Texte intégral
Il y a très exactement un an, je présidais la cérémonie de sortie de la 47ème promotion des commissaires de police. J'incitais vos prédécesseurs à se comporter comme les “hussards de la République”. En effet, la police est souvent ce qui reste de la République quand les autres Institutions ne parviennent plus à jouer leur rôle. C'est là, la marque d'un temps de crise et nous ne devons pas nous résigner à ce constat. Mais cela donne aux policiers de grands devoirs.
Le Gouvernement et moi-même avons une grande ambition pour la police nationale.
L'objectif est clairement de faire de la sûreté un droit réel pour tous, de réduire massivement la petite délinquance, de rétablir la paix civile là où elle est menacée et d'apporter à nos concitoyens la protection de la loi républicaine.
Vous serez les acteurs de cette nouvelle politique de sécurité publique.
Aussi souhaiterais-je vous exposer l'idée que je me fais de votre métier et des défis que vous aurez à relever.
I Le métier de commissaire de police.
Vous êtes des femmes et des hommes d'origine diverse. Pour certains, vous êtes issus des corps de la police nationale, pour d'autres de l'université. Vous êtes cependant animés par un idéal commun, celui du service public. Vous avez choisi le métier de commissaire de police pour servir votre pays.
Vous avez été préparés aux missions par 1'Ecole Nationale supérieure de la Police de St-Cyr-au-Mont d'Or pendant 2 ans. Votre scolarité a été sanctionnée par un diplôme de 3ème cycle universitaire, le diplôme d'études supérieures spécialisées de droit et de politique de la sécurité, délivré par l'université de LYON III. Vos compétences juridiques et techniques acquises font ainsi de vous des professionnels de la sécurité.
Vous franchissez une étape – prestigieuse, certes – mais qui doit avoir un prolongement. Il faudra vous adapter sans cesse à l'évolution du droit, des techniques mais aussi des courants d'idées. Vous ne pouvez-vous contenter d'être de purs techniciens. Je vous encourage donc accomplir pendant votre cursus professionnel l'effort personnel de constantes mises à jour de vos connaissances professionnelles. Ne considérez pas que votre formation s'achève aujourd'hui.
Vous exercez un métier à dominante juridique et humaine. Ceci doit vous conduire à vous intéresser aux grands débats de notre société et à les appréhender avec un regard de policier vivant au cœur de la cité. Vous serez des policiers citoyens, des hommes et des femmes de conviction, à l'action ferme mais réfléchie.
Vous avez choisi le nom du commissaire principal Arsène GROSDEMANGE comme éponyme de votre promotion. Voici un bel exemple d'engagement personnel et d'attachement aux valeurs de la République, celui d'un policier d'exception, issu du rang, plusieurs fois blessé en service. Un “juste” qui s'est illustré dans la résistance, qui a été incarcéré, torturé et assassiné par l'occupant nazi. Je m'associe pleinement à votre hommage et je vous demande de garder présent dans votre mémoire son sacrifice pour la juste cause de la liberté. Je salue respectueusement les membres de sa famille et, en particulier, sa fille, qui honorent de leur présence cette cérémonie.
Comme lui, vous devrez être exemplaires. Vous savez combien je suis extrêmement attentif au respect des règles de déontologie par les policiers. J'ai présenté et défendu le 4 juin dernier, devant l'Assemblée nationale, le projet d'un conseil supérieur de déontologie de la sécurité, une instance unique chargée de veiller au respect de la déontologie par toutes les personnes exerçant des missions de sécurité sur le territoire de la République. Vous devrez vous astreindre à une observance rigoureuse et permanente de ces règles.
Vous devrez également faire preuve d'autorité, d'aptitude au dialogue et de capacité d'écoute. Vous vous assurerez de la bonne circulation de l'information professionnelle ainsi que de la qualité des rapports sociaux et humains à l’intérieur de vos services. Les représentants du personnel seront par nature vos interlocuteurs et vous veillerez à entretenir un dialogue social constructif. Il s'agit d'un exercice de cohérence qui fera de vous non seulement le chef mais aussi et surtout un repère.
Ayez toujours à l'esprit que les hommes et les femmes qui vous secondent payent chaque année un lourd tribut à la République. Cela mérite que vous leur accordiez attention et disponibilité quand ils vous exposent leurs difficultés, qu'elles soient professionnelles ou personnelles.
Je vous rappelle qu'en 1997, nous avons déploré plusieurs décès en mission lors d'actions de police. Nous avons eu à compter 4570 blessés, chiffre inquiétant car en forte progression par rapport à celui de l’année précédente. Cette année encore, et tragiquement, 5 policiers ont été tués en action de police. Je suis également préoccupé par le nombre de suicides de policiers et je reste attentif, comma vous devrez l'être, aux circonstances de ces gestes de désespoir.
Vous serez aussi les “porte-parole” de votre service vis-à-vis des autorités administratives, des élus, du public et de la presse. La communication n'est pas une fin en soi mais elle peut conditionner le succès de l'action. Sans complexe et avec discernement, il vous faudra assumer ce rôle.
Votre action se situe à la convergence des pouvoirs administratifs et judiciaires et, sous cette double autorité, il vous appartiendra de faire respecter les impératifs de l'ordre public et de la sécurité publique et d'assurer vos missions de police judiciaire.
II Les défis à relever
Je veux maintenant aborder en quelques minutes les 3 défis auxquels nous sommes confrontés : le développement de la police de proximité, la relance d'une politique sociale et le nouvel élan pour la formation.
Il -I- Le développement de la notice de proximité :
Dès le 19 juin 1997, le Premier Ministre, répondant à une attente forte des Français, fixait l'objectif d'une sécurité “égale pour tous”. Cette priorité gouvernementale nous impose une obligation de résultat.
J'entends que ce principe de sécurité égale pour tous, qui passe par la réduction massive de la petite délinquance et le rétablissement de la paix civile dans les quartiers où elle est menacée, devienne une réalité. Vous aurez un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de cet objectif et il faudra l'expliquer aux personnels.
Des jeunes rejoindront vos services pour participer votre action. Je vous demande d'être attentifs à leur intégration dans les services, à la définition des tâches qui leur sont assignées et au choix des fonctionnaires actifs les encadrant. J'insiste particulièrement sur l'importance du tutorat. Choisissez bien leurs tuteurs.
Quant aux agents locaux de médiation sociale, leurs fonctions sont clairement identifiées afin d'éviter toute confusion avec celles de la police, de la gendarmerie ou des polices municipales. Faites en sorte qu'ils soient considérés dans vos services comme des partenaires à part entière de la police nationale.
Veillez également à la bonne qualité des contrats locaux de sécurité. La signature du CLS est précédée par un diagnostic local de sécurité, outil novateur qui ne se limite pas à la simple collecte des statistiques, mais analyse en profondeur la nature du sentiment d'insécurité ou de celui de l'impunité. La qualité de ce diagnostic est essentielle pour la réussite du contrat local de sécurité. Vient ensuite l'ouverture nécessaire sur les autres partenaires de la sécurité : justice, gendarmerie, Education Nationale, protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux, collectivités locales, associations, bailleurs sociaux. Une police moderne doit être ouverte au dialogue. La qualité de la relation à la population est le meilleur gage de l'efficacité de l'action de police.
II - 2 - La relance de la politique sociale
J'attache également beaucoup d'importance à la rénovation des relations sociales et hiérarchiques, dans les services, et je serai très attentif à ses résultats.
J'ai confié à Monsieur Jean-Marie ALEXANDRE, Président du Crédit Social des Fonctionnaires, une mission d'analyse et de propositions qui permettra au Ministère de définir une politique sociale digne de ce nom.
Quatre thèmes ont retenu mon attention : le renforcement de la protection juridique, médicale et sociale des policiers ; les conditions de travail et de vie dans les services ; les conditions de vie familiale ainsi que la place et le rôle de la police dans la société.
Les propositions qui me seront transmises dans le courant de l’été serviront de bases à l'élaboration d'une programmation pluriannuelle.
II- 3 - Le Nouvel élan pour la formation
Vous allez connaître enfin un très profond renouvellement de la police nationale : 26 300 départs en retraite de policiers actifs, dans les 5 prochaines années ! Ajoutons à cela 20 000 adjoints de sécurité et surtout les nécessités de la formation continue. La formation des nouveaux agents de notre police est donc impérieuse.
J’ai décidé la création d'une Direction de la Formation qui aura pour mission de préparer les nouveaux policiers, et de donner un nouvel essor à la formation continue des anciens.
J'organiserai à l'automne les assises nationales de la formation et de la recherche dans la police nationale. Nous ferons alors l'inventaire des besoins.
Mes priorités seront les suivantes :
– la préparation à la qualification d'officier de policier judiciaire de 8000 membres du corps de maîtrise et d'application en 3 ans,
– la formation spécifique au traitement de la délinquance des mineurs de 17.800 policiers de sécurité publique dans les 2 années,
– la formation au phénomène des violences urbaines.
Sachez, vous aussi, prendre des initiatives de formation continue sur site. Je vous assure par avance de tout le soutien pédagogique, logistique et humain possible de la Direction de la formation.
N'oubliez pas, enfin, que former ce n’est pas seulement transmettre des connaissances et des techniques mais aussi des valeurs et une éthique républicaines.
Mesdames et Messieurs les Commissaires de police de la 48ème promotion, vous allez maintenant recevoir, en votre qualité de magistrat de l'ordre administratif et judiciaire l’écharpe tricolore, symbole de votre autorité mais aussi de votre devoir. Montrez-vous en dignes. Soyez les fidèles serviteurs des libertés publiques qui sont au fondement de l'ordre républicain. C'est ainsi que vous remplirez votre vocation : servir vos concitoyens et votre pays.