C'est aussi une grande école de tolérance et de vérité. En politique, je me suis servi de ce que j'ai appris avec le rugby. Là aussi, c'est dur.

Il y a une autre école excellente, celle des enfants d'arbitres de rugby, celle des tribunes. J'y suis souvent allée, il m'est même arrivé de me faire traiter d'insolente.

Pour et contre

Une femme politique pour la clarté

Mme Alliot-Marie est une femme politique. La guimauve, très peu pour elle ! Dans notre entretien, les attaques contre la gestion précédente n'ont d'ailleurs pas manqué. Cette dame d'allure distinguée, ne manque pas ses cibles.

Tout indique, dès ses premiers pas de ministre des Sports, que la dominante sera la clarté. À cet égard, l'exemple le plus frappant concerne la partition entre rugby pro et rugby amateur. Le titre voisin ne laisse planer aucune ambiguïté sur ses préférences.

Mme le ministre donne ainsi du grain à moudre au Bernard Lapasset. Le président de la FFR est courageusement en pointe sur un dossier tellement sensible qu'il peut mettre le feu dans le rugby français. Son concurrent Jacques Fouroux a bien entendu déjà marqué sa différence. Il sera intéressant de compter les coups avant les présidentielles de 1995, celle de l'Élysée et celle de la cité d'Antin.

Henri Nayrou

Elle et les autres

Deuxième sélection au gouvernement

Secrétaire d'État dans le premier gouvernement de cohabitation (1986-1983), actuellement ministre de la Jeunesse et des Sports. Née le 10 septembre 1946, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Fille de Bernard Marie, ex-arbitre international. Sorbonne. Docteur en droit et sciences politiques. Diplômée d'études supérieures de droit privé, de science politique et d'histoire du droit. CAP d'avocat. Certificats droit, économie. Maîtrise d'ethnologie. Élue député des Pyrénées-Atlantiques en 1981 et réélue en 1986 et 1993.

Son père et elle

"Je suis admiratif ! »

Bernard Marie fut le premier arbitre français à tenir un sifflet dans le Tournoi des Cinq Nations. C'était le 27 mars 1965 pour un fameux France-Galles à Colombes. L'Irlandais Gillihand avait été blessé en cours de partie.

M. Marie arbitra aussi deux finales du championnat (Béziers-Dax en 1991 et Agen-Brive en 1955, toutes deux à Lyon) et trois de Du-Manoir. Il fut même président de la commission centrale des arbitres entre MM. Fruquières et Capelle.

Élu député des Basses-Pyrénées en 1967, il ne put continuer à arbitrer en France, car la FFR le lui avait interdit. Alors, il se trouve des matchs outre-Manche, en Angleterre, mois surtout en Ecosse où, dit-il, "on m'aimait bien".

Bernard Marie fut aussi maire de Biarritz. Auparavant, il avait fait carrière dans la Banque de France.

De sa fille ministre, il dit : "Je ne suis pas fier de la voir à ce poste, je suis admiratif. Outre son CV épais comme ça, elle a une capacité à absorber un dossier à une vitesse stupéfiante. Elle semble le survoler et à la fin, elle le connaît parfaitement. Sa partie, ce sont les affaires étrangères, mais ne vous faites aucun souci, elle réussira en sport !"


Michèle Alliot-Marie, ministre de la Jeunesse et des Sports

Michèle Alliot-Marie est le nouveau ministre des Sports dans le gouvernement Balladur, Mme Alliot-Marie est aussi la fille de Bernard Marie, premier Français à avoir arbitré un match du Tournoi des Cinq Nations, Mme Alliot-Marie a reçu, jeudi dernier, à son ministère, le président Lapasset. Mme Alliot-Marie présidait, ce week-end, la fête du sport en France.

À ces cinq excellentes raisons d'interviewer cette femme énergique au charme certain, il en est une sixième, très institutionnelle au "Midi-Olympiques", qui consiste à faire du ministre de tutelle du rugby français une invitée du mois exceptionnelle.

Nous avons rencontré Mme Alliot-Marie chez elle à Biarritz, c'est-à-dire chez ses parents, au-dessus de la grande plage, face à l'hôtel du Palais qui fêtait, ce dimanche-là, son centenaire, à deux pas du Jardin d'Aguilera, où le BO, pleurait ses Illusions perdues avant de se donner un président-star nomme Serge Blanco, et où on est allé faire quelques photos en situation, ballon en mains sur le pré et verre en mains chez Pascal Ondarts.

Au cours de l'interview avec le "Midol" comme de l'entretien avec B. Lapassset, M. Alliot-Marie a fait preuve tantôt d'une prudence de diplomate, tantôt d'une grande franchise. Elle n'a pas fait mystère de sa volonté de dégraisser le corps des conseillers techniques, ce qui est grave pour le mouvement sportif et de son goût pour la clarification "pro-am". Vous lirez plus bas qu'elle n'adhère pas au concept de l'hypocrisie dans le rugby, rejoignant ainsi le président de la FFR qui a fait de la modernisation des clubs et de la charte de l'international, ses chevaux de bataille, comme on pourra le lire en page 31.

L'action, ou plutôt les axes forts de sa politique à venir, sa vie de femme et de ministre, son père et son sifflet, voilà ce que l'on propose à nos lecteurs sur des routes qui finissent toujours par mener au rugby.


Cette fille d'arbitre qui a appris à encaisser sans broncher…

Un appartement sur la falaise, "grande plage", dites aussi plage des Rois et jadis, plage des Fous, car on y pratiquait, à Biarritz, une hydrothérapie sommaire, quoiqu'efficace, plusieurs siècles avant qu'apparaisse la "thalasso" …

C'est là que Mme le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit les envoyés du "Midi Olympique", en la résidence de son père Bernard Marie, ancien maire, ex-arbitre international de rugby et titulaire – il tient à le rappeler – du "sifflet d'or", trophée naguère décerné par notre journal.

La sobriété claire de l'ameublement et du décor étonne, mais pas le bon goût : la maitresse de maison a été antiquaire.

Une jolie toile taurine d'Urla Monzon atteste de la culture méridionale des occupants.

Calée sur l'aile d'un canapé, Michel Alliot-Marie attend en position de relance expectative – c'est normal face à la presse – mais celte réserve ne tombera jamais dans l'antijeu de la langue de bois.

Solidement informée, Mme le ministre répondra précis, clair et direct à toutes les sollicitations. Une seule fois, elle mettra posément et franchement un ballon en touche en l'absence avouée de données objectives sur un point précis. Logique.

Un joli contre

On songe devant cette dame contenue – peut-être trop – et de bon ton, très universitaire d'allure et de pensée au souhait émis en toute innocence par l'un de nos éminents confrères de la presse sportive qui eût préféré comme ministre de la Jeunesse et des Sports, soit un ancien grand sportif titré jusqu'au menton, soit un délinquant repenti, évadé des "prisons de béton".

Ce n'est évidemment pas le "profil" de M. Alliot-Marie.

Aux "regrets" de notre confrère que nous lui transmettons, le ministre répond : "S'il faut être ex-grand champion ou "desperado" de banlieue pour se mêler de sport, combien parmi vos confrères se sentent autorisés à en parler ?"

Évidemment ! Raisonnement de bronze… Le "contre" a été porté, ferme et souriant, dans "les règles".

Deux enquiquineuses

On en vient à penser à ce que le rugby a apporté à cette fille d'arbitre de haut niveau dont le père a supporté la curiosité : "Dans l'auto au retour des matchs, j'avais deux "enquiquineuses", ma femme et ma fille : "Pourquoi as-tu sifflé ?" « Et pourquoi tu refuses cet essai ? Il était parfaitement mérité pourtant !"

Peut-être issu de l'arbitrage ce souci évident de rigueur, d'équité et de respect de la règle, qui revient à chaque phrase : "Clarifier, préciser, définir, garantir et contrôler…"

Peut-être la fille de l'arbitre a-t-elle reçut cette aptitude à prendre sur soi, à "encaisser" sans broncher ni céder, celle que Kipling recommande : "Si tu peux conserver ton courage et ta tête, quand tous les autres les perdront…" Encore que… Mme Alliot-Marie avoue : "On m'a reproché d'être directe".

Elle a relevé une mêlée…

Et on se souvient que c'est une intervention percutante de la conseillère Alliot-Marie qui a "relevé" naguère une "mêlée municipale" un peu chaude à Biarritz. Et l'auteur de la "bouffe" précise : "Rien n'est plus têtu qu'une mule basque… sinon une Basquaise !

Mais on a peine à imaginer une pointe de rancune dans le débit contrôlé, posé, aimable d'une personne qui sait aussi que "tout s'arrêtes" au coup de sifflet. Le rugby a laissé en elle ses images fortes : "un drop de Danos, du bord de touche, fin comme de l'ambre ; une remontée épique de Jean Gachassin sur tout le terrain : le France-Galles de mon père, bien entendu ; une tournée des Springboks… et les exploits de "l'invraisemblable" Serge Blanco…

Il a laissé aussi son image de poésie profonde : "un bord de touche à Compiègne, un "petit" match, une pluie fine… mon père arbitrait…"

C'est là, sur ce bord de touche confidentiel, que Mme le ministre a senti l'âme de ce jeu.

Le coup de sang de Neuilly

Docteur en droit, Mme Alliot-Marie a pratiqué assidûment la natation. Que le milieu du muscle se rassure : les anciens grecs, en leur sagesse, l'auraient jugé femme convenable puisqu'elle sait lire et nager.

Et si une carrière universitaire d'une densité effarante ne lui a pas laissé le temps de la compétition, elle lui a permis le loisir cependant d'une fantaisie mémorable pour le très sage lycée de la Folie-Saint-James à Neuilly : Excédée par une partie d'handball qui languissait, j'ai organisé spontanément une rencontre de rugby… La lubie a été mal appréciée par "l'encadrement" ! J'ai été punie avec rigueur, C'est aujourd'hui un très bon souvenir !

Celle personne d'ordre et de mesure, qui s'avoue deux faiblesses, "les spaghettis à l'eau et le champagnes", dort peu (cinq heures lui suffisent) mais récupère n'importe où et met de la clarté dans sa tête en faisant son jogging quotidien.

Elle tarde à confesser, par crainte sans doute de toute forme de démagogie, la passion qui l'anime pour les responsabilités nouvelles qu'on lui a confiées : la jeunesse et le sport.

Elle "tomba" la veste

De la passion chez cette dame de si grande réserve apparente ? Et pourquoi pas ?

Après tout, ce ne serait que demi-surprise après celle qu'elle nous réserve sur le stade d'Aguilera où se termine l'entretien :

Michèle tombe la veste pour échanger quelques passes enjouées avec son père. Et la blondeur fine, faussement émaciée de Mme le ministre révèle alors les formes fort plaisantes d'une belle jeune femme.

Décidément, il faut nous pardonner madame, mais dans le sport, nous sommes tous un peu machos. Et dans le rugby alors !


Mme Alliot-Marie : "Sur la même longueur d'ondes avec le président Lapasset"

Après avoir reçu le président, Mme Alliot-Marie a répondu à nos questions de circonstance. Où la convergence de vues qu'évoque le patron de la FFR à côté, apparaît aussi côté ministère (lire par ailleurs nos deux pages concernées à Mme le ministre, notre invitée du mois, en pages 31 et 32).

Midi Olympique : Vous avez reçu le président Lapasset, ce jeudi 13 mai. Comment pouvez-vous qualifier l'ambiance de cet entretien ?

Mme Alliot-Marie : L'ambiance était, à la fois, chaleureuse et sérieuse. Nous avons abordé des questions de fond comme des questions conjoncturelles qui se posent au rugby français.

Midi Olympique : Le patron du rugby français vous a, probablement, parlé des problèmes rencontrés par la FFR au niveau de la modernisation des clubs, de la charte du joueur de haut niveau, des contrats d'objectifs et de la décentralisation. Que pouvez-vous nous dire à ces sujets ?

Mme Alliot-Marie : Ces problèmes sont, effectivement, ceux qui conditionnent la modernisation et, sans doute, même, la survie du rugby. Nous nous sommes retrouvés avec le président Lapasset, très souvent, sur la même longueur d'onde. Une réunion est prévue au sein de la FFR au début juin. Je souhaite qu'elle aboutisse à des solutions claires, précises et concrètes.

Midi Olympique : Avez-vous défini un mode de fonctionnement ministère Fédération de rugby (visites régulières, contact, etc.).

Michèle Alliot-Marie : J'ai indiqué au président que je souhaitais établir un véritable partenariat respectant totalement l'autonomie de la Fédération mais permettant d'instaurer, sur la base de véritables contrats d'objectifs, une relation claire et suivie. Je pense que nous serons amenés à nous voir très régulièrement et nous avons, d'ailleurs, envisagé certaines actions, notamment en direction des jeunes et de certaines communes où ils rencontrent des difficultés.

De son côté, le président Lapasset a commenté cette visite par rapport aux sujets exposés : "Le ministre est passionné par le rugby, elle en connait parfaitement le fonctionnement", nous a-t-il dit en préambule.

Modernisation des clubs : Réflexions très pertinentes sur le dossier et confiance donnée sur les solutions que nous sommes en train de mettre sur pied.

Charte du joueur : Elle attend énormément de la réforme du statut du joueur et va rester en contact permanent téléphoniquement après la réunion que je vais avoir, le 18 mai, avec les différentes autres fédérations. Elle va, m'a-t-elle dit, suivre le dossier de très près et s'est déclarée très satisfaite de ma nomination au CNOSF.

Afrique du Sud : Là encore, extrêmement ouverte, Mme Alliot-Marie a appuyé les propositions que je tiens quant au départ quasi certain, sauf événement grave de dernière minute, en Afrique du Sud. Adhésion totale à notre projet pour faire de cette tournée à la fois un événement sportif et une manière de nous intégrer le mieux possible dans la vie sud-africaine.

Grand stage : Grande interrogation. S'il n'y a pas tous les éléments permettant avec certitude de remplir un stade qui ne doit pas être, pour cause d'éloignement par exemple, une arène à moitié vide, la notion de grand stade n'a pas lieu d'être selon moi. Mais là, je ne suis pas le décideur et ai seulement fait part de ces remarques au ministres.

À bâtons rompus : Mme le ministre veut travailler sur la notion de bénévolat dans le sport, elle s'est montrée attentive à notre projet concernant les cadres techniques (encadrement et rôle de l'État renforcé) et a promis d'être présente, peut-être, pour une demi-finale et, en tous les cas, pour la finale du championnat.

Afrique du Sud : "Si je peux venir, je ferai tout pour assister à un test en Afrique du Sud", m'a déclaré Mme Alliot-Marie : réponse officielle, prochainement, en fonction de son emploi du temps et, bien évidemment, de la tournée elle-même.