Intervention de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, à la Commission exécutive des 14 et 30 juin 1993, publiées dans "Le Peuple" du 8 juillet, sur l'action de la CGT et le débat interne au vu de la situation économique et sociale.

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Circonstance : Réunion de la commission exécutive de la CGT du 14 au 30 juin 1993

Média : Le Peuple

Texte intégral

Sur décision du bureau confédéral, les travaux de la commission exécutive sont, exceptionnellement, publiés dans "Le Peuple".

Introduction de Louis Viannet, secrétaire général de la CGT

Le caractère un peu particulier de cette commission exécutive est lié au prolongement du CCN, aux réactions suscitées par ce que j'ai pu y dire, que j'assume évidemment sans réserve, et par la volonté qui s'est dégagée des discussions normales au bureau confédéral pour pousser le débat sur les questions dont l'actualité confirme à quel point elles sont décisives.

Nous avons convenu – je parle là du bureau confédéral – de ne pas dessaisir le CCN. Il lui appartient de débattre et, pour ce faire, nous proposons qu'à titre exceptionnel nos travaux d'aujourd'hui trouvent traduction dans un numéro spécial du "Peuple" envoyé à tous les membres du CCN.

De ce fait, et pour placer chacun et chacune des membres de la CE, bureau confédérai compris, en situation d'égalité de droits et de devoirs, l'introduction de notre discussion n'est pas présentée au nom du bureau confédéral ; ce qui ne signifie nullement que nous n'en n'ayons pas débattu et assez longuement d'ailleurs.

Ensemble, nous avons considéré que la richesse des réflexions que nous voulons susciter, la complexité des questions qui se posent à nous, la rapidité avec laquelle évolue la situation pousse à cette démarche. Ce qui a le mérite d'éviter toutes spéculations a priori, sur les points d'accord, de différence où de désaccord qui existent ou peuvent exister et sont, finalement, le reflet du caractère large et pluriel de la CGT dans chacune de ses organisations et dans la direction confédérale. Je pense même qu'il y a un lien étroit, d'une part, entre la prise en compte dans le comportement de chacun et de chacune de cette diversité, dont il faut bien voir qu'elle porte aussi bien sur les individus que sur les organisations et, d'autre part, la capacité à débattre, c'est-à-dire à soumettre au feu de la discussion collective des idées ou des approches différentes. Soumettre au feu de la discussion collective implique évidemment le droit à l'expression du désaccord pour tout le monde.

À elles seules les questions en débat pourraient justifier d'un long exposé. J'ai préféré construire ou chercher à construire cette introduction, en dégageant sur les points les plus importants les termes des questionnements, des alternatives qu'ils sous-tendent.

La force du 44e congrès, le caractère novateur des pistes qu'il a ouvertes résident précisément dans l'aide qu'il représente, les points d'appui qu'il porte pour affronter les situations nouvelles et travailler à l'élaboration de réponses qui aident au rassemblement, à la convergence des luttes, à l'unité d'action, bref à la constitution du rapport des forces le plus favorable possible pour les salariés.

Mettre en œuvre le 44e congrès

Dès lors, le problème qui nous est posé n'est pas d'appliquer le 44e congrès, mais de le mettre en œuvre et ce n'est pas une simple nuance de vocabulaire. Car cette mise en œuvre appelle créativité, recherche permanente de formes et de réponses nouvelles dans et pour notre propre activité.

Il n'est pas étonnant donc qu'à chaque accélération des événements les questions se fassent plus fortes, les débats plus vifs, l'expression d'opinions différentes plus nette, et l'existence de désaccords plus apparente.

Il n'y a là rien que de très normal, et la vie montre que l'on peut les dépasser dès lors que ne pèsent pas trop fortement les tendances "44e congrès, réponses à tout", grille de référence à l'intérieur de laquelle devraient se mouler réflexions, expressions et comportements. Sinon, on risque de voir se stériliser la réflexion. Cristalliser les positions serait grandement préjudiciable.

Il va de soi que notre CE ne peut se dispenser de prendre en compte d'abord l'actualité, pour au moins deux raisons.

La première, c'est que nos débats, nos discussions n'ont de sens qu'en prise directe avec la vie, les réalités de la situation, les questions qu'elle nous pose, et les réponses que nous allons y apporter.

La deuxième, c'est que les forces militantes de la CGT, comprendraient mal qu'au moment où tant de coups sont portés aux salariés, tant de menaces lourdes pour leur situation actuelle et leur devenir sont présentes dans les dispositions gouvernementales et patronales, la CE de la CGT discute d'autre chose que des conditions à réaliser, des mesures à prendre ou à impulser pour favoriser le rassemblement et l'action.

Deux registres de réflexions méritent notre attention. D'abord, ce qui se confirme quant aux possibilités de mobilisation, de rassemblements, d'actions.

Les changements qui se précisent dans l'état d'esprit des salariés de diverses catégories, la combativité qui prend des formes actives, chez les techniciens, les cadres, les ingénieurs, chez les employés, chez les ouvriers, dans les différentes branches ou secteurs. Un réflexe de ne pas se laisser faire est en train de grandir. Bien évidemment tout cela évolue dans des conditions forcément difficiles et souvent contradictoires.

D'une part les succès remportés qui confortent cette confiance, avec notamment le jugement Manufrance, qui constitue un exemple pas tellement fréquent d'impact immédiatement perceptible du rôle des rapports de forces.

Nous devons d'autant plus le valoriser que les efforts pour mobiliser ont été importants. Et si, comme nous l'avons dit, ce succès appartient à tous ceux et celles qui ont contribué à la mobilisation, alors faisons le connaître, mettons-le au service de cette confiance dont les salariés ont besoin.

Même remarque avec le recul du gouvernement, sur la compensation des baisses de salaires que nous devons valoriser pour que se poursuive la pression des salariés, et que soient stoppés les comportements arrogants des patrons, qui n'en finissent pas d'innover dans des formes dégradantes de rejet des salariés.

Nous ne le répéterons jamais assez. Cette mesure du gouvernement Balladur, n'était rien d'autre qu'un élément de mise en œuvre accélérée de partage du travail à la sauce patronale et elle mérite des efforts tenaces pour en faire percevoir la nocivité, le danger et parvenir à la mettre définitivement en échec.

Les débats dans les congrès des fédérations ou des unions départementales qui viennent de se tenir, confirment combien ces éléments de confiance, de dynamisme sont importants et perçus comme tels pour peu que l'on fasse ce qu'il faut pour les valoriser.

Dans le même temps, le 27 mai – la journée d'action – dont légitimement tout le monde confirme à quel point elle était bienvenue, témoigne de la ténacité avec laquelle nous avons besoin de conduire les débats, avec les syndiqués et les salariés pour favoriser le développement de l'action.

En attente d'initiatives soutenues

Nous devons aider à la lumière du 31 mars, à faire percevoir ce que peuvent permettre des initiatives, dès lors qu'elles sont bien ciblées, bien adaptées, impulsées et conduites en appui de l'ensemble de notre démarche et en même temps se garder de l'idée que l'étape suivante devrait être forcément et automatiquement d'un niveau plus élevé.

Par contre, ce qui se dégage de ces dernières semaines, c'est que notre mouvement est maintenant en attente d'initiatives soutenues, résolument offensives, clairement présentées comme partie intégrante d'un processus, même si l'on sait que toutes ces initiatives n'auront pas le même impact.

Si nous voulons vraiment capitaliser toutes les avancées réalisées, et elles sont nombreuses et intéressantes, dans l'articulation entre initiative d'impulsion et mise en œuvre démocratique de masse de ces initiatives, nous devons faire apparaitre la pleine cohérence entre les éléments de confiance que nous valorisons et les initiatives que nous prenons.

D'autant que la situation s'alourdit considérablement. Alors même que l'essentiel des mesures Balladur n'a pas encore donné ses effets. Au nom de la lutte contre le chômage gouvernement et patronat continuent d'effectuer des transferts énormes des salariés vers le capital, frappant de plein fouet la consommation, et rendant de ce fait, plus draconiennes encore les exigences de rentabilisation.

Alors que la concurrence est plus forte et les débouchés plus restreints, coût du travail, statut du salarié, dépenses sociales, dépenses publiques, tout est maintenant en cause.

Le gouvernement Balladur se sert ouvertement de la poussée du chômage pour aggraver le chômage et tenter de donner ainsi une chance à une sorte de consensus unité nationale au nom de la gravité de la situation.

L'organisation des discussions sur l'Unedic est révélatrice de cette démarche. Le risque de nouvelles diminutions des prestations servies aux chômeurs est bien réel. Au nom d'un raisonnement faussement équilibré, on nous dit : "le gouvernement intervient sur l'arriéré, les patrons acceptent de ne pas baisser les cotisations, les syndicats doivent accepter une baisse des prestations".

C'est cela le faux équilibre au nom duquel on fait pression dans ces discussions et on ne change rien aux scandaleuses pratiques de gestion de l'emploi qui font que les grands groupes privés ou nationalisés persistent dans les suppressions d'emplois tandis que se développent les profits et que s'aggrave l'intensification du travail.

Jacques Calvet n'affirmait-t-il pas vendredi sur France Inter que la productivité sur le groupe PSA avait progressé de 12 % en 1992, qu'il en attendait autant en 1998 en justifiant les licenciements et le développement du chômage partiel par le besoin d'un taux de rentabilité toujours plus élevé. 24 % d'augmentation de la productivité en deux ans.

Il est donc important que la poursuite du processus des discussions sur l'Unedic donne lieu à un engagement plus important dans les entreprises, pour éclairer les enjeux qui sont cette fois très graves, débattre avec les salariés des objectifs à faire grandir et de l'importance que ces objectifs soient pris en compte par l'ensemble des organisations syndicales.

Même si notre commission exécutive se tient le 14 juin, tout nous conduit à considérer que les mois d'été doivent moins que jamais connaître un ralentissement de l'activité syndicale.

De nombreuses initiatives sont prévues dans les jours qui viennent, dans les fédérations, régions ou départements. Toutes sont importantes. Toutes doivent faire l'objet d'une préparation attentive sans rien négliger des possibilités d'élargissement qu'un travail intense de préparation peut favoriser. Pour prendre un exemple : comment la journée prévue en Aquitaine, à partir des problèmes posés dans la Société nationale des poudres peut déboucher le 18 sur une grande journée interprofessionnelle d'actions pour l'emploi ?

La question est posée de donner un impact beaucoup plus fort que d'habitude à la mobilisation autour de la réunion de la Commission supérieure de la négociation collective. Il serait bien que la commission exécutive, non seulement en discute, mais précise les formes que nous avons intérêt à donner à cette journée.

Dans la même foulée, j'insiste de nouveau sur l'importance des initiatives prises au cours de cette semaine et sur les problèmes de l'immigration et contre les lois que prépare, ou que fait voter le gouvernement et, en particulier, sur l'importance de la manifestation du 19 juin, c'est-à-dire samedi après-midi.

Le 1er juillet, l'essentiel des mesures Balladur va prendre effet.

Les conditions de débat avec les salariés vont se modifier de ce fait. Et nombre d'entre eux et d'entre elles peuvent se trouver plus réceptifs encore à l'idée de la nécessité d'agir. Salaires, protection sociale, retraites, conditions de travail et réduction de la durée du travail en lien étroit avec les problèmes de l'emploi : autant d'objectifs à partir desquels nous pouvons mobiliser.

C'est en affirmant la présence partout dune CGT combative, décidée à favoriser toutes les possibilités d'actions, de convergence de ces actions, à impulser le processus unitaire que nous créerons, les conditions d'une rentrée combative dans laquelle nous aurons à poursuivre et à intensifier les avancées réalisées entre initiatives coordonnées d'impulsion et mise en œuvre sur le lieu du travail de notre démarche avec les syndiqués et avec les salariés.

C'est à la lumière de ce survol très rapide de l'actualité, que je voudrais aborder une première partie des éléments de réflexion que nous avons à faire prendre en compte dans les débats qui foisonnent aujourd'hui dans la CGT. Souvent de bonne façon, c'est-à-dire à partir d'une démarche de recherche, quelquefois avec des a priori, divers d'ailleurs, ce qui rend la discussion plus difficile, quelquefois marquée par l'affirmation de clivages dont chacun sait que leurs caractéristiques essentielles sont de figer la réflexion.

Or ce qui est important, c'est d'aider à la réflexion. Et aider à la réflexion de ceux et celles qui sont en recherche en pointant tout ce qui bouge et en essayant ensemble de clarifier les grands enjeux de la période, dont on peut dire qu'ils évoluent aujourd'hui à un rythme accéléré.

La montée préoccupante des contradictions

Le premier aspect, à ce propos, sur lequel je pense qu'il est nécessaire de réfléchir, concerne la montée préoccupante des contradictions en France, en Europe et dans le monde.

En toile de fond, nous trouvons bien sûr l'aggravation des contradictions du capitalisme lui-même. Aussi bien entre le capital et les peuples, qu'entre les différentes fractions du capital avec un formidable aiguisement de la compétition pour tenter de dominer les marchés solvables et contrôler les innovations technologiques. Mais le développement de ces contradictions traverse tous les aspects de la vie économique et sociale et conduisent à des situations où les réponses vont devenir de plus en plus difficiles à formuler et à mettre en œuvre, et où l'enjeu du contenu de ces réponses lié à la question de savoir qui va causer le plus fort du capital ou des salariés devient considérable.

C'est vrai en France, c'est vrai en Europe et c'est vrai dans le monde.

Il serait intéressant de développer et réfléchir sur tous les problèmes nouveaux que nous posent, à tous les niveaux, ces différents aspects. Par exemple, par rapport au Gatt dont le caractère d'instrument au service des USA et des grandes puissances devient de plus en plus insupportable ou de moins en moins supportable et au sujet duquel, en lien avec notre bataille pour le renouveau du syndicalisme international, des initiatives ne sont-elles pas à élaborer et à mettre en œuvre. Et ce, assez vite.

Par rapport à l'Europe où, très officiellement, les experts de l'OCDE admettent qu'elle est entrée en récession, annoncent une nouvelle montée du chômage, donc une nouvelle pression sur les salariés, sur la consommation, affirmant sans la moindre hésitation que l'on va vers une progression du "dumping social". Dès lors, la question du contenu de notre activité, ne doit-elle pas prendre en compte le fait que les délocalisations, qui ont effectivement commencé depuis de nombreuses années dans quelques branches, prennent aujourd'hui une ampleur nouvelle, à une échelle sans précédent et avec une dimension stratégique qui va alimenter des formes exacerbées de contradictions entre les peuples, entre les peuples des pays sous-développés et des pays développés, entre les peuples des pays sous-développés eux-mêmes, ou en voie de développement, ou en transformation, voire entre les peuples des pays industriels eux-mêmes.

Cinq millions d'emplois sont estimés menacés en Europe et dans des secteurs qui n'ont rien à voir avec la grande production, tels que la billetterie, la comptabilité, le montage avion, bien d'autres.

Car cette stratégie, qui a pour fondement le fait que ces opérations requièrent des capitaux limités et génèrent des bénéfices considérables, ne peut avoir d'autre frein qu'un formidable mouvement d'opposition profonde du monde du travail. Cinq cent mille emplois ont été supprimés en France du fait de ces pratiques, dans le textile, l'habillement, la chaussure, la mécanique, le jouet, la construction électrique.

La CGT n'a-t-elle pas un rôle à jouer dans les groupes ? dans les institutions européennes ? dans le développement de nos activités et l'élaboration d'objectifs revendicatifs ? pour souligner la gravité des conséquences et l'importance décisive de voir se développer un comportement syndical offensif.

D'ici le prochain CCN, et en utilisant au mieux les journées de Courcelle, nous aurons à continuer à élaborer beaucoup de pistes de travail dans tous ces domaines.

La montée impressionnante des exclusions

Mais, d'ores et déjà, l'impact de ces évolutions nous pose des questions lourdes sur les moyens d'affronter en termes de lutte ces réalités. Par exemple, chez nous en France, comment traiter en termes de rassemblement, de convergences, les questions brulantes de la montée impressionnante des exclusions.

Montée du chômage, cinq millions d'hommes et de femmes exclus du monde du travail, développement extraordinaire de la précarité, multiplication du champ dans lequel se développent les petits boulots, les faux emplois, autant d'éléments qu'il n'est plus question de traiter en termes de marginalité, lorsque cela concerne près de 30 % du monde salarié qui, pour l'essentiel, même si les premiers efforts entrepris commencent à porter leur fruit, échappe à notre champ d'activité.

Mêmes questions concernant l'accentuation des oppositions entre les situations diverses que connaissent aujourd'hui des hommes et les femmes de notre pays. Opposition qui grandit et qui va grandir :
- entre ceux et celles qui ont un emploi et ceux et celles qui n'en ont pas,
- entre ceux et celles qui ont du travail – et je vous ferai remarquer que je fais une nuance entre avoir un emploi et avoir du travail – et ceux et celles qui n'ont rien du tout,
- entre ceux et celles qui ont un statut, qui bénéficient encore d'une convention collective, qui ont une qualification qui leur est encore reconnue et tous les autres qui voient s'avancer ces phénomènes de rejet grandissant.

Dans ce contexte-là aussi, peut-être nous faut-il prendre la dimension nouvelle que revêtent aujourd'hui les lois Pasqua et les lois du gouvernement concernant l'immigration.

Si on y ajoute les bouleversements des structures d'activité, de la composition du salariat, les modifications des groupes sociaux, on est donc à la fois en présence d'une évolution économique et sociale grave qui sous-tend la question de savoir où va la France si les choses se prolongent dans la même direction.

Cela conduit donc à approfondir entre nous le débat sur le fait de savoir si, oui ou non, nous avons ou nous pouvons nous donner les moyens de mettre concrètement en échec la stratégie qui se développe.

C'est-à-dire celle qui nourrit dans la vie et dans les têtes l'idée que :
- le recul social est aujourd'hui inévitable,
- que pour sortir du dénuement les peuples du Tiers-Monde, il faudrait que les peuples qui ont avancé dans le progrès social acceptent de reculer,
- et que parmi ces peuples qui ont avancé, ceux des salariés qui ont un emploi, un salaire, une retraite, en abandonnent une parte pour éponger, tant soit peu, les plaies de la gestion capitaliste de la société.

Sans doute la question n'est pas nouvelle.

À chaque fois, nous y avons ensemble répondu en affirmant notre conviction qu'il est possible de mettre en échec cette stratégie et de mettre en œuvre d'autres choix : c'est-à-dire de faire du neuf mais avec, précisément, l'ampleur et la rapidité des bouleversements qui interviennent, la capacité du capital à se saisir des situations pour avancer ses réponses, imposer ses choix, créant ainsi à chaque fois un terrain plus malmené, un tissu social plus déchiré, donc des conditions plus difficiles pour crédibiliser les luttes sociales.

Ce que signifie faire du neuf

Tout cela ne nous fait-il pas obligation de compléter la réponse que nous apportons à la question, en précisant ce que signifie dans un tel contexte "faire du neuf".

Finalement n'est-ce pas cette question forte qui imprègne aujourd'hui les enjeux de la période ?

La prise en compte de cette donnée dans la mise en œuvre de notre démarche, dans son ensemble, est-elle, oui ou non, en contradiction avec le 44e congrès ? Personnellement, je pense qu'elle en est le cœur.

Mais si c'est cela et si nous sommes d'accord là-dessus, alors camarades tous les éléments cités, et bien d'autres encore qui auraient pu être développés, poussent à aller plus loin dans les réponses.

Quel neuf ? quel contenu ? quelle place pour les besoins individuels et collectifs ? quelle voie, quel chemin, quelle condition à réaliser pour que le "neuf" puisse se frayer sa route ?

Et à la lumière des enjeux que je viens de rappeler, quel rôle ? quelle responsabilité pour le syndicalisme tout entier, en France, en Europe, dans le monde ?

Peut-il y avoir des réponses solides, durables aux questions de l'emploi, aux questions de l'amélioration de la protection sociale, du progrès social et j'en passe… et, à plus forte raison, une issue à la situation actuelle, si persiste et triomphe une présentation de la notion de solidarité falsifiant les réalités et évitant soigneusement d'y impliquer le capital.

N'y a-t-il pas, aujourd'hui, le risque que se constitue un fort courant au nom de la solidarité entre exploités ? Comment créer les conditions d'un mouvement social portant à partir de là, non seulement des exigences de restitution du capital, mais un mouvement social suffisamment fort pour faire reculer les profits, faire progresser les salaires et faire progresser l'emploi ?

Comment construire notre démarche revendicative pour que, dans tous ces aspects, elle soit ressentie et portée par les salariés comme, à la fois, conforme à leurs exigences accessibles et en harmonie avec leurs objectifs de lutte ?

Si, personnellement, j'ai exprimé et j'exprime des réticences face à certaines formulations macro-économiques ou macro-budgétaires, cela n'a rien à voir avec une volonté de dessécher les revendications en sous-estimant leur caractère objectif de proposition ou de sous-estimer l'intérêt pour la CGT d'être présente dans tous les grands débats nationaux qui traversent aujourd'hui le pays.

Mais c'est beaucoup plus simplement parce que, objectivement, le préalable politique qu'impliquent de telles propositions à ce niveau est non seulement ou peut-être générateur de scepticisme et de doute compte tenu de ce qu'ont vécu les salariés durant les douze dernières années, mais peut pousser à nouveau vers une démarche programmatique dont nous avons du mal, beaucoup de mal à nous débarrasser.

En revanche, à partir de notre démarche revendicative ancrée sur les besoins, en termes de salaire, d'emploi, de reconnaissance de qualification, de durée et de conditions de travail, en montrant que la réponse à ces besoins s'articule parfaitement avec une autre conception de la gestion de l'économie, du fonctionnement des entreprises, de l'élaboration d'un budget, d'un autre rapport entre service public et industrie, oui, je crois que là, nous pouvons constituer l'axe dont il faut nourrir le mouvement social. D'ailleurs Camarades, et c'est me semble-t-il une règle valable pour tous les aspects de notre activité, l'élément essentiel à prendre en compte lorsque nous réfléchissons ensemble à la bonne conjugaison toujours nécessaire entre revendications et propositions, c'est la façon dont les salariés s'en emparent ou non pour nourrir leur action.

Que fait-on ? Comment doit-on faire avec eux pour que le couple revendicatif – encore une formule dont je ne souhaite pas qu'elle prenne de l'élan – mais pour que le couple revendicatif c'est à dire l'aspect conjugué revendications-propositions devienne leur affaire ?

Il n'est plus possible de réfléchir à ces questions en se limitant à notre seul horizon CGT car elles se posent et devraient se poser en tout cas – et il faut aider à ce qu'elles se posent – en termes d'interrogation de masse. Faire progresser cette nécessaire réflexion, ne peut qu'enrichir et fortifier ce que nous avons dit au 44e congrès, en voyant bien, car la vie le montre, que la mise en œuvre de tout cela nécessite en permanence : débats, échanges, confrontations d'idées entre nous et avec les salariés.

Pour ce qui me concerne il est de mon devoir de secrétaire général, de mettre le doigt sur ce que je considère, ou que je ressens susceptible d'ouvrir le champ à des hésitations, de nourrir des ambiguïtés et de conduire à des difficultés.

C'est un des aspects qui m'a été confié et j'entends l'assumer avec comme seul souci de ne rien laisser dans l'ombre et de ne pas se laisser créer une ou des situations à propos desquelles des critiques pourraient m'être faites de n'en avoir rien dit.

Après, autre chose est que nous ayons des opinions différentes. L'essentiel, c'est d'avoir le débat.

À la lumière de ces enjeux, il devient indispensable – certaines réactions après le CCN le confirme vraiment – de réfléchir ensemble à la place, au rôle et à la responsabilité du syndicalisme, car c'est tout le syndicalisme qui se trouve confronté à ces questions devenues incontournables aujourd'hui.

Évidemment elles n'interpellent pas les forces syndicales de la même façon. Mais elles sont bel et bien implicitement présentes dans la vie, dans l'évolution du syndicalisme français et de toutes ses composantes depuis de nombreux mois.

La question du contenu de l'activité revendicative, de la place et de la responsabilité du syndicalisme, sous-tendait déjà les réflexions de ceux des dirigeants socialistes qui ont prôné la recomposition syndicale, avec en vue l'existence d'un fort point d'appui pour accompagner une stratégie dont on à vue hélas, à quels dégâts elle pouvait conduire.

Quelle que soit la façon dont elles sont formulées, et j'attire votre attention là-dessus, elles animent très fortement le débat qui existe dans les rangs de Force Ouvrière. Et l'insistance de Blondel à développer, presque chaque semaine, ses conceptions sur le sens de son syndicalisme, dans "FO Hebdo" notamment, confirme à quel point l'interrogation est large.

Enfin, pour ne rien dire des études, des articles, des points de vue et autres interviews qui jalonnent la presse quotidienne et hebdomadaire, il faut quand même souligner que ces questions sont aujourd'hui fortement et publiquement abordées, en termes d'interrogations et avec déjà des réponses bien avancées dans les débats et colloques de la CFDT.

Avec en toile de fond cette même idée, posée en termes de défi, "faire du neuf". Mais la réponse que donne la CFDT c'est "faire du neuf en faisant de la négociation et du contrat le moyen privilégié de transformation sociale". L'ambition est tout à fait louable. Mais peut-on raisonnablement faire l'impasse sur le fait que le capitalisme existe, qu'il a sa logique et que les exigences qu'il porte n'ont rien à voir avec des états d'âme de tous les décideurs dont ils s'assurent les services ? Et s'il en est ainsi, quel avenir pour le mouvement social si les salariés se laissaient prendre au piège de la dissociation entre négociations et actions collectives ? Et lorsque nous disons action collective, pression revendicative, rapport des forces, nous n'avons pas en vue la grève systématique, mais nous avons en vue l'intervention des salariés que nous avons à stimuler, favoriser, nourrir et construire avec eux et avec elles dans tous ses aspects.

Actions et négociations sont étroitement associées, liées dans notre démarche syndicale. Le rapport de forces peut-il se concevoir à partir du seul poids de l'organisation ? Ce n'est pas une question superfétatoire mème si elle ne se pose pas dans la CGT. C'est un aspect important qui imprègne aujourd'hui les pratiques sociales en France, et qui va de plus en plus imprégner les pratiques sociales au niveau de l'Europe. La négociation "à froid" a eu surtout comme effet de permettre de dissocier préoccupations des salariés et contenu des négociations.

Est-ce surprenant de constater combien cette tactique patronale prend à contre-pied notre démarche, en contribuant à déporter en permanence les centres d'intérêts et de débats sur les propositions ou objectifs du patronat et aboutissant très souvent à une situation de blocage ?

Mais cela n'a pourtant rien à voir, mais rien, avec une conception de syndicalisme de refus dont la CFDT reprend à nouveau les termes à notre égard, c'est évident même si nous ne sommes pas nommés ouvertement.

Un syndicalisme de conquête

Toute l'histoire de notre syndicalisme est au contraire la magnifique histoire d'un syndicalisme de conquêtes. Le terme de syndicalisme de refus ne fait d'ailleurs pas partie du vocabulaire CGT. Et les nombreux "refus de signer" qui servent souvent de fondement à cette image, que l'on veut donner de nous dans la presse, ne relèvent absolument pas d'une position de principe mais d'une appréciation sur le contenu de ce que l'on nous propose à la signature.

Or, avec la crise et l'aggravation de ses retombées, c'est bel et bien le cahier de revendications patronales qui sert de base aux discussions sociales depuis maintenant de nombreuses années et qui fausse d'ailleurs complètement le caractère des signatures d'accords.

Nous n'avons pas de position a priori de non-signature ou de signature d'accord. Seuls le contenu et le contexte guident la réflexion et la décision. Mais force est de constater qu'en multipliant les situations de chantage à la signature, d'exclusion ou de mise à l'écart des non-signataires, patronat et gouvernement ont et continuent de délibérément chercher à donner une dimension politique à la signature, visant à accréditer l'idée pour les salaries que signature signifie acceptation de la stratégie.

Dès lors, affirmer comme objectif de faire de la négociation le moyen privilégié de transformation sociale introduit un handicap très lourd pour le développement du mouvement social.

Voilà pourquoi le problème du niveau, du contenu et de la portée du processus revendicatif est aujourd'hui une question décisive.

Ou bien le syndicalisme s'affirme aujourd'hui capable de créer un processus revendicatif, à partir des revendications élaborées avec les salariés et portant, de fait, l'exigence de faire du neuf en prenant en compte évidemment les aléas d'une telle mise en mouvement, les efforts que cela demande, ou bien dominera, parce que la pression va devenir de plus en plus forte, parce que de difficultés en difficultés, les réponses seront de plus en plus difficiles à élaborer et à faire entrer dans la vie, la recherche de démarches d'accompagnement de la stratégie du capital.

C'est à ce défi et à ce piège qu'est confrontée la question du devenir du syndicalisme.

La mettre en pleine lumière est aujourd'hui un devoir pour aider à la réflexion collective, sans a priori ni arrière-pensée, et sans la moindre volonté de considérer qu'il existe des risques de voir la CGT tomber dans ce piège-là. Mais sans oublier qu'elle n'est pas à priori elle non plus à l'abri des secousses. Nous nous affirmons unis autour de notre identité de syndicalisme de classe et de masse. Je crois que c'est une très bonne chose, je suis sûr que le débat va le confirmer. L'avenir du salariat et du pays tout entier en a besoin.

Mais, camarades, nous ne tenons pas à notre identité CGT pour elle-même. Or, ce défi, ce piège auxquels les forces syndicales ne donnent évidemment pas la même réponse, se posent dans une dynamique plus que préoccupante, dangereuse même.

Regardons, lucidement : globalement le syndicalisme français appuie son action sur une partie à la fois très réduite et très typée du salariat, du monde du travail. Il s'agit pour l'essentiel de salariés ayant un emploi, de salariés qui ont un statut ou qui ont des garanties collectives. Là se trouve l'assise essentielle du syndicalisme, toutes organisations confondues, dans notre pays.

Avec des salariés, donc, hommes ou femmes, qui réagissent avec l'état d'esprit de ceux qui ont quelque chose à défendre, ce qui est tout à fait légitime et au total fortement réconfortant. Mais la crise aidant, cet aspect de "quelque chose à défendre" est, dans la couche influencée par le syndicalisme, beaucoup plus fort que l'aspect "quelque chose à conquérir".

Par contre, le champ de ceux et celles qui ont le sentiment de ne plus avoir à perdre parce qu'ils considèrent avoir déjà tout perdu, les chômeurs, les précaires, les intérims, les petits boulots qui sont, pour l'essentiel, hors des zones d'impact du syndicalisme, ce champ-là est en train de s'accroitre à la vitesse grand V.

De ce point de vue, notre démarche revendicative, dont chaque jour apporte une preuve supplémentaire de son intérêt et de son efficacité, n'a-t-elle pas besoin d'être à la fois renforcée, précisée, adaptée, pour éviter que grandisse le sentiment dominant parmi tous ces exclus où semi-exclus, qu'ils ne se retrouvent ni dans les objectifs de l'action, ni dans l'activité syndicale, et de vivre le syndicalisme tel qu'il est aujourd'hui comme le "syndicalisme des privilégiés".

À partir de ces réalités qui constituent la grande donnée actuelle, comment travailler le contenu revendicatif, la démarche de rassemblement, l'adaptation de nos formes d'organisation, pour éviter que le développement du mouvement revendicatif dont nous sentons les potentialités, dont chaque jour apporte une nouvelle preuve qu'elles sont bien réelles – potentialités que nous contribuons nous-mêmes chaque jour à faire grandir – pour que ce mouvement revendicatif ne soit pas entravé par un phénomène de rejet sur la base des campagnes du "syndicat pour quelques-uns" que nous sentons poindre ?

Comment, chers camarades, ne pas être attentifs au développement d'initiatives, multiples maintenant, en direction des chômeurs, avec des objectifs ambitieux pour la rentrée, d'origines diverses mais dont nous pouvons penser qu'elles ne visent pas à aider à la convergence des luttes entre chômeurs et salariés qui ont un emploi ou un statut ?

Comment ne pas être attentifs à la présence maintenant de plus en plus fréquente, pour ne pas dire systématique, de l'idée de coordination dès que surgit un problème, y compris là où existent des organisations syndicales même si la présentation de cet aspect n'est pas explicitement antisyndicale ?

Le rôle, la responsabilité de la CGT

N'y a-t-il pas une course de vitesse maintenant engagée dont l'objectif touche au renouveau du syndicalisme ou, plus exactement, au contenu du renouveau du syndicalisme ?

Car, c'est un fait, chacun avec ses mots, ses formules, sa façon de faire, tout le monde maintenant parle du renouveau du syndicalisme.

C'est à partir de toutes ces données et de tous ces éléments, dont l'évolution nous conduit à dire qu'ils vont plus vite à se modifier que nous à les appréhender, que nous avons à réfléchir sur la place, le rôle et la responsabilité de la CGT dans cette bataille pour un renouveau du syndicalisme au contenu correspondant à ce que sont les intérêts des salariés.

Car soyons clairs, dans cet enjeu notre ambition va bien au-delà de l'affirmation de notre identité.

À quoi servirait-elle, camarades, notre identité CGT, si devenait dominante, parmi et avec les salariés, les chômeurs, les précaires, sous le poids de la crise et des difficultés, la démarche d'accompagnement de la stratégie du capital qui gangrène les rapports sociaux de ce pays et dont nous ne serions pas capables d'endiguer le développement. Le devenir de l'Unedic, de la protection sociale, des retraites, mais aussi du service public, des conventions collectives, sont des exemples brulants de ces enjeux immédiats. Ce ne sont pas des enjeux pour… après l'an 2000.

Ce n'est pas un hasard si nous avons été les premiers à poser la question du renouveau du syndicalisme. Parce que nous sommes un syndicat de classe et de masse, démocratique et indépendant, nous portons comme nous le pouvons bien sûr, avec nos forces, avec nos difficultés, avec nos espoirs, mais nous portons les ambitions de rassemblement, de convergence des diversités, de coopération, de solidarité, d'unité, de démarches revendicatives, démocratiques et de masse à parti des besoins dans le contexte d'aujourd'hui, c'est-à-dire dans un contexte où l'exigence de faire du neuf s'imbrique de plus en plus dans cette démarche revendicative, et pointe ouvertement vers des questions de changement de société. Nous portons des valeurs fortes de solidarité de classe et d'aspiration à la fraternité, à la liberté, et au progrès social. C'est pour cela que nous avons décidé d'engager un effort considérable pour le renouveau du syndicalisme.

Mais, ce qui vient en débat de façon forte, dans les conditions de la crise, des bouleversements des rapports sociaux, du tissu social, des déchirements du monde salarié, portent en germe les risques d'un ersatz du renouveau du syndicalisme, dénaturé, amputé de l'essentiel de sa portée transformatrice au service d'un mouvement revendicatif lui-même transformateur.

Sauf à avoir les forces pour faire triompher les bonnes réponses.

D'où la question : "comment mettre les forces de la CGT au service de cette ambition ?"

Comment faire percevoir par les militants, les syndiqués, pour débattre avec les salariés, l'enjeu, l'importance du rôle de la CGT dans l'impulsion revendicative, dans le contenu de l'action syndicale ?

Si nous sommes d'accord avec cette nécessité, alors vient la question des forces avec lesquelles nous allons conduire cet effort.

Comment allons-nous les mobiliser ? En soulignant que certains problèmes, ou certaines lacunes, dans la connaissance de ce que sont les forces réelles de la CGT dans leur particularité, leur regard de la situation générale, sont quand même assez révélateurs des efforts que nous devons continuer à faire pour que toute la CGT prenne la dimension de l'enjeu.

Sur 27 fédérations, 20 ont un taux de syndicalisation CGT en regard des salariés évidemment, inférieur à 10 %, dont 15 un taux inférieur à 5 % et à l'intérieur de ces 15, 11 inférieurs à 3 %.

La connaissance des réalités

Ces chiffres n'étant qu'indicatifs évidemment, car ce qu'il nous faut, c'est aller beaucoup plus près dans la connaissance des réalités. Mais, camarades, il faut pousser plus loin le regard sur la CGT. Les syndiqués actifs du secteur privé représentent 46,3 % de nos forces, les salariés actifs du secteur public et nationalisé, 53,6 % pour un nombre de salariés, près de deux fois et demie supérieure dans le secteur privé que dans le secteur public et nationalisé. Cette réalité est globale, et plus nette encore concernant nos camarades de l'Ugict, puisque nos forces organisées dans l'Ugict du secteur privé représentent 27,8 % et celles du secteur public et nationalisé 72,1 %.

Il y a des raisons, des raisons que l'on connait, des raisons que l'on s'explique, ce ne sont pas des chiffres qui tombent de façon arbitraire, coupés des réalités profondes de la situation. Précisément, le fait qu'existe des statuts, des droits, des éléments de protection des salariés, des droits pour exercer l'activité syndicale, se retrouvent dans le niveau de syndicalisation et d'engagement dans l'action syndicale. Mais faire ce constat est une chose, travailler ensemble à élaborer des réponses pour surmonter cette difficulté, est évidemment autre chose. Le fait que le pourcentage, encore plus fort pour les retraités, se retrouve, confirme également cette situation. 78 % de nos forces organisées retraités sont dans le secteur public et nationalisé, 21 % dans le secteur privé. Pour des raisons différentes, encore, avec des aspects qui se retrouvent.

Je voudrais dire très franchement que je considère dommageable l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, au niveau confédéral – je ne sais pas ce qu'il en ait au niveau des fédérations – de pousser le coup de projecteur pour savoir :
- quelle est la proportion d'hommes et de femmes,
- quelle est la proportion d'hommes et de femmes dans chaque catégorie, dans chaque profession ?
- quelle est la proportion des tranches d'âge dans chaque catégorie, dans chaque profession.

Nous ne pourrons pas réfléchir et élaborer sérieusement des pistes de travail sur tous ces éléments, si nous ne progressons pas dans la connaissance du terrain ; nous avons besoin de travailler ensemble, avec la Confédération, les fédérations, les unions départementales pour, effectivement, avoir une idée juste des forces sur lesquelles nous nous appuyons pour mettre en mouvement notre démarche.

Nous en avons besoin, même si cette connaissance va nous faire grincer des dents parce qu'elle risque de montrer effectivement une CGT quand même un peu vieillissante.

En tout cas, les sondages qui se font dans les congrès confirment cette tendance. Elle risque de montrer et de mettre à nu un certain nombre de nos insuffisances mais, ceci étant, cela ne peut pas nous faire reculer. Nous en avons besoin si nous voulons correctement et concrètement travailler.

Sinon, la seule connaissance des adhésions, des bases organisées, voire même la seule connaissance du résultat professionnels restera sans retombée concrète.

N'avons-nous pas à nous interroger pour savoir si la notion de nécessité de renforcement est correctement perçue par l'essentiel de nos syndiqués, c'est-à-dire nécessité du renforcement de la CGT en regard de ce que sont les enjeux, que je viens d'énoncer rapidement.

Dans les débats, sur le lien entre démarche revendicative et réflexe de syndicalisation, ne faut-il pas regarder de façon plus incitative et plus précise notre implication collective et individuelle concrète dans la mise en œuvre des initiatives et l'implication collective et individuelle des dirigeants de la commission exécutive des dirigeants des fédérations, des unions départementales.

Pourquoi ne pas faire décider et nous avons des points d'appui pour cela, puisque nous avons un certain nombre de congrès de fédérations et d'unions départementales qui se tiennent dans les semaines qui viennent, que chaque syndicat, chaque section syndicale, c'est-à-dire sur le terrain, au niveau des entreprises, des ateliers, des services, rencontre chacun de ses syndiqués et les invite à s'investir individuellement dans cet effort de rénovation de la qualité des liens entre le syndicat et les syndiqués, les syndiqués et les salariés.

Sinon, comment comprendre que l'on accepte aussi facilement qu'à la fin du sixième mois de l'année il y ait des syndicats qui ne savent pas combien ils ont de syndiqués, combien de syndiqués sont partis, nous ont quitté, d'une façon générale. N'y a-t-il pas à faire mesurer ce que représente comme enjeu l'urgence d'un changement de rythme dans la mise en œuvre de toute notre démarche. Camarades, en faisant le bilan de tous les articles, de tous les discours, de toutes les interventions, depuis près de dix-huit mois, si l'on additionnait le nombre de fois où a été nommé le 44e congrès, et qu'à chaque fois cela corresponde à une adhésion, nous aurions vraiment un bilan florissant !

Peut-être devons-nous nous dire à nous-mêmes, moins de discours et plus de comportement, de pratiques, plus d'efforts dans la connaissance et le suivi de toutes les évolutions. Parce que, ce n'est pas la première fois que la formule est utilisée, mais on ne va pas pouvoir impunément parler longtemps de course de vitesse sans que, d'une façon ou d'une autre, nous ne nous apercevions que nous ne sommes pas en train de la gagner.

Dans la démarche qui a présidé à sa préparation, son élaboration, son déroulement, tout confirme que notre dernier congrès confédéral est à l'opposé d'un dogme qui pourrait servir de référence ou de canevas de jugement pour apprécier tel ou tel aspect de notre activité.

C'est au contraire une formidable source de richesses pour avancer en intégrant tous les changements qui interviennent dans la situation, à partir, précisément, de ce que sont ces points forts, c'est à dire une démarche revendicative complètement renouvelée dans la conception du rôle des syndiqués et de la place des salariés dans l'élaboration des revendications.

Un effort sans précédent pour mettre les syndiqués dans le coup et faire vivre une réelle démocratie syndicale.

Un appel à la lucidité et à une bonne connaissance des réalités pour développer une activité syndicale même en prise avec les problèmes d'aujourd'hui.

Personne, camarades, n'a intérêt à vouloir figer ces données fortes. En ce domaine, comme en beaucoup d'autres, ce qui compte, c'est la vigueur et la force de l'engagement.

Des attitudes ou les comportements de gardiens du temple ne sont pas plus efficaces pour avancer dans la mise en œuvre qu'ils ne le sont pour faire vivre notre identité CGT.

Faire avancer une CGT diverse

Nous avons à faire avancer une CGT diverse, qui a déjà beaucoup changé, et qui continue de changer. Les récentes avancées concrètement perceptibles dans les congrès de la fédération de la Construction ou de la fédération de la Métallurgie le confirment, comme j'en suis sûr vont le confirmer les congrès qui se tiennent cette semaine où la semaine prochaine.

Pour autant, ce que nous demandons à nos militants et militantes est considérable. Dans une situation où de plus en plus, ils mesurent à quel point les enjeux sont sérieux sur les aspects décisifs puisqu'ils touchent au devenir de notre pays, du monde du travail et du syndicalisme. Nous avons donc maintenant à dépasser la réflexion pour déboucher sur des dispositions concrètes. Le champ des exclusions et des exclus grandit. Comment persévérer dans la mise en œuvre de notre démarche sur le terrain, avec les salariés, c'est-à-dire là où se trouvent ceux et celles qui ont un emploi et, en même temps, construire ou proposer des initiatives qui permettent que tout le monde s'y retrouve.

Quelles dispositions, quelles mesures, pour que nos initiatives aient un écho, un impact, même là où la CGT n'existe pas ? C'est à dire l'énorme majorité des entreprises. Quels moyens nous donner, à partir de là, pour que les initiatives de la CGT rayonnent et soient effectivement diffusées partout ?

Les unions locales de villages ou de petites villes sont en difficulté. Leur nombre diminue. Alors que chaque disparition d'une de ces unions locales diminue de fait le nombre de pôles de rayonnement de la CGT. Comment réfléchit-on aux problèmes à partir de là de coopération d'une façon nouvelle, avec mise en œuvre accélérée des formes qui ont commencé à faire leur preuve ? Comment s'engage-t-on pour accélérer, pas seulement la mise en place de syndicats de site, mais tirer les enseignements de l'activité de ceux qui existent déjà, pour voir quels problèmes se posent et comment nous pouvons lever les obstacles et les difficultés pour avancer dans ce domaine ?

N'y a-t-il pas à bousculer certain formalisme dans la conception de l'organisation du travail, sans remettre en cause les prérogatives des organisations ou des organismes élus.

En présence de certaines situations ou réactions, tous les "fonctionnaires syndicaux" n'émanent pas forcément de la fonction publique ou du secteur public !

Enfin cette situation donne une force et une acuité nouvelle à des aspects qui concernent directement notre activité.

Je pense aux problèmes diversité, spécificité, travail de convergence. Là encore, ce que je retire des débats auxquels j'ai assisté ou participé, de ce que l'on entend des congrès, de ce qui se dégage de la bonne tonalité de la rencontre qui a eu lieu mercredi entre le bureau confédéral et le secrétariat de l'Ugict, de ce que l'on connait de certaines luttes dans des catégories ingénieurs, techniciens ou cadres, montre que les changements sont multiples, appréciables et élargissent considérablement notre capacité à aborder les situations et à progresser.

Et en même temps, nous vérifions dans la vie que la politique mise en œuvre par les entreprises, par le gouvernement fait grandir les risques d'opposition entre catégories, entre secteurs, entre branches, et que ces tendances sont aujourd'hui beaucoup plus fortes qu'hier.

Quelles conséquences, quelles retombées pour que dans son contenu, notre activité générale aide à l'affirmation d'une activité spécifique et pour veiller à ce que notre activité spécifique, notre travail spécifique soit bien au service de la convergence des efforts en vue du rapport de forces le meilleur possible ?

Peut-on raisonnablement espérer contribuer avec efficacité à la diversification du travail qu'a décidée la direction de l'Ugict et le congrès de l'Ugict, en direction d'une part des techniciens, d'autre part des ingénieurs et cadres, sans faire converger les efforts de tout le monde pour une meilleure connaissance du terrain.

Une meilleure connaissance du terrain, pour des formes nouvelles de coopération, entre les organisations Ugict, commissions départementales des ingénieurs et cadres et CGT, fédérations, unions départementales et aussi unions locales et syndicats.

À partir du moment où les enjeux sont ceux-là, il ne saurait y avoir ni domaine réservé, ni délégation de pouvoirs.

Nous sommes et nous serons bel et bien tous et toutes, comptables, devant l'évolution de la situation et du monde du travail, ainsi que de la capacité dont nous aurons su faire preuve pour affronter les grandes questions d'aujourd'hui et fertiliser le terrain sur lequel nous avons à travailler : le terrain de notre activité, là où se trouvent les salariés, car c'est en définitive effectivement là que tout va se jouer.

Quelques mots sur l'unité d'action

Je voudrais, dans la droite ligne de tous ces éléments de réflexion, dire quelques mots sur l'unité d'action. Et quand je dis "quelques mots", ce n'est pas pour faire bien, c'est tout simplement parce qu'en ce domaine aussi nous sommes interpellés par un certain nombre d'aspects nouveaux de la situation.

La première raison c'est que la situation actuelle, le comportement du patronat, la mise en œuvre de la politique du gouvernement rendent plus nécessaire que jamais la poursuite de nos efforts pour aider à la réalisation de l'unité d'action.

La seconde, c'est que la montée du débat sur le contenu du syndicalisme, sur la nature des objectifs revendicatifs, donne une importance tout à fait nouvelle aux efforts pour que cette unité, la plus large possible se réalise, bien sûr sur des bases conformes à ce qu'expriment les salariés. Ce qui n'est pas forcément d'emblée compatible avec une démarche qui vise à privilégier la négociation.

Cela ne peut conduire, ni à modifier notre façon de faire, ni à ralentir nos initiatives, ni à réduire nos efforts. Il faut au contraire élargir le champ des forces CGT que nous devons investir dans cette bataille pour la réalisation de l'unité d'action.

Par contre, ne faut-il pas à tous les niveaux, quand je dis "à tous les niveaux", c'est au niveau de la confédération, des fédérations, des unions départementales, des syndicats, intensifier le débat, l'interpellation sur ces questions de fond, pour permettre aux salariés de se faire une juste idée des problèmes posés.

Sommes-nous obligés, pour cela, de passer par la polémique ? Jamais de la vie.

En même temps, il faut quand même savoir user de la polémique intelligente pour faire avancer les idées, la réflexion et le débat. Car au travers du débat sur le contenu du syndicalisme, viennent quand même très fort les problèmes du devenir de notre pays et de notre société.

Ensuite, ce large front d'exclusion qui est en train de grandir, porteur d'une fracture grave dans la société française et dans le monde du travail, parviendrons-nous à aider, à son engagement dans l'action, au service de l'unité d'action et de la convergence des luttes ?

Pouvons-nous ignorer le risque qu'il peut devenir un front antisyndicalisme existant et favoriser encore plus de divisions, plus d'affrontements ?

C'est donc en termes d'accélération de la mise en œuvre de notre démarche, d'accélération, que nous devons aborder tous ces aspects.

Des interrogations similaires sinon identiques, surgissent devant l'accentuation des difficultés en Europe où, si les termes en sont différents, le fond touche également au contenu de la démarche revendicative.

De l'intérieur même de la CES s'expriment maintenant des inquiétudes et montent des idées d'interventions nécessaires du syndicalisme de plus en plus vigoureuses.

Une action syndicale énergique, forte

La difficulté, la diversité des situations, d'approches entre les différentes organisations composant la CES, donnent évidemment une tonalité particulière au débat. L'arrogance avec laquelle, partout, le capital pousse les feux pour imposer ses solutions et, au total, faire supporter le fardeau aux salariés, fait grandir l'idée du besoin d'une action syndicale énergique, forte, dès lors qu'elle s'appuie sur des forces organisées importantes, combatives, dès lors que ces forces organisées sont mobilisées et capables de générer un mouvement de masse.

Mais les deux aspects sont importants et complémentaires. Toutes ces réflexions sont présentes dans les discussions sur les conditions d'entrée de la CGT dans la CES, car nous avons grand besoin, en France et en Europe, de favoriser le développement d'un important processus revendicatif.

Avant que ne commence cette séance, Joël Decaillon m'informait qu'un texte, qui est en discussion au parlement européen, aboutirait, s'il était voté, à exclure la CGT, mais pas seulement la CGT car cela concerne toutes les organisations qui ne sont pas membres d'une organisation syndicale européenne, de l'ensemble du dispositif des institutions européennes.

Je crois que cette volonté n'est pas étrangère aux questions fortes qui sont pesées aujourd'hui et, de ce point de vue, chacune de nos organisations doit multiplier les initiatives dans les branches, dans les groupes, dans tous les secteurs, et saisir toutes les occasions possibles pour élargir le champ de nos coopérations syndicales en Europe.

Nous aurons l'occasion de revenir sur ces aspects ainsi que sur quelques autres à propos de la situation internationale, lors des journées de travail des secrétaires généraux de juillet et d'août et, dans le prolongement évidemment, lors du prochain CCN.

Mettre en œuvre les axes décisifs de notre orientation implique nécessairement aujourd'hui un style d'impulsion encore plus dynamique et plus systématique.

Chaque jour en apporte une preuve supplémentaire. Nous ne pouvons, nous permettre de gérer la situation actuelle. Il nous revient de créer les conditions pour que se concrétisent des potentialités.

Le bureau confédérai a à prendre sa part dans cet effort. Cette part est essentielle, car elle donne le ton. Une réunion de travail du bureau confédéral va se tenir le 29 juin, qui aura à examiner ce que nous avons à modifier dans nos conceptions et nos méthodes pour mettre toutes les forces de ce qu'on appelle "l'appareil confédéral" au service de cet objectif.

Des questions essentielles sont maintenant à faire avancer vite. Elles concernent la coopération entre les organisations. Même si nous avons avancé, cela n'est rien à côté de ce vers quoi il faut tendre.

Elles concernent l'organisation de la convergence des efforts de tous, sur les objectifs prioritaires que nous déterminerons ensemble.

Elles concernent la re-disposition de nos forces, c'est-à-dire une réflexion plus collective sur la définition des besoins, sur la mise en commun des moyens qui dépassent très largement le terrain étroit sur lequel se sont encore trop enfermées les discussions, se réduisant bien souvent à savoir comment va être utilisée telle ou telle possibilité de détachement où de demi-détachement. En voyant bien que globalement nous continuons à fonctionner et à réfléchir à notre fonctionnement dans le prolongement de ce qu'a été notre fonctionnement antérieur.

Nous avons pris de bonnes décisions. Nous ne sommes pas encore parvenus à mettre en harmonie les conditions de leur mise en œuvre rapide et efficace. Mais à ce moment de la situation, nous ne pourrons pas continuer longtemps à constater que les événements bougent plus vite que nous.

 

Que le débat soit pris en compte par toutes les organisations de la CGT afin de nourrir la réflexion et les discussions avec les syndiqués

Intervention de Louis Viannet, secrétaire général de la CGT

Ce ne sera évidemment pas des conclusions puisque nous avons décidé de ne pas dessaisir le CCN. Nous avons pris un certain nombre de dispositions concrètes en ce sens, avec la publication dans "Le Peuple" de l'intervention d'ouverture des travaux de la CE du 14 juin et des résumés plus étoffés que d'habitude des différentes interventions. Ces décisions vont y contribuer. Nous avons décidé de faire en sorte que le débat soit pris en compte le plus largement possible par toutes les organisations de la CGT, surtout les syndicats et les sections syndicales afin de nourrir la réflexion et les discussions avec les syndiqués.

Je me félicite que cette prise de conscience de la nécessité de faire descendre les discussions soit vraiment très largement partagée par la commission exécutive et de le faire en lien avec la vie. Car ce n'est pas un débat hors du temps, hors des problèmes que rencontrent les syndiqués, les organisations, les militants et les militantes. Oui, ce n'est pas un débat hors des questions que se posent les salariés.

Ce sont vraiment des discussions dont nous avons besoin pour investir avec le maximum d'efficacité possible le champ du rassemblement, de la mobilisation dont en sent bien qu'il est en train de se modifier. On mesure dans le même mouvement que la partie n'est pas gagnée.

La mise en œuvre de notre démarche

Le CCN aura lui, parce que c'est son rôle, à marquer quelques points de repère plus forts, plus nets de ce débat, sans bloquer en quoi que ce soit la réflexion collective, mais pour aider, là encore, à plus d'efficacité et de dynamisme dans l'engagement pour la mise en œuvre de notre démarche au service de la construction de ce processus revendicatif, de ce rapport de force dont chaque jour nous apporte une preuve nouvelle de sa nécessité et de son urgence. Tout le monde l'a, à la fois, ressenti et exprimé. C'est vraiment la question décisive.

J'ai bien entendu les camarades qui se sont sentis mal à l'aise, choqués par les conclusions du CCN. De fait, il s'agissait de conclusions. Peut-être pas forcément dans leur état d'esprit, mais dans les faits. Ces conclusions ne se voulaient ni une prise de distance – je serais presque tenté de suggérer des études de textes – avec un rapport que je partageais et partage, ni la volonté d'exprimer des idées nouvelles en évitant le débat. Même si, étant conduit à me situer comme je l'ai fait, j'ai effectivement amené quelques idées nouvelles, je précise très clairement, puisque des camarades se sont interrogés, que nous avons discuté au bureau confédéral.

Je ne crois pas souhaitable – et je réfléchis donc pour moi-même – que des idées nouvelles soient apportées dans les conclusions si, d'emblée, il semble évident qu'elles vont poser problème pour le débat.

Si vraiment, y compris personnellement, je ressens le besoin d'amener des idées nouvelles, je peux vous assurer que je ferai en sorte de les faire venir dans la discussion et dans le débat.

Je suis effectivement partage entre les camarades qui considèrent que je n'interviens pas assez souvent (et cette question est venue dans nos discussions au bureau confédéral) et mon souci de ne pas trop intervenir. Aussi, aurons-nous à progresser ensemble dans une bonne maitrise de la façon de nourrir et d'enrichir nos discussions.

Ma volonté était au contraire, en prenant appui sur ce que j'avais perçu dans plusieurs interventions, de pointer des aspects, des différences d'approche, d'expression ou de formulation qui induisaient "une démarche dans laquelle je ne me retrouvais pas". Ce sont les mots exacts que j'ai employés.

C'est et cela reste mon devoir de secrétaire général même si cela conduit a de premières réactions un peu crispées. Je préfère cela et qu'on s'en explique après plutôt que quelqu'un puisse, un jour, me reprocher de ne pas avoir rempli mon mandat de secrétaire général en n'ayant pas pointé des questions qui font problèmes.

Le débat est lancé

Alors y avait-il matière à débat ? J'ai entendu des camarades, aujourd'hui encore, se poser cette question. Mais la vie y a répondu. Le contenu des discussions de nos deux séances de commissions exécutives y répond. C'est un fait que dans le prolongement des conclusions du CCN le débat est lancé. C'est donc qu'il y avait matière à débattre. Ce débat est riche, il est vif ; mais, au total, il est responsable ; en tout cas, il est enrichissant, y compris dans ses aspects contradictoires.

Peut-être ne le vivons-nous pas tous et toutes de la même façon. Ce débat, si je ne sais pas ce que j'y ai apporté, j'ai, par contre, une idée assez large de ce que j'y ai puisé pour ma propre réflexion. Chacune des interventions apporte des éléments.

La plus grave faute que nous pourrions commettre, les uns et les autres, serait de les balayer d'un revers de main en fonction de qui les exprime ou de la façon dont ils ont été exprimés.

Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi il y a nécessité de débattre. Chaque intervention oblige à réfléchir et ce débat apporte la preuve que les questions existaient bien. Comprenons-nous bien entre nous. Ce ne sont pas les conditions, disons particulières, des conclusions qui font qu'il y a eu débat. Les éléments du débat préexistaient bel et bien.

Ma conviction est qu'il était vraiment temps que l'on sorte d'une situation ou de formules ambigües dans des interventions ou dans des articles qui risquaient de perdurer.

Nous risquions d'assister, ce qui aurait été la pire des choses pour nous parce que nous sommes la CGT, à une sorte de "guerre de tranchées" indigne de nous et du respect que nous devons avoir de ce que pense l'autre. Une telle situation serait dangereuse pour la CGT et pour notre capacité à rassembler toutes les forces. Quelles que soient les sensibilités qui s'expriment, nous avons un patrimoine commun. Or, lorsqu'un débat est larvé, lorsqu'il génère des doutes, des interrogations, des suspicions (puisque le mot a été employé) c'est le pire des environnements pour galvaniser les énergies, c'est le meilleur terrain pour un climat clientélaire malsain. Aussi, avons-nous besoin, entre nous, de clarifier, même s'il n'est pas agréable parfois d'avoir à passer des moments de débat un peu rugueux. Nous sommes les dirigeants et les dirigeantes de la CGT. La CGT a une histoire. Si elle s'est faite comme elle s'est faite, si en dépit de tous les coups qui lui ont été portés et que certains continuent à lui porter elle a, envers et contre tout, tenu tête, si malgré l'affaiblissement des forces organisées et le manque à gagner que cela représente elle a pu le faire, c'est que la CGT n'a jamais hésité, lorsque vraiment elle en a senti la nécessité, d'avoir des débats mème rugueux dans la transparence publique.

Ainsi, j'ai le souvenir d'un CCN tenu à la Bourse du Travail de Lyon, à une époque où, comme tout jeune militant lyonnais qui savait où se mettre pour entendre les débats, j'ai assisté à une empoignade extraordinaire entre Benoît Frachon et Pierre Lebrun. Ce n'était pas des petits débats. Ils faisaient avancer.

Quelque temps plus tard, l'un et l'autre, je dis bien l'un et l'autre, ont considéré que non seulement ce débat avait fait avancer la réflexion collective de la CGT mais que les deux protagonistes avaient cheminé dans leur réflexion. À partir de là, la qualité de l'apport individuel de chacun et de chacune dans la réflexion collective se modifie. Plusieurs camarades ont estimé que la confrontation d'idées ne devrait pas faire problème entre nous.

Je partage cette appréciation complètement pour peu, qu'effectivement, l'objet du débat soit ciblé et que le débat ait lieu dans la transparence. Nous devons donc viser les deux. Mais à l'évidence, c'est plus facile de le dire que de le faire, et de le réussir.

Créer les conditions du débat avec la volonté et la certitude d'avancer tous en même temps, serait devenu un véritable travail d'Hercule si nous avions laissé perdurer une situation de débats larvés entre nous.

La lettre envoyée par le bureau confédéral (1) pour convoquer la commission exécutive a été mal reçue par un certain nombre de camarades. Ils l'ont exprimé. À l'évidence, quand on connaît les débats, on mesure qu'il y avait une différence d'état d'esprit entre ceux et celles qui ont décidé de rédiger la lettre et certains de ceux et celles qui l'ont reçu.

Je voudrais préciser, y compris pour la clarté de la réflexion de tous, que c'est moi, personnellement, qui ai demandé, dans la discussion au bureau confédéral, que l'on fasse ressortir qu'il y avait débat entre nous et le fait que la position du secrétaire général exprimée au CCN faisait problème.

Ce n'est pas la volonté de marquer des différences. C'est un problème d'honnêteté et ce n'est pas dramatique qu'il y ait des débats au bureau confédéral.

Il y a débat et débat sérieux

Il n'y a pas besoin de remonter très loin en arrière et faire appel à la mémoire des uns et des autres pour avoir à l'esprit les nombreux débats qui ont existé et qui ne sont pas tous terminés de la même façon.

Je suis convaincu que ce débat-là se terminera de façon à permettre à tout le monde d'avancer et de progresser. Ce n'est déjà pas rien. Sinon, cela signifierait la dramatisation des différentes péripéties qui ont conduit à la commission exécutive ou l'idée que c'était complétement surfait. Ce serait alors problématique car cela témoignerait d'un manque d'écoute entre nous avec, y compris, l'idée de procès d'intention dans ce qu'on recherche dans les interventions.

Mais le fait est qu'il y a débat et un débat sérieux, car il touche à des questions importantes. Ce qui n'est pas anormal. Ces questions portent sur le contenu du syndicalisme et sur l'enjeu de l'affrontement de classe dans notre pays aujourd'hui en lien avec le contenu du syndicalisme.

Ainsi, sur l'analyse que nous faisons des réalités, il est évidemment très facile d'apparaitre d'accord sur une formule : "bien appréhender le réel". Qui pourrait ne pas être d'accord ? Celui ou celle qui commettrait la faute de décoller du réel s'apercevrait vite qu'en général il y a toujours une facture !

À mon avis, la question n'est pas tellement de savoir, même s'il est toujours nécessaire d'en discuter, si la situation est très grave, s'il y a sous-estimation de la gravité de la situation ou si cette gravité est bien perçue…

La question essentielle à mes yeux est beaucoup plus de déterminer comment on traite cette grave situation ? Comment on l'analyse et comment on met ce traitement et cette analyse au service de la mobilisation, du rassemblement, de l'action, de l'unité d'action dans une période incontestablement compliquée. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur les problèmes d'unité d'action. Pourquoi ? Parce nous sommes encore tous marqués dans notre analyse du comportement des autres par notre tendance à reproduire les éléments qui conduisaient au réflexe d'hier chez nous et chez eux. Or, nous considérons que les conditions se sont modifiées pour nous. Et nous voudrions qu'elles ne se soient pas modifiées aussi pour les autres organisations ?

Cela ne veut pas dire qu'il ne reste pas de grandes lignes-forces à avoir en permanence à l'esprit et à travailler de façon très sérieuse dans notre réflexion et dans notre analyse.

Tout ce qui s'exprime confirme que, sans le débat, nous pourrions rapidement nous retrouver dans une situation beaucoup plus délicate. D'autant qu'elle pourrait aboutir à la mise en œuvre de démarches différentes.

Ensuite, dès lors qu'on est en présence de démarches différentes, les débats deviennent beaucoup plus sérieux et beaucoup plus vifs. Et ceci, juste au moment où la capacité d'intervention, la cohérence de toutes les forces de la CGT sont des éléments décisifs. Tout ce dont on vient de discuter le confirme.

De ce point de vue, le développement de la discussion et du débat aujourd'hui, comme lors de la première partie de la commission exécutive, apporte de façon naturelle des éléments de réponse à quelques interrogations.

J'ai souligné que mon intervention n'était pas une conclusion mais je veux tout de même indiquer que, dans une autre forme de débats, il aurait fallu que l'on s'arrête et que l'on discute sur un certain nombre d'interventions.

Puisque nous sommes dans la période de nourriture et de construction du débat, il faut vraiment que nous nous écoutions bien. Par exemple, sur la légitimité de l'interpellation que j'ai faite par rapport à Jean-Christophe Le Duigou : je veux souligner le caractère de son intervention à la commission exécutive du 14 juin dont je crois savoir qu'il était d'ailleurs délibéré, c'est-à-dire qu'il n'avait pas une dimension accidentelle, et c'est très bien ainsi parce que cela aide à la réflexion

Son mérite c'est de montrer qu'il y a bien une différence d'appréciation entre nous et de mieux faire apprécier pourquoi j'ai pu dire que j'avais des difficultés à me retrouver dans ce qu'il disait, ce qui, convenons-en entre nous, n'a rien à voir avec de l'agressivité.

Je connais, moi aussi, Jean-Christophe depuis longtemps et la sincérité qu'il met dans la défense de ses opinions, même quand elles sont différentes avec ce que je peux penser. Je sais qu'il se bat avec sincérité sur les opinions qu'il défend et le crédit réciproque qu'il porte à ce que je peux dire. Cela devrait balayer certaines ambiguïtés dans la légitimité du débat qui s'est instauré.

J'en profite d'ailleurs pour dire que Jean-Christophe a quelques ennuis de santé, que je souhaite qu'il nous revienne en pleine forme après les vacances.

Ce débat pose donc des questions sérieuses que nous devons travailler à dépasser en les articulant beaucoup mieux avec la vie, avec la pratique. Je soutiens tous les camarades qui ont parlé avec insistance de cette nécessite de débattre en prenant en compte les enseignements que nous tirons les uns et les autres de l'expérience sur le terrain.

Comment cela se passe-t-il sur le terrain ? À quels problèmes sommes-nous confrontés ? Comment réagissent les salariés et les syndiqués ? C'est vraiment l'état d'esprit qui doit nous imprégner tous et toutes.

Je sais que chacun et chacune a ces idées à l'esprit. Mais le plus facile, c'est de se retrouver où de considérer que l'on s'est retrouvés dès lors qu'il y a accord sur la formulation du principe.

Mais si dès les premiers feux de la mise en pratique, de la confrontation avec les réalités et les situations, rebondissent les débats, c'est bien qu'il subsiste des zones d'ambiguïté ou d'incompréhension suffisamment larges et fortes pour entraîner un risque de divergences profondes.

D'où le besoin de dire : "là il faut mieux s'expliquer". C'est donc bien dans la mise en œuvre, dans la pratique, dans la confrontation avec les réalités sociales économiques, politiques que l'on peut apprécier où nous en sommes quant à notre capacité de mettre en œuvre ce que nous avons décidé.

La vie fait quelquefois apparaitre un écart entre ce que nous avons voulu décider et la façon dont s'engage la mise en œuvre. Ce n'est pas propre à nous, c'est la réalité de ce que j'appellerai "l'intervention humaine" sur les événements.

Voyons bien ensemble que les grandes idées débattues avant, pendant et depuis le 44e congrès, qui nous ont conduits à élaborer les lignes fortes de notre orientation, ne peuvent ni se découper, ni se séparer les unes par rapport aux autres, c'est sur l'ensemble du front de notre congrès que nous avons à faire effort.

Quelle est la difficulté ? En fonction des situations, en fonction des organisations, de la culture de chaque organisation, de la situation de départ des uns et des autres, de la vivacité des problèmes qui se sont posés, de la façon dont ils ont été ou pas surmontés depuis le 44e congrès, ce ne sont pas les mêmes aspects qui font le débat le plus vif dans les différentes organisations et surtout au même moment.

Un Camarade a dit : "j'étais convaincu que nous avons avancé et maintenant je m'interroge" ! Je voudrais simplement faire remarquer que les avancées que nous avons faites avant, pendant et depuis le 44e congrès, se sont bel et bien faites sur la base de confrontations d'idées, de débats. Ne nous étonnons pas d'avoir des débats vifs dès l'instant où nous continuons à avancer. Sommes-nous loin du compte ? Assurément nous le sommes encore par rapport à ce que nous avons décidé. Je demande à tous et toutes de faire effort de réflexion.

Chacun et chacune doit comprendre et mesurer que tout comportement qui consiste à mettre l'accent seulement sur ce qui l'arrange, ou sur ce qu'il croit être l'essentiel du 44e congrès et seulement là-dessus, fait du tort à la bataille engagée pour la mise en œuvre d'ensemble de la démarche du 44e Congrès. Or, c'est une tendance qui nous guette ; c'est pour cela que j'attire l'attention de tout le monde.

Il ne peut y avoir plusieurs lectures

Il n'est pas possible d'admettre comme une chose normale d'avoir plusieurs lectures du 44e congrès. Il ne peut pas y avoir plusieurs lectures du 44e congrès. Mais, le terrain sur lequel il doit être mis en œuvre est le contraire d'un terrain uniforme, d'un état d'esprit uniforme, d'une histoire uniforme.

Alors, admettons que cette mise en œuvre nécessite, entraine et provoque des remous. C'est pourquoi, à un certain moment, parce que nous sommes l'organisme dirigeant de la CGT, avec une responsabilité particulière, nous avons le devoir de prendre le temps de s'arrêter et de dire : là, il faut pousser plus loin le débat.

J'ai bien écouté les propositions qui ont été faites par plusieurs camarades. Je dois vous dire que l'on va avoir, ensemble, à prendre des décisions lourdes. Soit, il faudra recourir à des commissions exécutives plus longues, soit on risque de ne pas réussir à traiter les sujets de la façon dont vous souhaitez.

Par exemple, je partage complétement ce qui a été dit sur la santé et la protection sociale. Il faudra prendre les dispositions pour le faire.

Un camarade disait : "Avions-nous pris à l'époque la dimension de ce que nous décidions ?". Je prends cette réflexion à mon compte, mais je ne dis pas "à l'époque" ! Personne ne doit se considérer comme protégé, dispensé, à commencer par le secrétaire général, dans les efforts à poursuivre.

La grande idée force de notre 44e congrès : c'est la nécessite de faire du syndiqué l'acteur décisif de la mise en œuvre de la démarche, pour que le salarié puisse décider. C'est beaucoup plus qu'une révolution culturelle. C'est un bouleversement complet de nos conceptions de fonctionnement. De la place et du rôle de chacun, pas seulement en tant qu'individu mais en tant qu'organisation, en tant que rapports entre organisations, en tant que conception du travail. Or, nous en sommes seulement aux premiers balbutiements. Plus le débat se développe, plus j'en suis profondément convaincu. Car ce qui domine dans tous les aspects que je viens d'évoquer c'est encore l'ancien. Du point de vue des méthodes, des pratiques, des conceptions. Et ce n'est pas pour autant que nous sommes tous et toutes des "mauvais".

Il faut mesurer ce que représente le poids de la culture des uns et des autres, en tant qu'individu et en tant qu'organisation.

Nous avons besoin d'un grand CCN

Nous allons donc vers le CCN sur la base du compte rendu des travaux, à partir de ce que j'ai entendu dans plusieurs interventions, j'en appelle aux membres de la commission exécutive sur leurs responsabilités personnelles pour aider à faire prendre conscience dans toutes nos organisations, que les débats qui sont posés, sont de vrais débats, de vraies questions portant de vrais enjeux.

Que l'objectif de la décision de la commission exécutive ce n'est pas de s'étriper mais de bien éclairer les questions, d'en discuter et d'avancer. C'est de la qualité de ces débats que dépend la qualité des travaux du CCN.

Nous avons besoin d'un grand CCN. En lien avec l'enjeu, de la qualité des décisions qu'il sera amené à prendre, de la qualité des propositions de forme nouvelle de travail. Le bureau confédéral a commencé à discuter une partie de sa réunion d'hier. Nous considérons évident que le bureau confédéral a une responsabilité particulière pour améliorer et le secrétaire général a aussi une responsabilité particulière.

Dans la façon dont travaille le bureau confédéral, il y a beaucoup d'insatisfactions, légitimes, qui se sont exprimées. Nous avons déjà dit la façon dont nous devons faire évoluer la qualité des rapports entre le bureau confédéral et les organisations de la CGT. Le problème est que nous ne l'avons pas fait. Il faut absolument se donner les moyens pour y parvenir.

Nous avons décidé une nouvelle réunion le 8 septembre, avec l'objectif de formuler un certain nombre de propositions pour modifier la qualité de notre travail. Ceci devrait nous permettre de répondre à ce besoin, même si on ne peut pas tout régler en une seule fois. Nous aurons donc l'occasion d'en discuter avec la commission exécutive. Je crois que cela intéresse et concerne tout le monde. Nous partons donc de cette commission exécutive avec la conviction, que ce que nous avons engagé, nous devons le conduire à la fois avec dynamisme esprit de responsabilité, volonté commune de tout faire pour qu'au bout cela soit la CGT qui gagne et en particulier la capacité de mobilisation de la CGT.

Les interventions qui ont été faites sur la façon de se situer dans l'actualité me dispensent d'un développement, puisqu'il y a un très large accord, nous allons construire ensemble la meilleure façon de faire en sorte que les mois de juillet et d'août soient une contribution au développement du processus revendicatif, au rassemblement et à la montée de la combativité.

Il s'agit bien de faire grandir partout en convergence, en s'adaptant aux différentes situations, en saisissant les différentes opportunités, en ayant le comportement disponible qui doit être le nôtre pour donner de la dynamique au mouvement.

Je ne considère pas inutile de souligner ce qu'a dit Gérard Delahaye par rapport à la discussion au Conseil national de l'Ugict à propos d'une initiative au quatrième trimestre. C'est intéressant, car à mon avis, la discussion dans l'Ugict, peut se produire dans une fédération : c'est le problème de l'articulation entre les initiatives, que cela soit les initiatives de l'Ugict, en tant qu'organisation spécifique ou d'un secteur particulier, ou d'une branche particulière. Je suis en complet accord avec la façon dont le conseil national a répondu à la question qui a été posée. Car la pire des choses cela serait d'opposer, car nous avons besoin de nourrir et de faire grandir tout ce qui contribue à élever le niveau de conscience, de combativité, le niveau d'engagement. Mais encore faut-il ne pas se tromper sur ce qu'on vise.

Je crois que le débat comparatif entre plusieurs initiatives qui pourrait s'expliquer ou se justifier si l'objectif vers lequel nous travaillons se résumait à une journée, à un grand soir, un grand moment de mobilisation. Mais ce n'est pas à cela que l'on travaille. On travaille à construire quelque chose de profond, de fort, de durable, et qui nous permette de rassembler large.

Notes : (1) Voir en annexe


Annexe

Lettre du bureau confédéral à la commission exécutive

Le bureau confédéral a discuté des travaux du CCN et des débats qu'ils ont suscités.

Réaffirmant la pleine validité des orientations du 44e congrès, confirmées par l'évolution de la situation, le bureau confédéral souligne l'importance du rapport présenté en son nom par Michelle Commergnat et voté à l'unanimité par le CCN.

Les travaux du CCN, au travers de l'ensemble du débat et des problèmes soulevés par l'intervention du secrétaire général en clôture, ont mis en évidence des questions qui concernent la commission exécutive et toute la CGT.

L'interprétation de certaines interventions conduit le bureau confédéral à attirer l'attention sur la nécessité de ne pas retomber dans les dérives dénoncées au CCN de juin 1991 et au 44e congrès.

Sachons discuter loyalement, en respectant des règles de débat qui impliquent l'écoute vraie des arguments avancés, qui rejettent toute classification des militants alors que tout est aujourd'hui en mouvement.

Le bureau confédéral estime indispensable de pousser la réflexion collective au sein de toutes les organisations de la CGT sur les initiatives à mener pour faire vivre pleinement le 44e congrès et engager les changements nécessaires dans nos méthodes de travail, dans nos modes de vie, aussi bien à l'entreprise que dans toutes les directions syndicales.

En lien, bien sûr, avec l'appréciation de la situation économique et sociale dans sa phase actuelle, la mobilisation, le rassemblement et l'unité dont tout confirme l'urgence et aussi les potentialités, il semble utile que la prochaine commission exécutive débatte de manière approfondie des thèmes suivants, notamment :

Quels sont les enjeux et les potentialités de mise en œuvre du 44e congrès aujourd'hui ?

Existe-t-il le risque d'une CGT hésitante et menacée d'accompagner ou de cogérer des politiques de crise ?

Quelle place et quelle dynamique des diversités, des spécificités et des convergences pour une large prise en compte des besoins des travailleurs ?

Quel sens et quelle signification aujourd'hui de la démarche offensive énoncée au 44e congrès où "la revendication devient un élément de proposition et la proposition fortifie la revendication pour couvrir toute la dimension du combat syndical" ?

Comment avancer dans la construction d'un véritable processus d'action unitaire en France, en Europe, quelle démarche et quelles initiatives de la CGT pour y contribuer avec audace et dynamisme ?

Quelle appréciation de l'état de nos forces ? Comment les faire évoluer en rapport avec nos ambitions et les enjeux du syndicalisme ? Quel renouvellement et quel développement d'une vie syndicale démocratique, facteur d'engagement réel des salariés dans la prise en mains de leur intérêt ? Ne s'agit-il pas d'une question absolument déterminante pour l'ensemble de notre activité syndicale et pour l'avenir de la CGT ?

Que signifient dans ce contexte la vocation et le rôle du syndicalisme CGT ?

La conquête de nouvelles avancées exige absolument de clarifier à la lumière de l'expérience et après le CCN les éléments du débat en cours dans la CGT.

L'ambition du 44e congrès est grande. Elle implique le développement d'une activité dynamique et offensive avec le plein souci de la meilleure efficacité.

Viser cet objectif, se placer en position de l'atteindre, démontre l'importance grandissante des responsabilités de la CGT.

Cela implique un engagement dynamique de toutes ses organisations, de tous ses militants dans la construction d'un rapport de forces plus favorable pour le monde du travail.

Approfondir les questions mises en exergue au cours du CCN afin de dégager collectivement des réponses offensives et rassembleuses, est une condition déterminante de ce développement.

L'ambition de tous et de chacun doit être de mener cette discussion avec le souci de la compréhension et du respect mutuel.

Des opinions différentes existent, et parfois des désaccords ? Comment s'en étonner et pourquoi devrions-nous les dramatiser ? Cela fait partie de la vie, de la démocratie et ne doit pas freiner ou bloquer la démarche et les actions à mener.

La CGT, le monde du travail, ont besoin que ce débat progresse de manière constructive avec la volonté de rechercher la plus grande efficacité de notre activité syndicale à partir du fondement même de ce qui la caractérise : la défense de nos intérêts de salariés.

Le bureau confédéral propose que tel soit l'état d'esprit qui préside aux travaux de la prochaine commission exécutive.