Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat chargé du logement, sur l'action gouvernementale en matière de voies navigables, Saint-Maurice le 10 juillet 1998.

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Circonstance : Inauguration du barrage de Saint-Maurice et Maisons-Alfort (Val de Marne), le 10 juillet 1998

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Régional,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord d’excuser Jean-Claude GAYSSOT qui, retenu par une réunion gouvernementale, m’a demandé de vous transmettre ses regrets de ne pouvoir participer à cette inauguration.

D’autant plus que, vous le savez, les voies navigables sont un des éléments forts du rééquilibrage entre modes de transports et que la politique menée par ce gouvernement veille à lui redonner toute sa place. Ce qui est particulièrement nécessaire.

Les voies navigables sont dans notre pays à l’image de ce barrage ultramoderne de Saint-Maurice, construit aujourd’hui pour remplacer un ouvrage vieux de presqu’un siècle.

En effet, nos voies d’eau constituent un patrimoine collectif marqué par une longue histoire en même temps que riche d’enjeux pour l’avenir. Cet avenir, il nous appartient de le construire, en tenant compte du passé, et en faisant un effort à la fois d’imagination et de réalisme.

Or le futur immédiat se présente à nous sous forme d’échéances importantes. D’une part, un vaste mouvement de changements dans les transports est engagé à l’échelle européenne, qui doit nécessairement s’accompagner d’effort de modernisation. D’autre part à l’occasion de la révision de la loi d’orientation sur l’aménagement et le développement du territoire, un grand débat va être engagé sur les transports et les déplacements. Il s’agira de fonder, après la concertation indispensable aux différentes échelles du territoire, les schémas de services, pour les voyageurs et pour les marchandises. Ces schémas constitueront les documents stratégiques de planification de manière à éclairer les perspectives à 15-20 ans, ce qui est nécessaires pour préparer la programmation des prochains contrats de plan.

Il importe donc de préparer le secteur du transport fluvial à ces grands rendez-vous.

I — Ceci signifie d’abord donner la priorité à la restauration du réseau.

La priorité que souhaite donner le Gouvernement à la restauration de quelques 7 500 km de voies navigables gérées par VNF et l’Etat s’appuie sur plusieurs constatations.

D’une part ce réseau est dans un état globalement insatisfaisant, par suite d’un manque d’entretien sur une longue période.

D’après les estimations établies par les service du ministère et l’établissement public des voies navigables de France, il faudrait investir environ 7 milliards de francs pour assurer sur l’ensemble du réseau un niveau de service correspondant à l’accueil du trafic existant. Les retards accumulés sont importants, il faut que chacun en ait conscience.

D’autre part les usages du réseau ont considérablement évolué en quelques années. Alors que les voies navigables ont pour la plupart été construites pour assurer du transport de marchandises, il apparaît que cette fonction n’est plus dominante aujourd’hui que sur un quart environ du réseau, essentiellement sur les voies dites à grand gabarit, qui assurent à elles seules plus de 80 % du trafic. Parallèlement, le tourisme fluvial a pris un réel essor depuis une vingtaine d’années dans les villes et dans certaines régions.

Enfin, les transferts d’eau assurés par les canaux permettent de satisfaire des besoins urbains, industriels, agricoles. Plus généralement, les canaux jouent un rôle important en matière d’environnement et de cadre de vie. Ce sont là des enjeux importants pour la collectivité, qui sont trop souvent mal connus et insuffisamment pris en compte y compris par ceux qui en tirent profit.

La reconstruction du barrage de Saint-Maurice Maisons-Alfort nous apporte aujourd’hui un excellent exemple de cette diversité d’enjeux : transport de marchandises, navigation de plaisance, loisirs, mais aussi aménagement urbain, gestion du milieu naturel, régulation des crues, etc.

La définition des objectifs pour l’avenir de notre réseau doit donc tenir compte des différents usages des voies d’eau que j’ai évoqués.

Les efforts de l’Etat et de VNF doivent, en partenariat avec les collectivités territoriales, porter en priorité sur la restauration des voies présentant un intérêt majeur pour le transport et le tourisme, l’objectif étant de la mener à bien en une dizaine d’années.

Le Fonds d’Investissement des Transports Terrestres et des Voies Navigables (FITTVN) dont le comité de gestion s’est réuni le 8 juillet s’est saisi de cette discussion d’orientation.

Une telle démarche implique bien sûr un dialogue approfondi et systématique entre l’Etat, VNF et les collectivités territoriales, pour définir et mettre en œuvre une approche commune et constituer un partenariat dans le cadre des compétences respectives de chacun.

En ce qui concerne l’Ile-de-France, où nous sommes aujourd’hui, un tel partenariat a déjà été initié à travers la participation du conseil régional au financement de la restauration d’un certain nombre d’ouvrages de navigation, comme celui que nous inaugurons aujourd’hui. Cela se justifie dès lors que près de 10 % du trafic de marchandises dans la région emprunte la voie d’eau, et que la Seine constitue une infrastructure de grande capacité reliant le cœur de l’Ile-de-France aux ports normands et au delà.

C’est pourquoi le Gouvernement répond favorablement au vœu du Président Huchon d’associer davantage la région aux différents aspects d’une politique de valorisation du transport fluvial en Ile-de-France. Le dialogue s’établira à cette fin dans le cadre de la préparation des prochains contrats de plan entre l’Etat et les régions, ce qui du côté de l’Etat se fera sous la conduite de la direction régionale de l’équipement, avec le concours de VNF et du Port autonome de Paris.

II — L’aménagement des fleuves doit aussi, et l’ouvrage que nous inaugurons aujourd’hui en témoigne, être l’occasion de réintroduire l’eau dans la vie urbaine.

Les fleuves ne comptent-ils pas parmi les éléments majeurs de notre patrimoine non seulement urbain, mais culturel.

On sait l’importance du phénomène fluvial dans la reconstruction d’une ville plus agréable. Ainsi la reconquête des bords de l’eau, par un traitement approprié des berges et des ouvrages d’art que sont les barrages ou les ponts, améliore la diversité récréative de nos agglomérations.

Réintroduire l’eau dans la ville en la rendant accessible aux citadins constituent donc un objectif d’aménagement qui concilie agrément et maîtrise du fleuve. L’eau est en effet une source de qualité de vie urbaine qu’il importe de ne pas négliger.

L’eau, le fleuve, éléments positifs, mais n’oublions pas qu’ils peuvent aussi être parfois sournois. Je sais les problèmes liés aux inondations qui font aujourd’hui débat. Veillons à trouver l’équilibre entre l’obligeante nécessité de la sécurité et le besoin de traiter les espaces urbains stratégiques.

Je voudrais rappeler également aujourd’hui combien l’aménagement de la Seine Amont nous tient à cœur, à Jean-Claude GAYSSOT et moi-même. La signature de trois contrats de développement urbain, en avril dernier, a été l’occasion de marquer l’importance d’une approche globale de l’aménagement et du développement autour des thèmes de l’environnement, de l’amélioration de la qualité de vie, des équipements publics, de la valorisation des patrimoines, de l’habitat, des déplacements, de la politique foncière…

C’est en effet par un aménagement raisonné que nous pourrons, tous ensemble, reconstruire la ville sur la ville et offrir à tous les habitants un cadre de vie renouvelée.

III — Il nous faut aussi préparer les choix en matière de grands projets d’infrastructures nouvelles.

En ce qui concerne ces grands projets, il est utile de préciser le cadre et la logique dans lesquels les décisions du Gouvernement seront prises.

Le cadre sera constitué par le futur schéma multimodal de services collectifs de transport de marchandises. La logique sera celle d’une politique des transports résolument pluri et inter-modale, basée sur la valorisation des atouts de chaque mode, sur l’organisation de leur complémentarité et sur des choix cohérents en matière de financement et d’exploitation des infrastructures.

S’agissant de Seine-Nord, une étape très importante a été franchie avec la concertation locale sur le choix du tracé, qui s’est déroulée dans des conditions exemplaires, pour un sujet aussi difficile, grâce à une participation soutenue de l’ensemble des acteurs locaux.

Le rapport établi par le préfet coordonnateur, préfet de la région Picardie, a été transmis au ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement. Les enseignements de cette concertation vont être analysés pour dégager une solution optimale, en prenant en compte l’ensemble des facteurs techniques environnementaux, économiques et financiers.

Parallèlement, un certain nombre d’aspects font maintenant l’objet d’analyses spécifiques. Il s’agit en particulier de l’évaluation socio-économique du projet et des aménagements connexes sur l’Oise et l’aval de Compiègne et sur le canal Dunkerque-Escaut, ainsi que de l’appréciation de l’impact du futur canal sur les ports normands et Dunkerque.

C’est sur la base de ces éléments en cohérence avec les orientations des schémas nationaux que seront élaborées les décisions gouvernementales concernant le contenu et le calendrier des prochaines étapes du projet.

Quant au projet Seine-Est qui constitue en quelque sorte l’autre grand projet, les études dites « de cadrage » sont en train d’aboutir. Les premiers éléments des prévision de trafic viennent d’être communiqués par Voies navigables de France aux représentants des collectivités territoriales partenaires des études. Des éléments complets devraient pouvoir être formalisés après l’été, de manière à pouvoir également les intégrer dans les travaux de préparation des schémas de services multimodaux.

Il importe en effet de préparer sérieusement l’avenir.

IV — Dans le même temps il nous faut poursuivre la modernisation de la profession en adaptant notre dispositif d’accompagnement.

Nous sommes aujourd’hui face à des échéances très importantes pour la profession.

En effet, le régime du tour de rôle obligatoire pour les contrats au voyage prendra fin en 1999, en application de la loi du 12 juillet 1994 relative à l’exploitation commerciale des voies navigables et de la directive européenne sur le transport fluvial.

Les artisans manifestent sur ce sujet leurs inquiétudes et leurs interrogations, dues aux difficultés actuelles de la profession, mais aussi sans doute à un manque de perspectives claires. Il faut donc mettre ce dossier à plat et créer les conditions pour une amélioration de la situation des bateliers grâce à la dynamisation du transport fluvial.

C’est pourquoi, un groupe de travail va être constitué sous la présidence de l’ingénieur général HOSSARD, avec les services du ministère, VNF et les professionnels concernés. Cette instance aura pour mission d’arriver à des résultats concrets, en recherchant des accords contractuels susceptibles de mobiliser la profession autour d’une démarche et d’un calendrier préparatoires à la fin du tour de rôle.

Pour accompagner les mutations en cours, l’Etat et VNF ont développé un effort particulier pour répondre dès cette année aux attentes de la profession notamment par : un abondement exceptionnel des crédits consacrés à ce que l’on appelle le « déchirage », un soutien à la constitution de groupements par les artisans et des mesures en faveur des jeunes pour faciliter leurs installation dans la profession.

D’une manière générale, il est indispensable de réorienter résolument les stratégies des transporteurs et les actions des pouvoirs publics d’une logique d’assainissement qui a prévalu vers une logique de modernisation, tant du matériel que de l’organisation commerciale, au service d’une meilleure compétitivité dans un environnement qui est concurrentiel.

Sur l’ensemble de ces dossiers concernant la mobilisation de toute la profession est nécessaire et le rôle de la Chambre nationale de la batellerie artisanale dont le financement vient d’être élargi est tout à fait décisif pour franchir les étapes à venir.

V — Enfin, je veux souligner que pour mener à bien cette politique ambitieuse nous disposons des services de l’Etat que sont les services de navigation et de l’établissement public « Voies navigables de France ».

Le Conseil d’administration de Voies navigables de France vient d’être renouvelé et son président, M. BORDRY, reconduit. Je saisis l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour vous féliciter.

Les orientations principales de l’établissement visent à consolider les acquis d’un organisme désormais adulte et à progresser encore dans la mise en œuvre d’une politique fluviale à la fois réaliste et ambitieuse.

Les interventions de VNF en matière de voies navigables s’inscrivent totalement dans le cadre des politiques menées par l’Etat dans plusieurs domaines tels que les transports, l’environnement, l’aménagement du territoire, le tourisme, etc. En ce qui concerne les transports, VNF contribue par ses capacités d’expertise à éclairer les choix qui relèvent de l’Etat, dans la recherche d’une approche véritablement intermodale de la construction, de l’entretien et de l’exploitation des réseaux d’infrastructure.

Pour mener à bien la réalisation de ces missions, l’Etat dispose des 5 000 agents des services de navigation qui s’occupent des voies navigables, assurent la responsabilité directe du bon fonctionnement du service public vis-à-vis de l’usager. Les savoir-faire multiples qu’ils ont acquis dans l’exercice de cette responsabilité représentent un capital exceptionnel. Leurs compétences, leur sens du service public, leur valeur ajoutée sont certainement trop méconnus.

Je veux souligner ici l’importance du travail fait jour après jours par le service de navigation de la Seine qui assure des missions aussi essentielles que diversifiées à l’échelle de tout le bassin parisien.

En conclusion, je retiendrai que la politique des voies navigables a souffert dans le passé et souffre sans doute encore aujourd’hui dans notre pays d’un manque de crédits mais aussi et peut être d’abord d’un manque de lisibilité ce qui peut conduire aussi bien à la tentation du repli sur soi. Les conditions me semblent aujourd’hui réunies pour infléchir puis inverser le cours de l’histoire. Chacune des collectivités a, en la matière, sa part de responsabilité et souhaite dans son champ de compétence reconquérir son fleuve.

Il importe que chacun prenne conscience que l’Etat a aujourd’hui pour les voies navigables une réelle ambition : faire grandir la part du transport fluvial dans l’ensemble des transports terrestres, pour cela donner des moyens plus importants et développer une politique active de soutien.

L’équipement que nous inaugurons aujourd’hui s’inscrit bien dans cette démarche respectueuse de toutes les fonctions du fleuve.