Article de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, président du Mouvement des citoyens, président d'honneur et fondateur du club République Moderne, dans "La Lettre de la République moderne" d'avril mai 1998, sur la construction européenne, intitulé "L'Europe et l'euro, paris et périls".

Prononcé le 1er avril 1998

Intervenant(s) : 
  • Jean-Pierre Chevènement - ministre de l'intérieur, président du Mouvement des citoyens, président d'honneur et fondateur du cl

Circonstance : Colloque de République moderne sur l'euro à Paris en avril 1998

Média : La Lettre de République Moderne

Texte intégral

Je veux d'abord remercier le Club République Moderne, son Président, Yves Le Hénaff, Didier Motchane bien sûr, Gisèle Sebag, toute la petite équipe de la rue de Bourgogne et de la rue du Faubourg-Poissonnière, et puis naturellement les participants que j'ai écoutés avec grand plaisir, pendant ces deux journées.

Les débats ont été extrêmement vifs, souvent profonds, animés, et heureusement quand même quelquefois contradictoires. On sent en effet percer une grande inquiétude, un peu comme si nous étions sur le Titanic, avec un sentiment curieux : la mer est d'huile, le navire fonce à toute vapeur, mais il n'a pas encore rencontré la réalité, c'est-à-dire l'iceberg.

Mais on a l'impression que ceux qui l'ont construit et ceux qui le pilotent ne triomphent pas autant qu'ils le devraient. Une sourde angoisse semble les miner. J'ai entendu, dans un lieu dont les délibérations ne sont en principe pas publiques, parler de service minimum, et pourtant je ne vois pas comment on aurait pu se mettre davantage dans la logique du traité de Maastricht.


I - Notre réflexion naturellement s'intègre dans un contexte de crise.

Cette crise qui frappe notre pays depuis plus de vingt ans va toujours en s'approfondissant.

A) Les symptômes en sont nombreux. Ai-je besoin de les énumérer ? Chômage de masse, ghettoïsation des quartiers, jeunesse oubliée, démographie en panne, exclusion sociale, abstentionnisme aux élections, masochisme national, contrition permanente, honte de soi, et incapacité à se projeter dans l'avenir, perte de confiance dans le politique, dans sa capacité à maîtriser l'économie et, par voie de conséquence, tout le reste, voilà les maux qu'il nous faut guérir. Rude tâche...

Pour ce qui nous concerne, nous avons, à chaque étape de cette crise et de son approfondissement, tiré le signal d'alarme. En 1983 d'abord, au moment du tournant libéral, puis plus particulièrement au moment de la ratification du traité de Maastricht. Il est clair aujourd'hui - tout le monde le reconnaît, y compris mes collègues parmi les plus qualifiés - que la politique suivie, en particulier à partir de 1991 avec l'accrochage du franc au mark, un taux de change surévalué, des taux d'intérêt excessifs, est à la source d'une stagnation qui a duré plus de cinq ans et qui certainement a créé des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, qui a gonflé le déficit et la dette. La situation, dont nous avons hérité, s'enracine ainsi dans des choix politiques anciens.

Cette crise, dans toute sa puissance, vient de l'incapacité collective où nous avons été d'apporter une réponse républicaine au défi de la mondialisation libérale. J'ai vécu le tournant de 1983. J'ai vu comment François Mitterrand, qui voulait sortir du système monétaire européen, a été contraint d'y rester, et l'a en quelque sorte rétrospectivement sacralisé et sublimé. A travers une mythologie européiste, on a réécrit toute l'histoire du parti d'Epinay.

On a pris congé de la France en même temps que du socialisme. C'est ainsi que nous sommes devenus jusqu'au sur saut de juin 1997 une République sans vrais Républicains, à l'esprit public affaissé. Sans doute l'histoire de la France au XXe siècle a été malheureuse. Elle en est restée écrasée. Défendre l'intérêt général contre les intérêts particuliers a toujours été ingrat, c'est ce que m'a appris mon maître, le Professeur Nicolet, qui aime à dire que la citoyenneté ne va pas sans quelque abnégation. Mais aujourd'hui, on baptise n'importe quoi de l'épithète « citoyen » : « Entreprise citoyenne », « Revendications citoyennes », on oublie que la citoyenneté va avec la rationalité d'un projet global. On ne peut pas être citoyen si on n'a pas d'abord appris à penser par soi-même et si on ne se réfère pas à une certaine idée de l'intérêt général.

Alors, si le métier de citoyen est toujours ingrat, dans une nation qui a perdu conscience d'elle-même, il est encore plus difficile.

B) L'extrême-droite n'a pas créé la crise, mais elle la révèle. L'extrême droite n'a pas progressé. Elle a même reculé, mais c'est dans la police ! Aux dernières élections professionnelles, elle a perdu trois points. Mais dans le pays, elle n'a pas vrai ment progressé non plus : 0,11 % de 1997 à 1998, alors qu'il y a eu 45 % d'abstentions aux dernières élections régionales.

1. Faux diagnostics.

Le fait nouveau, ce n'est pas la progression de l'extrême-droite ; c'est la collusion entre les petits notables régionaux de la droite et l'extrême droite. Cette collusion exprime d'une certaine façon une victoire de la décentralisation, celle des notables enracinés sur la politique nationale. Elle témoigne surtout à coup sûr d'une porosité certaine au niveau de la thématique idéologique entre la droite et l'extrême-droite. Là est le phénomène central.

On nous dit aujourd'hui qu'il faut encore plus d'Europe, donc moins de France, et plus de centrisme en définitive. C'est-à-dire qu'on nous propose les mêmes recettes qui nous ont conduits depuis vingt ans très exactement là où nous en sommes, au creux de la crise.

2. Faux remèdes.

Je ne pense pas, pour être très franc - c'est dans mes compétences et je m'exprimerai évidemment avec retenue - que la vraie réponse à la montée de l'extrême-droite soit dans un changement de mode de scrutin. Le mal est beaucoup plus profond. Il faut le traiter à la racine.

Il ne faut pas casser le thermomètre. Il faut guérir la maladie. L'idée, par exemple, que j'ai entendu émettre de ne laisser au deuxième tour des législatives que deux candidats n'empêchera pas, voyez-vous, par exemple des candidats du Front National de passer devant, non seulement en Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais en Alsace, dans l'Est, dans d'autres régions encore peut-être.

De la même manière, la suppression de la proportionnelle aux régionales, avec un système de prime majoritaire pour la liste arrivée en tête, pourrait faire courir à la région Provence-Alpes Côte d'Azur de grands dangers. Chaque fois qu'on a voulu traiter un problème politique par un changement du mode de scrutin, ça n'a pas réussi.

3. Les vrais remèdes.

Pour combattre l'extrême droite, il faut mener une politique qui traite le mal à la raciné, car nous vivons une troisième crise de la République.

a) Après celle qui a suivi la défaite de 1871, ce qu'on avait appelé « la crise allemande de la pensée française », avec Drumont, Maurras, Barrès, les Républicains, à travers l'affaire Dreyfus, ont repris le dessus. Dans les années 30, ce fut une nouvelle crise qui a débouché sur une défaite programmée, sur un régime qui s'est installé sur la base de la capitulation, mais qui a été défait. Ce lut l'épopée de la Résistance et de la Libération. Le programme du Conseil national de la Résistance pendant trente ans a été le fil directeur de la politique de la France. Nous vivons une troisième crise de la République. Voilà vingt ans que ça dure, et l'issue n'est pas encore en vue.

b) La deuxième cause de la crise, c'est la perte des repères républicains. C'est la deuxième racine du mal qui ronge notre pays. Tâche immense de l'Ecole. Alors on me dira : « Regardez la Seine-Saint-Denis ». Eh oui ! A force de vouloir ouvrir l'Ecole sur l'extérieur, la violence qui est à l'extérieur pénètre dans l'école. Je pense qu'il faut revenir à quelques concepts simples. L'Ecole est une institution qui est d'abord vouée à apprendre. Mais l'Ecole a une tâche digne de Sisyphe. Elle doit tous les matins remonter le rocher que, bien souvent, dans la soirée précédente, la télévision aura fait descendre. Il lui faut apprendre le respect des autres et de soi, après tant de scènes de violence et de meurtres; apprendre le goût du travail bien fait, après avoir vu le tableau de la réussite par l'argent ; apprendre le respect de la loi quand tout montre le succès de la combine ; apprendre la raison après des torrents d'émotion ; apprendre le temps et la durée après des avalanches d'immédiateté. Lourde tâche.

c) Et pourtant, il n'y a pas d'autre voie que l'apprentissage de la citoyenneté. Si chacun, et spécialement chez les jeunes, n'apprend pas qu'on est libre par le respect de la loi républicaine délibérée en commun et non par la soumission à la loi du plus fort, il ne servira à rien de mettre un policier derrière chaque Français.

Voilà la situation. La dilution de la nation alimente le nationalisme de l'extrême droite. La fin de la France semble programmée à longueur d'éditoriaux et de dîners en ville. Mais sans que jamais rien ne soit proposé à la place. Les plus faibles sont les plus apeurés. Ils cherchent des bras protecteurs. Ils se retrouvent souvent dans ceux des démagogues.


II - La réponse doit être à la fois française, européenne et mondiale.

Alors, comment répondre à cette situation dans le contexte qui vient d'être décrit au long de ces deux jour nées ? Où seront les leviers ? Quelle maîtrise allons-nous avoir sur l'événement ? N'allons-nous pas nous dessaisir des faibles moyens qui pourraient encore être utilisés, à supposer que nous en avons la volonté ? L'histoire récente a montré que la volonté n'était pas au rendez-vous, puisque depuis 1983, nous maintenons la même politique. Avec, il est vrai, une inflexion heureuse depuis un peu plus d'un an. Le dollar à 6,10 francs est quand même plus supportable qu'à 4,50 francs. Mais c'est là principalement l'effet de la politique monétaire américaine. Ce sont les choix du Secrétaire d'Etat américain au Trésor, M. Rubin, plus que les nôtres.

Alors, comment répondre à cette situation ?

A) L'Europe, pour répondre à ses défis, a besoin d'une France républicaine.

Non que je veuille mettre toujours la France en avant. Chacun sait que la puissance dominante aujourd'hui en Europe, c'est l'Allemagne. Mais, j'y reviendrai tout à l'heure, l'Allemagne a encore beaucoup de chemin à faire, car c'est un pays plus encore écrasé que le nôtre par son histoire. Et la France est en Europe le deuxième pays. C'est un pays qui a gardé une diplomatie mondiale, une influence, une langue qui peut encore prétendre à l'universel, même si elle est loin d'être la première.

1. N'opposons pas l'Europe à la République comme le font les libéraux.

Donc, il faut que la France s'affirme en Europe. Cela est nécessaire car l'Europe a besoin de la France. Elle a besoin d'un môle républicain, plaçant délibéré ment le citoyen avant l'homo economicus, avant le marché. Non pas que je nie le marché. Le marché existe. C'est une réalité. Mais il faut que le citoyen existe aussi pour le corriger, pour contrebalancer sa logique. L'Europe a donc besoin de l'impulsion du politique, et par conséquent de la mobilisation des opinions publiques. Je pense que dans cette direction-là, nous devons être très présents dans les mois et dans les années qui viennent, non pas seulement chez nous, mais à l'échelle de l'Europe tout entière, et particulièrement chez nos voisins allemands que nous connaissons si mal, encore plus mal qu'ils ne nous connaissent. J'ai la faiblesse de penser que l'idée républicaine peut structurer une politique nouvelle, et d'abord une politique étrangère distincte. On l'a vu dans la récente crise du Golfe, où la France, seule de son avis, a quand même évité une guerre programmée. Ce n'est pas si mal, et nous ne pouvons pas être mécontents de cet infléchissement de l'Histoire, où notre volonté a pesé.

Pour moi, l'Europe n'a pas besoin de devenir la première puissance du monde. Elle l'a été, elle ne l'est plus. Mais elle peut être le premier carrefour du monde, dans un monde multipolaire. Nous pouvons essayer de construire une Europe distincte de l'empire américain, au lieu de nous mettre à la remorque de concepts qui ne sont pas les nôtres : globalisation, mondialisation, nouvel ordre mondial, que de globalisés nous rencontrons tous les jours ! On s'y prend les pieds.

Cela suppose évidemment que nous soyons capables de penser, et d'abord en direction de nos voisins, d'inclure la Russie dans nos desseins car elle fait partie de l'Europe, d'établir des rapports de justice et de solidarité avec le sud de la Méditerranée, avec le Maghreb, avec le Proche et le Moyen Orient, non pas seulement au plan économique, mais aussi au plan politique. Il s'agit d'arrimer économiquement, politiquement, par l'idée républicaine, ces pays au développement européen. Ne croyez-vous pas que pour l'Algérie, c'est absolument vital ? Et pour la France, le principal problème de sa politique étrangère, c'est peut-être d'aider ces pays à retrouver leur identité et ainsi de s'ouvrir les voies .du progrès. C'est au moins aussi important pour nous que l'élargissement à l'Est. Car les risques sont immenses à tous égards, et pour eux et pour nous.

Se situer dans l'Universel, c'était le défi des Lumières. C'est toujours celui de la République.

Voilà, à mon avis, l'immense chantier qui doit nous mobiliser.

2. Y a-t-il une vision européenne à long terme ?

On est bien obligé de constater, à part quelques exceptions mais il en est peu malheureusement, que le projet monétaire européen semble avoir aujourd'hui effacé tous les autres. Or une monnaie n'a jamais créé une identité politique. Si ça se fait, ce sera la première fois qu'on l'aura vu. Vous me direz que dans la vie, il y a toujours du nouveau. Attendons de voir. D'habitude, c'est l'unité politique, puis la monnaie. C'est la première fois qu'on verra une monnaie qui ne dépendra d'aucun gouvernement, qui sera totalement indépendante. Et c'est aussi la première fois qu'on verra des gouvernements qui n'auront plus de monnaie. Je parle comme Saint-Thomas. Ça ne mérite pas vos applaudissements.

Lionel Jospin, en 1997, vous vous en souvenez, avait mis quatre conditions à la monnaie unique. Je pense que ces quatre conditions ont permis l'alliance de ce qu'on appelle, d'une expression désormais consacrée, la gauche plurielle. Ces quatre conditions à l'Euro étaient, Vous vous en souvenez, l'inclusion de l'Espagne et de l'Italie, un pacte de croissance plus que de stabilité, une parité réaliste avec le dollar et l'existence d'un « gouvernement économique européen ».

De ces quatre conditions, une est acquise. C'est peut-être d'ailleurs la plus importante. C'est l'inclusion de l'Italie. Cela n'allait pas du tout de soi il y a un an. Nous y sommes pour quelque chose. On s'est assis finalement sur les fameux Critères. Ce qui montre que le projet de monnaie unique en dernier ressort est très idéologique. Mais c'est acquis.

Les trois autres conditions sont encore problématiques.

a) La parité future de l'Euro avec le dollar dépendra essentiellement de la politique monétaire américaine.

Le risque d'un Eurofort n'est pas écarté, pour toutes les raisons que vous avez recensées et qui sont malheureuse ment nombreuses.

b) L'existence d'un pouvoir politique capable de faire triompher contre la banque centrale indépendante la priorité de la croissance et de l'emploi reste aléatoire.

Le conseil de l'Euro dit Euro X reste informel. Lionel Jospin rappelle que les gouvernements, c'est-à-dire le conseil des ministres, conserveront leur compétence en matière de politique de change. Mais j'ai entendu Hans Tietmeyer (il est vrai qu'il n'a pas de légitimité démocratique) soutenir le contraire, en distinguant le régime de change -changes flexibles ou changes fixes- qui serait de la compétence des gouvernements, du conseil des ministres, et puis la politique de change au jour le jour qui serait de la compétence de la banque centrale. Là, je crois très franchement qu'il faut donner raison à Lionel Jospin. Vous êtes d'accord ? Les conférences sur l'emploi, notamment celle qui s'est tenue à Luxembourg il y a peu de temps, n'ont défini qu'un concept assez ambigu : l'employabilité. Il est clair que, entre Tony Blair, Helmut Kohl, Lionel Jospin, peut-être demain Gerhard Schröder, la lecture du concept ne sera pas exactement la même.

c) Troisième condition, le pacte de stabilité.

Il n'est pas devenu un pacte de croissance. Blanchard et Fitoussi ont montré qu'une croissance à 3,5 % ou 3,75 % au moins pendant cinq ans où six ans permettraient de réduire le taux de chômage à 7,5 % de la population active en Europe. Ça, c'est un projet, un vrai projet. Et je dois dire que nous sommes pour. Mais est-ce que c'est possible aujourd'hui ? Peut-être que Gerhard Schröder que le chômage préoccupe, parce qu'il est proche des ouvriers allemands, acceptera de renégocier le pacte de stabilité. Vu de loin, il ne me fait pas l'effet d'un dogmatique.

Donc, voilà, nous sommes sur ce grand bateau. L'orchestre joue des mélodies insistantes. Au point où nous en sommes, puisque le bateau a déjà embarqué, nous sommes dessus, j'aurais tendance à penser qu'il vaut mieux se tenir près du gouvernail et aussi, si possible, à la proue du navire, pour scruter l'obscurité afin que si une banquise apparaissait à l'horizon nous ayons le temps de l'apercevoir pour l'éviter, fut-ce en la frôlant, comme on voit dans le film, que ça n'arrive pas ! Enfin, c'est mon point de vue. Il vaut mieux se tenir près du gouvernail que de sauter à l'eau !

3. Quelles sont les issues ?

Nous sommes sur le bateau, la mer est d'huile, le bateau fonce à toute vapeur. Mais nous risquons de rencontrer bientôt la réalité, cette grande pédagogue.

a) Le fédéralisme prôné par certains est irréaliste.

Je partage tout-à-fait le point de vue qui a été exprimé à l'instant par Yves Le Hénaff : ce n'est pas très réaliste. Le budget communautaire représente 1,27 % du PIB communautaire. Nos amis allemands se battent bec et ongles pour qu'on n'augmente pas leur contribution nette qui est déjà assez lourde à leurs yeux, et il est clair que la Commission elle-même a fini par s'y rallier. Elle programme une assez forte croissance, ce qui lui permet d'escompter des ressources. Mais le plafond, c'est 1,27 %. Et je vous rappelle que les budgets cumulés de tous les Etats européens, c'est 25 %. Je ne vois pas comment on ferait des transferts suffisants dans un si bref espace de temps. Ce n'est pas réaliste.

b) Il y a l'idée plus subtile d'une politique budgétaire harmonisée vers le haut, c'est-à dire expansionniste, entre les 15 ou les 20 pays membres, décidé à la majorité qualifiée. Mais outre qu'il faudrait pour cela violer la banque centrale, je ne crois pas, compte tenu de ce que sont les nations européennes, très hétérogènes, très différentes, par leurs cultures, que cela soit possible. Et cette espérance d'une solution institutionnelle illusoire a toujours débouché, vous le savez bien, sur l'immobilisme, c'est-à-dire sur la mer des Sargasses économique. Cette deuxième issue n'est donc, elle non plus, guère praticable. On a vu, au sommet d'Essen, mettre en avant de grands projets européens, et puis ensuite, aucun finance ment communautaire.

c) Troisième issue, à mon avis la seule réaliste, celle d'une souplesse conservée à travers des monnaies nationales n'excluant pas l'existence d'une monnaie commune. Cette souplesse peut déboucher dialectiquement sur un dynamisme retrouvé. On n'évitera pas les chocs qu'on qualifie d'asymétriques, parce que chaque pays a naturellement sa vie. Cela implique des réponses adaptées. Si, par exemple, la France, avait voulu jouer une partition originale en 1991, elle aurait certainement permis que l'Europe soit une zone de Croissance beaucoup plus forte qu'elle ne l'a été tout au long des années 90. Dans cette voie-là, nous pourrons préserver une dynamique d'ensemble répondant aux défis de la crise sociale que nous traversons. Donc, je ne veux pas arbitrer entre l'hypothèse de l'explosion, ou bien celle du redressement du dedans. On peut s'arrêter en quelque sorte à mi-chemin. C'est d'ailleurs une proposition qui a été faite par Alain Peyreffitte, il y a un an ou deux. Cette solution est sans doute la plus raisonnable. Comme Jean-Yves Autexier le disait hier : « A Kourou, ayant d'envoyer une fusée, on vérifie tous les paramètres et on fait en sorte que tous les réglages soient effectués ». « Nous sautons dans le noir », disait le chancelier Bethman Hollweg le 2 août. 1914. On sait où ça a conduit. Donc, je serais partisan de ne pas sauter dans le noir et de faire triompher ce principe cher aux écologistes, avec lesquels il m'arrive de me trouver quand même des convergences. C'est le fameux « principe de précaution ». Je suis, en matière de politique monétaire, partisan du principe de précaution.

Cela nous permettrait de remettre la construction européenne sur ses pieds en partant des nations. Je ne crois pas qu'il faille avoir peur de l'Allemagne. D'abord, parce que l'Allemagne a beaucoup souffert. Le grand risque c'est que l'Allemagne, tellement fascinée par les Etats-Unis, nous assujettisse encore davantage à leur politique. Plus l'Allemagne sera allemande, au contraire, plus l'Europe sera européenne. La France peut l'aider à surmonter son passé, non pas en communiant avec elle dans la repentance et dans l'autoflagellation, mais en comprenant et en l'aidant à comprendre comment l'accident du nazisme a été rendu possible par l'incapacité où elle a été de résoudre convenablement le problème de la citoyenneté et de la nation quand il en était temps, c'est-à-dire il y a déjà très longtemps. Je vous rappelle que le droit de la nationalité en Allemagne aujourd'hui, le fameux droit du sang, le jus sanguinis, date d'une loi de 1913 qui a toujours cours. Il est évident que cette conception s'enracine dans une vision du monde profondément inégalitaire. Rien n'est plus important que de cimenter une solide amitié franco-allemande et que d'aborder enfin les vraies questions.

Je crois que le dialogue entre la France et l'Allemagne, pour m'être un peu intéressé à ce sujet, est resté malheureusement désespérément superficiel, parce qu'il a été confisqué par la démocratie chrétienne, parce que depuis cinquante ans, ce sont les mêmes qui servent d'interlocuteurs aux chanceliers allemands successifs, de sorte que la démocratie chrétienne allemande dialogue finalement avec l'image que lui renvoie le miroir que lui tendent des hommes tout à fait estimables comme le Professeur Rovan et le Professeur Grosser. Il ne me viendrait à l'esprit de diminuer leurs mérites qui sont grands. Mais leur sensibilité n'exprime pas toute la sensibilité de la France. La France est plurielle et il serait quand même bon qu'il y ait une discussion avec d'autres familles d'opinions. Ce sera plus facile sans doute si Gerhard Schröder devenait chancelier d'Allemagne. Peut-être alors allons-nous pouvoir aborder ces vraies questions qui n'ont jamais été au coeur du débat franco-allemand, mais qui méritent de l'être : la discussion sur la citoyenneté, sur l'immigration, sans méconnaître la diversité des situations nationales et des tropismes qui touchent naturellement l'Allemagne - la communauté turque est très forte - et la France où naturellement les communautés algérienne, marocaine, tunisienne, et celles de l'ensemble des pays francophones, sont très enracinées. Troisième thème, la laïcité, la place faite à la religion. Et je dirai en conséquence la définition de l'Europe, non pas par rapport aux autres aires culturelles voisines, l'orthodoxie ou bien l'islam, mais à travers une définition européenne moderne, c'est-à-dire laïque, une capacité de penser à l'échelle du monde et d'affirmer clairement la vocation européenne à l'Universel. Nous en sommes très, très loin aujourd'hui, et il faut vraiment toute la puissance d'aveuglement dont nos élites sont capables pour ne pas mesurer cela.

B) Cette mise en perspective de la construction européenne prendra du temps. Aussi, sans attendre, l'exigence républicaine nous invite à préciser un projet national.

Comme l'a fort bien dit Lionel Jospin le 19 juin 1997 : « Il nous faut faire en tous domaines, retour à la République ». C'est un programme gouvernemental dont je ne vous cache pas qu'il me plaît. Nous étions au pied du mur. Nous voilà à pied d'oeuvre. J'ai entendu toutes les incertitudes qui se sont exprimées, d'ailleurs légitimement. Vous connaissez le tableau des forces en Europe et dans le monde. Pour rejeter le projet de marché transatlantique, nous n'avons pas beaucoup d'alliés. Mais mener une action politique, ce n'est pas seulement affirmer des convictions. C'est aussi se situer dans un champ de forces. Gageons qu'il y aura dans les années qui viennent des secousses, des chocs, des réactions. On se tournera le jour venu vers les politiques lucides. Nos convictions sont nettes. Mais, vous le savez, le rôle de Cassandre est ingrat. Nos convictions s'expriment toujours, non pas, comme je l'ai dit, par le harcèlement ou la danse de Saint-Guy, mais dans la sérénité de ceux qui ont confiance dans leurs idées. Bref, nous essayons de trouver le bon chemin et nous ne sommes pas restés au bord de ce chemin. Le grand défi politique qui est devant nous, nous le savons bien, en France, ce grand défi, c'est l'hégémonisation de la droite par l'extrême-droite. D'où la nécessité de ne pas laisser la nation à Le Pen et d'opposer à la vision dévoyée, défigurée qu'il en donne, à la vision ethnique, une vision citoyenne.

1. Nous devons être fermes sur les concepts.

Monsieur Sanson, dans les colonnes d'un journal du soir, disait qu'il fallait « déconstruire le discours de l'extrême-droite ». Eh bien, je vais m'y attacher. Laisser la nation à Le l'en, ce serait une très grave erreur, ce serait jeter dans ses bras des millions et des millions de nos concitoyens.

Je vais essayer d'expliquer quelques concepts clairs.

J'aimerais en convaincre aussi bien la droite que la gauche. La droite pour qu'elle se sépare du Front National. La gauche pour qu'elle comprenne ce que sont ses responsabilités.

a) Tout d'abord la nation pour nous telle que nous la concevons, communauté de citoyens, est une articulation entre le particulier et l'universel. C'est la manière que nous avons d'être responsables au monde, et il n'y en a pas d'autre, car les hommes se reconnaissent, qu'on le veuille ou non, au plan politique dans leur appartenance nationale. Ce n'est pas en étant moins français que nous serons plus européens. Jaurès le disait déjà : « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène ». Je vous ferai remarquer au passage que la France est le seul pays d'Europe qui, chaque année, accorde à cent mille femmes et hommes sa nationalité. Cent mille acquisitions de la nationalité française. Allez voir dans les pays voisins. Ça se compte par quelques milliers, rarement plus. Mais ce n'est jamais dit. Masochisme national ? On a lieu de le craindre !

b) L'égalité des droits sociaux. Nous sommes en train de la parfaire à travers le projet de loi Réséda, (relatif à l'entrée et au séjour les étrangers et au droit d'asile). Le projet de loi Réséda accorde aux étrangers établis en situation régulière en France - 4 millions - l'allocation adulte handicapé et les prestations du fonds national de solidarité, prestations non contributives. Nous considérons qu'à partir du moment où ils sont présents sur notre sol, où ils ont travaillé, payé des cotisations, payé leurs impôts, ils ont exactement les mêmes droits sociaux que les citoyens français. Je me suis battu à l'Assemblée et au Sénat pour faire comprendre cela. Ça a été difficile parce que la droite n'est pas du tout prête à le comprendre. Et pourtant, c'est un principe de base. Je dirai que c'est tout à fait le contraire de ce que d'autres appellent la préférence nationale. Naturellement, l'égalité des droits sociaux ne signifie pas l'égalité des droits civiques. Cela, c'est autre chose, parce qu'il faut que naturellement, les droits civiques correspondent à une appartenance politique clairement manifestée, la citoyenneté. Tout cela implique quand même qu'on distingue entre le régulier et l'irrégulier, car la France n'a pas évidemment vocation à accueillir au titre du séjour 85 millions de visiteurs étrangers par an, et même 1 700 000 titulaires de visas. Cela suppose aussi que nous ayons une approche des relations Nord-Sud qui soit distincte de celle du nouvel ordre mondial américain et fondée sur l'idée du co-développement chère à Sami Naïr. Idée beaucoup plus politique encore qu'économique et sociale, bien qu'elle inclue toutes ces dimensions. Cela veut dire par exemple que le problème des Irakiens qui passent notre frontière à Vintimille pour aller en Allemagne rejoindre les communautés kurdes installées là-bas se situe d'abord en Irak. Il est d'abord à résoudre au Sud. Il n'est pas d'abord dans l'octroi de titres de séjour. Il peut l'être provisoire ment, mais la vraie solution consiste à réintégrer un jour, et le plus vite sera le mieux, l'Irak dans la communauté internationale, en levant l'embargo. L'Algérie a besoin de notre aide pour construire son avenir à travers une identité moderne accordée aux exigences de notre temps. Si on veut assouplir la politique des visas en provenance de l'Algérie, doubler le nombre des visas, voire le quadrupler, il faut que le droit du séjour puisse s'appliquer. L'Algérie ne doit pas être considérée désormais comme un pays perdu. L'Algérie doit combattre pour créer une identité moderne et pour assurer son avenir. L'intégrisme n'a pas encore triomphé.

2. Le Mouvement des Citoyens a réuni hier son conseil national. Nous sommes des cibles privilégiées pour tous les tenants de l'ultra-libéralisme et pour tous les tenants du post-national, c'est-à-dire tous ceux qui, au-delà de ce qui les différencient, ne voient de solution que dans la négation de la nation. Et dans la mesure où ceux qui ne nous aiment pas préfèrent ne pas discuter sur les concepts, ils nous attaquent par exemple sur ce projet de loi que je viens d'évoquer, le projet Réséda, dont je ne devrais pas avoir à rappeler qu'il n'est pas le mien, mais celui du gouvernement tout entier.

Alors, je veux vous faire part de quelques réflexions. Il y a naturellement parmi ceux qui protestent des gens sincères. Je ne l'ignore pas. Il y a aussi quelquefois des gens insincères. Je ne vais pas les énumérer. Ça prendrait trop de temps ! La gauche-caviar ne nous aime guère, ce n'est pas nouveau. Nous lui rendons ses sentiments depuis des lustres.

Nous avons conscience, en faisant le travail que nous faisons, de rendre un éminent service d'abord à la gauche. Nous lui retirons une épine du pied, qui n'est pas une petite épine. Elle nie nous en voue pas forcément une reconnaissance évidente, pour la bonne et simple raison qu'elle n'a pas encore compris l'erreur dans laquelle elle s'était fourvoyée en tombant dans le piège que la droite lui tendait pour qu'on parle de l'immigration plutôt que du social.

Je vous ferai observer que, pour ce qui est de la gauche dite plurielle, tout le monde est d'accord sur le principe : la maîtrise des flux migratoires. J'ai interrogé tous les leaders et les députés. Principe du contrôle des flux migratoires : d'accord. Pas une feuille de papier à cigarettes entre Noël Mamère et moi-même sur ce sujet. Mais quand il s'agit de passer aux travaux pratiques, alors là, il n'y a plus personne. Ils ont disparu.

Et pourtant, sur le principe des reconduites, on ne peut qu'être ferme. Ce n'est pas plaisant, mais vous savez, les prisons, ce n'est pas plaisant. Les mouroirs, ce n'est pas plaisant. Les plans de licenciements, ce n'est pas plaisant. Les expulsions de logements, ce n'est pas plaisant. Le chômage, ce n'est pas plaisant. Et beaucoup d'autres choses ne sont pas plaisantes. On peut simplement humaniser les réalités.

C'est ce que nous avons essayé de faire. Le but de Réséda, c'est de stabiliser et d'intégrer s'ils le veulent les étrangers en situation régulière. Et nous y réussirons malgré les campagnes injustes que nous subissons. Il y a quand même au titre de la circulaire du 24 juin 1997 probablement 60 000 régularisés dans l'état actuel des choses. N'est-ce rien ? Et les critères des médiateurs de Saint-Ber nard qui étaient bons en septembre 1996 sont-ils devenus mauvais aujourd'hui ? Le droit de vivre en famille consacré, le droit d'asile accordé aux combattants de la liberté et à ceux qui sont réellement menacés dans leur vie, la parfaite égalité des droits sociaux, n'est-ce rien ? Ces avancées incontestables s'accompagnent aussi d'un assouplissement de la politique des visas et de la suppression de toute une série de tracasseries inutiles.

Alors, je le dis calmement : j'assume cette responsabilité. Je l'assume au nom du gouvernement, au nom de la gauche. Je ne demande pas qu'on soit solidaire de Jean-Pierre Chevènement. Je demande simplement à la gauche et au gouvernement d'être solidaires d'eux-mêmes.

3. Revenons au sens que notre action peut avoir.

Chacun est à son établi, à son fournil. Le mien n'est pas le moins exposé. C'est un travail assez rude. Mais chacun doit faire ce qu'il a à faire en ayant présent à l'esprit le sens général de l'action commune.

J'ai souvent dit que l'Euro relevait du pari pascalien. La foi n'est donc pas tout-à-fait nécessaire pour garder l'espoir. J'ai exprimé mon doute méthodique en plusieurs circonstances. Sortir de la dépression dans laquelle nous sommes, implique une autre politique économique; la croissance est revenue, tant mieux. Et une autre politique sociale : le Parlement débat d'une loi sur l'exclusion bienvenue pour traiter toutes les facettes de ce drame, logement, ressources minimales, assurance maladie universelle, etc. Cette loi n'a de sens que si elle s'inscrit dans un mouvement ascendant de retour à la croissance et à l'emploi et si elle ne sert pas d'alibi à la prolongation d'un monétarisme asphyxiant.

Sortir de la grande dépression de la fin du siècle, c'est aussi reprendre confiance en nous-mêmes. Et c'est ce que je voudrais vous dire : la France n'est pas à la fin de son histoire. Si nous avons connu des moments noirs, nous avons aussi écrit des pages magnifiques. Nous avons forgé de belles réussites industrielles, technologiques. Nous avons inscrit de grands chapitres au grand livre de la recherche mondiale.

Notre tâche; quelles que soient les secousses, les convulsions, les adaptations, c'est de refonder la France sur des bases républicaines solides, non pas à l'écart des autres, mais en essayant de trouver avec nos voisins, et d'abord avec l'Allemagne bien sûr, un accord qui soit capable de s'inscrire dans la durée pour peser dans un certain nombre d'instances et pour peser dans le même sens. Nous ne sommes pas des anti-Européens. Nous sommes pour la solidarité des nations européennes. Fonder la France sur des bases républicaines solides, refonder la France, cela veut dire aussi rappeler que la vie en société, la vie dans une société démocratique implique quelques règles. C'est le sens du colloque de Villepinte autour du Premier ministre et d'autres membres du gouvernement. Nous avons défini l'équation d'une politique de sécurité égale pour tous. Dans les quartiers difficiles, comme dans les beaux quartiers, car l'affirmation de la loi républicaine est la seule manière de ramener de l'ordre dans les esprits, de faire reculer l'extrême-droite, et accessoirement de contenir ceux qui, méconnaissant la nécessité de règles démocratiques, confondent la République avec l'anarchie, voire inconsciemment, avec l'ultra libéralisme, et poussent les masses apeurées justement là où ils prétendent ne pas vouloir qu'elles aillent, dans les bras de l'extrême-droite. La question que je pose est simple : pro clamer que tout étranger a le droit quasi imprescriptible de s'installer durable ment sur notre sol, n'est-ce pas alimenter les peurs des couches populaires et alimenter la crise qui transforme nos cités en ghettos ? Pour contenir l'extrême droite, il faut définir une loi juste et la faire appliquer.

La loi républicaine, eh oui, c'est notre Evangile. La loi républicaine, elle doit triompher, en Corse comme sur le continent. Soit dit en passant, les contrôles effectués dans l'île ces jours derniers ne sont que la conséquence d'une politique engagée dès 1997 par le gouvernement, une politique que j'étais allé annoncer, en juillet 1997, l'affirmation ferme et sereine de la loi républicaine. Il faut le temps que cela s'organise, bien entendu. La résolution des pouvoirs publics est sans faille. La loi républicaine, c'est l'intérêt de la Corse, c'est l'intérêt de son développement, c'est l'intérêt de nos concitoyens corses que je ne confonds nullement avec quelques groupes politico-mafieux qui, eux, auront des comptes à rendre.

Et je tiens à préciser que le préfet de Corse ne fait qu'appliquer les directives qui lui sont données par le gouvernement.

Aujourd'hui, nous pouvons quand même, après nous être donnés cette rude tâche, considérer qu'il y a place pour la France dans le monde de demain. Il y a place pour l'exemplarité, sans souci de conquête ou de domination. Il y a place pour un modèle républicain moderne, pour une société citoyenne sans apartheid social, sans quartiers-ghettos, car c'est bien là l'enjeu de la politique dans nos villes. Est-ce qu'on va aller vers le communautarisme à l'anglo-saxonne ?

Ou est-ce qu'on va maintenir l'idéal d'une société citoyenne ? C'est le grand enjeu, à la fois d'une politique de l'emploi, d'une politique sociale, d'une politique de l'urbanisme, d'une politique de la sécurité. Qu'est-ce que nous voulons faire ? Voulons-nous que la République vive ? Ou acceptons-nous de nous laisser pousser vers une société de ségrégation et de replis communautaristes ? Est-ce que vous croyez que la France le supportera ?

Faire vivre une France républicaine et laïque, môle de référence pour les peuples en quête de liberté et de dignité, être le grand avocat des nations opprimées et le grand combattant des causes justes contre les embargos, par exemple, où qu'ils se produisent. Nous atteler à cette tâche, c'est regagner confiance en nous-mêmes, regagner la confiance en la France. C'est ainsi que nous répondrons au désir du pays, car le peuple a besoin de règles et de repères clairs, de règles démocratiques, mais fermes. Il a besoin de règles en matière de sécurité, en matière d'immigration, en matière de protection sociale, en matière d'identité nationale.

Et je vous ai dit qu'elle était notre réponse, celle de la citoyenneté, celle de la nation citoyenne. La France ne peut pas vivre sans un grand dessein. Elle doit d'abord être exemplaire pour elle-même, en l'étant si possible pour les autres. Est-ce un désagrément ? Non. Je crois que cette exception, comme on le dit d'un terme que je n'aime pas beaucoup, c'est en fait la réaffirmation de la vocation de la France à l'Universel. Cette exception mérite de vivre parce qu'elle appelle au meilleur, et nous sommes là, comme toujours pour le rappeler.

L'Euro, croyez-le, Chers Amis, ne sonnera pas le glas de la France. La France durera plus longtemps que l'Euro !