Déclaration de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la valorisation des cultures fourragères et la compétitivité de l'élevage, Rochetrejoux (Vendée) le 1er septembre 1993.

Prononcé le 1er septembre 1993

Intervenant(s) : 
  • Jean Puech - Ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstance : 8ème salon des fourrages à Rochetrejoux (Vendée) le 1er septembre 1993

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le député et conseiller général,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais vous remercier de votre invitation, qui me donne l'occasion de voir à l'œuvre des organisations techniques dynamiques et des professionnels responsables. Cette invitation me permet aussi de me rendre dans une région où l'agriculture est, de longue date, tournée vers la modernité et à la base de nombreuses activités économiques.

Ma visite intervient dans un contexte difficile où les agriculteurs, soumis aux profonds changements qu'imposent le contexte international, ont besoin de perspectives d'avenir. Je voudrais en venant ici, leur indiquer que leurs efforts sont reconnus et qu'ils seront soutenus.

C'est pourquoi je vais articuler mon intervention autour de deux axes : la compétitivité de notre élevage d'une part, les structures de l'amélioration technique d'autre part.

1. La compétitivité de notre élevage est bonne, ne craignons pas de l'améliorer encore

Je voudrais en effet combattre une idée qui commence à se répandre selon laquelle il faudrait tourner le dos aux progrès de l'élevage et ne s'occuper que de remplir l'espace avec des animaux plus ou moins productifs.

Il est vrai que seul l'élevage permet de valoriser les terres les plus ingrates, et de préserver dans les zones correspondantes une présence nécessaire à la préservation des autres activités rurales. Ces zones doivent bénéficier de la solidarité nationale, et je m'y emploie.

Pour autant, l'élevage n'est pas coupé de la réalité économique. Ses produits doivent se placer sur des marchés où la concurrence est rude, et de plus en plus ouverte.

À ce titre, nous devons considérer comme des atouts la taille de notre cheptel, la diversité des territoires qu'il occupe et valorise, l'importance de notre potentiel fourrager. 

Il me suffit de rappeler quelques chiffres pour dire la place de ce potentiel fourrager: la surface toujours en herbe (STH) représente 11 millions d'hectares soit 37 % de notre surface agricole utile (SAU) auxquels s'ajoutent 4,5 millions d'hectares (16 %) de cultures fourragères. Plus de la moitié des exploitations françaises sont orientées vers la production de ruminants.

Quelle que soit la valorisation animale de ces fourrages, les charges d'alimentation représentent 70 à 90 % des charges opérationnelles de l'atelier animal.

Or, c'est précisément au niveau de ces charges qu'il faut agir vigoureusement, en effet, les productions de ruminants étant contingentées, il est de plus en plus difficile aux éleveurs d'accroître leur revenu en augmentant leur produit. C'est donc en réduisant leurs charges qu'ils pourront accroître leur compétitivité.

Je sais que c'est une de vos préoccupations constantes, Monsieur le président de la FNSEA, sur laquelle vous êtes revenu à plusieurs reprises lors de nos entretiens.

C'est pourquoi, en zone difficile, comme en zone de plaine, il n'y a pas de politique alternative à une politique de réduction des charges. Elle devra conjuguer les efforts structurels et l'amélioration technique.

1.1. Efforts structurels

Ainsi par exemple, en choisissant un système de transfert de droits à prime quasi-gratuits, j'ai voulu rendre possible la nécessaire restructuration des cheptels bovins et ovins spécialisés dans la production de viande.

Il faudra accompagner cette restructuration, qui bénéficie déjà de programmes spécifiques (aide à l'extensification – agrandissement), dans les limites de nos possibilités budgétaires.

J'ai de même obtenu un programme de restructuration communautaire en production laitière. Aux fonds communautaires, j'ai décidé d'ajouter les fonds recueillis au titre des pénalités et les fonds mis à disposition par les collectivités régionales. Je souhaite en effet que les efforts de restructuration se poursuivent dans le secteur laitier, secteur qui a déjà montré la voie.

De même, la revalorisation de la DJA doit contribuer, par l'installation de jeunes décidés à investir, à la restructuration des exploitations d'élevage. Cette amélioration de nos structures doit nous permettre d'affronter la concurrence des pays communautaires à la fois dans la production de viande et dans la production de lait.

Il importe, en effet, que nos systèmes de production soient à la hauteur de nos ambitions techniques.

Les mesures fiscales et financières qui ont été décidées à l'issue de la concertation de Matignon le 7 mai ont montré la volonté du Gouvernement d'œuvrer dans ce sens. C'est par exemple le cas de l'amélioration de la déduction pour investissements et du renforcement du dispositif de prêts bonifiés. Soit, je vous le rappelle un effort de 800 millions de francs en année pleine.

Par ailleurs, je n'ai pas besoin de vous rappeler l'effort effectué, et les résultats obtenus par le Gouvernement en matière de baisse des taux d'intérêts.

La même orientation a prévalu lorsqu'il s'est agi d'alléger les taxes sur le foncier non bâti (soit un effort de 800 MF).

C'est donc avec détermination que le Gouvernement érode les charges qui pèsent sur chaque hectare de fourrage, sur chaque exploitation, pour donner à ses éleveurs une compétitivité accrue.

1.2. Améliorations techniques

En ce qui concerne l'amélioration technique, les régions dynamiques comme la vôtre ont déjà su montrer que les marges de progrès importants existent pour tirer parti des fourrages naturels ou implantés.

Il y a dans ce domaine beaucoup à faire, à la fois dans la sélection des variétés, l'optimisation de leur fertilisation, le choix de matériels efficaces, mais aussi le choix de systèmes de production plus sûrs et d'un « matériel animal » plus adapté.

Tous ces aspects ont été bien pris en compte dans ce salon, et j'ai apprécié que les conséquences sur l'environnement des progrès techniques aient fait l'objet d'un soin particulier de votre part, à l'occasion des tables rondes organisées sur le thème de l'eau.

À propos du choix des systèmes de production, je voudrais souligner que la réforme de la politique agricole commune, qui a par ailleurs des inconvénients bien connus, a ouvert pour l'élevage des opportunités nouvelles avec, par exemple, la baisse du cours des céréales.

Les régimes d'aides nationaux, comme la prime à l'herbe ont accompagné ces changements et placé les éleveurs français dans une perspective d'amélioration possible de leurs résultats. En décidant d'augmenter cette prime à l'herbe de façon substantielle, j'ai décidé de mettre une nouvelle fois l'accent sur cet atout de la France.

Il convenait par conséquent d'adapter les exploitations à ces nouveaux paramètres, en développant les références obtenues par l'appareil de recherche appliquée.

2. L'amélioration technique nécessite des structures adaptées

Je disais en début d'intervention que ma visite se plaçait à un moment difficile, où les règles du jeu sont redéfinies dans le cadre d'une réforme dont il nous faut tirer le meilleur parti.

Je crois vous avoir montré que ce changement de contexte n'était pas entièrement négatif pour notre élevage, encore faudra-t-il choisir les systèmes de production les plus efficaces. De tels choix doivent être éclairés par les travaux de recherche, et plus encore par les références expérimentales de la recherche appliquée.

Notre appareil de recherche appliquée et d'élaboration de références est constitué de multiples organismes à divers échelon national, régional, départemental, par produit, par filière, etc. Tout l'appareil est soumis aux secousses des difficultés budgétaires et de la réduction du nombre d'éleveurs, donc de cotisants.

Vous savez que cet appareil s'interroge et doit se redéfinir.

Il y a là un ouvrage aux multiples facettes que responsables professionnels et administration ont remis sur le métier.

La réforme du financement du développement, la réorganisation des organismes d'élevage, le statut de la recherche appliquée sont autant de sujets sur lesquels nous avons une volonté commune d'avancer. Je sais qu'en tant que Président de la FNSEA, l'intervention sur ce dossier de Monsieur Guyau sera capitale.

Il y a devant nous un projet à élaborer, puis à mettre en œuvre, avec des moyens que nous devons définir ensemble.

Les choix politiques seront faits dans les prochaines semaines. Ils exigeront des pouvoirs publics et des organisations le sens des responsabilités et la volonté d'aboutir. 

La capacité que vous avez eue de faire un salon de cette qualité montre à l'évidence que votre profession a déjà eu à cœur de se donner les moyens du progrès.

Ma volonté est aussi forte que la vôtre, j'ai donc confiance dans notre capacité mutuelle à faire des choix. Nous les exprimerons très prochainement, notamment avec les orientations du plan à venir, et les nouvelles modalités du financement de l'ANDA.

Je souhaite que l'organisation du développement qui en résultera produise des résultats aussi utiles, efficaces et bien conçus que le salon que vous m'avez fait visiter aujourd'hui.