Texte intégral
H. Sannier : Allez-vous vraiment recruter 80 000 jeunes en contrat en durée indéterminée ?
F. Perigot : Les engagements ont été pris. Nous avons commencé cette campagne en septembre. Ces 80 000 engagements ont été confirmés par les présidents de fédération d'union patronale. Ils se sont engagés à poursuivre cette action. Nous la poursuivons sur le terrain pour essayer d'obtenir, d'ici la fin de l'an prochain, plus de 200 000 jeunes en apprentissage et en contrats d'adaptation et de qualification dans les entreprises françaises.
H. Sannier : Vous avez fait faire un sondage dans lequel 79 % de jeunes estiment qu'ils vont mieux apprendre leur métier dans l'entreprise qu'à l'école. Mais à l'école on apprend une formation générale, et c'est cela qui va permettre de changer de métier dans l'avenir. N'êtes-vous pas en train de former une armée d'OS, qui seront les premiers licenciés ?
F. Perigot : Cela reflète l'opinion très négative et inexacte qu'a l'opinion française de l'apprentissage. L'apprentissage est une méthode pédagogique de la théorie, de l'école et de la pratique, l'entreprise. L'apprentissage peut vous permettre d'avoir des métiers d'ingénieur, ce n'est pas seulement les tourneurs, les boulangers.
H. Sannier : Pensez-vous que c'est possible dans notre société ?
F. Perigot : Les jeunes qui répondent à 80 % qu'ils ont compris et que c'est comme cela qu'on a un métier ont raison. Premièrement, parce qu'ils apprennent des connaissances concrètes, parce qu'ils travaillent en étant payés, et puis ils ont la quasi-certitude de réussir un diplôme et d'être embauchés dans leur entreprise. Je suis très satisfait de voir que 80 % des jeunes l'ont compris. C'est une sacrée interpellation pour les entreprises. Je me réjouis du succès extraordinaire de cette campagne "Cap sur l'avenir", qui est en train de déferler sur la France.
H. Sannier : Vous pensiez obtenir 200 000 contrats en 1994, vous en êtes en 80 000 ?
F. Perigot : Nous sommes en 1993. Nous avons lancé une campagne de mobilisation avec pour objectif d'atteindre, avant la fin de l'année 1994, 200 000 contrats. On a toute l'année encore. Nous commençons la prospection qui n'a pas encore commencé. C'était jusque-là des réunions de chefs d'entreprise. J'en ai tenu 25. J'ai eu 15 000 chefs d'entreprise autour de moi. On met maintenant 1 000 personnes qui vont démarcher individuellement toutes les entreprises pour leur expliquer ce qu'est l'apprentissage, pour les aider à faire les formalités qui restent encore la chose la plus difficile, et les convaincre de prendre des apprentis.
H. Sannier : Cela fait un peu téléthon pour l'emploi ?
F. Perigot : Au mois de juin, quand nous avons lancé notre expérience tout le monde a ri, en disant c'est de la poudre aux yeux, c'est une opération médiatique. Quelques mois après, nous pouvons organiser cette réunion avec cet engagement de 80 000 jeunes dans l'entreprise, en ayant soulevé tous les problèmes du système pédagogique, de la place de la formation et de la formation professionnelle et de l'alternance dans l'apprentissage des jeunes. Nous avons fait énormément progresser le nombre de jeunes qu'on va dépanner. Surtout on se rend compte que, dans ce pays, la formation abstraite, élitiste, et le diplôme par la voie abstraite est bonne.
H. Sannier : Vous êtes contre le diplôme ?
F. Perigot : Non ! Il en faut. Tous nos jeunes ne sont pas capables d'aller jusqu'au bout, uniquement par l'acquisition abstraite des connaissances. Beaucoup de nos jeunes ont besoin d'alterner la connaissance et le concret. Ils obtiennent les mêmes diplômes, mais avec une connaissance pratique énorme qui leur donne presqu'une certaine supériorité sur les autres.
H. Sannier : L'entreprise est mieux que l'école ?
F. Perigot : C'est différent. Mais si l'école c'est uniquement de la formation abstraite c'est de notre faute, les parents, la société. Nous ne jugeons nos enfants que par les diplômes et la formation abstraite qu'ils peuvent avoir. Jugeons nos enfants sur la connaissance d'un métier.