Interviews de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, à RTL le 22 avril 1993 et France 3 le 24, sur la rencontre avec le gouvernement et les mesures concernant les déficits sociaux.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontres Gouvernement - partenaires sociaux le 23 avril 1993 à Matignon

Média : RTL - France 3

Texte intégral

J.-M. Lefebvre : Qu'attendez-vous de la réunion de demain ?

N. Notat : Nous attendons une réunion utile et productive. Cela devra déboucher sur des décisions rapides pour celles qui nécessitent d'être prises rapidement comme la manière de renflouer les régimes sociaux. Il faut qu'elle débouche sur un engagement du Premier ministre à prolonger cette discussion à travers des objectifs de travail précis. Nous serons attentifs à ce que la question du temps de travail figure dans ces thèmes. Nous demanderons aussi que ces séances de travail avec le gouvernement débouchent sur de la négociation avec le patronat. Sur les questions de l'emploi, il va de soi que les pouvoirs publics ont des choses à faire. Ce n'est pas par la loi ou le décret que nous pouvons trouver des solutions adéquates au problème de l'emploi. Il faut que dans les entreprises et les professions les syndicats et le patronat négocient et s'engagent résolument dans des voies nouvelles.

J.-M. Lefebvre : Le monde syndical va encore arriver en ordre dispersé.

N. Notat : Le pire n'est jamais sûr. Les voix ne sont pas toujours concordantes, mais il n'est pas obligatoire qu'elles soient discordantes. Sur un certain nombre de sujets, le point de vue des uns et des autres ne sont pas aussi éloignés que cela. J'observe que sur la question concernant l'assurance-chômage nous avons les uns et les autres des positions qui permettent de faire une synthèse assez rapide. C'est en discutant et avec les prolongements de cette réunion que nous aurons l'occasion de rapprocher nos points de vue.

J.-M. Lefebvre : Une augmentation des cotisations chômage suffira-t-elle pour combler le déficit UNEDIC ?

N. Notat : L'augmentation de la cotisation n'est pas à écarter, tant pour les entreprises que pour les salariés, dans l'urgence, il nous faut une intervention des pouvoirs publics. Ces dernières années, les pouvoirs publics ont diminué les efforts dans l'assurance-chômage. Ce n'est pas normal. Nous demandons au gouvernement de compenser plus qu'il ne l'a fait les frais financiers que nous avons à payer aux banques qui nous aident à finir le mois. Nous lui demandons aussi de reverser au régime d'assurance-chômage la contribution de solidarité qu'il prélève sur la paie des fonctionnaires et instaurée pour l'assurance-chômage. Elle va aujourd'hui dans les caisses de l'État, ce n'est pas normal. Il faut la restituer. Voilà deux mesures urgentes qui s'imposent pour que le régime d'assurance-chômage continue à pouvoir payer les chômeurs à partir de juin.

J.-M. Lefebvre : On parle d'un report à l'automne de la revalorisation des salaires des fonctionnaires.

N. Notat : Ce ne serait pas une bonne méthode. Des engagements ont été pris à travers des négociations avec l'État. Il doit y avoir continuité de l'État. C'est un principe du droit français qu'il faut respecter. Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons que tous les engagements pris dans l'application des accords Durafour soient respectés. Si Le Premier ministre entend demander aux fonctionnaires un effort particulier, qu'il pose la question aux fonctionnaires qui peuvent participer à la solidarité. Le minimum est de commencer à respecter ses engagements. Discutons d'autres mesures de participation des fonctionnaires à l'effort national.

 

24 avril 1993
France 3

E. Cachart : Vos sentiments ?

N. Notat : Nous avons eu des interlocuteurs attentifs. Ils ont enregistré nos propositions. Ils se sont bien gardés de nous dire le sort qui leur serait réservé. Cette journée n'a pas été inutile. C'est le coup d'envoi d'un certain nombre de discussions. Nous jugerons sur les suites.

E. Cachart : Avez-vous fixé des conditions ?

N. Notat : Nous avons dit au Premier ministre que sur les mesures qu'il prendrait, il ferait appel à l'effort général des Français. Que cet effort soit équilibré et partagé. Nous préférons qu'il ait recours à la CSG assise sur tous les revenus, alors que la cotisation ne pèse que sur les salariés.

E. Cachart : Quelle augmentation serait tolérable ?

R : Le niveau est en discussion. Nous souhaitons que les régimes sociaux soient pérennisés, qu'ils assurent à l'avenir aux chômeurs de percevoir leurs allocations, aux malades leurs remboursements et aux retraités leurs pensions. Voilà ce qui est l'enjeu. Il faut faire l'effort de manière équilibrée.

E. Cachart : Qu'est-ce qui serait acceptable ?

N. Notat : Nous avons attiré l'attention du Premier ministre sur l'équité et sur les perspectives d'allégement des charges, de telle sorte que ce ne soit pas un chèque en blanc donné au patronat. Les charges sociales ont été considérablement baissées pour les entreprises, mais l'emploi n'est pas au rendez-vous. La bonne garantie serait que des négociations dans chaque profession s'ouvre pour définir les vraies mesures efficaces pour l'emploi. C'est ce problème qui est en cause aujourd'hui et qui met à mal nos régimes Sociaux.

E. Cachart : Quelle capacité d'innovation reconnaissez-vous au gouvernement ?

N. Notat : Il est trop tôt pour le dire. Nous allons le mesurer à la place que le Premier ministre fera aux propositions que nous lui avons faites sur une réduction globale du temps de travail. Nous le verrons à la place qu'il continuera ou pas à accorder à la concertation sociale, à la place de la négociation collective. Je verrais d'un bon œil, de même que les gouvernements précédents ont réhabilité l'entreprise et l'économie, que ce gouvernement réhabilite la négociation sociale et les syndicats.